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Rapport d'enquête maritime A93P0131

Sortie de piste
Canair Cargo Ltd.
Convair 580 C-GQHB
Tofino (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Convair 580 effectuait un vol entre Vancouver et Tofino (Colombie-Britannique) avec quatre membres d'équipage et 47 passagers à bord. À Tofino, l'avion s'est posé à peu près à mi-piste sur la piste longue de 5 000 pieds. L'avion est sorti en bout de piste, et s'est immobilisé à 150 pieds passé l'extrémité de piste. Personne n'a été blessé; l'avion a subi des dommages importants.

Le Bureau a déterminé que le profil de descente adopté pendant l'approche ne permettait pas à l'avion d'atterrir en toute sécurité. Le commandant de bord a décidé de continuer l'approche plutôt que de l'interrompre, et l'avion a touché des roues trop loin sur la piste pour pouvoir s'immobiliser sur la piste. Un contrôle inadéquat des opérations aériennes en dehors de la base principale de la compagnie, tant par le transporteur aérien que par Transports Canada, a contribué à l'accident.

NUMÉRO DE DOSSIER - A93P0131
TYPE D'ÉVÉNEMENT - sortie de piste (accident)
DATE - 21 juillet 1993
HEURE LOCALE: Tofino (Colombie-Britannique)
LIEU - 17 h 40 HAP
TYPE D'AÉRONEF - Convair 580
IMMATRICULATION - C-GQHB
TYPE D'EXPLOITANT - tranporteur aérien
GENRE DE VOL - affrètement intérieur
DOMMAGES - importants
LICENCE - pilot de ligne - avion

Commandant De Bord
HEURESS DE VOL 90 derniers jours Total
Tous types 120 5,700
Type en cause 120 2,700
Copilote
HEURESS DE VOL 90 derniers jours Total
Tous types 124 2,528
Type en cause 124 452
VICTIMES Équipage Passagers
Tués - -
Blessés graves - -
Blessés légers - -
Indemnes 4 47

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le Convair 580, immatriculé C-GQHB, du vol 801 de Canair Cargo est parti de Vancouver (Colombie-Britannique) à 17 h 5, heure avancée du Pacifique...

  1. Les heures sont exprimées en HAP (temps universel coordonné [UTC] moins sept heures), sauf indication contraire.
  2. Voir l'annexe E pour la signification des sigles et abréviations.

...(HAP)1, pour effectuer un vol d'affrètement à destination de Tofino. L'avion transportait deux pilotes, deux agents de bord, 47 passagers et environ 1 200 livres de fret.

L'avion a d'abord été guidé à l'aide de vecteurs radar, puis il s'est dirigé directement vers le radiophare non directionnel (NDB)2 de Tofino. Vers 17 h 28 HAP, l'avion a été autorisé à effectuer une approche sur l'aéroport de Tofino. L'équipage de conduite a décidé d'effectuer l'approche aux instruments NDB A sur Tofino, et il a transmis par radio ses intentions à la station d'information de vol (FSS) de Nanaimo par l'intermédiaire de l'installation radiotélécommandée (RCO) de Tofino. L'équipage a effectué la transmission voulue sans accusé de réception sur la fréquence de trafic d'aérodrome (ATF) de Tofino.

Au terme de l'approche aux instruments, l'avion a touché des roues à peu près à mi-piste sur la piste 28 longue de 5 000 pieds, et il est sorti en bout de piste. L'avion a fini sa course à 150 pieds au-delà de l'extrémité de piste. L'équipage a coupé les deux moteurs et, après avoir déterminé que les passagers pouvaient sortir de l'avion sans danger, il a abaissé l'escalier escamotable et a procédé à l'évacuation. Personne n'a été blessé.

1.2 Qualifications des membres de l'équipage de conduite

1.2.1 Le commandant de bord

Le commandant de bord avait obtenu ses licences de pilote privé et de pilote professionnel en 1984. Avant 1989, il avait piloté de gros avions à turbomoteurs à l'étranger. En 1989, il avait piloté les SA-226 d'une compagnie basée à Toronto (Ontario). Il avait obtenu une annotation de type sur Convair 580 en 1990 avant de devenir commandant de bord en juillet 1990. Il est entré chez Canair Cargo Ltd. en juillet 1990 en qualité de copilote sur Convair 580, et il est devenu commandant de bord en juin 1991. Sa vérification de compétence pilote (PPC) la plus récente sur Convair 580 remontait au 18 janvier 1993, et il avait réussi tous les points de la vérification avec une note satisfaisante.

Il s'agissait du deuxième vol du commandant de bord à destination de Tofino. Le premier vol avait été effectué plus tôt le même jour alors que la copilote avait atterri sur la piste 15 en utilisant le même braquage de volets (volets sortis à 28 degrés). Le braquage (volets sortis à 40 degrés), qui est l'autre braquage disponible des volets pour l'atterrissage, améliore la distance d'atterrissage.

1.2.2 La copilote

La copilote avait obtenu la licence de pilote privé en 1986, la licence de pilote professionnel en 1987, et les annotations multimoteurs et vol aux instruments en 1988. Depuis 1989, elle avait piloté un certain nombre de types d'avion, y compris le Convair 580, en Colombie-Britannique, et elle connaissait bien l'aéroport de Tofino. Elle travaillait chez Canair Cargo Ltd. comme copilote depuis avril 1993.

Sa vérification de compétence la plus récente sur Convair 580 avait eu lieu en mai 1993; le pilote vérificateur avait alors noté qu'en général, il s'était agi d'une bonne vérification et qu'il en avait été de même pour celle du renouvellement de la qualification de vol aux instruments.

1.2.3 Qualifications relatives à la route et à l'aéroport

L'Ordonnance sur la navigation aérienne (ONA), série VII, no 2, article no 56, concernant les transporteurs aériens utilisant de gros avions, traite des qualifications quant à la route et à l'aéroport, et exige qu'un transporteur aérien s'assure qu'un pilote ne soit pas assigné à un poste de commandant de bord d'un avion à moins qu'il ait les qualifications relatives à la route de vol et aux aéroports à utiliser.

Les qualifications énumérées dans l'ONA indiquent qu'un pilote doit avoir effectué une approche sous la surveillance d'une personne qualifiée vers chaque aéroport ou avoir reçu des instructions convenables. Le commandant de bord, dans le cas en question, n'avait pas atterri à Tofino avant le jour de l'accident. Le personnel de la compagnie avait donné un exposé au pilote deux jours avant l'accident.

1.2.4 Formation en gestion du poste de pilotage (CRM)

Les membres de l'équipage de conduite n'avaient pas suivi de cours qui portait uniquement sur la gestion du poste de pilotage; cette formation n'était pas exigée par la réglementation en vigueur.

La formation pour améliorer la coordination entre membres d'équipage faisait partie de l'instruction en vol donnée par la compagnie et des vérifications de compétence en ligne.

1.3 Renseignements sur l'avion

L'avion était certifié et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'avion n'était pas équipé d'un système de freinage antidérapage; ce système était facultatif. L'avion n'était pas équipé d'un interphone pour les communications entre pilote et copilote. Le bruit ambiant rendait difficiles les communications entre le commandant de bord et la copilote dans le poste de pilotage. Aucun de ces systèmes n'était exigé par la réglementation.

1.4 Chargement de l'avion

La masse et le centrage de l'avion étaient dans les limites prescrites. Un exemplaire du devis de masse et centrage, de même que la liste des passagers, avaient été laissés à la base de régulation des vols de Vancouver.

La masse estimée au décollage pour le vol en question était de 52 405 livres. La masse prévue à l'atterrissage, selon les calculs effectués par la copilote avant le départ, était de 50 905 livres.

1.5 Conditions environnementales

L'accident s'est produit de jour, à 17 h 40 HAP. Le rapport des conditions météorologiques du moment (SA) à Tofino, enregistrées par Environnement Canada à 17 h HAP, indiquaient les conditions suivantes : plafond de nuages fragmentés estimé à 3 000 pieds (7/10 stratocumulus), nuages fragmentés à 9 000 pieds (2/10 altocumulus), ciel couvert à 12 000 pieds (1/10 altostratus), visibilité supérieure à 15 milles, température de 16 °C, point de rosée de 10 °C, vents du 150 degrés vrai à 3 noeuds, et calage altimétrique de 29,92 pouces de mercure.

Les comptes rendus de témoins indiquent que les vents, à l'aéroport, au moment de l'atterrissage, pouvaient atteindre une vitesse de 15 noeuds, et qu'ils soufflaient dans une direction qui favorisait un atterrissage sur la piste 15.

1.6 Aéroport de Tofino

L'aéroport de Tofino est situé sur la côte ouest de l'île de Vancouver, à une altitude de 79 pieds- mer. Trois pistes, d'une longueur de 5 000 pieds chacune, sont disposées en triangle (voir l'annexe C).

Toutes les pistes ont des seuils décalés à cause du relief élevé à l'approche. Le seuil de la piste 28 est décalé de 700 pieds, ce qui réduit la longueur utilisable de la piste à 4 300 pieds. La section 3.3.1 du chapitre «Aérodromes» de la Publication d'information aéronautique .A.I.P. Canada) de Transports Canada indique que «la partie du seuil décalé de la piste peut être utilisée pour l'atterrissage si les pilotes se sont assurés d'avoir effectué une trajectoire d'approche qui les place bien au-dessus des obstacles qui ont nécessité le décalage du seuil, et qu'ils peuvent modifier alors leur trajectoire de descente pour se poser en toute sécurité.»

La seule aide à la navigation desservant l'aéroport est le NDB de Tofino; ce NDB est situé à 2,8 milles marins (nm) du seuil de la piste 28.

1.7 Procédures d'approche sur Tofino

Une altitude quadrantale de sécurité de 7 500 pieds-mer est située dans les 25 nm du NDB de Tofino. Un circuit navette non standard au NDB de Tofino est utilisé pour descendre à l'altitude de virage conventionnel de 2 900 pieds-mer.

Le NDB A (voir l'annexe B) est la seule aide à l'approche qui est spécifiée pour l'aéroport de Tofino. La procédure demande que l'avion, descendant d'une altitude minimale du secteur de 7 500 pieds-mer, soit parvenu à l'altitude de virage conventionnel de 2 900 pieds avant d'intercepter l'axe d'approche initiale de 312 degrés magnétique en rapprochement (vers le NDB de Tofino). À l'interception de l'axe, l'avion peut descendre davantage jusqu'à 1 000 pieds-mer. Après avoir survolé le radiophare en rapprochement vers l'aéroport, l'avion doit effectuer un virage partiel à gauche, et il peut descendre à 600 pieds-mer où une approche indirecte pour l'atterrissage est permise. Il n'est pas permis d'effectuer une approche indirecte dans le secteur situé au nord de l'aéroport à moins que les conditions permettent le vol à vue (VFR).

1.8 Trajectoire et approche - Vol en question

Le commandant de bord était le pilote aux commandes, et la copilote, la pilote qui n'est pas aux commandes. La copilote avait été en contact avec le centre de Vancouver pendant la partie en route du vol, et elle avait communiqué avec la FSS de Nanaimo à 17 h 18 HAP pour obtenir le bulletin météorologique de 17 h HAP et les renseignements d'aéroport à jour.

L'avion a atteint le NDB de Tofino vers 17 h 33 HAP à 7 500 pieds-mer, et l'équipage a commencé la descente vers l'altitude de virage conventionnel de 2 900 pieds-mer. Le commandant de bord avait indiqué à la copilote qu'il effectuerait un virage conventionnel en hippodrome modifié, et qu'il avait l'intention de descendre à l'altitude de virage conventionnel. L'équipage a effectué le virage conventionnel en éloignement jusqu'à une distance d'environ 10 nm avant de virer en rapprochement.

À 17 h 38 HAP, la copilote a indiqué sur la fréquence de l'aéroport de Tofino que l'avion avait survolé le NDB de Tofino (en rapprochement) à une altitude de 1 500 pieds-mer (500 pieds au-dessus de l'altitude publiée). Les données obtenues de l'enregistreur de données de vol indiquent que l'avion volait à environ 150 noeuds. L'équipage a ensuite aligné l'avion sur la piste 28, et il a effectué une approche directe pour se poser sur la piste 28.

Les indices obtenus de l'enregistreur phonique (CVR) indiquent que l'avion n'était qu'à 1 500 pieds-mer au repère d'approche finale, et que la vitesse d'approche finale a toujours été supérieure à la vitesse désirée. L'écart de vitesse a été rappelé deux fois par la copilote, et le commandant de bord en a accusé réception. Les deux membres d'équipage étaient conscients qu'il y avait un vent arrière, mais aucun des pilotes n'a proposé d'interrompre l'approche.

1.9 Dépassement de piste

Après le toucher des roues, le commandant de bord s'est rendu compte que la longueur de piste était insuffisante pour immobiliser l'avion sur la piste. Il a volontairement fait tourner l'avion à droite lorsqu'il est sorti en bout de piste afin que les deux moteurs ne subissent pas de dommages qui nuiraient à l'évacuation des passagers.

Des marques de pneus sur la piste montrent que l'avion s'est déplacé à gauche de l'axe de piste avant de quitter la piste. L'avion s'est immobilisé au cap de 90 degrés à droite du cap piste.

1.10 Examen de l'avion

L'hélice gauche a heurté le sol et s'est détachée de l'avion avec le réducteur.

Une pale s'est détachée du moyeu de l'hélice et a été trouvée plus tard à l'écart de l'avion.

Il y avait une marque verticale d'hélice, d'environ deux pieds de longueur, dans le fuselage, au voisinage de l'hélice gauche. Il y avait un trou dans l'escalier escamotable, à peu près à mi-chemin vers le haut et près du bord arrière, probablement fait par un pignon (du réducteur qui s'est détaché) qui a été trouvé sur le sol en contrebas. Il y avait également un trou, au- dessous et à l'arrière du hublot gauche du poste de pilotage, dans lequel il y avait une autre partie de pignon. Tous les dommages au fuselage étaient limités au revêtement extérieur de l'avion.

Les deux pneus de roue avant et la jante de la roue avant gauche ont subi des dommages importants.

L'intérieur de l'avion n'a pas subi de dommages. Les couvertures et les oreillers de la cabine étaient rangés dans les porte-bagages supérieurs ouverts, et les articles de l'office étaient rangés normalement.

Après l'accident, les volets ont été sortis complètement, et ils ont fonctionné normalement.

Lorsque l'avion a été ramené sur la piste, les disques de frein étaient très bruyants à cause du gravier qui y avait adhéré pendant la sortie de piste. Le gravier a été enlevé des disques avec de l'air comprimé, et les freins ont étésilencieux pendant le remorquage de l'avion jusqu'à l'endroit où il a été stationné. Lorsque les freins ont été serrés, on a constaté que les disques étaient fermement retenus.

L'hélice droite avait fait des entailles dans des buissons bas, mais il n'y avait pas d'autres indices permettant de penser que le moteur droit fournissait de la puissance au moment de l'accident. L'hélice et le moteur droits n'ont pas été endommagés.

1.11 Enregistreurs de bord

L'avion était équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR) Sundstrand FA-542 de type à feuille métallique à cinq paramètres et d'un CVR Sundstrand V-557.

Les cinq paramètres disponibles du FDR étaient les suivants :

l'altitude-pression, la vitesse, le cap, l'accélération verticale et le minutage. Transports Canada avait émis une dérogation, au moyen d'une clause d'antériorité, qui permettait à la compagnie d'utiliser ce type d'enregistreur. La législation actuelle exigerait que l'avion ait un FDR numérique offrant un minimum de 17 paramètres.

Lorsque le FDR a été récupéré, le tracé du cap, de la vitesse et de l'accélération verticale étaient lisibles, mais celui de l'altitude ne l'était pas. Les données indiquaient que l'avion avait atterri à une vitesse indiquée de 111 noeuds (IAS). Une diminution de l'accélération verticale à environ 0,8 g pendant 3,5 secondes, et une légère diminution de la vitesse pendant ce temps, correspondaient à un rebond de l'avion au toucher des roues. L'intégration de la vitesse au sol dérivée à la durée du rebond révèle que le rebond s'est produit sur une distance approximative de 550 à 700 pieds, si on tient compte du vent arrière signalé.

Les données du FDR relatives à la vitesse n'ont pas été considérées valides au-dessous de 100 noeuds (IAS), de sorte que le point réel de toucher des roues sur la piste n'a pu être déterminé.

L'enregistrement du CVR était de qualité acceptable, et des sons étaient voilés par le bruit en arrière-plan des moteurs. Les conversations des membres d'équipage étaient enregistrées à l'aide d'un microphone situé dans le poste de pilotage puisqu'il n'y avait pas d'interphone.

1.12 Plan de vol

La compagnie effectuait des vols d'affrètement à destination de Tofino depuis mai 1993. Un manuel de routes de la compagnie donnait les numéros de téléphone et les procédures d'exploitation. La partie du manuel de routes se rapportant à Tofino indiquait que la meilleure piste pour l'atterrissage était la piste 28.

La section 6.5.3, portant sur les aéroports non familiers, des procédures d'utilisation normalisées (SOP) de Canair indique que la longueur de piste minimale à utiliser (pour l'atterrissage) est celle indiquée dans le manuel de l'avion.

1.13 Renseignements sur les performances à l'atterrissage

L'équipage de conduite disposait de trois sources de renseignements sur les performances à l'atterrissage :

  1. Les tableaux d'analyse de piste (voir l'annexe A) préparés par Jeppesen pour l'exploitant; les calculs de ces tableaux sont effectués à l'aide des données de performances de l'avion, de la température, du vent et des obstacles dans la zone de l'aéroport.
  2. Les tableaux de performances du manuel de vol du Convair 580 de la compagnie.
  3. Les graphiques de performances du manuel de vol du Convair 580.

La pratique acceptée par la compagnie consistait à utiliser les tableaux d'analyse de piste pour déterminer les distances de décollage et d'atterrissage. Les SOP de la compagnie renvoient à l'utilisation des tableaux d'analyse de piste pour déterminer la masse maximale au décollage sur une piste donnée d'un aéroport. Les mêmes procédures ne renvoient pas à ces tableaux pour obtenir des données sur l'atterrissage.

Le manuel de vol de la compagnie donnait également un tableau de référence pour les distances d'atterrissage. Ce tableau, qui n'était normalement pas consulté, semble-t-il, par les équipages de conduite de la compagnie, est une extrapolation des données sur les performances de l'avion et un résumé prudent de ces données pour utilisation dans le cas des opérations «normales». Il ne tient pas compte des anomalies comme des obstacles ou un mauvais état de la piste.

Le personnel de la compagnie a indiqué que le braquage volets sortis à 28 degrés pour un atterrissage sur une piste de longueur équivalente sur un autre aéroport, à la même altitude au-dessus du niveau de la mer (Campbell River, en Colombie-Britannique), pouvait être utilisée comme référence relativement aux performances à l'atterrissage.

L'équipage n'a pas calculé de façon spécifique, à l'aide d'aucun des moyens disponibles, la distance d'atterrissage nécessaire, ni la masse maximale autorisée pour atterrir sur la piste 28 avec volets sortis à 28 ou à 40 degrés. Les calculs effectués à l'aide des sources disponibles ont montré que si la piste était utilisée sur toute sa longueur, soit 5 000 pieds, la distance requise pour un atterrissage avec volets sortis à 28 degrés serait tout juste dans les limites. En présence d'un vent arrière de deux noeuds, la longueur de piste disponible ne serait pas suffisante.

Il n'y a pas eu de discussion dans le poste de pilotage lorsque le commandant de bord a indiqué que l'atterrissage allait être effectué avec volets sortis à 28 degrés. Les SOP n'indiquaient pas que l'exposé avant atterrissage devait comprendre les données de performances à l'atterrissage.

1.14 Coordination de l'équipage - Procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie

Un examen de l'enregistrement du CVR a montré que les membres de l'équipage de conduite avaient parlé brièvement de la procédure d'approche, et que tous les points requis de l'exposé (selon les SOP) n'avaient pas été indiqués. Cet exposé n'indiquait pas certains points nécessaires, y compris le minutage d'approche et les altitudes minimales de descente.

Un point présenté dans le Manuel de vol aux instruments .(TP2076) de Transports Canada comme un élément de planification essentiel lorsqu'on se prépare à une approche porte sur «les taux de descente requis au cours des différentes étapes de l'approche». Ces derniers n'ont pas été indiqués pendant l'approche en question.

Les SOP de la compagnie demandent que les actions du pilote aux commandes soient surveillées par le pilote qui n'est pas aux commandes pendant l'approche et l'atterrissage. Les écarts par rapport aux profils de vol normaux doivent être indiqués au pilote aux commandes. Bien que la copilote ait noté les écarts par rapport au profil d'approche et aux vitesses de référence nécessaires, et qu'elle les ait communiqués au commandant de bord, l'approche s'est poursuivie sans modification.

1.15 Sécurité des passagers

Le personnel de cabine comprenait deux personnes, soit une commissaire de bord et une agente de bord principale. La commissaire de bord était assise dans le strapontin de l'agent de bord à l'arrière de la cabine près de la porte arrière. Elle a indiqué s'être rendu compte qu'il y avait un problème que peu de temps avant que l'avion ne quitte la piste. Une fois l'avion immobilisé, elle a commencé à compter silencieusement jusqu'à 15, conformément aux procédures relatives aux agents de bord, avant de prendre les mesures d'urgence qui s'imposaient. Elle a indiqué que, pendant qu'elle comptait, elle a entendu l'instruction «restez assis, restez assis» de la copilote sur le circuit d'annonces passagers cabine, puis qu'elle a entendu quatre sonneries et a vu le voyant-pilote de l'interphone s'allumer, signe que l'équipage de conduite tentait de communiquer avec le personnel de cabine. Elle a alors utilisé l'interphone pour communiquer avec l'équipage de conduite, mais elle n'a pas obtenu de réponse. Peu après, le commandant de bord est arrivé dans la cabine, il a ouvert la porte de l'escalier escamotable, et il a demandé à la commissaire d'aider les passagers à se diriger vers l'extérieur.

Le commandant de bord s'était assuré qu'il n'y avait pas d'incendie avant de permettre aux passagers de descendre. L'évacuation des passagers s'est déroulée dans l'ordre. Personne n'a été blessé. Le personnel de cabine a ensuite demandé aux passagers de s'éloigner de l'avion.

L'agente de bord principale était assise à peu près au milieu de la cabine. Après l'ordre d'évacuation, elle s'est rendue à l'arrière de la cabine pour suivre les passagers qui se dirigeaient vers l'extérieur.

1.16 Contrôle de Transports Canada

La région de l'Ontario de Transports Canada, où la compagnie avait sa base, est chargée de la surveillance et du contrôle des opérations du transporteur. Le personnel de la région de l'Ontario de Transports Canada a indiqué que la compagnie collaborait à tous les aspects du contrôle de la réglementation et qu'en général elle était un exploitant respecté.

Lorsque la compagnie a commencé à effectuer des vols à Vancouver, dans la région du Pacifique de Transports Canada, le bureau de la région de l'Ontario de Transports Canada n'a pas demandé à la région du Pacifique de contrôler les opérations aériennes de la compagnie à Vancouver en son nom. Le personnel de la région de l'Ontario de Transports Canada a indiqué qu'il était difficile de demander à une autre région de l'aider à effectuer le contrôle d'un exploitant à cause des ressources limitées.

1.17 Prise de décisions du pilote

Garder constamment la situation à l'esprit, c'est-à-dire savoir ce qui se passe autour de soi, est un élément fondamental dans la prise de bonnes décisions pendant le pilotage d'un avion. Garder constamment la situation à l'esprit est le point de départ dans le processus de prise de décisions; on ne peut pas s'attendre à des mesures appropriées ou à de bonnes décisions à moins que les renseignements sur lesquels sont fondées les décisions soient raisonnablement complets et précis. En général, les lacunes dans cette conscientisation sont causées par une acquisition et un traitement incorrects de ces renseignements.

Lorsqu'un pilote effectue une tâche qu'il connaît bien, comme l'atterrissage, il a tendance à s'abstenir d'utiliser tous les éléments disponibles. Parce que certains éléments sont prévus, un filtre inconscient tend à présenter les éléments qui renforcent rapidement la perception du pilote et sa capacité d'exécuter une tâche particulière. Non seulement cette évaluation peut-elle être imparfaite, mais il existe une résistance importante relativement au changement de cette évaluation, même en présence de ce qu'il semblerait objectivement être des éléments de preuve très probants.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

L'enquête a permis de constater que certaines pratiques d'exploitation établies par la gestion n'étaient pas transmises au personnel d'exploitation d'une manière efficace, et que l'organisme de réglementation (Transports Canada) ne contrôlait pas efficacement les activités de la compagnie lorsque la compagnie effectuait des vols à des bases situées loin du bureau régional de surveillance.

L'accident est attribuable au fait que l'équipage a utilisé une configuration qui ne permettait pas d'effectuer adéquatement l'atterrissage (distance d'arrêt), et au fait que le commandant de bord a utilisé une mauvaise technique de pilotage pendant l'approche.

2.2 Gestion de la compagnie

Les pratiques d'exploitation de la compagnie, au niveau du directeur des opérations aériennes et du chef pilote, n'étaient pas transmises aux équipages de conduite d'une manière efficace. Les politiques émises par la compagnie sous la forme de SOP et d'autres manuels n'étaient pas mises en vigueur au niveau de l'exploitation à la base de Vancouver.

Les pilotes n'utilisaient pas les tableaux d'analyse de piste pour le calcul de la distance d'atterrissage. Résultat : les avions de la compagnie atterrissaient régulièrement sur des aéroports où la longueur disponible des pistes pour l'atterrissage était à la limite de l'acceptable ou insuffisante d'après les tableaux des longueurs de piste requises.

2.3 Contrôle par Transports Canada

Puisque Transports Canada ne contrôlait pas les opérations aériennes de Canair Cargo à sa base de Vancouver avec la même fréquence que dans la région de l'Ontario, il n'a pu s'assurer que toutes les opérations de la compagnie étaient effectuées selon la norme voulue.

2.4 Configuration de l'avion - Utilisation des tableaux d'analyse de piste

Les tableaux de performances à l'atterrissage pour Tofino indiquaient qu'un atterrissage en toute sécurité ne pouvait être effectué qu'avec volets sortis à 40 degrés; malgré cela, il n'y a eu aucune discussion dans le poste de pilotage lorsque le commandant de bord a indiqué que l'atterrissage serait effectué avec volets sortis à 28 degrés. Les SOP n'indiquaient pas que l'exposé avant atterrissage devait comprendre les données de performances à l'atterrissage.

L'équipage de conduite a utilisé une configuration qui peut ne pas avoir laissé une marge suffisante pour tenir compte des performances à l'atterrissage (distance d'arrêt).

2.5 Efficacité de l'approche

Les conditions météorologiques au moment de l'approche permettaient le vol à vue vers l'aéroport, une fois le virage conventionnel effectué et l'avion établi en rapprochement vers l'aéroport. L'équipage a effectué une approche à vue, mais le commandant de bord n'a pas maintenu le profil de descente requis pour assurer un toucher des roues en toute sécurité près du seuil de la piste et immobiliser l'avion sur la distance disponible.

La procédure d'approche publiée demande d'effectuer une descente jusqu'à l'altitude de descente minimale, puis une approche indirecte pour l'atterrissage; toutefois, le commandant de bord a décidé d'effectuer une approche directe à vue sur la piste 28.

L'absence de renseignements pendant la planification de la descente en approche finale a contribué au fait que l'équipage a mal évalué la situation. Si les taux de descente voulus avaient été indiqués avant l'approche, l'équipage aurait peut-être eu plus d'indices montrant que l'approche ne se déroulait pas normalement.

Un excédent d'altitude à perdre en approche finale, une vitesse supérieure à la vitesse désirée en approche finale, et une composante vent arrière ont fait que l'avion n'était pas dans la position voulue pour effectuer une approche directe en vue de l'atterrissage sur la piste 28.

Les deux membres d'équipage étaient qualifiés et avaient de l'expérience sur type. Toutefois, le commandant de bord n'avait pas emprunté cette route ni atterri sur l'aéroport en question avant le jour de l'accident. La copilote avait moins

d'heures de vol sur type et globalement, mais elle connaissait bien l'aéroport de Tofino.

2.6 Décisions du pilote

Tout au long de l'approche, le commandant de bord a reçu et accusé réception des données transmises par la copilote qui indiquaient que l'avion était au-dessus du profil de descente optimal et que sa vitesse était supérieure à la vitesse voulue. En outre, les deux membres d'équipage ont mentionné l'importance du vent arrière rencontré pendant l'approche. Malgré ces indices et la perspective qu'il avait à partir du poste de pilotage, le commandant de bord a poursuivi l'approche.

La copilote aurait pu être plus ferme en exprimant son malaise relativement au profil d'approche. Toutefois, aucun des membres d'équipage n'avait reçu de formation CRM; le manque de fermeté et le manque de mesures correctives de la part du commandant de bord sont des réactions auxquelles on peut s'attendre d'un équipage qui n'a pas reçu cette formation.

Le mauvais profil de descente, la vitesse d'approche supérieure à la normale et le vent arrière auraient dû inciter le pilote à interrompre l'approche. Toutefois, le commandant de bord a décidé de continuer l'atterrissage. L'avion a touché des roues loin sur la piste et est sorti en bout de piste parce que la longueur de piste disponible était insuffisante pour immobiliser l'avion sur la piste.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

3.0 Faits établis

  1. La masse et le centrage de l'avion étaient dans les limites.
  2. L'avion était certifié conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
  3. Aucun signe de défaillance de la cellule ni de mauvais fonctionnement d'un système n'a été décelé, que ce soit avant ou pendant le vol.
  4. L'avion était équipé d'un FDR à feuille métallique et à cinq paramètres. La compagnie avait obtenu une dérogation qui permettait le montage de cet équipement.
  5. La technique de pilotage du commandant de bord pendant l'approche a mis l'avion dans une position qui ne permettait pas d'effectuer un atterrissage en toute sécurité.
  6. Le commandant de bord a décidé de continuer l'atterrissage après une approche insatisfaisante, et l'avion a touché des roues à peu près à mi-piste à une vitesse indiquée de 111 noeuds.
  7. L'avion a touché des roues trop loin sur la piste pour que le pilote puisse immobiliser l'avion sur la piste.
  8. C'était la deuxième fois que le commandant de bord atterrissait à l'aéroport de Tofino, et la première en tant que pilote aux commandes.
  9. Le commandant de bord avait reçu un exposé sur les exigences relatives aux performances à l'atterrissage à l'aéroport de Tofino, mais il n'avait pas reçu de formation spécifique de la compagnie à ce sujet.
  10. L'équipage de conduite a utilisé une configuration qui peut ne pas avoir laissé une marge suffisante pour tenir compte des performances à l'atterrissage (distance d'arrêt).
  11. L'exposé du commandant de bord concernant l'approche n'était pas conforme aux exigences spécifiées dans les SOP de la compagnie.
  12. Les pratiques d'exploitation de la compagnie, au niveau de la gestion, n'étaient pas transmises au personnel d'exploitation d'une manière efficace.
  13. L'organisme de réglementation (Transports Canada) ne contrôlait pas efficacement les activités de la compagnie lorsque la compagnie effectuait des vols à partir d'aéroports loin du bureau régional de surveillance.
  14. La compagnie ne dispensait pas de cours qui portait uniquement sur la gestion du poste de pilotage ni de cours sur la prise de décisions; cette formation n'était d'ailleurs pas exigée par la réglementation.

3.1 Causes

Le profil de descente adopté pendant l'approche ne permettait pas à l'avion d'atterrir en toute sécurité. Le commandant de bord a décidé de continuer l'approche plutôt que de l'interrompre, et l'avion a touché des roues trop loin sur la piste pour pouvoir s'immobiliser sur la piste.

Un contrôle inadéquat des opérations aériennes en dehors de la base principale de la compagnie, tant par le transporteur aérien que par Transports Canada, a contribué à l'accident.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Vérifications réglementaires et surveillance

L'enquête sur cet accident et sur 18 autres accidents a permis d'identifier des lacunes dans le processus de vérification réglementaire des activités des transporteurs aériens. On s'est rendu compte, entre autres, que les vérifications de Transports Canada n'étaient pas assez rigoureuses et que les mesures de suivi étaient insuffisantes. Par conséquent, le Bureau a recommandé :

que le ministère des Transports modifie le Manuel des vérifications réglementaires.de façon à soumettre à des vérifications plus approfondies les transporteurs aériens pour lesquels se dégage une tendance négative de leurs indicateurs de gestion des risques;
Recommandation A94-23 du BST

que le ministère des Transports s'assure que ses inspecteurs chargés des vérifications soient en mesure d'utiliser les méthodes de gestion des risques de façon à pouvoir identifier les transporteurs devant faire l'objet de vérifications plus rigoureuses;
Recommandation A94-24 du BST

que le ministère des Transports élabore en priorité une méthode permettant de surveiller le suivi donné aux vérifications.
Recommandation A94-25 du BST

que le ministère des Transports prenne des mesures à court et à long terme pour accorder une plus grande importance au contrôle du suivi donné aux vérifications et aux mesures d'exécution dans les cas de non-conformité.
Recommandation A94-26 du BST

4.1.2 Réglementation sur les enregistreurs de bord

Dans le passé, le Bureau a fait des recommandations concernant les problèmes d'extraction et de qualité des données enregistrées et le long processus nécessaire pour mettre à jour la législation relative aux enregistreurs de bord. Malgré l'accent que le Bureau a mis sur l'importance des enregistreurs de bord lors d'une enquête et en matière de prévention des accidents, le Bureau n'a pas constaté de progrès importants en vue de corriger les anomalies relatives aux enregistreurs de bord. Voilà pourquoi le Bureau a, entre autres, recommandé :

que les ministères de la Justice et des Transports prennent sans plus attendre les nouvelles ordonnances sur les enregistreurs de bord.
Recommandation A94-03 du BST

le ministère des Transports rationalise sa façon de procéder afin que les plus récentes exigences en matière d'enregistreurs de bord puissent être appliquées en temps opportun au Canada.
Recommandation A94-04 du BST

En réponse à ces recommandations, Transports Canada a indiqué qu'il avait l'intention de publier deux circulaires provisoires pour aider l'industrie à s'adapter à la nouvelle réglementation sur les enregistreurs qui doit entrer en vigueur au début de 1995. De plus, Transports Canada a déclaré que la nouvelle réglementation va faire référence à des normes connexes qui devraient faciliter la modification de la réglementation de manière opportune. Le ministère de la Justice a indiqué qu'il était prêt à remplir ses tâches réglementaires le plus rapidement possible pour que la réglementation proposée par Transports Canada puisse être promulguée dans les plus brefs délais.

4.2 Mesures à prendre

4.2.1 Gestion du poste de pilotage et prise de décisions

Plusieurs facteurs ont contribué au fait que l'avion n'était pas dans la bonne position lors de l'approche finale pour se poser en toute sécurité. L'accident aurait pu être évité si l'atterrissage avait été interrompu.

3 Rapports du BST A90P0337, A91A0198, A91C0083, A92P0015, A93H0023, A94H0001, A94W0026 et A94A0078

Le Bureau a enquêté sur plusieurs accidents récents3 au cours desquels de mauvaises décisions ont été prises par l'équipage de conduite, même s'il y avait des signes qui auraient dû les alerter des dangers possibles. Dans le cas de l'accident à Tofino, le résultat dépendait de la décision du pilote en un point critique de la phase d'approche et d'atterrissage; or, de mauvaises décisions sont prises dans presque tous les domaines des opérations aériennes. (L'annexe D donne quelques exemples d'accidents d'aviation dans lesquels de mauvaises décisions ont joué un rôle.)

Le Bureau reconnaît qu'il y a des pressions dans le milieu de l'aviation commerciale pour «expédier le travail» et que ces pressions ont sans aucun doute un effet sur les décisions. Malgré tout, des exploitants bien renseignés et des équipages bien entraînés doivent être en mesure de prendre des décisions chaque jour sans compromettre la sécurité aérienne. Dans cette optique, on comprend que le fait d'entraîner les équipages à prendre de bonnes décisions dans des situations réelles augmente les chances que les bonnes décisions soient prises. À la suite de la sortie de piste d'un DC-8 à Moncton, au Nouveau-Brunswick (A91A0198), le transporteur a pris plusieurs mesures correctives; il a, entre autres, eu recours au simulateur pour pouvoir aider ses équipages à prendre les bonnes décisions dans le cas des approches par visibilité réduite (qui sont les conditions qui prévalaient au moment de l'accident). Dans son rapport final, le Bureau a encouragé les mesures préventives prises par la communauté aéronautique, même si la réglementation ne l'exigeait pas. Toutefois, le Bureau s'est dit inquiet que d'autres exploitants et membres d'équipage, qui ne profitent pas des avantages qu'offrent les programmes d'entraînement similaires et n'ont pas de lignes directrices pour les décisions importantes, puissent continuer à placer leurs appareils dans des situations dangereuses.

Comme dans le cas de l'équipage du Convair 580 lors de l'accident de Tofino, la plupart des équipages mêlés aux autres accidents ou incidents n'avaient pas reçu de formation officielle en gestion du poste de pilotage ni en prise de décisions. (Il se peut que les exploitants et les équipages mêlés aux accidents mentionnés à l'annexe D aient par la suite pris des mesures à ce sujet.) D'après le sondage que le BST a effectué en 1991 auprès des pilotes professionnels au service des transporteurs aériens des niveaux III à VI, seulement 22 % des répondants ont indiqué que la formation à la gestion du poste de pilotage était offerte par leur employeur et que la formation sur la prise de décisions n'était offerte qu'à

27 % d'entre eux. D'autres pays ont reconnu les bienfaits de ce type de formation; il semblerait que la Federal Aviation Administration des États-Unis va exiger des lignes aériennes, vers la fin de 1995, que de la formation en gestion des ressources soit dispensée pour améliorer les communications et la coordination entre les membres d'équipage.

Dans son Rapport au terme d'une étude de sécurité sur le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables .(1990), le Bureau a appuyé l'initiative de Transports Canada voulant que l'habileté des pilotes à prendre des décisions soit évaluée dans le cadre de l'épreuve en vol en vue de l'obtention de la licence de pilote privé, et a recommandé que «le ministre des Transports conçoive et mette en oeuvre des méthodes destinées à évaluer régulièrement les connaissances pratiques du processus décisionnel des pilotes professionnels employés par de petits exploitants aériens.» (BST A90-86) Transports Canada a répondu que l'habileté des pilotes à prendre de bonnes décisions, et au bon moment, serait mesurée en simulant des situations d'urgence dans le cadre des PPC. Transports Canada a aussi indiqué qu'il se tiendrait au courant des développements dans le domaine de la formation et de l'évaluation de l'habileté des pilotes à prendre de bonnes décisions, et il a ajouté qu'il n'hésiterait pas à apporter des améliorations.

Dans les 8 rapports mentionnés dans l'annexe D et dans celui de Tofino, les 9 appareils en cause transportaient 188 occupants; ces 9 accidents ont fait 18 morts. Les risques de conséquences plus graves étaient grands. Tous ces accidents se sont produits après la publication de la recommandation A90-86 du BST et, dans la plupart des cas, il s'agissait de petits transporteurs aériens. Les «mauvaises décisions» prises dans ces cas n'étaient pas liées à des situations d'urgence qui seraient normalement vérifiées dans le cadre d'une PPC. De plus, le Bureau croit savoir qu'il n'y a toujours pas d'exigences ni de lignes directrices établies concernant la formation et l'évaluation permanentes des compétences que les pilotes professionnels devraient posséder pour être en mesure de prendre les décisions qui s'imposent dans les situations courantes.

Le milieu de l'aviation commerciale a généralement accepté les principes de la formation en gestion du poste de pilotage et en prise de décisions, mais des programmes structurés ne sont administrés que facultativement, au cas par cas. Par conséquent, une gestion inefficace des ressources et de mauvaises décisions continuent à contribuer à des situations dangereuses dans le milieu de l'aviation commerciale. Dans ce milieu, les exploitants et les équipages font l'objet de nombreuses pressions, mais le Bureau est d'avis que les bons outils et les bonnes compétences pourraient permettre de réduire les risques que de mauvaises décisions soient prises. Si certains gros transporteurs aériens peuvent eux-mêmes mettre au point leur propre programme de formation, d'autres exploitants auront besoin de directives et d'aide pour élaborer des programmes de formation adéquats. Par conséquent, pour permettre à tous les exploitants et membres d'équipage oeuvrant dans l'aviation commerciale d'avoir accès à la formation qui leur permettra de prendre les bonnes décisions, plus facilement et plus rapidement, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports établisse des lignes directrices pour la formation en gestion des ressources du poste de pilotage et en prise de décisions à l'intention de tous les exploitants et équipages oeuvrant dans l'aviation commerciale.
Recommandation A95-11 du BST

le ministère des Transports établisse des procédures à l'intention des membres d'équipage oeuvrant dans l'aviation commerciale, pour évaluer régulièrement leur habileté à prendre des décisions et leurs compétences en matière de gestion des ressources du poste de pilotage.
Recommandation A95-12 du BST

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Gerald E. Bennett, Zita Brunet, l'hon. Wilfred R. DuPont et Hugh MacNeil.

Annexes

Annexe A - Tableaux d'analyse de piste

Annexe B - Procédure d'approche pour l'aéroport de Tofino

Annexe C - Carte d'aérodrome de l'aéroport de Tofino

Annexe D - Accidents d'aviation dans lesquels de mauvaises décisions ont joué un rôle

A90P0337 : L'enquête a révélé que l'équipage du B-737 avait tenté une deuxième approche dans des conditions météorologiques à la limite de l'acceptable vers une destination prévue avant de se diriger vers un aéroport de dégagement, même si le carburant nécessaire à la deuxième approche n'avait pas été calculé dans la charge de carburant.

A91C0083 : Avant le vol, il y avait eu plusieurs indications de problèmes avec le circuit hydraulique du HS 748, mais le commandant de bord a tout de même décidé d'entreprendre le vol.

A91A0198 : Le pilote aux commandes du DC-8 n'avait pas obtenu de références visuelles suffisantes, mais l'atterrissage a été poursuivi dans des conditions météorologiques à la limite de l'acceptable.

A92P0015 : L'exploitant a planifié le vol du Beech 18 sur flotteurs dans des conditions défavorables, et le pilote qui était inexpérimenté a entrepris le décollage dans des conditions météorologiques à la limite de l'acceptable et alors que l'avion était très lourd.

A93H0023 : Un vol de nuit à bord d'un HS 748 présentant des ennuis électriques a été entrepris à partir de Sandy Lake (Ontario), et l'avion s'est écrasé peu après le décollage.

A94H0001 (enquête en cours) : Un hélicoptère affrété volant en VFR a heurté une crête en terrain montagneux au cours d'un vol dans des conditions météorologiques qu'on savait mauvaises.

A94W0026 (enquête en cours) : À Calgary (Alberta), l'équipage d'un DC-8 qui transportait 83 personnes a poursuivi le décollage malgré deux crevaisons.

A94A0078 (enquête en cours) : L'équipage d'un Swearingen SA226-AT effectuant un vol de messagerie a failli heurter un bâtiment pendant l'approche sur Sydney, en Nouvelle-Écosse.

Annexe E - Sigles et abréviations

ATF
fréquence de trafic d'aérodrome
BST
Bureau de la sécurité des transports
CRM
gestion du poste de pilotage
CVR
enregistreur phonique
FDR
enregistreur de données de vol
FSS
station d'information de vol
h
heure(s)
HAP
heure avancée du Pacifique
IAS
vitesse indiquée
NDB
radiophare non directionnel
nm
mille(s) marin(s)
ONA
Ordonnance sur la navigation aérienne
PPC
vérification de compétence pilote
RCO
installation radiotélécommandée
SOP
procédures d'utilisation normalisées
UTC
temps universel coordonné
VFR
règles de vol à vue