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Rapport d'enquête aéronautique A94C0034

Défaillance non confinée d'un réacteur
Air Canada
McDonnell Douglas DC-9-32 C-FTMG
Regina (Saskatchewan)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Un McDonnell Douglas DC-9-32 partait de Regina (Saskatchewan) pour effectuer un vol régulier à destination de Calgary (Alberta) avec 63 passagers et cinq membres d'équipage à bord. Pendant la course au décollage, les pilotes ont entendu plusieurs bruits sourds et ont senti la cellule vibrer de façon importante. Ils ont interrompu le décollage et ont immobilisé l'avion sur la piste. L'évacuation s'est déroulée sans incident. Personne n'a été blessé. Le réacteur gauche, ses capots et son mât ont subi des dommages importants. On a constaté que les deux pneus du train d'atterrissage principal droit avaient éclaté.

Le Bureau a déterminé qu'une crique causée par la fatigue et des fractures intergranulaires s'est produite dans l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion du réacteur gauche. L'enveloppe s'est rompue pendant la course au décollage, et le réacteur a immédiatement perdu de la puissance. La crique n'avait pas été décelée pendant les inspections de maintenance à cause d'une mauvaise interprétation d'une consigne de navigabilité.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le McDonnell Douglas DC-9-32 du vol 219 d'Air Canada partait de Regina (Saskatchewan) à 15 h 4 HNC1, de jour, pour effectuer un vol régulier à destination de Calgary (Alberta) avec 63 passagers et cinq membres d'équipage à bord.

Il s'agissait du deuxième vol depuis que l'équipage était monté à bord de l'avion à Winnipeg plus tôt dans la journée. L'équipage de conduite précédent n'avait signalé aucun problème au moment du transfert à Winnipeg, et le vol à destination de Regina s'était déroulé sans incident. Le démarrage et le roulage vers la piste s'étaient déroulés normalement et, après avoir obtenu l'autorisation voulue, le pilote avait placé l'avion au tout début de la piste 31 en vue du décollage.

Les pilotes avaient mis la puissance de décollage et l'avion avait atteint une vitesse d'environ 115 noeuds2 lorsqu'ils ont entendu plusieurs bruits sourds et senti la cellule vibrer de façon importante. Les pilotes ont vérifié les instruments du poste de pilotage et les systèmes d'alarme,...

  1. Les heures sont exprimées en heure normale du Centre (HNC) (temps universel coordonné (UTC) moins six heures), sauf indication contraire.
  2. Les unités correspondent à celles des manuels officiels, des documents, des rapports et des instructions utilisés ou reçus par l'équipage.
  3. Voir l'annexe C pour la signification des sigles et abréviations.

...mais ne constatant aucune indication de problème, ils ont conclu qu'au moins un pneu avait éclaté. Ils ont interrompu le décollage et ont immobilisé l'avion sur la piste. L'avion a décéléré très rapidement, et bien que les inverseurs de poussée aient été déployés, leur utilisation n'était pas nécessaire. Lorsque l'avion s'est immobilisé, le commandant de bord a annoncé que des pneus de l'avion avaient éclaté pendant la tentative de décollage, et il a demandé aux passagers de bien vouloir rester assis.

Les services d'intervention d'urgence (ERS)3 étaient déjà prêts à se mettre en route lorsque l'alarme de l'aéroport a retenti, et ils sont arrivés sur les lieux de l'accident presque immédiatement. Ils avaient réagi après avoir entendu les bruits pendant le décollage. Après que de la fumée a été observée sur le côté gauche de l'avion et que le personnel ERS a annoncé que la situation était urgente, le commandant de bord a ordonné qu'on procède à l'évacuation de l'avion par les issues de secours avant, et l'équipage a exécuté les procédures de la liste de vérification dans le cas de dommages à l'avion. La glissière d'évacuation d'urgence de l'office avant droit a été déployée. Le vent fort poussait la glissière gonflée le long de l'avion, et l'un des membres de l'équipe ERS a dû la retenir en place pour permettre aux passagers de descendre.

Après que les trois premiers passagers eurent évacué l'avion par la glissière, le commandant de bord a été avisé qu'il n'y avait plus de fumée et qu'il n'y avait aucun signe d'incendie. Le commandant de bord a alors interrompu l'évacuation par la glissière d'urgence, et il a demandé d'utiliser les escaliers escamotables. Ces derniers ont été abaissés, et les autres passagers ont emprunté la porte principale avant gauche et les escaliers pour évacuer l'avion.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - - - -
Blessés graves - - - -
Blessés légers/indemnes 5 63 - 68
Total 5 63 - 68

Tous les occupants ont réussi à évacuer l'avion sans subir de blessures. Les évacués ont dû supporter le temps froid pendant 30 minutes après être sortis de l'avion. Personne n'a été blessé, mais plusieurs personnes ont déclaré avoir beaucoup souffert du froid.

1.3 Dommages à l'aéronef

Le réacteur et les capots gauches de l'avion ont subi des dommages importants. Le mât du réacteur a subi des dommages légers. On a constaté que les deux pneus du train d'atterrissage principal droit avaient éclaté. Le pneu intérieur gauche présentait des dommages importants attribuables au dérapage.

1.4 Autres dommages

Aucun.

1.5 Renseignements sur le personnel

Commandant de bord Premier officier
Âge 48 ans 40 ans
Licence pilote de ligne pilote le ligne
Date d'expiration du certificat de validation 1 er mai 1994 1 er juin 1994
Nombre total d'heurs de vol 15,287 7,071
Nombre total d'heures de vol sur type en cause 4,550 483
Nombre total d'heures de vol dan le 90 derniers jours 222 143
Nombre total d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours 222 143
Nombre d'heures de service avant l'accident 9,5 8
Nombre d'heures libres avant la prise de service 48 50

Les membres de l'équipage de conduite possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. L'horaire de service était conforme aux lignes directrices acceptées, et rien n'indique que des facteurs physiologiques aient pu perturber les capacités de l'équipage.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur - McDonnell Douglas
Type et modèle - DC-9-32
Année de construction - 1968
Numéro de série - 47340
Certificat de navigabilité- valide
Nombre d'heures de vol cellule - 61 244
Type de moteur (nombre) - Pratt & Whitney JT8D-7 (2)
Type d'hélice/de rotor (nobmre) - Sans objet
Masse maximale autorisée au décollage - 48 988 kg
Type(s) de carburant recommandé(s) - Jet A, Jet A-1, Jet B
Type de carburant utilisé - Jet A-1

L'avion est un McDonnell Douglas DC-9-32 ayant été construit et importé au Canada en 1968. Il comprend 12 places en classe affaires et 80 en classe économique. L'équipage comprenait un équipage normal composé de deux pilotes et de trois agents de bord.

Figure 2 - Réacteur JT8D de Pratt & Whitney
Réacteur JT8D de Pratt & Whitney

1.6.1 Description du réacteur

Le DC-9 est propulsé par deux réacteurs à double flux JT8D-7 de Pratt & Whitney, chacun produisant une poussée statique de 14 000 livres. Ce réacteur, qui est construit en grande partie en acier et en titane, a un diamètre de 1,08 mètre et pèse environ 1 400 kilogrammes. Le réacteur comprend trois sections de base : le compresseur (avant), la chambre de combustion (milieu), et la turbine et la tuyère d'échappement (arrière). (Voir la figure 2.) L'air qui pénètre dans le réacteur circule dans l'une ou l'autre des deux canalisations circulaires. L'anneau d'air extérieur pénètre dans une canalisation de dérivation annulaire qui s'étend sur toute la longueur du réacteur. Le noyau d'air intérieur pénètre dans le compresseur, il est comprimé davantage, et il est ensuite éjecté dans la chambre de combustion.

La chambre de combustion est entourée d'une enveloppe circulaire qu'on appelle enveloppe extérieure de la chambre de combustion (voir la figure 3). L'extrémité avant de l'enveloppe est fixée au carter du diffuseur qui est fixé à l'extrémité arrière de la section compresseur à l'aide d'un rebord et de nombreux boulons. L'extrémité arrière de l'enveloppe est fixée à l'avant de la section turbine à l'aide d'un ensemble rebord et boulons semblable. Le carburant est introduit et enflammé dans la chambre de combustion, et les gaz d'échappement sortent par la turbine puis par la tuyère d'éjection.

1.6.2 Instruments réacteur

La puissance du réacteur est affichée par les anémomètres, les indicateurs de débit carburant, les indicateurs de température tuyère (EGT) et les indicateurs de rapport de pression (EPR). Le poste de pilotage est également équipé d'indicateurs de vibrations réacteurs conçus pour fournir un affichage visuel à l'équipage lorsqu'un réacteur subi des vibrations anormales.

Pour les conditions qui prévalaient au moment de l'incident, les tableaux de performances indiquent que le réglage approprié de la puissance réacteur au décollage était de 2.04 EPR. L'équipage a réglé les réacteurs à la puissance de décollage et a constaté une lecture EPR de 2.04 sur les indicateurs du poste de pilotage et des indications réacteur normales pendant les étapes initiales de la course au décollage.

Lorsqu'il a entendu les bruits, l'équipage a immédiatement vérifié les instruments réacteur et a constaté qu'ils continuaient à afficher des données normales et que ces dernières, pour les deux réacteurs, correspondaient. Il a également constaté qu'il n'y avait aucune indication de vibrations réacteur.

Figure 3 - Emplacement et vue détaillée de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion
 Emplacement et vue détaillée de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion

L'équipage a ensuite porté son attention à l'extérieure de la chambre de combustion de l'avion pendant qu'il interrompait le décollage. Toutefois, il a constaté que les indicateurs du poste de pilotage étaient pratiquement illisibles à cause des vibrations importantes de l'avion. Selon lui, ces vibrations étaient probablement attribuables aux pneus éclatés du côté droit de l'avion.

Lorsque le commandant de bord a ordonné l'évacuation, il a constaté que l'indicateur EPR du réacteur gauche continuait d'afficher 2.04, et que l'indicateur EGT était dans la plage d'avertissement jaune.

1.6.3 Voyants d'alarme

Il y a deux voyants principaux d'avertissement qui sont montés sur l'écran anti-éblouissement, un devant chaque pilote. Les pilotes étaient certains que les voyants principaux d'avertissement ne s'étaient pas allumés pendant l'incident. Les pilotes ont indiqué que leurs tâches dans le poste de pilotage pendant l'interruption du décollage les avaient empêchés d'observer les voyants d'avertissement du tableau annonciateur supérieur.

Avant que le poste de pilotage soit examiné par les enquêteurs, les commandes et les interrupteurs du poste de pilotage avaient été manipulés par le personnel d'entretien. Le courant électrique avait également été remis, et le réacteur droit avait été démarré afin de faire rouler l'avion. Par conséquent, les données des indicateurs du poste de pilotage, les positions des relais électriques, les positions des disjoncteurs, et la situation affichée sur le tableau annonciateur entretien de l'alternateur gauche n'ont pu être vérifiées. En outre, les indications des voyants d'avertissement et d'alarme du poste de pilotage n'ont pu être enregistrées.

Plusieurs essais électriques ont été effectués sur l'avion en question afin de déterminer pour quelle raison les pilotes n'avaient remarqué aucun voyant d'alarme dans le poste de pilotage après la défaillance du réacteur. En outre, les circuits électriques c.c. et c.a. ont été examinés en détail afin de trouver des situations possibles qui pouvaient expliquer pourquoi les voyants principaux d'avertissement refusaient de s'allumer. Toutefois, la raison pour laquelle les voyants principaux d'alarme du poste de pilotage ne se seraient pas allumés n'a pu être déterminée. (Voir le rapport technique LP 53/94.)

1.6.4 Train d'atterrissage et freins

Le DC-9 est équipé d'un train tricycle. Il comprend des trains d'atterrissage principaux escamotables au-dessous des ailes gauche et droite et un train d'atterrissage avant escamotable. Chacun des deux trains d'atterrissage principaux est constitué d'une jambe qui rentre vers l'intérieur et de deux roues et pneus, soit une roue de chaque côté de la jambe.

Les freins sont alimentés par deux sources hydrauliques. Tant le circuit hydraulique gauche que le circuit hydraulique droit peut actionner les freins des quatre roues du train principal. Les freins sont normalement actionnés par les deux circuits en même temps. La pression de freinage exercée par le pilote lorsqu'il enfonce les pédales de palonnier du poste de pilotage est modulée par un système d'antidérapage qui détecte la rotation des roues et commande la pression hydraulique pour empêcher un blocage des roues dans des situations de freinage important ou de faible traction. Le système d'antidérapage comprend également un voyant d'avertissement dans le poste de pilotage qui s'allume pour avertir les pilotes que le circuit ne fonctionne pas.

Le système d'antidérapage avait réagi normalement à toutes les vérifications avant vol, et l'équipage n'a vu aucun voyant d'avertissement d'antidérapage s'allumer pendant l'incident. Lorsqu'il a interrompu le décollage, le commandant de bord a d'abord serré les freins à fond, puis il a réduit la pression de freinage parce qu'il soupçonnait que des pneus avaient éclaté.

1.7 Renseignements météorologiques

Les conditions météorologiques observées à l'aéroport de Regina à 15 h HNC, quatre minutes avant l'incident, étaient les suivantes : plafond de nuages fragmentés estimé à 2 000 pieds, visibilité de 15 milles, température de un degré Celsius, point de rosée de moins un degré Celsius, vent soufflant du 320 degrés à 22 noeuds avec rafales atteignant 27 noeuds, et calage altimétrique de 29,82 pouces. Le facteur de refroidissement du vent était de moins 16 °C.

1.8 Renseignements sur l'aérodrome

L'aérodrome de Regina est exploité par Transports Canada en vertu d'un certificat public. La piste 31 mesure 7 900 pieds de longueur sur 150 pieds de largeur, et sa surface est asphaltée. La surface de la piste est inspectée par le personnel d'entretien de l'aéroport de Regina à chaque changement de quart de travail, conformément à la procédure d'exploitation normale. L'état de la piste 31 avait été vérifié lors du changement d'équipe environ une heure avant l'incident; on avait constaté que la piste était propre et sèche, qu'il ne s'y trouvait aucun débris et qu'elle n'était pas contaminée.

1.9 Enregistreurs de bord

L'enregistreur de données de vol (FDR) et l'enregistreur phonique (CVR) ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour analyse. Les premiers résultats indiquaient que le FDR et le CVR avaient subi une panne de courant simultanément pendant la course au décollage. Les données du FDR indiquaient que l'avion avait accéléré normalement jusqu'à une vitesse indiquée de 115 noeuds, moment auquel il y a eu une coupure du courant électrique. Jusqu'à ce que la panne de courant se produise, tous les circuits de l'avion ont semblé fonctionner normalement. Plus précisément, les paramètres des réacteurs gauche et droit étaient normaux et correspondaient pendant la course au décollage. Ni le FDR ni le CVR n'ont révélé un problème dans l'avion ou un problème de fonctionnement.

Une défectuosité interne dans le mécanisme d'enregistrement du FDR avait réduit le temps d'enregistrement utile de l'enregistreur de 25 heures à 3,5 heures. Les renseignements enregistrés par le FDR avaient été transférés à sa bande magnétique comme séquences d'information sur une piste plutôt que sur les sept pistes continues parallèles normales. On a déterminé que cette anomalie avait été causée par un problème de commutation de pistes dans le mécanisme d'enregistrement.

1.10 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

De nombreux morceaux du carter et diverses parties du capotage du réacteur gauche ont été trouvés le long de la piste 31, à partir d'un point situé à environ 950 pieds du début de la piste (à environ 850 pieds du point où la course au décollage a commencé), jusqu'à un point situé à environ 2 200 pieds plus loin sur la piste. Les débris du réacteur et des capots étaient répartis principalement sur le côté gauche de la piste, à un endroit situé entre 1 600 et 1 800 pieds. Les deux roues principales droites de l'avion se sont bloquées et ont commencé à déraper à un point situé à 2 113 pieds du début de la course au décollage. Le pneu intérieur gauche s'est bloqué entre 2 970 pieds et 3 270 pieds environ du début de la course au décollage. Il s'est ensuite bloqué et desserré par intermittence sur les 78 pieds qui restaient.

L'avion s'est immobilisé à 3 448 pieds du début de la piste 31. L'avion est resté sur la piste jusqu'à ce que les roues du train d'atterrissage principal droit puissent être remplacées, le lendemain.

1.10.1 Dommages au réacteur et à son mât

Le dessus du réacteur gauche présentait un grand trou d'environ 0,5 mètre sur un mètre, lequel permettait de voir nettement l'intérieur de la chambre de combustion et les tubes à flamme. L'enveloppe extérieure de la chambre de combustion s'était rompue à la position trois heures environ (lorsqu'on regarde de l'extrémité arrière du réacteur vers l'avant), et l'enveloppe s'était ouverte sur environ 150 degrés, jusqu'à la position dix heures. La déchirure s'est prolongée dans le carter extérieur et dans les capots du réacteur. Plusieurs morceaux de revêtement des capots réacteur ont été arrachés des cadres structuraux de ces derniers. Les dommages aux trous de rivet indiquaient que les forces avaient agi perpendiculairement aux cadres et que les morceaux avaient été projetés directement vers l'extérieur.

Le long du bord arrière du trou, il y avait une partie du carter extérieur du réacteur, sur environ 15 centimètres de diamètre, qui était brûlée et déformée. Des globules de métal fondu, qui provenaient probablement du matériau du carter réacteur, ont été trouvées dans la zone immédiate et dans la pointe arrière du réacteur. La partie de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion et du carter extérieur du réacteur, comprise entre la position trois heures et la position cinq heures, a été projetée vers l'intérieur en direction du fuselage, et elle a endommagé la structure du carénage du mât réacteur.

1.11 Incendie

Les brûlures dans le carter montrent qu'un petit incendie s'est déclaré dans le réacteur gauche après la défaillance du réacteur. Toutefois, l'incendie était éteint lorsque le personnel ERS est arrivé et a déployé son matériel.

1.12 Évacuation de l'avion

Lorsque l'avion s'est immobilisé, le commandant de bord a demandé aux passagers, par le système de sonorisation, de rester assis, et il a déclaré qu'il pensait que des pneus avaient éclaté. Le chef de cabine et les deux agents de bord ont vérifié s'il y avait de la fumée, mais ils n'en ont pas décelé.

Le chef de l'équipe ERS est arrivé sur les lieux presque immédiatement et a annoncé au commandant de bord que la situation était plus urgente qu'on pensait. Le commandant de bord, qui s'inquiétait de la possibilité d'un problème plus grave, a alors ordonné au chef de cabine, qui était retourné dans le poste de pilotage, de faire évacuer les passagers par les issues de secours avant.

Lorsqu'il a entendu l'ordre du commandant de bord d'évacuer l'avion, le chef de cabine a ouvert la porte avant droite et a déployé la glissière d'évacuation d'urgence gonflable située à cette porte. Lorsque la glissière s'est déployée, elle s'est gonflée et s'est déployée vers l'extérieur, du côté de l'avion. Le vent soufflait de l'avant de l'avion entre 20 et 27 noeuds, et la glissière a été repoussée sur le côté de l'avion. Après avoir demandé à l'un des membres de l'équipe ERS de l'aider, le commandant de bord a pu placer la glissière correctement avec cette personne.

Les agents de bord ont demandé aux passagers de laisser leurs affaires dans l'avion (conformément à la procédure normale de la compagnie aérienne) et de sortir de l'avion par l'issue avant. Une fois la glissière retenue en place par l'un des membres de l'équipe ERS, deux passagers et un agent de bord qui n'était pas de service ont évacué l'avion.

Le chef de l'équipe ERS a ensuite avisé le commandant de bord qu'il ne se dégageait plus de fumée du réacteur et qu'il n'y avait aucun signe d'incendie. Le commandant de bord, qui craignait que le fait d'utiliser la glissière puisse occasionner des blessures aux passagers, a alors demandé au personnel de cabine de faire évacuer les autres passagers par la porte cabine avant gauche, en empruntant l'escalier escamotable. Les issues de secours sur les ailes n'ont pas été utilisées pendant l'évacuation. Malgré les ordres contraires des agents de bord, des passagers ont pris le temps d'emporter leurs bagages à main. Les déclarations des passagers concernant la durée de l'évacuation variaient (entre 2 et 10 minutes). Aucune blessure n'a été signalée.

1.12.1 Normes de navigabilité relatives aux glissières d'évacuation d'urgence

Les glissières d'évacuation d'urgence montées sur la nouvelle catégorie d'avion de transport doivent être conformes à la section 25.810 de la partie 25 des Federal Aviation Regulations (FAR). En ce qui concerne la capacité d'utilisation de la glissière dans différentes conditions de vent, la section 25.810 (a)(1)(iv) de la partie 25 des FAR indique ce qui suit :

Elle doit pouvoir, par vent de 25 noeuds soufflant de l'angle le plus critique, se déployer et, à l'aide d'une seule personne, rester utilisable une fois complètement déployée pour évacuer les occupants en toute sécurité jusqu'au sol.

Le DC-9 en cause dans l'accident n'a pas été construit selon cette norme parce que celle-ci est entrée en vigueur après la construction de l'appareil.

1.12.2 Données concernant les glissières d'évacuation d'urgence

On a effectué un examen des bases de données du BST et de l'Organisation de l'Aviation civile internationale (OACI), et on a communiqué avec les organismes d'enquête sur les accidents d'Australie, de Grande-Bretagne, de France, de Suède et des États-Unis afin de déterminer s'il y avait des données indiquant des difficultés d'évacuation d'avions à l'aide des glissières d'évacuation par vent fort. L'OACI et les autres organismes d'enquête n'ont pu trouver aucune donnée indiquant que le vent avait influé sur l'utilisation de glissières d'évacuation d'urgence et avait posé des problèmes.

Il y avait 16 cas dans la base de données du BST qui mettaient en cause des évacuations d'avions où les glissières d'évacuation d'urgence avaient été déployées. Il y avait sept cas où les glissières avaient présenté des difficultés. Deux de ces cas comprenaient des remarques sur les effets du vent sur les glissières. Dans un cas, la glissière avait dû être stabilisée par une personne au sol à cause du vent fort (de 22 à 30 noeuds avec rafales atteignant 36 noeuds) (rapport d'enquête no A82H20001 de Transports Canada). Dans l'autre cas, pendant l'évacuation d'un autre DC-9 à Regina (Saskatchewan), des vents forts (23 noeuds avec rafales atteignant 33 noeuds) et l'inclinaison de l'avion avaient rendu impossible l'évacuation par une glissière avant. Toutefois, tous les passagers avaient réussi à évacuer l'avion en environ 90 secondes en utilisant les autres issues de secours (rapport d'enquête no A83H30005 de Transports Canada).

1.12.3 Transport des passagers après l'évacuation

Le commandant de bord a avisé le contrôle de la circulation aérienne (ATC) que les passagers étaient en train d'évacuer l'avion, et il a demandé des moyens de transport pour les amener à l'aérogare. La plupart des passagers avaient laissé leurs vêtements d'extérieur à bord de l'avion. Les agents de bord et les membres de l'équipe ERS ont distribué aux passagers des couvertures qui se trouvaient à bord de l'avion et des véhicules ERS. De nombreux passagers ont indiqué qu'ils n'étaient pas vêtus assez chaudement pour supporter le temps froid qu'il faisait et qu'ils avaient beaucoup souffert pendant qu'ils attendaient les moyens de transport sur la piste.

Les passagers sont restés sur la piste de l'aéroport jusqu'à ce qu'un autobus les ramène à l'aérogare. L'autobus était aménagé en poste de commandement mobile; une table était fixée au plancher, et le nombre de sièges était limité, ce qui réduisait sa capacité pour le transport des passagers. Les passagers ont été transportés à l'aérogare en trois groupes. Les passagers du troisième groupe ont dû attendre sur la piste pendant environ 30 minutes avant d'être amenés à l'aérogare. Pendant ce temps, les passagers ont été exposés à un facteur de refroidissement de moins 16 °C.

1.13 Essais et recherches

Le réacteur gauche et le boîtier de commande du système antidérapage ont été envoyés à l'atelier d'entretien de la compagnie aérienne pour y subir un examen détaillé. Le FDR et le CVR ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour y subir une analyse (voir la section 1.15). Les premiers résultats de l'analyse du FDR indiquaient que le FDR et le CVR avaient tous les deux subi une coupure de courant pendant la course au décollage. Par conséquent, le circuit électrique de l'avion a été examiné.

1.13.1 Démontage et examen du réacteur

1.13.1.1 Généralités

Le réacteur a été démonté au complexe de grand entretien de la compagnie aérienne avec la participation du motoriste, sous la surveillance du BST. Plusieurs composants ont été enlevés du réacteur et ont été envoyés aux ateliers spécialisés pertinents pour des essais plus approfondis. Le régulateur de carburant (FCU), le purgeur-distributeur (P&D), et les injecteurs de carburant ont été enlevés pour subir des essais spécialisés. Après le démontage, l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion a été envoyée au Laboratoire technique du BST pour y subir une analyse plus poussée.

1.13.1.2 Essais du régulateur de carburant (FCU)

On a déterminé que le FCU fonctionnait normalement sous tous les rapports, sauf que le soufflet moteur du FCU était défectueux et présentait une crique de fatigue mégacyclique causée par des vibrations. La surveillance en vol du débit carburant n'a révélé aucune anomalie importante parce que, de par leur conception, l'ensemble des soufflets de détection renferme, pour la redondance, un soufflet dépressurisé, ce qui permet au FCU de continuer à fonctionner normalement. Ce mauvais fonctionnement n'a pas de rapport avec l'incident.

1.13.1.3 Essais du purgeur-distributeur (P&D) et des injecteurs de carburant

Le purgeur-distributeur (P&D) et les injecteurs de carburant présentaient des anomalies. Toutefois, il n'y avait aucun indice d'une irrégularité quelconque qui pouvait avoir influé sur la rupture du réacteur ou causé cette dernière.

1.13.1.4 Analyse métallurgique de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion

La rupture de l'enveloppe a été reliée à une crique ayant pris naissance dans la région du rebord arrière. Les examens visuels et microscopiques ont révélé plusieurs topographies de fracture différentes indiquant différents modes de croissance de la crique. Il y avait une minuscule amorce de crique de fatigue sur les deux côtés d'un trou de boulon du rebord arrière. La progression initiale de la crique s'est faite en mode intergranulaire sur une distance de 40 millimètres (mm). L'étape suivante de la progression de la crique a été causée par un mécanisme de fatigue oligocyclique, qui a prolongé la crique de 90 mm supplémentaires. La progression finale de la crique a été causée par un déchirement ductile rapide qui s'est traduit par la rupture de l'enveloppe.

À l'exception de la partie ductile de la crique, la surface de la fracture était couverte d'un oxyde formé à haute température. La formation d'oxyde a gêné l'étude des caractéristiques fines des parties fatigue de la crique, particulièrement l'interstrie. Toutefois, la partie intergranulaire de la crique avait conservé son apparence polyédrique typique malgré la couche d'oxyde.

1.13.2 Système d'antidérapage

On a effectué des essais du boîtier de commande du système d'antidérapage, et on a constaté qu'il fonctionnait normalement sous tous les rapports. On a déterminé que le bus c.c. gauche avait cessé d'être alimenté lorsque le réacteur gauche était tombé en panne, ce qui avait coupé le courant aux modules de commande antidérapage. L'interdiction d'interconnexion c.a. (voir la section 1.13.3 pour les explications) avait empêché le rétablissement automatique du courant au bus c.c. gauche. Par conséquent, le circuit de freinage de l'avion est passé au mode manuel sans protection contre le blocage des roues.

1.13.3 Circuit électrique de l'avion

Le circuit c.a. principal de l'avion est alimenté par deux alternateurs, un sur chaque réacteur. Pendant les opérations normales, ces alternateurs alimentent également, au moyen de transformateurs-redresseurs (TRU), tous les circuits et dispositifs de l'avion qui fonctionnent avec du courant continu (c.c.). Chacun des alternateurs alimente un système à bus divisé, les côtés gauche et droit étant conçus pour fonctionner de façon indépendante. Deux batteries au nickel-cadmium alimentent une partie limitée des systèmes de distribution dans certaines conditions anormales.

Les deux systèmes fonctionnent normalement de façon indépendante, mais dans des conditions spécifiques, ils peuvent être automatiquement reliés. En général, si un alternateur tombe en panne et qu'il est automatiquement mis hors circuit, un relais d'interconnexion c.a. (ACTR) se ferme, mettant en circuit les bus des alternateurs gauche et droit ensemble, ce qui permet aux deux bus d'être alimentés par un seul alternateur.

Toutefois, dans des conditions spécifiques, l'interconnexion des deux systèmes peut ne pas être souhaitable, et un relais d'interdiction d'interconnexion c.a. (ACTLR) empêche l'ACTR de se fermer.

Lorsque l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion s'est rompue, des morceaux du carter extérieur du réacteur ont touché et endommagé le faisceau de fils de commande de l'alternateur principal gauche. On a déterminé qu'il n'y avait pas eu interconnexion c.a., ce qui s'est traduit par la perte de l'alimentation électrique principale normalement assurée par l'alternateur gauche. La cause réelle de l'interdiction d'interconnexion c.a. n'a pas été déterminée. Toutefois, on pense qu'elle peut avoir été reliée à la tension de désamorçage du relais alimentation prête (PRR) dans le régulateur d'alternateur (GCU) (voir le rapport technique LP 53/94).

1.13.4 Réacteur JT8D

1.13.4.1 Incidents mettant en cause l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion

Le réacteur JT8D est l'un des turboréacteurs double flux les plus largement utilisés en exploitation commerciale. Il est monté sur les Boeing 727 et 737 de même que sur les DC-9 de McDonnell Douglas. Des recherches dans la base de données d'incidents de l'OACI et dans les bases de données des organismes d'enquête énumérés à la section 1.12.2 ont révélé que, bien que le nombre total d'incidents ne soit pas élevé, la récurrence des ruptures de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion est importante.

Par suite des défaillances non confinées de réacteurs JT8D en 1985 à Manchester (Angleterre) et à Tampa (Floride), et d'autres cas de criquage de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a publié plusieurs consignes de navigabilité (CN), dont la CN 86-04-01 et la CN 87-11-07. Ces CN spécifiaient des intervalles minimaux d'inspection basés sur des cycles depuis la mise en service et depuis la dernière inspection de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion.

En 1988, le Bureau canadien de la sécurité aérienne (BCSA) a effectué une enquête sur la défaillance de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion d'un Boeing 737 à l'aéroport international de Vancouver (rapport d'enquête no A88H0001 du BST). La défaillance s'était produite pendant la course au décollage à une vitesse comprise entre 100 et 110 noeuds. L'équipage avait entendu un bruit semblable et avait interrompu le décollage. Après qu'on lui eut indiqué que de la fumée sortait du réacteur gauche, l'équipage avait fait évacuer l'avion d'urgence. Un incendie du réacteur un peu plus important avait suivi, probablement à cause de la proximité du réacteur du 737 et des circuits hydrauliques et de carburant. Le souci constant du National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis, et les données recueillies pendant l'enquête sur l'incident de Vancouver et les enquêtes sur d'autres incidents, ont amené la FAA à publier une consigne de navigabilité révisée.

4 Les intervalles d'inspection de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion sont déterminés selon les cycles réacteur. Un démarrage de réacteur, une mise à la puissance de décollage et un arrêt de réacteur constituent un cycle réacteur.

5 Les bossages sont des supports de fixation qui sont soudés sur l'extérieur de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion par le motoriste pour permettre le raccordement des conduites PS4 et de purge.

La «visite en atelier» est définie dans la CN comme étant l'envoi d'un réacteur à une installation de réparation où un entretien subséquent entraîne la dépose d'un rebord important, l'enlèvement d'un moyeu de disque compresseur ou du corps, ou d'un disque de turbine.

1.13.5 Enveloppe extérieure de la chambre de combustion - Renseignements supplémentaires

1.13.5.1 Consigne de navigabilité - Enveloppe extérieure de la chambre de combustion

Le 3 octobre 1989, la FAA a publié une consigne de navigabilité révisée, la CN 87-11-07 R1 (voir l'annexe A), qui demandait d'effectuer des inspections systématiques à la recherche de criques dans le rebord arrière, le bossage PS4 et les bossages de purge de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion des réacteurs JT8D4. La révision a été motivée par la fréquence des rapports de défaillance non confinée de l'enveloppe. La FAA a indiqué que des criques non détectées dans le rebord de l'enveloppe peuvent provoquer une défaillance non confinée du réacteur, l'arrêt en vol du réacteur, la perte des capots du réacteur et l'endommagement de la cellule.

Plusieurs méthodes pouvaient être utilisées pour effectuer les inspections demandées par la CN, y compris les inspections par courants de Foucault, aux ultrasons, par ressuage fluorescent, par ressuage avec particules magnétiques fluorescentes, et visuelles. La CN donne en détail divers intervalles d'inspection (de 1 000 à 12 000 cycles) selon le composant de l'enveloppe et l'étendue et la méthode par lesquelles les inspections étaient effectuées. La CN demande également d'effectuer l'inspection de l'enveloppe à chaque visite en atelier5 du réacteur, en plus des intervalles cycliques spécifiés. La CN indique que les enveloppes criquées doivent être retirées du service avant le prochain vol.

1.13.5.2 Inspections antérieures de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion

Les documents informatisés indiquent que la dernière inspection du rebord arrière de l'enveloppe en question remontait au 24 juillet 1989. À ce moment-là, un délai d'inspection de 12 000 cycles avait été prescrit. L'enveloppe s'est rompue 7 503 cycles plus tard. Le réacteur gauche (Air Canada no 621), avec l'enveloppe en question montée (Air Canada no T-16), avait été envoyé à l'atelier des moteurs pour y subir un entretien en deux occasions, le 27 janvier 1991 et le 10 décembre 1992, depuis la dernière inspection du rebord arrière. Les exigences d'inspection de la visite en atelier du rebord arrière de l'enveloppe n'avaient pas été exécutées en aucune de ces occasions.

Le 27 janvier 1991, le réacteur avait été retiré du service à cause de vibrations et parce qu'il y avait du métal dans la tuyère. Dans les documents, les inspections des bossages de l'enveloppe et du rebord portaient l'annotation NRTV (non exigé pour cette visite); il restait 3 733 cycles avant l'inspection des bossages et 9 733 cycles avant celle du rebord arrière. Le réacteur avait été remis en service sans que les inspections de l'enveloppe aient été effectuées, et le nombre de cycles avant l'inspection suivante était resté inchangé.

La visite suivante à l'atelier d'entretien avait eu lieu le 10 décembre 1992 pour le remplacement du disque de turbine basse pression du troisième étage dont le temps était expiré. La fiche d'entretien montre que l'enveloppe était arrivée alors qu'il restait 6 594 cycles pour le rebord arrière et 594 cycles pour les bossages. Une note sur la fiche indiquait d'effectuer l'inspection des bossages. Le document d'inspection montre que l'inspection appropriée avait été effectuée et que les bossages avaient reçu un nouveau délai d'inspection de 6 000 cycles. Il est peu probable que le rebord arrière ait été inspecté parce que le nombre de cycles jusqu'à la prochaine inspection était resté à 6 594. L'enveloppe et le réacteur avaient été remis en service. L'enveloppe s'est rompue 2 097 cycles plus tard.

1.13.5.3 Exécution de la CN par le personnel d'entretien

Les inspecteurs et les techniciens qui travaillent à l'atelier d'entretien de la compagnie aérienne effectuent leurs travaux conformément aux instructions techniques publiées par le personnel technique de la compagnie. Les instructions techniques et leur exécution sont surveillées par Transports Canada pour assurer le respect des exigences réglementaires applicables. Un examen des instructions techniques indiquait que les méthodes d'inspection et les intervalles systématiques, à l'exception des critères de visite en atelier, reflétaient fidèlement la CN. Les instructions techniques n'incorporaient pas les exigences d'inspection prescrites au moment d'une visite en atelier.

1.13.5.4 Tenue des documents attestant du respect des CN

Les inspecteurs et les techniciens apposaient un timbre ou leurs initiales sur la fiche d'entretien pour indiquer qu'une inspection était nécessaire. Toutefois, il n'y avait pas de dispositions permettant de détailler le degré d'inspection ou la méthode d'inspection utilisée. Des documents informatisés contenaient des codes indiquant qu'une inspection avait été effectuée et indiquaient le nombre d'heures ou de cycles jusqu'à la prochaine inspection. Des documents détaillés d'inspection de composant n'étaient pas tenus au-delà de l'inspection la plus récente. Il n'y avait pas de documents disponibles indiquant l'étendue et la méthode utilisée dans l'exécution des inspections antérieures de l'enveloppe.

1.13.5.5 Travaux effectués et exigences d'inspection

Lorsqu'un réacteur entrait dans l'atelier d'entretien de la compagnie aérienne, le problème signalé était examiné et une carte de travail était remplie. La carte de travail indiquait les réparations nécessaires de même que toutes les inspections périodiques et certifications qui devaient être faites. Les inspections et les certifications étaient effectuées conformément aux exigences et aux limites initiales des travaux. Les réacteurs qui ne devaient initialement être l'objet que de travaux mineurs pouvaient par la suite voir leurs exigences de réparation s'accroître. Il n'y avait aucun indice de l'existence d'un mécanisme de réévaluation des exigences d'inspection et de certification d'un réacteur en regard d'exigences de réparation accrues.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

On s'est penché sur les points suivants : la réaction de l'équipage face à la situation, l'évacuation des passagers, l'absence d'indications dans le poste de pilotage, le fonctionnement des dispositifs d'antidérapage et des enregistreurs de bord, la nature de la défaillance de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion, et l'exécution de la consigne de navigabilité par l'organisme d'entretien.

2.2 Comportement de l'équipage et évacuation

Rien n'indique que de la fatigue ou des facteurs physiologiques aient pu perturber les capacités de l'équipage au moment de l'incident.

Pendant la course au décollage, les pilotes ont entendu plusieurs bruits, mais ils n'ont pas vu d'indications dans le poste de pilotage qui leur auraient permis de déterminer la nature du problème. Ils ont pensé que des pneus avaient éclaté. Le commandant de bord a alors décidé d'interrompre le décollage et il a exécuté les procédures pertinentes conformément au manuel d'exploitation de la compagnie aérienne.

Lorsqu'il a été avisé par l'ATC et le personnel ERS que de la fumée sortait du réacteur gauche, le commandant de bord a exécuté les procédures prescrites dans le cas de dommages à l'avion et d'une évacuation. Il a fallu plusieurs minutes pour procéder à l'évacuation.

Deux facteurs peuvent avoir contribué à retarder l'évacuation des passagers. Après que le commandant de bord eut ordonné l'évacuation et que cette dernière eut commencé à l'aide de la glissière d'évacuation, il a été avisé qu'il n'y avait plus de danger d'incendie. Il a ordonné que l'évacuation se poursuive par l'escalier escamotable. Ce changement dans le processus d'évacuation, qui nécessitait le déploiement de l'escalier escamotable, a sans aucun doute causé un retard de quelques minutes. Le fait que certains passagers ont tenté d'emporter leurs bagages à main peut également avoir prolongé la durée de l'évacuation.

2.3 Normes relatives aux glissières d'évacuation d'urgence et fonctionnement

Les bases de données examinées ne contenaient aucun indice probant indiquant que les normes actuelles relatives aux glissières d'évacuation étaient inadéquates pour assurer la stabilité de ces dernières par vent fort.

Lors de l'incident en question, la glissière d'évacuation d'urgence a été poussée contre le côté de l'avion par le vent fort. L'un des membres du personnel ERS a pu stabiliser la glissière au sol, et cette dernière a permis l'évacuation d'au moins trois des occupants de l'avion. Rien n'indique que les autres occupants n'auraient pas pu utiliser également la glissière. Par conséquent, on a conclu que la glissière satisfaisait aux normes de navigabilité de la partie 25 des FAR et que, dans le présent cas, ces normes étaient adéquates.

2.4 Transport des passagers après l'évacuation

Après l'évacuation, des passagers ont attendu jusqu'à 30 minutes avant d'être transportés de la piste à l'aérogare. Un certain nombre de passagers n'étaient pas vêtus assez chaudement pour se protéger du froid. Des passagers ont été exposés à un facteur de refroidissement de moins 16 °C, et de nombreux passagers ont indiqué avoir souffert du froid malgré les efforts des agents de bord et du personnel ERS.

L'exposition à ces conditions après une évacuation, même pendant 30 minutes, peut produire des effets graves sur les personnes, qu'elles soient blessées ou non.

2.5 Absence d'indications dans le poste de pilotage

Bien que l'EPR et le régime du réacteur gauche aient probablement diminué rapidement après la rupture de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion, les pilotes n'ont remarqué aucune indication immédiate de la défaillance du réacteur dans le poste de pilotage.

Pendant la décélération de l'avion, il est probable que des instruments réacteur ont affiché des indices du mauvais fonctionnement du réacteur. Ces indices peuvent ne pas avoir été remarqués par les pilotes, dont l'attention était concentrée sur leur tâche principale qui consistait à immobiliser l'avion sur la piste.

La panne de courant c.a. de l'alternateur gauche et l'interdiction d'interconnexion c.a. ont effectivement figé l'affichage EPR du réacteur gauche, qui est alimenté en courant c.a., à sa dernière indication de 2.04. Cette indication, de même que l'absence signalée d'indications lumineuses des voyants d'alarme principaux auraient présenté aux pilotes des renseignements erronés sur l'état du réacteur gauche.

2.6 Éclatement des pneus

La défaillance du circuit électrique de l'avion à la suite de la défaillance du réacteur a mis hors service la partie antidérapage du circuit de freinage. Lorsque le commandant de bord a commencé à serrer les freins à fond pour interrompre le décollage, les pneus ont arrêté de tourner et ont commencé à déraper. Le dérapage des pneus de droite seulement est probablement attribuable à une compensation inconsciente du commandant de bord qui essayait de corriger la tendance de l'avion à se déporter vers la gauche à cause de la poussée asymétrique des réacteurs. La pression moindre exercée par le commandant de bord sur les pédales de frein a été insuffisante pour débloquer les roues. Relâcher complètement la pression de freinage aurait été contraire aux procédures d'interruption du décollage.

Une fois les pneus bloqués et en dérapage, ils ont continué de glisser sur une couche de caoutchouc fondu jusqu'à ce qu'ils éclatent. Malgré le non-fonctionnement du système d'antidérapage, la poussée asymétrique et finalement l'éclatement de deux pneus, l'équipage a conservé la maîtrise de l'avion et a réussi à l'immobiliser près de l'axe de la piste.

2.7 Fonctionnement des enregistreurs de bord

L'analyse des enregistreurs a révélé que le FDR et le CVR avaient arrêté de fonctionner simultanément pendant la course au décollage. Jusqu'à ce point, tous les systèmes de l'avion semblaient fonctionner normalement. Le mauvais fonctionnement du mécanisme d'enregistrement du FDR a diminué le temps d'enregistrement utile de l'enregistreur de 25 heures à 3,5 heures. Toutefois, ni le FDR ni le CVR n'ont révélé un problème dans l'avion ou un problème de fonctionnement avant le moment où ils ont cessé de fonctionner. L'interruption du fonctionnement des enregistreurs a été causée par la panne du circuit électrique à la suite de la défaillance de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion (voir le rapport technique LP 53/94).

2.8 Défaillance de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion

Une crique a progressé dans l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion du réacteur gauche après avoir pris naissance au niveau d'un trou de boulon du rebord arrière. À cause de fatigue et d'un mode de fracture intergranulaire, la crique a progressé sur une longueur d'environ 130 mm. La crique avait affaibli l'enveloppe au point que les contraintes dues à la puissance de décollage normale ont dépassé la résistance restante de l'enveloppe. Lorsque l'enveloppe s'est rompue pendant la course au décollage, le réacteur a immédiatement subi une perte de puissance.

La crique n'avait pas été découverte pendant les inspections d'entretien à cause d'une mauvaise interprétation de la consigne de navigabilité. Les instructions techniques transmises au personnel technique ne comprenaient pas l'obligation d'effectuer des inspections de l'enveloppe à chaque visite en atelier. Le réacteur gauche avait fait l'objet de deux visites en atelier depuis la dernière inspection inscrite du rebord arrière de l'enveloppe. Toutefois, les inspections du rebord n'avaient pas été effectuées, et la crique qui progressait n'avait pas été décelée. La défaillance de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion s'est produite malgré une consigne de navigabilité et un programme d'inspections spéciales permettant de prévenir un tel incident.

3.0 Faits établis

  1. Les membres de l'équipage de conduite possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur, et rien n'indique que de la fatigue ou d'autres facteurs physiologiques aient pu perturber les capacités de l'équipage au moment de l'incident.
  2. L'équipage de conduite a réagi en fonction du peu de données dont il disposait; il a pensé que des pneus avaient éclaté et il a interrompu le décollage.
  3. La décision d'évacuer l'avion par les issues de secours avant a été prise en fonction d'indications de fumée à l'arrière de l'avion.
  4. Malgré le vent, la glissière d'évacuation d'urgence a été sortie et utilisée correctement et conformément aux normes de navigabilité établies.
  5. Après l'évacuation, des passagers ont été exposés à un facteur de refroidissement de moins 16 °C, et ils ont attendu jusqu'à 30 minutes avant de pouvoir être transportés à l'aérogare.
  6. L'absence d'une interconnexion c.a. à la suite de la défaillance du réacteur a mis hors service la partie antidérapage du circuit de freinage et a causé l'interruption du fonctionnement des enregistreurs de bord.
  7. Les pilotes n'ont pas eu d'indications dans le poste de pilotage concernant la défaillance de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion ni de la panne du circuit électrique.
  8. La partie antidérapage du circuit de freinage étant hors service, le freinage s'est traduit par le blocage des roues et l'éclatement de deux pneus.
  9. L'analyse des enregistreurs de bord a révélé que tous les circuits de l'avion semblaient avoir fonctionné normalement jusqu'à ce que le FDR et le CVR arrêtent de fonctionner simultanément.
  10. Une défectuosité interne du mécanisme d'enregistrement du FDR a réduit le temps d'enregistrement utile de l'enregistreur de 25 heures à 3,5 heures.
  11. Une crique causée par la fatigue et des fractures intergranulaires a progressé dans l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion du réacteur gauche. Elle avait pris naissance au niveau d'un trou de boulon du rebord arrière et s'est propagée jusqu'à ce qu'une défaillance et une perte de puissance se produisent.
  12. La crique dans l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion n'avait pas été décelée pendant les inspections d'entretien à cause d'une mauvaise interprétation de la consigne de navigabilité.
  13. Les commandes et les interrupteurs du poste de pilotage avaient été manipulés par le personnel d'entretien avant que les enquêteurs examinent le poste de pilotage.

3.1 Causes

Une crique causée par la fatigue et des fractures intergranulaires s'est produite dans l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion du réacteur gauche. L'enveloppe s'est rompue pendant la course au décollage, et le réacteur a immédiatement perdu de la puissance. La crique n'avait pas été décelée pendant les inspections de maintenance à cause d'une mauvaise interprétation d'une consigne de navigabilité.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1Consigne de navigabilité

(CN) 87-11-07 R1

Les renseignements préliminaires rassemblés dans le cadre de l'enquête ont révélé qu'il était possible que la CN ait été mal interprétée. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports exige que les dossiers de maintenance de tous les réacteurs JT8D actuellement utilisés par des exploitants canadiens soient examinés pour vérifier si les exigences indiquées dans la consigne de navigabilité
87-11-07 R1 ont bien été respectées, et que, le cas échéant, les enveloppes extérieures de chambre de combustion soient inspectées de nouveau;
Recommandation A94-05 du BST

le ministère des Transports prenne les dispositions nécessaires pour signaler aux autres exploitants de réacteurs JT8D à l'étranger que la consigne de navigabilité 87-11-07 R1 porte à confusion et risque d'être mal interprétée.
Recommandation A94-06 du BST

En réponse, Transports Canada a publié l'avis de difficultés en service

AV-94-01, daté de mai 1994, qui demandait aux exploitants canadiens de réacteurs JT8D de revoir leurs dossiers en ce qui concerne la conformité aux exigences obligatoires et à l'interprétation de la CN 87-11-07 R1 de la FAA. Une copie de l'avis a été communiquée à la FAA pour sa gouverne et pour qu'elle décide si elle allait en informer les autres exploitants ailleurs dans le monde.

4.1.2 Inspections de l'enveloppe extérieure de la chambre de combustion

Les dossiers de tous les réacteurs qui ont été réparés et révisés par Air Canada ont été examinés pour s'assurer qu'ils étaient conformes aux exigences d'inspection, particulièrement celles sur les «visites en atelier». Tout réacteur trouvé non conforme a fait l'objet d'une inspection immédiate.

Une revue complète du processus de conformité aux consignes techniques et aux consignes de navigabilité au sein du système de maintenance de la compagnie aérienne a été effectuée. La revue et le contrôle des documents sont en cours pour assurer que les fiches d'inspection présentent des exigences à jour.

En outre, tous les éléments de conformité ont été revus et le processus de publication des consignes techniques a été modifié pour assurer qu'on s'y conforme exactement à l'avenir.

4.1.3 Éléments de preuve

Des éléments de preuve précieux ont été perdus parce que des personnes ont tenté de déplacer l'avion sans l'autorisation des enquêteurs. À la suite de cet incident, Air Canada a avisé les membres de la gestion et du personnel concernés de l'importance de protéger le plus possible les éléments de preuve, comme l'exigent les règlements du BST.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.

Annexes

Annexe A - Consigne de navigabilité 87-11-07 R1

Annexe B - Liste des rapports pertinents

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe C - Sigles et abréviations

ACTLR
relais d'interdiction d'interconnexion
ACTR
relais d'interconnexion
ATC
contrôle de la circulation aérienne
BCSA
Bureau canadien de la sécurité aérienne
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
c.a.
courant alternatif
c.c.
courant continu
CN
consigne de navigabilité
CVR
enregistreur phonique
EGT
température tuyère
EPR
rapport de pression
ERS
services d'intervention d'urgence
FAA
Federal Aviation Administration
FAR
Federal Aviation Regulations
FCU
régulateur de carburant
FDR
enregistreur de données de vol
GCU
régulateur d'alternateur
h
heure(s)
HNC
heure normale du Centre
kg
kilogramme(s)
mm
millimètre(s)
NRTV
non exigé pour cette visite
NTSB
National Transportation Safety Board
OACI
Organisation de l'Aviation civile internationale
P&D
purgeur - distributeur
PRR
relais alimentation prête
UTC
temps universel coordonné
TRU
transformateurs - redresseurs