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Rapport d'enquête aéronautique A95C0139

Collision avec un plan d'eau
Northern Mountain Helicopters
Bell 205A-1 (hélicoptère) C-GNMR
Leaf Rapids (Manitoba)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère était utilisé dans le cadre d'opérations de lutte contre les feux de forêt en vertu d'un contrat par le ministère des Ressources naturelles de la province. Le pilote a quitté Leaf Rapids (Manitoba) avec sept passagers et leur équipement à bord pour effectuer un vol local qui avait pour objet de déposer une équipe d'incendie. La visibilité signalée était de trois quarts de mille dans la fumée au début du vol. Le pilote s'est d'abord dirigé au nord de la ville. En survolant la rivière Churchill, il a décidé de tourner à droite pour revenir se poser parce que la visibilité était trop mauvaise. L'hélicoptère est descendu pendant le virage, et les pales du rotor principal ont heurté la surface de l'eau. L'hélicoptère s'est abîmé dans la rivière. Le pilote et quatre des passagers ont réussi à sortir de l'appareil et ont été secourus; trois des passagers se sont noyés après avoir perdu connaissance à cause des blessures qu'ils ont reçues à la tête au moment de l'impact. L'hélicoptère a été détruit.

Le Bureau a déterminé que, en faisant tourner l'hélicoptère pour éviter une zone de visibilité réduite, le pilote a perdu ses références visuelles. L'hélicoptère est descendu pendant le virage et a heurté la surface de l'eau avant que le pilote ait le temps de retrouver ses références visuelles.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

L'hélicoptère Bell 205 A-1 était utilisé dans le cadre d'opérations de lutte contre les feux de forêt en vertu d'un contrat pour le compte du ministère des Ressources naturelles (MRN)Note de bas de page 1 de la province du Manitoba. L'hélicoptère faisait partie d'un groupe de six hélicoptères qui étaient exploités à partir d'une base temporaire qui avait été établie sur un terrain de golf à côté de la ville de Leaf Rapids (Manitoba). Le vol de l'accident était le premier vol que le pilote effectuait cette journée-là, et il s'agissait du premier vol à quitter l'héliport ce matin-là. Le vol avait pour objet de transporter six pompiers et leur équipement à environ sept milles et demi au nord-est de la ville. Les six pompiers étaient assis dans la partie arrière de l'hélicoptère. À bord se trouvait également un agent des ressources naturelles qui occupait le poste de chef de la division chargée des opérations de lutte contre les feux de forêt de la région; il était en place avant gauche, à côté du pilote.

Il semble qu'au moment du décollage la visibilité dans la région de l'héliport était de trois quarts de mille dans la fumée. Avant le départ, le pilote et l'agent des ressources naturelles avait établi le plan suivant : l'appareil devait décoller et tenter de se rendre à destination, mais le pilote ferait demi-tour pour revenir se poser si la visibilité était trop mauvaise.

Après avoir décollé, le pilote s'est dirigé au nord de la ville en suivant une autoroute en volant à une hauteur de 75 à 100 pieds du sol et à une vitesse d'environ 40 noeuds. Quelques minutes plus tard, le pilote a commencé à survoler la vallée d'une rivière et il a vu qu'un pont franchissait la rivière. Immédiatement après avoir survolé la rive nord de la rivière, et à proximité du pont, le pilote a remarqué que la visibilité diminuait, et il a amorcé un virage à droite pour revenir là où la visibilité serait meilleure. Le pilote a perdu ses références visuelles pendant le virage au-dessus de la rivière. Le pilote a immédiatement vérifié ses instruments de bord et a remarqué que le variomètre indiquait que la vitesse descensionnelle de l'hélicoptère était de 200 pieds par minute. Il a tenté de stabiliser l'hélicoptère et de garder la maîtrise de l'appareil pendant qu'il essayait de retrouver ses références visuelles, mais le rotor principal a heurté la surface de l'eau. L'hélicoptère s'est abîmé dans la rivière Churchill (altitude de 850 pieds-mer), par 56° 29,5' de latitude Nord et 99°58,5' de longitude OuestNote de bas de page 2, vers 9 h 35, heure avancée du Centre (HAC)Note de bas de page 3, de jour.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - 3 - 3
Blessés graves 1 - - 1
Blessés légers/ indemnes - 4 - 4
Total 1 7 - 8

1.3 Dommages à l'aéronef

L'hélicoptère a été détruit par le choc.

1.4 Autres dommages

Environ 156 gallons de carburant Jet B de l'hélicoptère ont été déversés dans la rivière Churchill.

1.5 Renseignements sur le personnel

Pilote
Âge 45 ans
Licence pilote professionnel
Date d'expiration du certificat de validation 1er septembre 1995
Nombre d'heures de vol 4 250
Nombre d'heures de vol sur type en cause 3 400
Nombre d'heures de vol dans les 90 derniers jours 130
Nombre d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours 130
Nombre d'heures de service avant l'événement 2,5
Nombre d'heures libres avant la prise de service 9,5

Le pilote avait reçu sa formation initiale comme pilote d'hélicoptère dans l'armée américaine et avait obtenu sa licence de pilote en 1972. Il avait reçu la formation de vol aux instruments et avait eu l'occasion d'acquérir une certaine expérience dans ce domaine au cours de sa carrière militaire subséquente dans l'armée vietnamienne. Une licence de pilote professionnel canadienne lui avait été délivrée en 1980; il totalisait alors quelque 1 970 heures de vol. Il ne possédait pas la qualification de vol aux instruments et n'avait pas gardé ses compétences de vol aux instruments à jour. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol dans des conditions de vol à vue, conformément à la réglementation en vigueur.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur Bell Helicopter Textron Inc.
Type 205-A1
Année de construction 1968
Numéro de série 30015
Certificat denavigabilité valide
Nombre total d'heures de vol cellule 6 341,6
Type de moteur (nombre) Textron Lycoming T53-13B(1)
Type d'hélice (nombre) Bell Helicopter Textron 204-011-250-001 (1)
Masse maximale autorisée au décollage 9 500 lb
Type(s) de carburant recommandé(s) Jet B
Type de carburant utilisé Jet B

Les dossiers indiquent qu'au moment de l'accident l'hélicoptère était équipé des instruments de base pour le vol dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC) et qu'il était certifié pour le vol en VMC, conformément à la réglementation en vigueur. L'hélicoptère n'était pas certifié ni équipé pour le vol avec un seul pilote dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC).

Les calculs effectués après l'accident ont révélé que la masse de l'hélicoptère au décollage était de quelque 9 350 livres. La masse maximale autorisée au décollage pour cet hélicoptère est de 9 500 livres. On a déterminé que les centrages longitudinal et transversal étaient dans les limites.

1.7 Renseignements météorologiques

L'équipe d'incendie du MRN obtenait chaque matin des renseignements météorologiques d'Environnement Canada et demandait des mises à jour pendant la journée. Les renseignements étaient communiqués au personnel engagé dans la lutte contre les feux de forêt, qui les transmettait ensuite aux pilotes. Les pilotes pouvaient également obtenir directement des bulletins météorologiques en téléphonant à la station d'information de vol (FSS) de Transports Canada au 1-800-INFO-FSS; toutefois, il n'a pas été possible de déterminer si ce service avait été utilisé par un ou des pilotes. Il n'y avait pas d'installation fournissant des services de renseignements météorologiques pour l'aviation dans les environs, et il n'y a pas de personnel effectuant des observations météorologiques pour le compte d'Environnement Canada à Leaf Rapids.

À cause de la fumée des feux de forêt, une vaste zone était partiellement obscurcie et le plafond ne pouvait être clairement défini. On a indiqué qu'au décollage de l'hélicoptère le vent était léger et que dans la région de l'héliport la visibilité était réduite à environ trois quarts de mille à cause de la fumée. Des témoins ont affirmé que, immédiatement après l'accident, la visibilité dans la vallée près du lieu de l'accident, était d'environ 200 verges. On ne pouvait voir le ciel à cause de la fumée. La surface de l'eau était calme et sans rides.

1.8 Aides à la navigation

Un radiophare non directionnel (NDB) privé se trouve à environ un mille à l'est de la ville; ce NDB ne fait pas l'objet d'une veille. L'hélicoptère était équipé d'un système de positionnement mondial (GPS). Le vol se déroulait selon les règles de vol à vue (VFR) et le pilote naviguait au moyen de repères au sol.

1.9 Télécommunications

Un opérateur radio faisait fonctionner un système de communication radio qui se trouvait dans une roulotte près de l'héliport. Les pilotes d'hélicoptère devaient transmettre par radio les avis de départs et d'arrivée à l'opérateur radio qui les consignait dans un registre. Peu après le décollage, le pilote a communiqué un avis de départ de routine à l'opérateur radio qui l'a consigné dans le registre.

1.10 Renseignements sur l'héliport

Six hélicoptères utilisés par le MRN en vertu d'un contrat étaient exploités à partir d'une base temporaire qui avait été établie sur un terrain de golf situé près de la ville. Les aires d'atterrissage se trouvaient sur une des allées du terrain de golf et étaient délimitées grâce à des marques au sol. Chaque aire d'atterrissage était équipée de matériel de ravitaillement portatif et de matériel d'extinction d'incendie.

1.11 Enregistreurs de bord

L'hélicoptère n'était pas équipé d'un enregistreur phonique (CVR) ni d'un enregistreur de données de vol (FDR), ce qui n'était pas obligatoire.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

Pendant un virage à droite en descente, les pales du rotor principal ont heurté la surface de l'eau et ont sectionné la poutre de queue. Le mât du rotor principal a été cisaillé, et le rotor principal s'est détaché de l'hélicoptère. La partie avant de la poutre de queue a été arrachée de ses fixations.

Le fuselage a d'abord touché la surface de l'eau sur le côté gauche dans une assiette de piqué. Il a culbuté après l'impact initial et a heurté la surface de l'eau une deuxième fois du côté arrière droit. Le fuselage s'est rompu derrière le point de fixation avant des patins et derrière le poste de pilotage. L'épave s'est disloquée en quatre parties principales : la partie arrière de la poutre de queue et le rotor de queue, la partie avant de la poutre de queue, le rotor principal et le fuselage. L'épave s'est immobilisée par 35 pieds de fond environ, à une centaine de pieds de la rive.

Tous les dommages à l'hélicoptère ont été attribués à l'impact et à la dislocation de l'appareil. Un examen minutieux du turbomoteur effectué dans un atelier de révision commerciale n'a révélé aucune défectuosité. Rien n'indique qu'il y ait eu une défaillance de l'hélicoptère ni une défectuosité des systèmes, que ce soit avant ou pendant le vol.

1.13 Renseignements médicaux

Rien n'indique que des facteurs physiologiques aient pu perturber les capacités du pilote.

1.14 Incendie

Rien n'indique qu'il y ait eu un incendie, que ce soit avant ou après l'accident.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

L'hélicoptère était équipé de dispositifs de retenue personnels, et ces dispositifs étaient utilisés conformément à la réglementation en vigueur. Les deux sièges du poste de pilotage étaient équipés de harnais de sécurité quatre points. Le pilote avait bouclé ses bretelles et sa ceinture de sécurité. L'agent des ressources naturelles, qui était assis à côté du pilote, n'avait bouclé que sa ceinture de sécurité, même si son siège était équipé de bretelles de sécurité. Les sièges des passagers dans la cabine étaient équipés uniquement de ceintures de sécurité. Tous les passagers avaient bouclé leur ceinture de sécurité. Seul le pilote portait un casque protecteur.

L'impact avec l'eau a provoqué l'ouverture des portes et des issues de secours. Pendant que l'hélicoptère coulait, les occupants qui n'avaient pas perdu connaissance ont pu défaire leur ceinture de sécurité et flotter à la surface. Le passager en place avant gauche, et deux des passagers (un au centre et l'autre à droite) assis dans la partie arrière de la cabine ont perdu la vie. Les trois passagers qui ont perdu la vie ont été trouvés dans leur siège, leur ceinture de sécurité bouclée. Les autopsies ont révélé que les passagers qui ont perdu la vie avaient subi des blessures à la tête pendant l'impact et qu'ils avaient perdu connaissance. Incapables de déboucler leur ceinture de sécurité, ils se sont noyés. Aucune autre blessure qui aurait pu mettre la vie d'une personne en danger n'a été relevée.

Des études ont montré que lors d'un accident d'hélicoptère, environ 70 % des blessures graves et mortelles se produisent au niveau de la tête, de la colonne vertébrale, du torse et du cou. Une analyse de la dynamique des accidents d'hélicoptère faite par Coltman (1985)Note de bas de page 4 a montré que seulement 9 % des personnes qui portaient des bretelles de sécurité au moment de l'accident ont subi des blessures graves, alors que 34,3 % des personnes qui ne portaient qu'une ceinture de sécurité ont subi de telles blessures.

La réglementation en vigueur au Canada est plus restrictive en ce qui concerne la présence et le port des bretelles de sécurité à bord des hélicoptères qui effectuent des vols spéciaux ou des opérations spécifiques. Par exemple, l'Ordonnance sur la navigation aérienne (ONA), série II, no 2 exige que toutes les personnes à bord d'un vol spécial portent leur ceinture et leurs bretelles de sécurité en tout temps, sauf si une personne effectuant des tâches reliées au vol spécial ou à l'exploitation de l'appareil doit détacher ses bretelles ou sa ceinture, ou les deux, pour accomplir une de ces tâches. Ces vols spéciaux font généralement courir de plus grands risques aux passagers et à l'équipage et comprennent des opérations comme le transport par hélicoptère de charge à l'élingue. Les vols d'hélicoptère de transport de passagers dans le cadre de la lutte contre les feux de forêt, comme c'est le cas du vol de l'accident qui fait l'objet de ce rapport, ne sont pas considérés comme des vols spéciaux.

1.16 Perte des références visuelles

Le vol se déroulait selon les règles de vol à vue (VFR). Ces règles exigent que le vol soit effectué de façon telle qu'à tout moment soit maintenue la vue du sol ou de l'eau. L'ONA, série V, no 3, stipule que, dans le cas d'un hélicoptère évoluant à l'intérieur d'un espace aérien non contrôlé au-dessous de 700 pieds-sol, la visibilité en vol ne doit pas être inférieure à un demi-mille et l'hélicoptère doit voler hors des nuages. De plus, l'hélicoptère doit être piloté à vitesse réduite pour permettre au pilote commandant de bord de voir les autres aéronefs et les obstacles à temps pour pouvoir les éviter.

En vol VFR, les pilotes naviguent en se fiant aux repères de l'horizon naturel et à l'aide de repères au sol pour conserver l'assiette voulue. Lorsque ces références visuelles sont obscurcies par des éléments comme de la fumée, le pilote peut rapidement perdre le sens de l'orientation et ne plus être sûr de la position et de l'assiette de son appareil par rapport au sol ou à l'eau. Immédiatement après l'accident, on a observé que la surface de l'eau était calme et sans rides, créant un effet miroir qui aurait pu se traduire par un environnement qui ne permettait pas de distinguer l'horizon.

Le pilote qui pénètre dans des conditions IMC doit se fier à ses instruments de bord pour déterminer l'assiette de l'aéronef et maintenir l'assiette appropriée. Toutefois, il est rare qu'un pilote dont les compétences de vol aux instruments ne sont pas à jour puisse réussir à vaincre la désorientation spatialeNote de bas de page 5. La désorientation spatiale peut être si difficile à vaincre, que même dans le cas des pilotes qualifiés aux instruments, dont les compétences sont à jour et qui possèdent les qualifications nécessaires pour piloter un hélicoptère, il n'est pas certain que le pilote pourra voler aux instruments s'il pénètre par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.Note de bas de page 6 Ceci est en partie attribuable au fait que si un pilote perd ses références visuelles, cela peut lui prendre jusqu'à 35 secondes pour reprendre la maîtrise de l'aéronef à l'aide des instrumentsNote de bas de page 7 . Il a besoin d'au moins 5 de ces secondes pour reconnaître l'existence d'un danger, décider des mesures qui s'imposent et commencer à réagir.

1.17 Renseignements sur l'organisation et la gestion

1.17.1 Structure de l'équipe d'incendie

Dans des conditions normales, on utilise les ressources locales disponibles au sein de chaque district du ministère des Ressources naturelles pour maîtriser les petits feux de forêt. Si un feu de forêt se propage au point où la lutte contre l'incendie dépasse les capacités des ressources locales, on forme une équipe d'incendie que l'on dépêche sur les lieux de l'incendie. Cette équipe, sous la direction du chef de lutte, est chargée de mettre sur pied une équipe pour combattre le feu. Au moment où s'est produit l'accident, une équipe formée de six personnes luttait contre le feu.

Les deux principaux groupes de l'équipe d'incendie sont : (1) le groupe de suppression, qui est responsable d'éteindre le feu; et (2) le groupe des services, qui est chargé de fournir l'équipement et les services nécessaires (voir la figure 1).

Le groupe de suppression est dirigé par un chef de ligne, qui désigne des chefs de division chargés de s'occuper d'une zone du feu. Les chefs de division dirigent les gens et les ressources (y compris les hélicoptères) qui leur sont alloués pour lutter contre le feu dans la zone désignée.

Au moment de l'accident, le groupe de suppression de l'équipe d'incendie comprenait deux divisions dont l'une était responsable de la zone située à l'est de l'autoroute principale qui traversait la ville du nord au sud; l'autre division était responsable de la zone située à l'ouest de cette autoroute. L'agent des ressources naturelles assis en place avant gauche dans l'hélicoptère accidenté était le chef de division pour la zone est du feu de forêt. Il semble que s'ils veulent effectuer un contrôle efficace du plan d'extinction, les chefs de division doivent passer environ 50 % de leur temps à bord des hélicoptères au coeur et aux environs du feu.

Figure 1. Structure de l'équipe d'incendie
Structure de l'équipe d'incendie

1.17.2 Postes de sécurité de l'équipe d'incendie

Le bureau des programmes de lutte contre les feux de forêt du MRN a publié le Fireline NotebookNote de bas de page 8 à l'intention des personnes qui doivent faire partie d'une équipe d'incendie. Ce manuel donne en exemple un gros groupe de lutte qui comprend plusieurs postes auxquels sont attribuées des tâches relatives à l'utilisation efficace et sûre des aéronefs. Entre autres, un chef de la sécurité incendie, relevant directement du chef de lutte, est désigné. Le chef de la sécurité incendie est tenu de faire des inspections et de formuler des recommandations sur toutes les questions de sécurité liées aux opérations de lutte contre les feux de forêt. Les tâches du chef de la sécurité incendie comprennent plusieurs points figurant sous la rubrique «Sécurité du transport aérien». Le manuel précise que le transport aérien peut être la partie la plus dangereuse des opérations.

L'exemple comprend un poste de préposé aux hélicoptères qui doit faire rapport de ses activités, par l'intermédiaire du préposé au transport, au chef des services. La liste de vérifications du préposé aux hélicoptères comprend 80 points qui se trouvent aux pages 99 à 107 du Fireline Notebook. Trente-quatre de ces points figurent sous la rubrique «Sécurité»; par exemple, le point no 9 stipule qu'il faut s'assurer que des séances de sécurité successives entre le préposé aux hélicoptères, l'équipe au sol et les pilotes sont données à chaque quart, et le point no 27 stipule qu'il faut vérifier si les bretelles et les ceintures de sécurité sont portées en tout temps par les pilotes et les passagers.

Le Fireline Notebook stipule que les tâches des divers postes peuvent être combinées s'il y a lieu. Les conditions en vertu desquelles ces postes peuvent et ne peuvent pas être comblés ne sont pas indiquées. L'équipe d'incendie en cause dans l'accident était composée de 225 personnes et de six hélicoptères, ce qui constitue un groupe relativement petit. Les postes de chef de la sécurité incendie et de préposé aux hélicoptères n'avaient pas été comblés pour l'équipe d'incendie en cause.

1.17.3 Structures de gestion

Le contrat sur l'offre de services d'hélicoptères passé entre Northern Mountain Helicopters et la province du Manitoba indique que l'exploitant de l'hélicoptère doit rendre des services aériens commerciaux d'affrètement de classe 4. Au chapitre des normes d'exploitation des vols d'affrètement, le document précise que l'exploitant de l'hélicoptère a le contrôle exclusif de l'hélicoptère affrété, de son contenu et de l'équipage, et doit s'assurer que chaque vol est effectué d'une façon sûre et efficace, et conformément à la Loi sur l'aéronautique, à tous les articles du Règlement de l'Air et à toutes les Ordonnances sur la navigation aérienne applicables.

Une étude de sécurité effectuée par le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis (voir la note en bas de page no 5), reconnaît que lorsque deux structures de gestion participent à une opération, elles peuvent avoir des objectifs qui entrent en conflit avec la sécurité et pouvant compromettre la sécurité. Pour assurer que les objectifs des deux structures de gestion n'entrent pas en conflit avec la sécurité et qu'ils ne menacent pas la sécurité, le NTSB croit que des communications efficaces et régulières sur les questions de sécurité entre les deux administrations et leurs employés sont essentielles.

Une étape importante dans la mise au point d'une philosophie de sécurité au sein d'un organisme est la mise en oeuvre de principes de gestion des risques qui permettent de déceler les dangers, d'évaluer les risques associés à ces dangers et de mettre en oeuvre des mesures de contrôle sous la forme de politiques de gestion clairement définies et d'application de procédures. L'étude du NTSB reconnaît aussi que, dans une opération à laquelle participent deux structures de gestion, il est important que l'organisme contractant connaisse bien les questions de sécurité relatives à l'exploitation des hélicoptères parce que les membres du personnel de l'organisme contractant deviennent souvent de facto les supérieurs du pilote.

Dans son étude de sécurité sur le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorablesNote de bas de page 9, le BST traite la question des normes de sécurité minimales en ces termes :

L'examen des accidents VFR en IMC mettant en cause des vols commerciaux a mis en évidence le fait qu'un certain nombre d'usagers des services d'affrètement aériens canadiens exigent des mesures de sécurité supplémentaires qui sont précisées dans leurs contrats de service d'affrètement. Les principaux clients des services d'affrètement canadiens exigent des normes de sécurité supérieures à celles de la réglementation en vigueur et à celles utilisées dans le milieu de l'aviation. Les compagnies pétrolières, plusieurs services d'ambulance aérienne et un certain nombre de ministères et d'organismes gouvernementaux ont adopté de telles pratiques.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

L'examen de l'hélicoptère n'a révélé aucun signe de défaillance ni de défectuosité d'un système, que ce soit avant ou pendant le vol. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur, et rien n'indique que des facteurs physiologiques aient pu perturber ses capacités. L'analyse portera sur la perte des références visuelles, et bien que cela ne soit pas directement lié aux causes de l'accident, sur les possibilités de survie des occupants ainsi que sur le système de contrôle de la sécurité sur les lieux.

2.2 Perte des références visuelles

Le vol se déroulait selon les règles de vol à vue. Ces règles exigent que le pilote effectue le vol de façon telle qu'à tout moment soit maintenue la vue du sol ou de l'eau. Comme il n'y avait pas d'installation fournissant des services de renseignements météorologiques pour l'aviation dans les environs ni de personnel pour faire des observations météorologiques à Leaf Rapids, les pilotes devaient évaluer eux-mêmes les conditions météorologiques locales. Au début du vol, la visibilité était d'environ trois quarts de mille et dépassait les minimums exigés pour le vol VFR. Toutefois, à mesure que l'hélicoptère franchissait la rivière Churchill, la fumée a épaissi, et la visibilité a rapidement diminué.

L'hélicoptère était équipé des instruments de base pour le vol VFR, mais n'était pas certifié ni équipé pour le vol avec un seul pilote en conditions IMC. Le pilote avait reçu de la formation pour le vol aux instruments plus tôt dans sa carrière de pilote, mais il ne possédait pas la qualification de vol aux instruments et il n'avait pas gardé ses compétences de vol aux instruments à jour au cours des 15 dernières années. En conséquence, ni le pilote ni l'hélicoptère n'étaient certifiés ou équipés pour poursuivre le vol en IMC. Le pilote n'avait d'autre choix que d'essayer de poursuivre le vol en VFR.

Lorsque le pilote a décidé que la visibilité ne permettait plus de poursuivre le vol, il a décidé de tourner à droite au-dessus de la rivière. Pendant le virage, il a perdu ses références visuelles extérieures. Après l'accident, il semble que la visibilité sur les lieux de l'accident était d'environ 200 verges dans la fumée et que le ciel était obscurci. La surface de l'eau était calme et sans rides. La combinaison de ces conditions favorisait l'apparition de la désorientation spatiale en vol VFR.

Le pilote a dû s'en remettre uniquement à sa maîtrise manuelle de l'hélicoptère et à son interprétation des instruments de pilotage de base pour garder la maîtrise de l'hélicoptère jusqu'à ce qu'il puisse retrouver ses références visuelles.

Dès qu'il a perdu ses références visuelles, le pilote a vérifié ses instruments et a remarqué que le variomètre indiquait que l'hélicoptère descendait à un taux de 200 pieds par minute. Si l'hélicoptère descend à ce taux, d'une hauteur d'environ 75 pieds, il n'a que 23 secondes avant de heurter la surface de l'eau. Comme les compétences du pilote n'étaient pas à jour pour le vol aux instruments, que l'hélicoptère n'était pas équipé pour le vol aux instruments et qu'il n'y avait pas de références visuelles extérieures, le pilote avait peu de chances de s'en sortir.

2.3 Possibilités de survie

L'analyse de la dynamique des accidents d'hélicoptère faite par Coltman a démontré qu'il y avait une diminution importante des blessures graves si les occupants portaient des bretelles de sécurité. Le Fireline Notebook du MRN reconnaît aussi l'avantage de porter des bretelles de sécurité et stipule que le préposé aux hélicoptères doit s'assurer que les pilotes et les passagers portent leurs bretelles de sécurité; ce point figure sur la liste des vérifications de sécurité. Le pilote qui portait des bretelles de sécurité et un casque protecteur a survécu à l'accident, tandis que l'autre occupant du poste de pilotage a perdu la vie, ce constat permet une fois de plus de souligner le fait que ces dispositifs supplémentaires protègent mieux les personnes qui les utilisent.

Les vols de lutte contre les feux de forêt présentent des risques supérieurs aux autres vols de transport. Il n'a pas été possible de prouver que les passagers qui ont perdu la vie dans l'accident auraient subi un sort différent s'ils avaient porté des bretelles ou un casque, mais suffisamment d'éléments permettent de dire que le port des bretelles et d'un casque améliore les possibilités de survie. Dans le cas qui nous occupe, le port des bretelles et d'un casque aurait peut-être permis aux victimes de ne pas perdre connaissance.

2.4 Gestion de la sécurité

La réglementation de Transports Canada a été élaborée principalement pour établir des normes de sécurité minimales pour les vols de transport aérien privés et commerciaux, et elle ne traite pas spécifiquement de la nature particulière des vols de lutte contre les feux de forêt. Les compagnies pétrolières, plusieurs services d'ambulance aérienne et un certain nombre d'organismes et de ministères gouvernementaux se sont penchés sur les exigences relatives à leurs opérations aériennes et ont déterminé qu'il fallait préciser des normes particulières pour la sécurité de leur personnel, qui doivent dépasser les normes minimales exigées par la réglementation de Transports Canada. Le contrat en vigueur au moment de l'accident attribuait la responsabilitéé exclusive de la sécurité à l'exploitant de l'hélicoptère et mentionnait seulement qu'il devait respecter la réglementation applicable.

L'étude du NTSB préconise l'établissement de politiques et de procédures de gestion compatibles dans des situations où deux structures de gestion (dans ce cas-ci, le MRN et Northern Mountain Helicopters) participent à des opérations d'une nature urgente. Ces politiques et procédures ont pour objet d'assurer que tout le personnel d'exploitation des deux organismes fonctionne selon les mêmes normes et limites. L'étude du NTSB met en relief le lien hiérarchique de facto qu'il y avait entre le personnel sur les lieux et les pilotes d'hélicoptère. Ce lien remettait exclusivement aux organismes engagés dans la lutte contre les feux de forêt la responsabilitéé d'établir une philosophie de sécurité qui comprenait les opérations aériennes. Dans une large mesure, une philosophie et des politiques similaires étaient déjà intégrées dans le Fireline Notebook du MRN. Toutefois, il n'y avait pas de personnel assigné aux postes de sécurité de l'équipe d'incendie.

3.0 Faits établis

  1. L'enquête n'a révélé aucun signe de défaillance de l'hélicoptère ni de défectuosité d'un système, que ce soit avant ou pendant le vol.
  2. Selon les dossiers, l'hélicoptère était certifié et équipé pour le vol en conditions VMC, conformément à la réglementation en vigueur.
  3. Rien n'indique que des facteurs physiologiques aient pu perturber les capacités du pilote.
  4. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
  5. Le pilote avait reçu de la formation aux instruments plus tôt au cours de sa carrière de pilote, mais il ne possédait pas la qualification de vol aux instruments et il n'avait pas gardé ses compétences de vol aux instruments à jour au cours des 15 dernières années, ce qu'il n'était pas tenu de faire en vertu de la réglementation en vigueur.
  6. Il n'y avait pas d'installation fournissant des services de renseignements météorologiques pour l'aviation ni de personnel pour faire des observations météorologiques à Leaf Rapids, et les pilotes devaient évaluer eux-mêmes les conditions météorologiques.
  7. Le pilote a perdu les références visuelles nécessaires pour poursuivre le vol dans des conditions VMC, et l'hélicoptère a heurté la surface de l'eau avant que le pilote puisse retrouver des références visuelles suffisantes.
  8. Trois des huit occupants ont perdu connaissance après avoir reçu des blessures à la tête au moment de l'impact. Ils n'ont pu détacher leur ceinture de sécurité et se sont noyés.
  9. Des études révèlent que le port des bretelles de sécurité et d'un casque améliore les possibilités de survie des victimes d'accident d'hélicoptère. L'utilisation de ces dispositifs aurait peut-être pu empêcher les victimes de perdre connaissance.
  10. Les lignes directrices sur la gestion des équipes d'incendie du MRN prévoyaient l'établissement de postes de sécurité, mais ces postes n'avaient pas été comblés.

3.1 Causes et facteurs contributifs

En faisant tourner l'hélicoptère pour éviter une zone de visibilité réduite, le pilote a perdu ses références visuelles. L'hélicoptère est descendu pendant le virage et a heurté la surface de l'eau avant que le pilote ait le temps de retrouver ses références visuelles.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Dispositifs de sécurité pour les passagers

Le ministère des Ressources naturelles du Manitoba a émis des lignes directrices internes relatives à l'exploitation de tous les aéronefs engagés dans la lutte contre l'incendie. Ces lignes directrices entraient en vigueur au début de la saison des feux 1996. En vertu de ces lignes directrices, tous les occupants de ces aéronefs doivent porter une ceinture de sécurité, des bretelles de sécurité (si elles sont disponibles), et un casque protecteur ou un casque de sécurité muni d'une jugulaire (chin strap), sauf si l'occupant doit effectuer une tâche qui lui demande d'enlever un ou plusieurs de ces dispositifs de sécurité. De plus, le ministère exigera que, pour l'exécution des futurs contrats de longue durée, les sièges d'hélicoptère normalement occupés lors d'un vol soient équipés de bretelles de sécurité approuvées; de plus, ce point figurera sur la liste des articles souhaitables, pour tous les contrats à court terme d'affrètement d'hélicoptère.

4.1.2 Postes de sécurité de l'équipe d'incendie

Le ministère des Ressources naturelles du Manitoba a modifié ses lignes directrices pour assurer que dans toute équipe d'incendie mobilisée pour gérer les gros feux naissants, l'agent de sécurité incendie à bord possède la formation et les qualifications nécessaires pour remplir ses fonctions. L'agent de sécurité incendie doit s'assurer que l'équipe observe les points figurant sur la liste de vérifications du préposé aux hélicoptères et que les pilotes et les autres membres de l'équipe d'incendie remplissent leurs fonctions conformément aux mêmes normes et limites lorsqu'ils se trouvent sur les lieux d'un incendie.

4.1.3 Communication de l'information

Le Bureau croit que les problèmes de sécurité relevés au cours de l'enquête sur cet accident ainsi que les mesures de sécurité qui ont été prises à la suite de cet accident par le ministère des Ressources naturelles du Manitoba doivent être signalés aux autres responsables de la sécurité des opérations de lutte contre les feux de forêt. En conséquence, le rapport d'enquête final sur cet accident sera envoyé aux organismes engagés dans la lutte contre les feux de forêt de toutes les provinces et territoires.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président John W. Stants et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.

Annexes

Annexe A - Liste des rapports pertinents

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Le rapport suivant a été rédigé par Standard Aero Engine Limited :

Standard Aero Investigation T53-13B Engine - 9 August 1995 (Rapport d'enquête de Standard Aero sur le turbomoteur T53-13B - 9 août 1995).

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe B - Sigles et abréviations

BCSA
Bureau canadien de la sécurité aérienne
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CVR
enregistrement phonique
FAA
Federal Aviation Administration
FDR
enregistreur de données de vol
FSS
station d'information de vol
h
heure(s)
HAC
heure avancée du Centre
IFR
règles de vol aux instruments
IMC
conditions météorologiques de vol aux instruments
lb
livre(s)
MRN
ministère des Ressources naturelles
NDB
radiophare non directionnel
NTSB
National Transportation Safety Board
ONA
Ordonnance sur la navigation aérienne
UTC
temps universel coordonné
VFR
règles de vol à vue
VMC
conditions météorologiques de vol à vue