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Rapport d'enquête aéronautique A95W0210

Descente non commandée / collision avec le terrain
Aero Commander 700 N9920S
15 nm au sud-est de Castlegar
(Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 18 h 26, heure normale des Rocheuses (HNR)Note de bas de page 1, l'appareil ayant à son bord le pilote et quatre passagers, a quitté l'aéroport international de Calgary (Alberta), pour un vol de nuit selon les règles de vol aux instruments (IFR), à destination de Hillsboro (Oregon, États-Unis). Vers 19 h 46, l'appareil est disparu de l'écran radar du centre de contrôle régional (ACC) de Vancouver, aux environs de Castlegar (Colombie-Britannique). Le Centre de coordination de sauvetage de Victoria (RCC) a été avisé, et des avions ont été envoyés à la recherche de l'appareil porté manquant. Bien que les deux pays aient effectué des recherches en se servant des points radar de la dernière position connue de l'appareil porté manquant, l'appareil n'a pas été retrouvé, et les recherches ont été interrompues après sept jours. Aucun signal de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) n'a été capté.

Le 14 juin 1996, l'épave a été retrouvée par 49°14′48″ de latitude Nord et 117°03′20″; de longitude Ouest, à une altitude d'environ 6 700 pieds-mer. L'appareil avait été détruit par l'impact et par l'incendie qui a suivi. Le pilote et les quatre passagers ont perdu la vie dans l'accident.

Renseignements de base

Le vol avait pour objet de ramener des membres du personnel dans l'avion d'affaires de la compagnie après une réunion d'affaires à Calgary. Le pilote avait reçu un exposé météorologique de la station d'information de vol (FSS) d'Edmonton et il avait déposé un plan de vol IFR auprès de la FSS de Springbank. Lors du dépôt de son plan de vol, il avait demandé une altitude de 15 000 pieds pour se rendre directement à Battleground, dans l'état de Washington, puis directement à Hillsboro, sa destination. Il avait indiqué que la durée en route prévue était de 3 heures et 15 minutes et qu'il emportait suffisamment de carburant pour 4 heures et demie de vol.

Les conditions météorologiques de Castlegar au moment de l'accident étaient les suivantes : ciel partiellement obscurci avec plafond couvert estimé à 1 500 pieds et visibilité d'un mille et demi dans la pluie légère et le brouillard. Il était prévu qu'un front chaud occasionnant des plafonds situés entre 500 et 1 500 pieds réduirait la visibilité à un demi-mille dans la pluie et la neige. La prévision régionale faisait état d'une probabilité d'un givrage transparent important dans de la bruine verglaçante et de turbulences moyennes occasionnelles au-dessous de 14 000 pieds-mer pour la route du vol. Un rapport de pilote (PIREP) émanant d'un appareil volant au niveau de vol 200 (FL200), au-dessus de la dernière position connue, indiquait qu'il y avait du givre blanc léger en air limpide. Le pilote de ce rapport avait aussi signalé de la turbulence et des couches nuageuses sans éclaircies au-dessus et au-dessous de sa position. Le niveau de congélation prévu était de 4 000 pieds-sol. Au cours de l'exposé météorologique que le pilote a reçu de la FSS d'Edmonton, on n'a pas mentionné au pilote qu'il était possible qu'il rencontre du givrage transparent important en vol. Il n'a pas été possible de déterminer si le pilote avait obtenu les renseignements météorologiques du système d'exposé météo total pour l'aviation (TABS), disponible à son hangar. Environ 35 minutes après le remorquage de l'avion qui se trouvait dans un hangar à Calgary, le pilote a demandé que l'avion soit dégivré avant le départ. De la neige s'était accumulée sur les ailes pendant la courte période passée à l'extérieur, et la température extérieure était de moins 14 degrés Celsius.

Figure
Figure 1

À 17 h 35, les réservoirs de carburant de l'avion ont été remplis à ras bord avec 520 litres d'essence aviation. Quelques instants plus tard, le pilote et les passagers sont montés à bord, et l'avion a été dégivré au moyen d'un liquide de type 1. Vers 17 h 50, le pilote a reçu l'autorisation de rouler du contrôle au sol de Calgary, et l'avion a quitté le hangar de maintenance. La piste 16 était la piste de décollage en service, et le pilote a demandé d'utiliser toute la longueur de la piste (12 675 pieds) pour décoller. Vers 18 h 12, le pilote a amorcé sa course au décollage; cependant, avant d'atteindre la vitesse de cabrage, il a interrompu le décollage. Il a alors avisé la tour que le moteur droit (Lycoming TIO-540) ne produisait pas son plein régime et il a demandé un autre point fixe sur la voie de circulation Alpha. Environ 10 minutes plus tard, il a avisé le contrôle au sol que le problème avait été réglé. N9920S a été de nouveau autorisé à rouler pour la piste 16, et le pilote a utilisé toute la longueur de la piste pour décoller. Peu après avoir pris l'air, N9920S a été autorisé par le contrôle terminal de Calgary à gagner 16 000 pieds en croisière.

Les données radar indiquent que l'avion a effectué sa montée initiale à environ 870 pi/min et, vers 15 000 pieds-mer, son taux de montée était d'environ 340 pi/min. Le Laboratoire technique du BST a analysé la bande magnétique des communications entre le pilote de N9920S et le contrôle terminal de Calgary. L'analyse spectrale indique qu'à 18 h 28, comme l'avion venait de franchir 4 400 pieds-mer, les deux moteurs fonctionnaient aux environs de 2 400 tr/min. Au cours du segment en croisière du vol, la vitesse, l'altitude et la trajectoire de l'avion sont demeurées relativement constantes. À 19 h 3, le centre de contrôle régional (ACC) d'Edmonton a mis fin au service radar avec N9920S et a avisé le pilote de contacter l'ACC de Vancouver sur la fréquence de 133,6 mégahertz (MHz). Le dernier message de N9920S a été reçu vers 19 h 37 au cours duquel le pilote a signalé à l'ACC de Vancouver qu'il était en palier à 16 000 pieds. Le contrôleur a remarqué que le ton du pilote était normal. Les données radar indiquent que, de 19 h 41 à 19 h 45, la vitesse-sol de l'avion a diminué, passant de la vitesse de croisière de 140 noeuds à 90 noeuds. Vers 19 h 46, l'avion a disparu de l'écran radar de l'ACC de Vancouver, au-dessus de la crête montagneuse Selkirk, près de Castlegar, dans la nuit. La dernière position connue de l'avion était 49°15′11″ de latitude latitude Nord et 117°03′18″ de longitude Ouest. Le relief le plus élevé près de la dernière position connue de l'avion est de 8 000 pieds-mer. Cette région montagneuse peu peuplée est très boisée, et elle était recouverte d'une épaisse couche de neige.

Les bandes radar de l'ACC de Vancouver ont révélé que N9920S avait perdu 50 noeuds de sa vitesse-sol et environ 300 pieds d'altitude au cours des dernières secondes du contact radar. L'ACC de Seattle, qui suivait aussi l'avion, a indiqué que vers 19 h 46, N9920S était descendu de 16 300 pieds à 11 800 pieds-mer en 35 secondes environ et qu'il n'était pas réapparu sur le radar. Le taux de descente calculé s'établissait alors à 7 700 pi/min.

La dernière position connue de l'avion, signalée par l'ACC de Vancouver et l'ACC de Seattle, était à deux milles marins l'une de l'autre. Aucun appel de détresse n'a été entendu par l'ACC, la FSS ni par aucune autre station, y compris par un appareil qui volait plus haut au moment de l'accident. Il n'y a aucun témoin connu de l'accident.

L'avion était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) ACK E-01 fixe, mais aucun signal n'a été capté au moment de l'accident, ni pendant les recherches qui ont duré sept jours.

Cinq aéronefs militaires et six appareils civils (ACRSA) ont participé aux recherches effectués par les services canadiens. Les recherches par les services américains ont été effectuées par un C-130 de la Garde nationale aérienne de l'Oregon, un appareil des Forces de l'air des États-Unis et, à divers moments, des hélicoptères UH-1 de l'armée américaine. Le rapport d'opérations de recherche et de sauvetage (SAR) indique que des recherches ont été faites pendant 306,9 heures et qu'elles ont été interrompues le 5 décembre 1995.

L'aéronef était un bimoteur pressurisé, à ailes basses, à train rentrant. Il est motorisé par deux Lycoming TIO-540 (à turbocompresseur de suralimentation), son plafond pratique sur un moteur était de 10 600 pieds et de 27 400 pieds sur deux moteurs. Il était équipé de tous les instruments et de toutes les radios nécessaires pour un vol IFR de nuit et il était certifié conformément à l'annexe C de la Partie 25 des Federal Aviation Regulations (FAR). Les conditions définies dans l'annexe C de la Partie 25 des FAR sont limitées et ne font pas état de vol de longue durée en conditions givrantes ou sous une pluie verglaçante. L'avion était aussi équipé d'un transpondeur d'altitude (Mode C), qui a fonctionné continuellement sur le code 7313, du décollage jusqu'à la dernière position connue de l'appareil.

Des témoins qui ont observé l'embarquement ont affirmé que le poids de chacun des cinq occupants mâles était supérieur au poids standard pour l'hiver fixé à 188 livres par personne. En outre, les occupants transportaient tous des sacs de voyage; cependant, aucun d'eux ne portait de vêtements ni de bottes de survie pour l'hiver. Le matériel de survie d'urgence pour l'hiver à bord de l'avion comprenait une hache, des fusées éclairantes, des friandises, des couvertures solaires, un émetteur-récepteur et une trousse de premiers soins. Selon les calculs d'estimation de la masse, la masse au décollage était peut-être supérieure aux limites admissibles de l'avion.

Le pilote était titulaire d'une licence de pilote de ligne et était considéré comme un pilote compétent aux instruments. Il totalisait environ 3 000 heures de vol, y compris 100 heures sur type. Avant le vol de l'accident, le pilote avait parlé avec le chef pilote, et aucun problème n'avait été relevé pendant la conversation. La procédure normale pour un tel vol consistait à voler en IFR au moyen du système de positionnement mondial (GPS) jumelé au pilote automatique.

Le 14 juin 1996, un avion de recherche de la compagnie a repéré l'épave de l'avion à environ un mille marin au sud de la dernière position connue. La découverte de l'épave a été signalée à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui a dépêché des membres sur les lieux de l'accident. Le numéro de l'avion (N9920S) ainsi que des pièces d'identité portant le nom du pilote ont permis de confirmer que l'épave était bien celle de l'Aero Commander 700 porté manquant.

Les enquêteurs du BST ont mené une enquête sur le terrain le 25 juin 1996. L'examen des traces laissées par l'épave a révélé que l'avion avait heurté le sol en piqué prononcé, ce qui laisse croire à une descente non commandée. Le dernier point d'impact se trouvait là où l'on a retrouvé les ailes droite et gauche et leur moteur respectif, les hélices et le train d'atterrissage. Un incendie après l'écrasement a consumé la cabine; toutefois, des parties de l'empennage n'ont pas brulées. Le siège du pilote, celui du copilote, le contenu de la cabine et des morceaux de plexiglas étaient éparpillés à environ 80 pieds plus au sud, au bas d'un flanc de montagne présentant une pente de 28 degrés, au-delà du dernier point d'impact. Des marques très visibles au sol indiquaient à quel endroit le nez de l'appareil, les moteurs et les hélices avaient heurté le sol. On a retrouvé les principaux composants de la cellule et des gouvernes, et tous les dommages observés ont été attribués aux importantes forces d'impact et à l'incendie. Les volets et le train d'atterrissage étaient rentrés. Les dommages et la torsion des deux hélices étaient semblables et étaient typiques d'un fonctionnement à puissance minimale au moment de l'impact. L'ELT a été endommagée par le feu et les forces d'impact et elle ne s'est pas déclenchée. En raison de la destruction presque complète de l'avion par les forces d'impact et par le feu, il n'a pas été possible de déterminer si une défaillance structurale ou une défectuosité d'un système avant l'impact avait contribué à l'accident; cependant rien de tel n'a été constaté. Les moteurs, les hélices et l'actionneur de volets ont été expédiés à l'atelier du bureau régional du BST. Les hélices Hartzell (de modèle HC-E3YR-2ATF) ont été démontées pour examen, et l'on a déterminé qu'elles fonctionnaient probablement à la puissance minimale au moment de l'impact. Les moteurs (Lycoming TIO-540) ont été examinés par le personnel du BST et de Textron Lycoming. Rien n'indique qu'il y ait eu une défectuosité avant l'accident ou que les moteurs ne pouvaient pas développer leur pleine puissance.

L'épave et les corps des occupants ont été retrouvés environ six mois et demi après l'accident, et l'état des restes humains n'a pas permis d'obtenir des données utiles par autopsie ou examen toxicologique.

Analyse

Personne n'a été témoin de l'accident, et rien n'indique qu'il y ait eu une défaillance de la cellule ou une défectuosité d'un système pendant le vol; rien n'indique non plus qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques aient pu perturber les capacités du pilote. En outre, il n'a pas été possible de déterminer pourquoi l'avion a interrompu le vol de croisière, et pourquoi il a entamé une descente rapide et heurté la montagne. La répartition des débris et les marques d'impact indiquent que l'avion était en piqué prononcé au moment de l'impact. Il est possible que, avant la descente rapide, le comportement de l'avion ait été influencé par un ou plusieurs facteurs, comme le givrage de la cellule ou des moteurs, une défectuosité mécanique ou la masse élevée. Les données du radar de l'ACC, par contre, révèlent que la vitesse, l'altitude et la trajectoire de l'avion sont demeurées relativement constantes pendant le segment en croisière. Au cours des derniers moments du vol, de 19 h 41 à 19 h 45 environ, la vitesse-sol de l'avion a diminué, passant de 140 à 90 noeuds. Si le givrage de la cellule a été un facteur dans l'accident, il est alors probable que l'accumulation de givre s'est produite au cours des cinq dernières minutes de vol. Si le pilote a eu des ennuis de moteur pendant le vol, c'est également au cours des cinq dernières minutes de vol. L'enquête a révélé toutefois que les moteurs pouvaient développer de la puissance au moment de l'impact. Les éléments de preuve recueillis laissent fortement croire qu'un événement catastrophique a provoqué une descente non commandée que le pilote n'a pas pu interrompre.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

  1. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer un vol IFR de nuit, et l'avion était certifié conformément à la réglementation en vigueur.
  2. Selon les calculs d'estimation de la masse, la masse au décollage de l'avion était peut-être supérieure à la limite permise.
  3. La prévision régionale faisait état d'une probabilité de givrage transparent important dans de la bruine verglaçante sur la route prévue pour le vol. Ce renseignement n'a pas été donné au pilote lors de l'exposé météorologique.
  4. Le pilote a interrompu son premier décollage à Calgary parce que le moteur droit ne produisait pas la pleine puissance.
  5. Rien n'indique que les moteurs étaient incapables de produire la pleine puissance. Selon l'examen des hélices, il est probable que les moteurs produisaient une puissance minimale au moment de l'impact.
  6. L'avion s'est écrasé en piqué prononcé, volets et train d'atterrissage rentrés.
  7. L'état des restes humains n'a pas permis d'obtenir des données utiles par autopsie ou examen toxicologique.
  8. L'analyse spectrale a montré qu'à 18 h 28 les deux moteurs fonctionnaient à 2 400 tr/min environ.

Causes et facteurs contributifs

L'enquête n'a pas permis d'établir pourquoi l'avion a interrompu son vol de croisière et a entamé une descente rapide que le pilote n'a pu interrompre. Il a toutefois été établi que le pilote a entrepris le vol dans une région où il y avait une possibilité de givrage transparent important dans de la bruine verglaçante, comme le confirme la prévision eacute;gionale.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.