Language selection

Rapport d'enquête aéronautique A96C0092

Collision avec le relief
Piper Comanche PA24-250 N6541P (É.-U.)
Pelican Narrows (Saskatchewan)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Après avoir passé une semaine de vacances dans la région, le pilote privé et trois passagers devaient décoller d'une piste privée située au camp U-Fly-In, trois milles à l'est de Pelican Narrows (Saskatchewan). Le pilote projetait de voler jusqu'à Flin Flon (Manitoba) pour remplir les réservoirs de carburant de l'appareil avant le vol de retour au Colorado (États-Unis). Peu après le décollage, l'avion PA24-250, numéro de série 24-1663, n'a pu franchir un peuplement d'arbres, s'est écrasé et s'est immobilisé à environ 800 pieds de l'extrémité de la piste. L'avion a été détruit à l'impact et lors de l'incendie qui a suivi. Deux passagers ont été mortellement blessés, le pilote a été grièvement blessé, et le troisième passager n'a subi que des blessures légères.

Renseignements de base

La piste gazonnée, mesurant environ 3 000 pieds de long et 100 pieds de large, est entourée de peupliers et d'épinettes de 50 à 60 pieds de haut. La piste orientée 010o-190o est à une altitude de 1 000 pieds environ. La surface est légèrement raboteuse et elle présente une bosse prononcée à 1 000 pieds du seuil de la piste 01, celle qui a servi au décollage. L'herbe avait une hauteur d'environ 2,5 pouces près de l'axe de la piste, et le sol de cette dernière était légèrement mou à la suite de pluies récentes. Les pneus de l'avion ont laissé des traces d'une profondeur de 1/8 à 1/4 de pouce à l'endroit où l'avion a viré avant le décollage.

Un observateur a rapporté que les conditions météorologiques locales étaient les suivantes : température de 13 °C (oC) et vent soufflant du 325 ° à une vitesse de 10 à 15 milles par heure (mph). Les conditions météorologiques à Flin Flon, situé à environ 50 milles au sud-est de la piste de départ, étaient les suivantes : nuages épars à 1 100 pieds au-dessus du sol avec ciel couvert à 1 800 pieds, température de 13 oC, point de rosée de 10 oC et vents du 300o vrai à 10 noeuds.

Le pilote privé titulaire d'une licence était qualifié pour le vol selon les règles de vol à vue (VFR) sur avion monomoteur terrestre et il avait totalisé environ 1 800 heures de vol, dont 583 heures sur appareil complexe à train rentrant et 540 heures sur type. Au cours des 30 derniers jours, le pilote avait volé pendant environ 15 heures, le voyage en provenance du Colorado compris. Le pilote était relativement inexpérimenté dans les décollages sur piste gazonnée et terrain mou.

Le pilote a estimé la masse brute de l'avion à 2 975 livres, le centre de gravité se situant dans les limites. La masse brute maximale de l'avion équipé de réservoirs d'extrémité était de 3 000 livres. Ces réservoirs avaient été montés en vertu d'un certificat de type supplémentaire.

Les calculs de performance au décollage en fonction des conditions indiquent qu'une course au décollage d'environ 1 400 pieds était nécessaire pour que l'avion puisse prendre l'air, et qu'une distance totale d'environ 2 000 pieds serait nécessaire pour atteindre une altitude de 50 pieds. Dans les conditions régnantes, la distance d'arrêt nécessaire aurait été considérablement plus élevée que les 650 pieds indiqués dans le manuel de vol approuvé pour un atterrissage volets sortis sur une piste en dur. Cette constatation indique alors que le point où le décollage pouvait être interrompu en toute sécurité se situait à environ 1 000 pieds de l'extrémité de la piste.

Le pilote a signalé que le point fixe précédant le décollage s'était déroulé sans problème. Il a utilisé une technique de décollage sur terrain mou et a tenté de tenir le nez de l'avion soulevé de la piste dès le début de la course au décollage. On a observé l'avion prendre l'air en prenant brusquement un angle de cabrage prononcé après une course au décollage d'environ 1 000 pieds. On a alors vu l'avion voler à 5 ou 10 pieds au-dessus du sol en cabré. Puis, on a vu l'avion toucher le sol à environ 900 pieds plus loin sur la piste. L'avion a ensuite repris l'air et a volé en cabré et selon un faible angle de montée à environ 60 milles par heure. Le pilote a décidé de poursuivre le décollage, mais il s'est aperçu que l'avion n'arrivait pas à monter sans perdre de la vitesse. Le pilote a alors mis l'avion en palier et a rentré le train pour pouvoir réduire la traînée et augmenter la vitesse. Un observateur a déclaré que le bruit du moteur de l'avion n'était pas aussi fort ni aussi net que celui d'autres avions de la même marque et du même modèle. L'observateur a signalé que l'avion a franchi les arbres les moins hauts situés à l'extrémité de la piste, mais que la trajectoire de l'avion était telle qu'il ne semblait pas qu'il pourrait franchir les plus grands arbres situés sur le sol qui montait au-delà de la piste. À l'extrémité de la piste, le pilote a tiré sur le manche afin de tenter de passer par-dessus les arbres qui approchaient et il a viré à droite en direction du lac. L'avion a perdu de la vitesse, a décroché et est tombé dans la forêt.

On a retrouvé l'avion dans un peuplement d'arbres d'une hauteur de 50 à 60 pieds, à environ 800 pieds au-delà de la piste et légèrement à droite de cette dernière. Les dommages de l'avion et les marques sur le sol ont montré que l'avion était entré dans les arbres en inclinaison à droite. L'aile droite de l'avion a heurté le sol en premier, ce qui a sectionné sa partie extérieure. L'avion a lors pivoté à droite et s'est immobilisé sur un cap de 220o magnétique. Les dommages aux arbres avoisinants ont indiqué que l'hélice produisait de la puissance jusqu'à ce que le moteur percute le sol. L'avion avait été gravement endommagé par l'impact par l'incendie intense alimenté par le carburant qui a consumé toute la cabine et le reste de l'aile droite, la partie intérieure de l'aile gauche et des parties de la queue.

Les volets ont été retrouvés en position rentrée. Les ailerons, le gouvernail de direction et les gouvernes de profondeur ont été endommagés par l'impact et le feu; cependant, toutes les défaillances et tous les dommages de la structure et des fixations ont été attribués à une surcharge ou à l'incendie. Le compensateur de la gouverne de profondeur se trouvait dans une position comprise entre le point neutre et un léger piqué. On a pu établir, en autant que le permettait les dommages par le feu, la continuité des commandes de vol.

Le compartiment moteur avait été grandement endommagé par le feu; le carburateur, le circuit d'admission d'air, le relais d'accessoires et les deux magnétos ont été entièrement consumés. Aucune donnée utile n'a pu être obtenue des instruments du poste de pilotage à cause des dommages causés par le feu.

Les dossiers de l'avion indiquent que le compte-tours de ce dernier avait été remplacé par un compte-tours électronique en janvier 1996. Au moment du montage du nouveau compte-tours, il a été découvert que la vitesse du moteur dépassait les paramètres de réglage d'environ 300 tours par minute (tr/min). Selon le technicien d'entretien chargé du montage, l'ancien compte-tours sous-indiquait le régime par environ 300 tr/min; il a donc diminué le réglage de la vitesse de rotation maximale du régulateur d'hélice en conséquence. Par la suite, des essais menés sur l'ancien compte-tours ont confirmé qu'à 2 500 tr/min, il indiquait 300 tr/min de moins. Cette constatation montre que le pilote avait utilisé son moteur en survitesse pendant une durée indéterminée, au cours de laquelle le moteur produisait plus de puissance que ne l'indiquait le compte-tours.

Deux ateliers de révision indépendants ont testé le régulateur d'hélice et ont conclu qu'il fonctionnait selon les paramètres normaux prévus. L'examen de l'hélice après l'accident a révélé qu'au moment de l'impact avec le sol le mécanisme de calage de pas se trouvait légèrement décalé par rapport à la butée de pas faible. C'est la position prévue pour une hélice qui tourne en vol au «pas fin», soit la position de décollage.

Même si la température et le point de rosée favorisaient le givrage du carburateur, le pilote a indiqué qu'il n'y avait aucun signe de givrage et que le comportement du moteur avant le décollage était normal.

Le PA24-250 à voilure basse est équipé d'une aile à écoulement laminaire. Les ailes à écoulement laminaire possèdent des bords d'attaque à faible rayon de courbure et l'épaisseur maximale se situe à 50% de la corde, tandis que les profils aérodynamiques classiques sont plus épais à peu près à 30 pour cent de la corde. La traînée d'une aile à écoulement laminaire est plutôt faible, mais seulement sur une plage étroite d'angles d'attaque, communément appelée «drag bucket» en anglais. Tant que ce profil aérodynamique évolue dans cette plage étroite d'angles d'attaque, l'écoulement aérodynamique demeure laminaire sur une bien plus grande distance à partir du bord d'attaque que sur un profil aérodynamique classique, ce qui donne une traînée réduite et constante. Quand l'angle d'attaque augmente, toutefois, on atteint un point où la traînée augmente rapidement, et l'avantage que présente l'écoulement laminaire disparaît. Dès que le profil aérodynamique évolue à l'extérieur de cette plage réduite d'angles d'attaque, de petites augmentations de l'angle d'attaque se traduisent par d'importantes augmentations de traînée.

Analyse

Sur la foi des résultats des essais du régulateur d'hélice et du compte-tours, de l'examen de l'hélice et des marques de dommages ainsi qu'en l'absence de toute preuve contraire, il est probable que le moteur produisait une forte puissance à l'impact. Bien qu'on ne puisse écarter la possibilité d'une diminution de la puissance de décollage disponible en raison d'un givrage du carburateur ou de toute autre défectuosité de système, l'examen des renseignements disponibles n'a pas confirmé que ces situations s'étaient produites avant l'impact.

La cause de cet accident relève probablement d'une combinaison de plusieurs facteurs. Le pilote était relativement inexpérimenté dans les décollages sur piste gazonnée et terrain mou. L'avion se trouvait près de sa masse brute maximale. Le pilote pourrait s'être attendu à de meilleures performances de l'avion sur la foi du comportement antérieur de l'avion, alors que le régulateur d'hélice était réglé 300 tr/min plus haut et que, par conséquent, le moteur produisait plus de puissance au décollage.

Le pilote a utilisé une technique de décollage sur terrain mou qui, combinée à l'élévation du terrain à la marque des 1 000 pieds de la piste, a fait prendre l'air prématurément à l'avion, à une faible vitesse et en cabré. Au cours d'un décollage sur terrain mou utilisant une telle technique, l'avion évoluerait à un angle d'attaque relativement élevé et à un endroit du domaine de vol où de petites augmentations de l'angle d'attaque se traduisent par d'importantes augmentations de traînée. En raison des caractéristiques du profil aérodynamique à écoulement laminaire, il faut abaisser substantiellement le nez de l'avion avant que diminue la traînée pour que l'avion puisse accélérer.

L'avion a touché le sol une autre fois 900 pieds plus loin sur la piste, environ au point de décollage interrompu sécuritaire. À partir du moment où le pilote décidait de poursuivre le décollage au-delà de ce point, la forte traînée n'a pas permis à l'avion d'accélérer suffisamment pour monter et franchir les obstacles qui se trouvaient au-delà de l'extrémité de la piste. L'avion a décroché lorsque le pilote a manoeuvré pour éviter l'impact.

L'enquête a donné lieu au rapport technique suivant :

Faits établis

  1. Les dossiers indiquent que l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément aux procédures et à la réglementation en vigueur.
  2. Le pilote a estimé que la masse de l'avion était légèrement inférieure à la limite maximale et que le centrage se trouvait dans les limites prescrites.
  3. Le pilote était certifié et qualifié pour le vol, conformément à la réglementation en vigueur.
  4. À cause de la destruction presque totale de l'avion dans l'écrasement et par l'incendie, il n'a pas été possible de déterminer si une défaillance ou une défectuosité de système avant l'impact avait contribué à l'accident; néanmoins, aucune n'a été décelée.
  5. Il n'y avait aucun signe de givrage du carburateur.
  6. Le compte-tours qui avait été enlevé en janvier 1996 indiquait environ 300 tr/min de moins qu'en réalité. Le réglage de la vitesse de rotation maximale du régulateur d'hélice avait été réduite d'environ 300 tr/min lors de l'installation du nouveau compte-tours électronique.
  7. Ayant piloté l'avion auparavant à un régime moteur qui était 300 tr/min plus élevé, le pilote pourrait avoir cru disposer d'une puissance supérieure qui n'a pu être atteinte le jour de l'accident.
  8. Au décollage, l'avion a pris l'air prématurément et a été maintenu en cabré, ce qui l'a empêché d'accélérer et de monter suffisamment pour franchir les obstacles.
  9. Le pilote a poursuivi le décollage au-delà du point de décollage interrompu sécuritaire.
  10. L'avion a décroché à une altitude à laquelle aucun rétablissement n'était possible.

Causes et facteurs contributifs

La technique utilisée pendant le décollage à partir d'un terrain mou a amené l'avion à prendre l'air prématurément et l'a empêché d'accélérer afin de monter et de franchir les obstacles se trouvant sur la trajectoire de décollage. L'avion a décroché lorsque le pilote a manoeuvré pour éviter l'impact avec les arbres à une altitude à laquelle aucun rétablissement n'était possible.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.