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Rapport d'enquête aéronautique A97A0136

Atterrissage train rentré
Cougar Helicopters Inc.
Eurocopter AS332L
Super Puma (hélicoptère) C-GQCH
St. John's (Terre-Neuve)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'équipage de l'hélicoptère Super Puma portant le numéro de série 2139 effectuait une approche à l'aide du système d'atterrissage aux instruments (ILS) de la piste 29 à St. John's (Terre-Neuve). Quand l'appareil a été sur le point de se poser, l'équipage s'est rendu compte que l'hélicoptère était plus bas que d'habitude et que le train d'atterrissage n'était pas sorti. L'équipage a décidé de se mettre en vol stationnaire mais, quand il a augmenté le pas collectif, l'avant de l'appareil a touché à la surface de la piste. Une fois en vol stationnaire, l'équipage a sorti le train et s'est posé sans autre incident. Les deux antennes de communications et la structure du fuselage ont été endommagées. Personne n'a été blessé. L'hélicoptère transportait 2 membres d'équipage et 11 passagers.

Renseignements de base

L'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. C'était le second vol de la journée pour l'équipage. Lors du premier vol, l'équipage était arrivé à 7 h, heure avancée de Terre-Neuve (HAT)Note de bas de page 1pour effectuer le vol du matin, mais à cause du mauvais temps, le vol qui devait emmener 11 passagers jusqu'à la plate-forme de forage pétrolier Hibernia nouvellement mise en place, a été retardé de plusieurs heures, et le départ a finalement eu lieu à 11 h 48. Une fois arrivé à Hibernia, l'équipage s'est posé, a repris du carburant et est reparti vers St. John's, où il est arrivé à 15 h 14 au terme d'un vol sans incident. Le vol de l'accident a débuté à 17 h 4; cependant, à l'arrivée à Hibernia, il faisait si mauvais que l'équipage a dû interrompre l'approche et retourner à St. John's. Le vol de croisière vers St. John's s'est déroulé normalement à une altitude de croisière de 4 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl)Footnote 2 et une vitesse-sol de 145 noeuds environ.

La chronologie des événements en vol a été établie grâce aux enregistrements radio et aux données radar du contrôle de la circulation aérienne (ATC). À 19 h 26, soit une quarantaine de minutes avant l'atterrissage et à quelque 95 milles à l'est de St. John's, l'équipage, qui utilisait l'indicatif d'appel Cougar 33, a appelé par radio le centre de contrôle régional (ACC) de Gander et a demandé l'autorisation de procéder vers l'aéroport de St. John's. Cougar 33 a été autorisé à se rendre directement vers l'aéroport à une altitude de 4 000 pieds asl, et l'équipage a été avisé que la piste 29 était celle qui offrait la meilleure visibilité à l'atterrissage avec une portée visuelle de piste (RVR) de 1 800 pieds, mais que la visibilité fluctuait. À quelque 12 minutes ou 28 milles de la piste, le centre de Gander a autorisé Cougar 33 à descendre à 3 000 pieds asl et, trois minutes plus tard, il l'a autorisé à descendre à 2 400 pieds asl. Deux minutes après, à 16 milles à l'est-sud-est de l'aéroport, le centre de Gander a autorisé Cougar 33 à faire une approche ILS directe sur la piste 29 de l'aéroport de St. John's après un survol du repère d'approche TESOX (voir annexe A).

Moins d'une minute plus tard, à six minutes et à 11 milles de l'atterrissage, Cougar 33 a reçu des instructions d'approche interrompue qui lui serviraient pour une nouvelle approche à St. John's au cas où il n'arriverait pas à établir le contact visuel avec la piste à la fin de la première approche. Le commandant de bord de Cougar 33, préoccupé par les conditions météorologiques et par le risque d'un bas niveau carburant, a répondu qu'en cas d'approche interrompue, il souhaitait se rendre directement à Long Pond, son terrain de dégagement, où la météo était meilleure. Long Pond est un terrain de dégagement désigné qui se trouve à 13 milles au nord-ouest de l'aéroport de St. John's. Le contrôleur du centre de Gander n'a pas tout de suite compris où Cougar 33 voulait se rendre en cas d'approche interrompue, et il a fallu plusieurs échanges radio pendant les 45 secondes suivantes ou deux milles suivants pour régler les problèmes de compréhension. Une minute plus tard environ, Cougar 33 a indiqué que tout était réglé pour l'approche ILS et qu'il attendait d'intercepter le faisceau du signal d'alignement de descente. Le centre de Gander a répondu pour faire savoir à Cougar 33 qu'il se trouvait à six milles du seuil de piste et pour lui demander d'appeler la tour de contrôle de St. John's sur une autre fréquence radio. L'équipage est entré en contact avec la tour de St. John's, et les communications ont été normales pendant le reste de l'approche et de l'atterrissage.

Une observation météorologique spéciale relative à l'aéroport de St. John's publiée à 22 h 23 UTC, soit quelque 12 minutes avant l'accident, faisait état des conditions suivantes : plafond indéfini avec ciel obscurci à 100 pieds au-dessus du sol (agl), visibilité d'un huitième de mille dans le brouillard, vent du 020 degrés magnétique à deux noeuds, couche nuageuse composée de dix dixièmes de brouillard, et RVR de 1 200 pieds et de 1 000 pieds pour la piste 29.

Lorsque Cougar 33 a reçu l'autorisation de quitter 4 000 pieds en descente, l'équipage a fait les vérifications de descente, mais celles-ci ne comprennent pas la vérification du train d'atterrissage. La vérification du train se fait au cours des vérifications avant atterrissage, vérifications qui comprennent le réglage des vannes de prélèvement des moteurs et la sortie du train. Les vérifications avant atterrissage se font habituellement avant le positionnement en approche, mais l'endroit exact pour faire ces vérifications est laissé à la discrétion du pilote. D'après les procédures d'exploitation de la compagnie, cette vérification doit être terminée au plus tard à cinq milles du point d'atterrissage. Rien dans la documentation technique examinée ne précise de quelle façon le réglage des vannes de prélèvement influence la consommation de carburant, mais dans la documentation, il est indiqué que, pour trouver le bon moment où effectuer les vérifications avant atterrissage, il faut tenir compte d'une augmentation de la consommation de carburant (de l'ordre de 5 %), une fois les vannes de prélèvement réglées. Rien n'indique que l'équipage ait fait les vérifications avant atterrissage, avant de tenter d'atterrir.

C'est le copilote qui a effectué l'approche, utilisant et surveillant de près les commandes automatiques de vol (AFCS), tandis que le commandant de bord s'occupait des communications radio tout en surveillant le déroulement de l'approche. Les membres d'équipage de l'hélicoptère ont conservé une vitesse d'approche plus élevée que d'habitude pour qu'il y ait un plus grand espacement entre leur appareil et les autres appareils plus rapides qui les suivaient. Quand l'hélicoptère a intercepté la trajectoire de descente de l'ILS, il était toujours proche de sa vitesse de croisière, et l'AFCS a d'abord essayé de réduire la vitesse de descente, ce qui a eu pour effet de faire passer l'appareil au-dessus de la trajectoire de descente de l'ILS. Les pilotes savaient qu'ils étaient trop haut par rapport à la trajectoire de descente, et ils ont procédé à plusieurs réglages de puissance pendant l'approche si bien que l'hélicoptère s'est repositionné sur la trajectoire de descente peu avant d'arriver à la hauteur de décision. À la hauteur de décision, après avoir établi le contact visuel avec la piste, le commandant de bord a pris les commandes de l'appareil et a fait l'atterrissage manuellement. Conformément aux procédures d'exploitation de la compagnie, le copilote est resté concentré sur ses instruments de vol, même après que le commandant eut pris les commandes, et ce, dans le but d'être prêt à reprendre les commandes et à faire une remise des gaz immédiatement au cas où le commandant perdrait ses repères visuels pendant la manoeuvre d'atterrissage. Les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie exigent également que le copilote aide le commandant de bord en annonçant les vitesses et les altitudes jusqu'à ce que l'appareil soit au sol.

Photo 1. Commande et circuit d'alarme du train d'atterrissage
Commande et circuit d'alarme du train d'atterrissage

D'après les dossiers, l'hélicoptère était certifié et équipé pour le vol, et aucun système ne présentait d'anomalie connue lorsque l'équipage a accepté l'appareil pour effectuer le vol.

Le circuit du train d'atterrissage est commandé électriquement et fonctionne hydrauliquement. La commande de rentrée et de sortie ainsi que les voyants de position du train se trouvent dans le coin supérieur droit de la console centrale, près du genou gauche du commandant de bord, lequel occupe le siège droit (voir figure 1). Le circuit d'alarme du train d'atterrissage se compose de barres lumineuses clignotantes rouges situées dans la partie inférieure des tableaux de bord du commandant de bord et du copilote ainsi que d'une alarme sonore de 285 Hz qui retentit pendant trois secondes dans les casques d'écoute des membres d'équipage. Le circuit se met en marche du moment que le train est rentré et que l'altimètre radar décèle que l'appareil se trouve au-dessous de 300 pieds agl et que la vitesse est de 60 noeuds ou moins. Une vérification du circuit d'alarme du train d'atterrissage faite après l'accident a permis de confirmer que le circuit fonctionnait correctement.

L'équipement normal de la plupart des aéronefs comprend un altimètre barométrique; il s'agit en fait d'une variante du baromètre anéroïde qui utilise la pression atmosphérique pour indiquer la hauteur à laquelle se trouve un aéronef par rapport au niveau moyen de la mer. L'altimètre barométrique de l'hélicoptère accidenté n'était pas pourvu d'un dispositif avertisseur d'altitude. Un altimètre radar (ou radioaltimètre) est un dispositif plus sophistiqué qui indique la hauteur exacte à laquelle se trouve un aéronef au-dessus de la surface terrestre, et ce, grâce à la transmission d'ondes radio vers le sol et à la lecture des signaux réfléchis. Les cadrans des altimètres radar se trouvaient dans la partie inférieure des tableaux de bord du commandant et du copilote. Ils étaient pourvus d'une fonction d'avertissement d'altitude déclenchant une alarme visuelle et sonore dès que l'appareil atteignait la hauteur présélectionnée. Cette hauteur est commandée par le pilote et est affichée au moyen d'un curseur placé sur l'indicateur du radioaltimètre. Lorsque la hauteur préréglée est atteinte, un voyant rouge s'allume sur l'indicateur du radioaltimètre, un gros voyant jaune de hauteur de décision voisin de l'horizon artificiel s'allume, et une tonalité de 454 Hz retentit pendant trois secondes dans les casques d'écoute des pilotes. L'équipage effectuait une approche ILS de catégorie I sur la piste 29, conformément aux procédures d'approche publiées dans le Canada Air Pilot (voir annexe B), sauf que la hauteur de décision avait été réduite à 549 pieds asl et à 100 pieds aglFootnote 3, conformément à l'autorisation figurant dans une spécification d'exploitation accordée à l'exploitant par Transports Canada Footnote 4. L'hélicoptère était équipé conformément aux exigences des Normes de service aérien commercial stipulées dans la spécification d'exploitation, laquelle exige que l'hélicoptère possède deux indicateurs de radioaltimètre en état de marche et en fonctionnement pourvu d'une fonction d'alerte d'altitude. En vue de l'approche pendant le vol de l'accident, les pilotes ont réglé leur indicateur de radioaltimètre à la hauteur présélectionnée de 100 pieds, ce qui correspondait à la hauteur prévue au-dessus du point de toucher à la hauteur de décision réduite. Les cartes des procédures d'approche ILS de catégorie I publiées dans le Canada Air Pilot sont basées sur le fait que les pilotes doivent surveiller les indications de l'altimètre barométrique pour déterminer la hauteur de décision en approche, et elles ne donnent aucune altitude de référence au radioaltimètre.

Bien que ce ne soit pas le cas pour toutes les pistes équipées d'un système d'approche ILS, la piste 29 de l'aéroport de St. John's est équipée d'un ILS de catégorie II qui permet aux aéronefs et aux équipages dûment qualifiés et équipés d'effectuer des approches ILS jusqu'à une hauteur de décision de 100 pieds. La procédure d'approche publiée pour l'approche ILS de catégorie II de la piste 29 (voir annexe B) indique une hauteur de décision de 100 pieds au-dessus de la zone de toucher des roues, ce qui correspond à 549 pieds asl affiché à l'altimètre barométrique et à 164 pieds au-dessus du sol affiché au radioaltimètre. La carte de la procédure d'approche aux instruments décrivant la procédure d'approche de catégorie II de la piste 29 comprend un schéma qui montre la pente ascendante du sol en direction du seuil de la piste 29 de l'aéroport de St. John's.

Même si cela n'était pas obligatoire en vertu de la réglementation, l'hélicoptère était équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR) et d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR). Malheureusement, le temps qu'on avise l'exploitant qu'il fallait examiner les données enregistrées et le temps qu'on reçoive les enregistreurs, les renseignements du vol de l'accident ont été remplacés par les enregistrements d'un vol ultérieur. En fin de compte, aucune donnée utile n'a pu être tirée du FDR ni du CVR.

Un enregistrement audio des alarmes sonores de l'hélicoptère accidenté a été effectué, et une analyse de la bande a révélé que les véritables fréquences des alarmes du train d'atterrissage et du radioaltimètre étaient de 480 Hz et de 293 Hz respectivement. Ces fréquences dérivées des fréquences originales ont peut-être été légèrement modifiées par une éventuelle différence de vitesse de défilement entre le dispositif de lecture utilisé en laboratoire et le petit appareil portatif ayant servi à faire l'enregistrement dans l'hélicoptère; quoi qu'il en soit, les fréquences mesurées étaient suffisamment proches des valeurs de référence pour être jugées bien représentatives des tonalités audio entendues par l'équipage. Les enregistrements des alarmes sonores ont été échantillonnés numériquement avant d'être écoutés séparément, puis ensemble. Malgré l'absence de toute donnée scientifique de référence permettant d'établir que les tonalités correspondant à ces fréquences pouvaient se distinguer clairement l'une de l'autre, l'évaluation subjective a montré que les tonalités n'étaient pas suffisamment distinctes pour éviter toute confusion dans l'environnement d'un poste de pilotage en pleine activité. De plus, il a été jugé que de telles alarmes sonores à fréquence constante pouvaient être difficiles à différencier en cas de déclenchement simultané de plusieurs alarmes.

En juillet 1992, le BST a envoyé à Transports Canada la lettre d'information no 1812 qui portait sur la similitude de certaines alarmes sonores, lettre qui faisait suite à une enquête effectuée en 1991 (rapport no A91C0053 du BST) mettant en cause un Piper Navajo dont l'équipage avait oublié de sortir le train. L'enquête a montré que l'alarme sonore de décrochage (675 Hz) et celle de train rentré (510 Hz), qui étaient du type à tonalité unique sans impulsion, étaient trop proches l'une de l'autre pour permettre de distinguer clairement de quelle alarme il s'agissaitFootnote 5. La question du risque de confusion entre les alarmes sonores a refait surface dans l'avis de sécurité aérienne no 950198 que le BST a envoyé à Transports Canada en septembre 1995. En juillet 1997, Transports Canada a répondu que la lettre de politique de certification des aéronefs no 54 intitulée « Avertisseurs et alarmes sonores » avait été publiée en mars 1997 pour résumer les normes actuelles et préciser les procédures d'évaluation des alarmes sonores tout en offrant un moyen de respecter uniformément les normes. L'alinéa 4.2d) de cette lettre précise que « les alarmes sonores doivent être faciles à distinguer des autres signaux sonores ».

Analyse

D'après les dossiers, l'hélicoptère était certifié et équipé pour le vol, et rien n'indique qu'il y ait eu un mauvais fonctionnement d'un système pendant le vol. L'équipage possédait les licences et les qualifications nécessaires au vol et, même s'il s'agissait du second vol d'une longue journée, l'équipage respectait les exigences relatives aux limites de temps de service. Toutefois, la réunion d'autres facteurs a créé une situation qui fait que l'équipage a oublié d'effectuer les vérifications avant atterrissage et n'a pas reconnu l'alarme sonore du train d'atterrissage lorsque le dispositif s'est déclenché avant la tentative d'atterrissage.

Le vol a été prolongé car le temps était trop mauvais à la verticale de la plate-forme de forage pétrolier pour que l'hélicoptère puisse se poser et prendre du carburant. L'équipage s'est retrouvé dans une situation qui l'empêchait d'exécuter sa mission et, même s'il avait suffisamment de carburant en vertu de la réglementation, il a dû composer avec des contraintes de temps et des options plus limitées que s'il avait pu se poser sur la plate-forme et y prendre du carburant. Le vol de retour vers St. John's s'est déroulé normalement. L'équipage a reçu de l'ATC ses autorisations de procéder vers l'aéroport puis de descendre alors que l'appareil se trouvait encore relativement loin du lieu d'atterrissage; c'est pourquoi l'équipage a attendu d'être plus proche du lieu d'atterrissage avant de procéder aux vérifications avant atterrissage. L'équipage a été avisé des conditions météorologiques et s'est rendu compte que le plafond et la visibilité diminuaient au point où les conditions avaient toutes les chances d'avoisiner les limites d'approche au moment de l'arrivée de l'hélicoptère, ce qui limitait d'autant plus les options de l'équipage.

L'équipage savait que d'autres appareils plus rapides suivaient l'hélicoptère en approche, d'où la décision de conserver la vitesse de croisière et d'attendre avant de ralentir à la vitesse d'approche normale. C'est dans ce contexte de temps limité que l'équipage a reçu ses instructions d'approche interrompue en cas de remise des gaz et d'une nouvelle approche. L'équipage savait que les conditions météorologiques étaient légèrement meilleures à son terrain de dégagement de Long Pond. Le commandant de bord a donc décidé qu'en cas d'approche interrompue, il irait à Long Pond au lieu de consacrer du temps et du carburant précieux à la longue procédure qui devait l'amener à faire une nouvelle tentative d'approche identique à celle qui venait d'échouer. Quand le commandant a fait part de ses intentions à l'ATC, le contrôleur n'a tout d'abord pas compris la demande du commandant, et il a fallu plusieurs échanges radio avant de clarifier la situation. Cette conversation s'est déroulée au moment où l'équipage était dans la phase de transition devant amener l'hélicoptère en position d'approche finale, soit entre 11 et 6 milles du point de toucher. Normalement, les vérifications avant atterrissage auraient dû être faites à ce point ou presque de l'approche, et il est probable que les discussions portant sur les intentions de l'équipage en cas de remise des gaz ont distrait les pilotes au point qu'ils ont oublié de faire les vérifications avant atterrissage qu'ils avaient repoussées un peu plus tôt.

Peu après, et juste avant que l'hélicoptère n'intercepte le faisceau d'alignement de descente de l'ILS, l'équipage a reçu l'instruction de passer sur la fréquence radio de la tour de St. John's. L'appareil a ensuite intercepté le faisceau d'alignement de descente mais, comme sa vitesse était plus élevée que la vitesse idéale, il s'est retrouvé au-dessus de la trajectoire de descente, ce qui a obligé l'équipage à faire plusieurs réglages de puissance pour ralentir et revenir au profil d'approche souhaité. Même si l'appareil est équipé de commandes automatiques de vol, la charge de travail des deux pilotes était sûrement lourde dans pareille situation, et il est probable que la réussite de l'approche est devenue la principale préoccupation de l'équipage.

L'équipage s'est retrouvé sur la trajectoire de descente idéale de l'ILS juste avant d'arriver à la hauteur de décision de 549 pieds à l'altimètre barométrique. Juste avant d'atteindre la hauteur de décision, le commandant de bord a établi le contact visuel avec des repères au sol, et il a pris les commandes pour faire l'atterrissage manuellement. L'équipage effectuait une approche ILS de catégorie I jusqu'à une hauteur de décision de 100 pieds, conformément à la spécification d'exploitation de Transports Canada, et, en l'absence de toute référence à l'altimètre radar dans la carte des procédures d'approche aux instruments, la fonction d'alerte d'altitude de l'altimètre radar avait été réglée à la hauteur au-dessus de la zone de toucher publiée de 100 pieds. Lorsque l'hélicoptère a atteint la hauteur de décision, il se trouvait à 164 pieds au-dessus du sol, ce qui veut dire que les alarmes d'altitude de l'altimètre radar ont retenti quelque temps après le passage à la hauteur de décision, pendant que le commandant pilotait manuellement, ralentissait l'appareil et se préparait à faire l'arrondi en vue de l'atterrissage.

Le circuit d'alarme du train d'atterrissage se met en marche du moment que le train est rentré et que l'altimètre radar décèle que l'appareil se trouve à moins de 300 pieds du sol et que la vitesse est égale ou inférieure à 60 noeuds. Lorsque l'appareil est arrivé à la hauteur de décision, il se trouvait à moins de 300 pieds du sol, mais sa vitesse était supérieure à 60 noeuds, ce qui explique pourquoi l'alarme du train ne s'est pas déclenchée. Le circuit d'alarme est entré en action pendant que le commandant ralentissait l'appareil et se préparait à faire l'arrondi en vue de l'atterrissage.

Pour l'atterrissage, le commandant se servait de repères visuels qui l'obligeaient à regarder à travers le pare-brise, ce qui l'empêchait de consulter directement ses instruments. Le commandant a probablement été obligé de se concentrer énormément pour effectuer cette manoeuvre, compte tenu de la mauvaise visibilité du moment. Les voyants d'alarme rouges de l'altimètre radar et l'alarme du train d'atterrissage sont situés dans la partie inférieure du tableau de bord et, pendant l'atterrissage, ils se trouvaient probablement à la limite inférieure de la vision périphérique du commandant. Il se peut que le commandant se soit concentré sur la manoeuvre d'atterrissage à vue au point que, lorsque les voyants d'alarme sont apparus dans son champ de vision périphérique, il ne les a pas remarqués ou il a cru qu'il s'agissait de l'alarme de l'altimètre radar, qui est une situation normale pendant la séquence d'atterrissage.

Après que le commandant de bord eut établi le contact visuel et pris les commandes, le copilote a eu pour mission de surveiller les instruments de vol et d'annoncer les altitudes et les vitesses au commandant jusqu'à la mise en stationnaire stable ou l'atterrissage. Les voyants d'alarme rouges de l'altimètre radar et l'alarme du train d'atterrissage se trouvent également dans la partie inférieure du tableau de bord du copilote. Le panneau de commande du train d'atterrissage, qui comprend les indicateurs de position du train, était situé loin du champ de vision du copilote, sur le côté opposé de la console centrale, près du genou gauche du commandant de bord. Le copilote n'a pas reconnu l'alarme sonore du train d'atterrissage quand elle a retenti et, bien qu'il soit probable que le copilote a mal interprété les alarmes visuelles, il n'a pas été possible d'expliquer ce phénomène.

Les alarmes sonores de l'altimètre radar et du train d'atterrissage avaient des fréquences proches l'une de l'autre et consistaient toutes les deux en une tonalité à fréquence constante sans impulsion. Il a été découvert que les deux tonalités pouvaient facilement être mal interprétées et passer pour une seule tonalité si elles se déclenchaient en même temps ou l'une après l'autre en se chevauchant. Les pilotes étaient censés entendre ces tonalités dans leur casque d'écoute. Au moment où les tonalités se sont probablement déclenchées, plusieurs annonces ont été faites par le copilote, et le commandant a probablement donné oralement un certain nombre d'accusés de réception pendant l'atterrissage. Il est fort probable que les deux alarmes ont retenti en même temps ou presque et que l'équipage a conclu qu'il s'agissait de l'alarme de l'altimètre radar. Étant donné qu'il est normal d'entendre l'alarme de l'altimètre radar pendant la procédure normale d'atterrissage, l'équipage n'avait pas de raison de vouloir modifier son plan.

Malgré l'absence de renseignements qu'aurait pu fournir le CVR sur ce qui s'est passé dans le poste de pilotage, les facteurs et les données liés à l'accident montrent que les pilotes ont été confrontés à une lourde charge de travail qu'il leur fallait effectuer dans un temps limité et ils ont malencontreusement oublié de faire les vérifications avant atterrissage avant d'essayer de se poser. Il est également fort probable que les alarmes de l'altimètre radar et du train ont retenti très près l'une de l'autre et que, compte tenu de leurs caractéristiques similaires, elles ont été interprétées comme un avertissement prévu et non important, et l'alarme du train d'atterrissage est passée inaperçue.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

  1. D'après les dossiers, l'hélicoptère était certifié et équipé pour effectuer le vol.
  2. Rien n'indique qu'il y ait eu un mauvais fonctionnement d'un système pendant le vol.
  3. Les pilotes possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et respectaient les exigences relatives aux limites de temps de service.
  4. Après avoir remis à plus tard l'exécution des vérifications avant atterrissage, les pilotes ont fait face à une lourde charge de travail à exécuter dans un temps limité, et ne se sont pas rendu compte que les vérifications n'avaient pas été effectuées.
  5. Comme il n'y avait aucune hauteur de référence au radioaltimètre sur la carte des procédures d'approche ILS de catégorie I, l'équipage a pris la hauteur de 100 pieds au-dessus de la zone de toucher des roues et a réglé l'alarme d'altitude du radioaltimètre en conséquence.
  6. La procédure d'approche publiée pour l'approche ILS de catégorie II de la piste 29 à St. John's mentionne une hauteur de décision de 100 pieds au-dessus de la zone de toucher des roues, ce qui correspond à 549 pieds asl affiché à l'altimètre barométrique et à 164 pieds au-dessus du sol affiché au radioaltimètre.
  7. L'alarme sonore du train d'atterrissage et l'alarme sonore du radioaltimètre sont semblables en fréquence et en durée.
  8. L'équipage n'a pas reconnu les alarmes sonores déclenchées par le circuit d'alarme du train d'atterrissage.
  9. L'hélicoptère était sur le point de se poser lorsque l'équipage s'est rendu compte que le train d'atterrissage n'était pas sorti.
  10. La partie avant de l'hélicoptère a touché à la surface de la piste et a été légèrement endommagée.

Causes et facteurs contributifs

L'équipage a remis intentionnellement à plus tard l'exécution des vérifications avant atterrissage et, quand par la suite, il a dû faire face à une lourde charge de travail dans un temps limité, il a oublié que ces vérifications n'avaient pas été faites. De plus, l'équipage n'a pas reconnu l'alarme sonore du train d'atterrissage avant d'essayer de se poser, si bien que la partie avant de l'hélicoptère a touché à la surface de la piste, alors que le train était rentré.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Depuis l'incident, la compagnie a pris des mesures pour éviter la récurrence d'une pareille mésaventure. Les procédures de la compagnie stipulent que les vérifications avant atterrissage doivent être terminées à 10 milles du lieu d'atterrissage. La compagnie croit que ce moment est situé beaucoup plus tôt dans la phase d'approche et que cela devrait permettre à l'équipage de faire les vérifications avant atterrissage à un moment où il ne risque pas d'y avoir de conflits entre plusieurs tâches requérant chacune l'attention des pilotes.

La compagnie a mis en place des vérifications finales à l'atterrissage qui sont effectuées de mémoire et sans questions-réponses en courte finale. Ces vérifications couvrent le train d'atterrissage, les voyants d'alarme, le coupleur, le radar, les instruments moteur, les vannes de prélèvement et la destination. Le pilote qui n'est pas aux commandes effectue les vérifications et fait savoir au pilote aux commandes que « les vérifications finales sont terminées ».

Au moment de l'accident, l'approche de Long Pond était une procédure provisoire qui avait servi lors de vols antérieurs vers le large. Cette approche a été homologuée depuis, et la compagnie a fait au moins trois réunions à l'ATC pour permettre un examen des exigences propres à cette situation et des lieux de dégagement possibles.

Il a été noté que les tonalités d'alarme de l'altimètre radar et du train d'atterrissage avaient des fréquences similaires, et il a été jugé qu'elles étaient difficiles à différencier en cas de déclenchement quasi simultané. La compagnie se penche actuellement sur des modifications optionnelles qui pourraient rendre les deux alarmes plus différentes l'une de l'autre.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.

Annexes

Annexe A - Profil du vol

Photo 2. Profil du vol
Profil du vol

Annexe B - Cartes des procédures d'approche aux instruments

Photo 3. Cartes des procédures d'approche aux instruments
Cartes des procédures d'approche aux instruments
Photo 3. Cartes des procédures d'approche aux instruments - Graphique 2
Cartes des procédures d'approche aux instruments - Graphique 2