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Rapport d'enquête aéronautique A99Q0075

Blocage de la commande de profondeur
Cessna 172 C-FKHS
Lac-à-la-Tortue (Québec)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Cessna 172, immatriculé C-FKHS, portant le numéro de série 36821, avec deux personnes à son bord, effectuait un vol d'entraînement selon les règles de vol à vue à l'aéroport du Lac-à-la-Tortue (Québec). L'étudiant occupait le siège de gauche alors que l'instructeur occupait le siège de droite. L'étudiant pratiquait un atterrissage sur terrain mou; il effectuait l'approche à basse vitesse avec pleins volets (40 °). Pour les besoins de l'exercice, l'étudiant devait tirer à fond sur le manche (commande de gouverne de profondeur). Alors que l'avion s'apprêtait à toucher la piste, l'instructeur a demandé à l'étudiant de remettre les gaz et de reprendre l'altitude de circuit. L'étudiant a remis les gaz, mais en tentant de pousser le manche vers l'avant pour reprendre de la vitesse, le manche est resté bloqué. Il a alors demandé l'assistance de l'instructeur, mais celui-ci a également été incapable de pousser le manche vers l'avant. L'avion a alors effectué un virage vers la gauche avant de s'immobiliser dans les arbres. Les deux occupants ont évacué l'avion. Personne n'a été blessé.

Renseignements de base

L'examen des dossiers indique que l'instructeur possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il totalisait environ 3 700 heures de vol au moment de l'événement. Il était titulaire de la licence de pilote professionnel et de la qualification d'instructeur de classe 2. L'étudiant en était à ses premières heures de vol.

L'avion totalisait 3 232 heures de vol depuis sa construction en 1958. Les nouveaux propriétaires avaient acheté l'avion le 19 mars 1999. L'inspection annuelle avait été effectuée et attestée par un technicien d'entretien d'aéronef (TEA) le 19 mars 1999, conformément aux appendices B et C de la norme 625.86 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Depuis cette inspection, l'aéronef avait effectué 80 heures de vol. Le 20 avril 1999, un organisme de maintenance agréé avait effectué une vidange d'huile et nettoyé le moteur.

L'examen de la cabine a permis de découvrir une anomalie au niveau du hauban du panneau fixe de droite, numéro de pièce 0513035-1. Le rôle du hauban est d'assurer une rigidité à la fixation du panneau fixe retenant le réceptacle dans lequel se déplace la gouverne de profondeur. Ce hauban a été trouvé rompu après l'incident. Le panneau fixe retenant le réceptacle pouvait bouger et empêchait la commande de se déplacer librement, surtout lors d'un mouvement vers l'arrière.

Le hauban a été acheminé au Laboratoire technique du BST à Ottawa (Ontario) pour analyse. Le rapport technique du BST démontre que la pièce s'est rompue sur le plan transversal. Le point de fixation du hauban au panneau fixe retenant le réceptacle présentait des fissures. La surface de la rupture présentait des marques d'arrêt de criques typiques d'une rupture progressive attribuable à de la fatigue. De plus, plusieurs criques étaient visibles de chaque côté de la pièce. La fatigue s'est propagée sous l'effet d'une charge de flexion inversée jusqu'à ce que la pièce affaiblie se rompe en surcharge. Une superficie équivalente à 60 à 70 % de la surface de la rupture aurait affaibli progressivement le hauban en fatigue avant que celui-ci ne cède en surcharge.

De par la fonction du hauban, la fatigue serait attribuable en bonne partie au déplacement du manche. Il est aussi raisonnable de supposer qu'une charge de vibration aurait contribué à l'amorce des criques et à leur propagation. L'anomalie du panneau fixe était visible du poste de pilotage, à partir du siège de droite.

De plus, lorsque le manche a été tiré vers l'arrière, on a constaté qu'il frottait sur la partie arrière du bas du boîtier de l'indicateur d'assiette. Le hauban du panneau fixe de gauche avait déjà été réparé, à peu près au même endroit où s'est produite la rupture sur le côté droit. Le tachymètre présentait des marques attribuables au frottement de la pièce du hauban rompue. Le réceptacle dans lequel se déplace les gouvernes du côté droit comporte aussi une ouverture dans laquelle est inséré le dispositif de verrouillage des gouvernes.

L'article 605.86 du RAC stipule que «tout aéronef, autre qu'un ultra-léger ou aile libre, doit être maintenu conformément à un calendrier de maintenance qui est approuvé par le ministre et est conforme aux présentes normes.» De plus, en vertu des dispositions de l'alinéa 625.86(2)c) du RAC, les propriétaires de petits aéronefs n'étant pas exploités commercialement sont autorisés d'office à utiliser ce calendrier. Ils n'ont qu'à préciser dans les dossiers techniques de l'aéronef que la maintenance sera effectuée en vertu des dispositions du calendrier de maintenance.

La partie I de l'appendice B du calendrier comprend les inspections périodiques pour les aéronefs autres que les ballons. Les tâches prescrites au calendrier ne sont décrites que de façon générale étant donné que les articles spécifiques relatifs à des aéronefs particuliers varient en fonction du type d'aéronef. La méthode d'inspection relative à chaque article du calendrier doit être conforme aux recommandations du constructeur ou aux pratiques courantes de l'industrie. L'importance de l'inspection relative à chaque article doit être déterminée par la personne qui effectue l'inspection; elle doit tenir compte de l'état général de l'aéronef et du type d'exploitation. Ce calendrier ne constitue pas une liste d'inspection.

Le point numéro 5 de la section intitulée «Cabine et poste de pilotage» du formulaire AERO 215, utilisé par le TEA lors de l'inspection annuelle, couvrait l'inspection des gouvernes et des commandes moteur. Plus spécifiquement, le TEA devait vérifier si elles étaient montées correctement et si elles fonctionnaient bien. Seule la dernière page du formulaire portait une signature et aucun point spécifique ne portait d'initiales ou de signature.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Analyse

Un aéronef privé doit être entretenu selon un calendrier de maintenance. Le propriétaire peut choisir entre un calendrier de maintenance offert par le constructeur ou un calendrier plus général comme celui proposé par Transports Canada aux appendices B et C de la norme 625.86 du RAC. L'importance de l'inspection relative à chaque article doit être déterminée par la personne qui effectue l'inspection; elle doit tenir compte de l'état général de l'aéronef et du type d'exploitation. L'inspection annuelle est un moment propice à l'évaluation de l'état de navigabilité de l'aéronef.

Le point numéro 5 de la section intitulée «Cabine et poste de pilotage» du formulaire AERO 215 prévoit l'inspection des gouvernes et la vérification du fonctionnement des gouvernes. L'examen des dossiers techniques de l'avion révèle qu'aucun point sur le formulaire AERO 215 n'a été parafé par la personne qui a effectué l'inspection, mais que le TEA a attesté l'état de navigabilité de l'avion à la dernière page du formulaire. L'anomalie du panneau fixe était visible du poste de pilotage, à partir du siège de droite. Il a toutefois été impossible de déterminer à quel moment le hauban avait subi une rupture progressive sous l'effet de la fatigue, avant de se rompre en surcharge.

Faits établis

  1. L'examen des dossiers indique que le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
  2. L'inspection annuelle avait été attestée par un technicien d'entretien d'aéronef.
  3. L'anomalie du panneau fixe était visible du poste de pilotage, à partir du siège de droite.
  4. L'analyse en laboratoire a confirmé que la pièce avait subi une rupture progressive sous l'effet de la fatigue. La fatigue s'est propagée sous l'effet d'une charge de flexion inversée jusqu'à ce que la pièce affaiblie se rompe en surcharge.
  5. Il a été impossible de déterminer à quel moment le hauban a subi une rupture progressive sous l'effet de la fatigue avant de se rompre en surcharge.
  6. En raison de la rupture du hauban du panneau fixe de droite, la commande de gouverne de profondeur ne pouvait se déplacer librement et revenir vers l'avant.

Mesures de sécurité

La rupture du hauban du panneau fixe de droite a occasionné le blocage de la commande de gouverne de profondeur en position arrière, ce qui a provoqué l'écrasement de l'appareil.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Jonathan Seymour, Charles Simpson, W.A. Tadros et Henry Wright.