Language selection

Rapport d'enquête aéronautique A00Q0006

Collision avec le sol
Cargair Ltée
de Havilland DHC-2 Mk. 1 Beaver C-FIVA
Lac Adonis (Québec)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'appareil sur skis DHC-2 Mk. 1, immatriculé C-FIVA, numéro de série 515, avec à son bord le pilote et cinq passagers, a décollé de la surface gelée du lac Adonis (Québec) pour effectuer un vol de plaisance selon les règles de vol à vue (VFR). Le parcours à suivre n'avait pas été établi, mais le vol devait durer environ 20 minutes. Constatant que l'appareil ne revenait pas, le service de recherches et de sauvetage (SAR) a été avisé. L'appareil a été retrouvé à flanc de montagne; il s'était écrasé dans une région boisée à un peu moins de cinq kilomètres de son point de départ. Le pilote et deux des passagers ont subi des blessures mortelles. Les trois autres passagers ont subi des blessures graves en plus de souffrir d'hypothermie. L'appareil a été détruit à l'impact, mais n'a pas pris feu.

Renseignements de base

Le 13 janvier 2000, vers 8 h 30, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 1, le pilote du C-FIVA a décollé de la base d'opération principale de la compagnie située au lac Kaiagamac à Saint-Michel-des-Saints (Québec). Cette journée-là, l'avion devait se rendre à la pourvoirie des 100 Lacs, au lac Adonis, située à environ 57 milles nautiques (nm) au nord-ouest de Saint-Michel-des-Saints, pour y effectuer deux vols de plaisance avec un groupe de touristes. Par la suite, le pilote devait se diriger vers le lac Prévost, situé à 16 nm au sud-ouest du lac Adonis, où trois autres vols de plaisance devaient être effectués. Lors du vol de retour vers Saint-Michel-des-Saints, le pilote devait faire une escale à la Réserve Manouane pour y prendre un passager. Selon l'itinéraire de vol, l'avion devait rentrer à la base principale vers 16 h.

L'appareil s'est posé au lac Adonis vers 9 h 30. Le pilote a coupé le moteur avant de faire monter les passagers à bord. Les règlements concernant l'exposé donné aux passagers avant le départ exigent que le pilote précise aux passagers certaines consignes concernant l'avion et son équipement. Le pilote doit montrer aux passagers comment utiliser les ceintures de sécurité et les baudriers. Il doit également préciser où se trouve tout le matériel de secours dont les passagers pourraient avoir besoin en cas d'urgence, comme la radiobalise de repérage d'urgence (ELT), l'extincteur, le matériel de survie (y compris comment y avoir accès si le matériel se trouve dans un compartiment verrouillé), la trousse de premiers soins et le radeau de sauvetage. Selon l'information recueillie, la seule consigne de sécurité qui a été donnée aux passagers avant le départ portait sur l'utilisation des ceintures de sécurité et des baudriers. Tous portaient leurs ceintures de sécurité, à l'exception d'un des passagers qui n'avait pas réussi à boucler sa ceinture.

Vers 9 h 45, l'appareil, avec le pilote et cinq passagers à son bord, a décollé de la surface gelée du lac Adonis à partir de la pointe nord-ouest du lac pour effectuer le premier vol de plaisance. L'appareil a décollé normalement vers le sud-est et a par la suite survolé le lac Adonis à basse altitude, à moins de 200 pieds au-dessus du sol (agl). Lorsque l'appareil s'est dirigé vers le sud-ouest, toujours au-dessus du lac, il est disparu derrière le relief accidenté et on l'a perdu de vue. Le pilote s'est ensuite dirigé vers le nord-ouest en direction du relief ascendant. L'appareil a survolé le relief ascendant sur une distance d'environ 1 700 mètres avant de percuter des arbres. Il semble que le moteur fonctionnait normalement avant l'écrasement. Le vol a duré moins de 10 minutes. Voyant que l'appareil n'était pas revenu à la pourvoirie 30 minutes après son départ, des recherches ont été entamées afin de le localiser, mais sans succès. Vers 11 h 5, on a avisé le service SAR que l'appareil manquait à l'appel, et l'appareil a été retrouvé vers 14 h 37 à flanc de montagne, dans une région boisée, à moins de cinq kilomètres de la pourvoirie, où il s'était écrasé.

Quelques secondes avant l'impact, l'appareil s'est brusquement incliné sur la gauche en tanguant. L'appareil a fauché des arbres sur une distance d'environ 20 mètres en suivant une trajectoire correspondant à un cap de 300 degrés magnétique. L'appareil a heurté le sol avec un angle d'impact d'environ 50 degrés et s'est immobilisé sur le dos sur un cap de 225 degrés magnétique à environ 100 mètres au sud du sommet d'une montagne.

La répartition des débris sur les lieux de l'écrasement et l'information recueillie révèlent que l'avion a décroché. Toutes les gouvernes ont été retrouvées sur les lieux, et tous les dommages à l'aéronef ont été attribués à la violence de l'impact. Les volets étaient rentrés, ce qui correspond à la position du levier de sélection et à l'indicateur de position des volets. Le fuselage présentait peu de déformation à partir de l'arrière des deux sièges avant. L'enquête a démontré que le moteur développait de la puissance lors de l'impact et que les dommages sont tous attribuables à l'impact. Les marques témoins laissées par l'hélice confirment que l'angle des pales coïncidait au calage de petit pas correspondant à une puissance normale de vol. L'examen n'a cependant pas permis d'établir avec précision la puissance du moteur.

Le manuel d'exploitation de la compagnie stipule que, si un avion n'est toujours pas arrivé à destination dans l'heure qui suit son heure d'arrivée prévue (ETA), et si aucun plan de vol n'a été déposé auprès des Services de la circulation aérienne (ATS), SAR sera avisé après que des tentatives raisonnables de communiquer avec le commandant de bord auront été effectuées. L'appareil était équipé d'une ELT fixe. L'ELT a émis un signal de détresse après l'impact, mais la portée du signal a été considérablement réduite parce que l'antenne de l'ELT a été brisée lors de l'accident. Le signal n'a donc pas été reçu par le satellite de recherches et de sauvetage (SARSAT). Une affiche était apposée dans la cabine pour indiquer l'emplacement de l'ELT et pour expliquer son fonctionnement, mais l'information recueillie indique que les passagers n'ont pas été invités à lire cette affiche et qu'ils n'ont pas reçu d'exposé verbal sur l'utilisation et l'emplacement de l'ELT. De plus, l'appareil était difficile à repérer parce qu'il était peint presque tout en blanc et qu'il se confondait avec le sol enneigé. À l'arrivée des secouristes, tous les occupants étaient coincés dans l'appareil, sauf une passagère qui avait réussi à sortir de l'avion. Le pilote et deux des passagers étaient déjà décédés; les survivants souffraient d'hypothermie et avaient des fractures.

L'inspection sur le site de l'accident a permis de constater que le matériel de survie transporté répondait aux exigences de la réglementation. Le matériel se trouvait à l'arrière de l'appareil, derrière un panneau séparant la cabine et le compartiment à bagages. Les passagers ne savaient pas en quoi consistait le matériel ni où il se trouvait car on ne leur avait pas dit lors de l'exposé verbal avant le départ. La brochure intitulée Guide pour assurer la sécurité des passagers des vols nolisés (TP 7087) a pour but de sensibiliser les passagers à la sécurité des vols en avion léger. Elle fournit des renseignements sur l'importance de s'informer de l'emplacement et du fonctionnement de l'équipement de sécurité, comme le matériel de survie et l'ELT. Cette brochure est distribuée à ceux qui en font la demande ou lors de certaines présentations données par Transports Canada. Rien n'indique que les passagers aient pris connaissance de cette brochure.

Au moment de l'accident, les conditions météorologiques étaient propices au vol VFR. La visibilité était supérieure à 15 milles, des vents légers soufflaient du nord-ouest, la température était d'environ moins 25 degrés Celsius, il y avait des nuages épars et aucune précipitation.

Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol. Il détenait une licence de pilote professionnel (avion) depuis le 26 mars 1991. Selon le manuel d'exploitation de la compagnie, Cargair Ltée doit dispenser à ses pilotes une formation annuelle en vol pour qu'ils puissent maintenir leurs compétences à jour. Le pilote avait reçu sa dernière formation annuelle en vol sur le DHC-2 le 3 mai 1999. La dernière entrée dans le carnet de vol du pilote indique qu'en date du 5 octobre 1999 le pilote totalisait 3 417 heures de vol et que la grande majorité de son expérience de vol avait été acquise sur DHC-2 et DHC-3. De plus, il détenait une licence de technicien d'entretien d'aéronefs (TEA) de catégorie M1. Il était au service de la compagnie depuis plus de 10 ans. On le considérait comme un pilote prudent. D'après les résultats de l'autopsie et de l'analyse toxicologique, rien n'indique que ses capacités aient été atténuées par des facteurs physiologiques.

Le matin de l'accident, le pilote semblait frais et dispos. Au départ de Saint-Michel-des-Saints, le pilote a mis de l'essence dans les réservoirs de l'appareil. Par la suite, il a discuté avec le répartiteur de l'itinéraire prévu et a décidé de rajouter une quantité de carburant qui n'a pas été déterminée. La compagnie utilise son propre système de distribution d'essence. Chaque pilote ravitaille lui-même son appareil grâce à une pompe munie d'un compteur indiquant le nombre de litres embarqués. La compagnie n'a pas de système de contrôle de l'essence ni de système de facturation permettant de connaître la quantité exacte d'essence prise par chaque appareil utilisant le système de distribution. La réglementation n'exige pas un tel système. Il n'a pas été possible d'établir avec précision la quantité d'essence à bord de l'appareil au moment de l'accident parce que les réservoirs se sont déversés après l'impact. Le DHC-2 est le seul appareil qui a été ravitaillé en carburant le jour de l'accident, et le compteur de la pompe affichait 341 litres après le ravitaillement. Normalement le compteur de la pompe est remis à zéro avant chaque utilisation.

Puisqu'il n'était pas possible de ravitailler l'appareil en route ni aux endroits où l'avion devait faire escale, le pilote devait emporter une quantité suffisante de carburant pour pouvoir revenir à la base d'opération, plus une réserve de carburant correspondant à 30 minutes de vol. Selon la consommation normale de carburant, en tenant compte du temps estimé en route et de la réserve de carburant, la quantité minimale de carburant requise au départ de Saint-Michel-des-Saints était d'environ 300 litres. Selon les calculs, il restait 21 litres de carburant dans les réservoirs de l'appareil au retour du dernier vol effectué le 10 janvier 2000. Si l'on additionne ces 21 litres aux 341 litres qu'affichait le compteur, on constate que l'appareil serait décollé de Saint-Michel-des-Saints avec au moins 362 litres de carburant , ce qui correspond à la quantité totale des trois réservoirs principaux situés sous le plancher de la cabine. En plus de ces trois réservoirs principaux, l'appareil était équipé d'un réservoir ventral d'une capacité de 163 litres. Selon l'information recueillie, ce réservoir était vide au départ de Saint-Michel-des-Saints puisqu'il n'est utilisé que pour les longs voyages. En vol, afin de maintenir le centre de gravité de l'appareil dans les limites prescrites, le pilote utilise habituellement le carburant des trois réservoirs de façon consécutive, passant du réservoir arrière au réservoir avant; il sélectionne le réservoir désiré à l'aide d'un robinet sélecteur situé dans le poste de pilotage. Lors de l'inspection de l'appareil sur le site de l'accident, le robinet sélecteur était sur la position REAR. Selon la consommation de carburant normale, il aurait dû rester environ 33 litres de carburant dans ce réservoir.

L'appareil était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'appareil totalisait 24 600 heures de vol en date du 10 janvier 2000. La dernière inspection annuelle avait été effectuée en novembre 1999. Le pilote possédait une licence de TEA; il avait participé activement à l'inspection annuelle et il avait apposé sa signature sur les documents techniques. Lors de cette inspection, les flotteurs avaient été remplacés par des skis pour l'exploitation hivernale. L'appareil avait effectué un peu moins de quatre heures de vol depuis cette dernière inspection.

Rien n'indique que la masse et le centrage de l'appareil aient été calculés avant de partir du lac Adonis. En utilisant le poids réel des passagers et compte tenu de la quantité de carburant prise au départ de Saint-Michel-des-Saints et de la consommation normale de carburant nécessaire pour effectuer le trajet entre Saint-Michel-des-Saints et le lac Adonis, il a été établi que la masse et le centre de gravité de l'appareil étaient dans les limites précisées dans le manuel de vol de l'appareil au décollage du lac Adonis. La masse de l'appareil au décollage du lac Adonis aurait été d'environ 4 900 livres avec un centre de gravité situé à moins 3,5 pouces de la ligne de référence. La fiche de données d'homologation de type et le manuel de vol du DHC-2 approuvé par Transports Canada indiquent que la masse maximale autorisée au décollage est de 5 100 livres pour l'exploitation sur skis et que le centre de gravité doit être entre moins 1,25 pouce et moins 8,11pouces de la ligne de référence.

Le règlement concernant le contrôle de la masse et du centrage indique que l'exploitant aérien doit préciser, dans le manuel d'exploitation de la compagnie, le système de contrôle de la masse et du centrage qu'il utilise ainsi que les instructions à l'intention des employés concernant la préparation et la précision du devis de masse et centrage. Le manuel d'exploitation de Cargair Ltée mentionne que, pour l'exploitation brousse, la compagnie utilise un formulaire prêt à l'emploi pour faire les calculs de masse et centrage. On procède de la façon suivante : le répartiteur doit s'assurer que la charge totale est à l'intérieur de l'enveloppe spécifiée sur le formulaire de l'aéronef en service et le pilote doit s'assurer de la répartition correcte de la charge dans l'aéronef. Le formulaire prêt à l'emploi fournit les résultats de calculs effectués à partir de diverses combinaisons de carburant, de passagers et de fret. Toutefois, ce formulaire n'indique d'aucune façon où se situe le centre de gravité en fonction des différentes combinaisons et ne permet pas au pilote de déterminer avec précision le centre de gravité de l'appareil, contrairement à la norme. Cette irrégularité avait été signalée à Cargair Ltée lors d'une inspection de base effectuée par Transports Canada en 1992. Même si cette irrégularité avait été signalée, le formulaire n'a pas été modifié et fait toujours partie du manuel d'exploitation de la compagnie approuvé par Transports Canada le 23 octobre 1999.

Cargair Ltée est titulaire d'un certificat d'exploitation aérienne en vertu des sous-parties 2 et 3 de la partie VII du Règlement de l'aviation canadien. Le vol qui a mené à l'accident était effectué en vertu de la sous-partie 3 puisque celle-ci s'applique à l'utilisation d'un monomoteur par un exploitant aérien canadien dans le cadre d'un service de transport aérien ou d'un travail aérien comportant des excursions aériennes. L'information recueillie indique que depuis 1992, la compagnie Cargair Ltée a fait l'objet de deux vérifications de base de la part de Transports Canada, mais elle n'a fait l'objet d'aucune vérification réglementaire. Selon le Manuel des vérifications réglementaires (TP 8606), tous les transporteurs aériens détenant un document d'aviation canadien font l'objet d'une vérification réglementaire à des cycles périodiques variant de 6 à 36 mois. Ce cycle périodique peut être prolongé jusqu'à 60 mois dans certains cas. Le programme national de vérification de Transports Canada, Aviation civile, a essentiellement été mis sur pied pour promouvoir la conformité aux règlements et aux normes en matière d'aviation qui, ensemble, prescrivent un niveau acceptable de sécurité aérienne.

La Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada) stipule qu'on ne saurait trop insister sur la nécessité d'emporter à bord les vêtements et le matériel nécessaires pour se protéger contre les insectes en été et contre le froid pendant les autres saisons lorsqu'un vol se déroule dans les régions éloignées du Canada. De plus, le Guide pour assurer la sécurité des passagers des vols nolisés (TP 7087) conseille de porter des vêtements et des chaussures correspondant aux conditions météorologiques de la région survolée. L'enquête a permis de constater que certains des passagers n'étaient pas habillés convenablement pour se protéger contre une longue exposition au froid. D'ailleurs, un des passagers a subi des engelures importantes aux doigts nécessitant leur amputation.

Afin de réduire l'usure du moteur, le constructeur du moteur recommande de voler à puissance réduite lors des montées. L'information recueillie indique que cette procédure de montée à puissance réduite est normalement utilisée par les pilotes de la compagnie exploitant le DHC-2. Une analyse des performances faite par le constructeur de l'appareil a permis de déterminer que le taux de montée de l'appareil à la masse de 4 900 livres avec l'utilisation de la technique de montée à puissance réduite et avec les volets rentrés est de 665 pieds par minute comparativement à 865 pieds par minute avec la puissance maximale continue, soit l'équivalent d'une pente de montée de 5 degrés comparativement à 6 degrés.

Le versant sud-est de la montagne, où s'est écrasé l'appareil, accuse une pente moyenne d'environ 5 degrés. Toutefois, la pente augmente progressivement jusqu'à 11 degrés à mesure qu'on se rapproche du sommet. L'escarpement du versant opposé, quant à lui, est beaucoup plus abrupte avec une pente d'environ 24 degrés. Les règlements concernant les exigences relatives à la marge de franchissement d'obstacles en vol VFR stipulent que, sauf pour effectuer un décollage ou un atterrissage, il est interdit d'utiliser un avion en vol VFR, le jour, à moins de 300 pieds agl ou à une distance inférieure à 300 pieds de tout obstacle, mesurée horizontalement.

Dans certaines conditions, il est parfois difficile pour un pilote de juger de la taille et de la distance entre l'appareil et les obstacles qui se trouvent sur sa trajectoire de vol. De plus, si l'obstacle principal est un relief accidenté, il peut être difficile d'évaluer la pente. Le pilote peut subir les effets d'une illusion d'optique lorsqu'il se dirige perpendiculairement à un terrain ascendant. En approchant du sommet, le pilote peut se concentrer sur la proximité du sol, ce qui donne une illusion d'augmentation de vitesse, et il peut être tenté de réduire la vitesse. Il peut également avoir tendance à maintenir le même angle formé par le prolongement du capot et le sommet de la montagne en cabrant l'appareil. Par conséquent, les performances de l'appareil sont réduites, la vitesse diminue et l'espacement vertical avec le sol diminue.

En aviation, le terme « décrochage » signifie qu'on laisse l'avion atteindre un état de vol dans lequel les ailes ne fournissent plus la portance nécessaire pour assurer le vol. Le manuel de vol du DHC-2, portant sur les caractéristiques de vol, stipule que l'avion est facile à piloter et à manoeuvrer jusqu'au décrochage. Le décrochage se fait en douceur dans toutes les conditions normales de charge et de configuration des volets, et l'imminence du décrochage peut être annoncée par une légère vibration qui augmente lorsque les volets sont sortis. L'avion tangue s'il n'y a pas de mouvement de lacet. Si le lacet n'est pas contrôlé, l'avion a tendance à prendre un mouvement de roulis. Des mesures correctives doivent être prises rapidement pour empêcher un mouvement de roulis de se développer. Le DHC-2 n'est pas équipé d'un avertisseur de décrochage, visuel ou sonore, permettant d'annoncer l'imminence d'un décrochage.

Le DHC-2 a été construit et certifié en vertu des British Civil Airworthiness Requirements publiées en 1945. Le DHC-2 a été certifié au début des années 50, et à cette époque, les exigences de certification étaient moins rigoureuses qu'aujourd'hui. Les appareils monomoteurs plus récents sont certifiés en vertu de la partie 23 des Federal Aviation Regulations (FAR) des États-Unis. Selon la partie 23 des FAR, les appareils doivent être équipés d'un avertisseur de décrochage permettant de prévenir le pilote de façon claire et distincte de l'approche d'un décrochage.

Analyse

L'examen de l'appareil n'a pas permis de découvrir d'anomalie ni de défaillance du moteur ou des systèmes de l'appareil. Rien n'indique qu'il y ait eu une situation d'urgence ou que l'avion ait présenté des problèmes avant l'impact. La masse et le centrage de l'appareil n'ont pas été calculés avant le départ du lac Adonis, mais il a été établi que la masse de l'appareil était inférieure à la masse maximale autorisée et que le centre de gravité était dans les limites permises. Toutefois, la compagnie utilisait un formulaire prêt à l'emploi pour faire les calculs de masse et centrage, ce qui constitue une irrégularité puisque ce formulaire ne permettait pas au pilote de connaître la position exacte du centre de gravité. Cette irrégularité avait été signalée à la compagnie lors d'une inspection de base effectuée par Transports Canada en 1992. Depuis ce temps, le système utilisé pour faire les calculs de masse et centrage du DHC-2 n'a pas été modifié par Cargair Ltée. Le formulaire en question fait toujours partie intégrante du plus récent manuel d'exploitation de la compagnie qui a été approuvé par Transports Canada le 23 octobre 1999.

Malgré la rapidité avec laquelle l'appareil a été porté manquant, il s'est écoulé environ 4 heures et 40 minutes avant l'arrivée des secouristes sur les lieux de l'accident. On a eu du mal à repérer l'avion parce que l'antenne de l'ELT de l'appareil s'est rompue lors de l'accident, réduisant la portée du signal de l'ELT; de plus, l'avion était peint presque tout en blanc et il se confondait avec le sol enneigé.

L'accident offrait des chances de survie à cause du peu de dommages que présentait la cabine, à partir de l'arrière des deux sièges avant. Après l'accident, les occupants sont restés coincés dans l'appareil à l'exception d'une passagère qui a réussi à sortir de l'appareil malgré sa difficulté à se mouvoir. Les survivants ne savaient pas où se trouvait l'équipement de survie à bord de l'appareil parce qu'on ne leur avait pas dit lors de l'exposé de sécurité avant le départ; s'ils avaient su où se trouvait l'équipement de survie, ils auraient pu utiliser les sacs de couchage transportés à bord pour se protéger du froid et ainsi retarder les effets de l'hypothermie. Les passagers ne savaient pas où se trouvait l'ELT ni comment la faire fonctionner, mais cela n'a pas eu de répercussions sur les opérations de recherches et sauvetage dans ce cas-ci; néanmoins, il demeure important que tout passager sache où se trouve l'ELT et sache comment la faire fonctionner pour ne pas retarder les opérations de recherches et sauvetage.

La raison pour laquelle le pilote a poursuivi le vol à basse altitude au-dessus du lac avant de se diriger vers le relief ascendant n'a pu être déterminée. Rien n'empêchait le pilote de prendre de l'altitude alors qu'il survolait le lac Adonis puisque l'appareil n'était pas en surcharge, la couche nuageuse ne constituait pas un plafond, la visibilité était bonne et le moteur fonctionnait normalement. De plus, le pilote aurait pu maintenir sa direction vers le sud-ouest en restant au-dessus du lac Adonis pour prendre davantage d'altitude avant de se diriger vers le relief ascendant. L'enquête n'a pas révélé pourquoi le pilote a décidé de se diriger vers la montagne; toutefois, du fait que le terrain se dérobe rapidement une fois passé le sommet de la montagne, les passagers aurait eu une vue splendide de la région.

Le vol à basse altitude en terrain montagneux exige une grande vigilance. Le pilote doit exercer une bonne surveillance extérieure s'il veut repérer les différents obstacles qui pourraient se trouver sur sa route, comme les lignes à haute tension, les tours de communications et parfois même les oiseaux. Rien n'indique que le pilote ait pu être distrait par un événement inopportun dans la cabine ou à l'extérieur de l'avion avant l'accident. Le pilote doit également surveiller étroitement la pente du relief lorsqu'il se dirige vers le sommet d'une montagne. Le relief environnant peut parfois créer une illusion d'optique pouvant affecter la perception du relief survolé, et le pilote pourrait sous-estimer la pente. Le pilote doit également s'assurer que l'aéronef possède les performances nécessaires pour gravir la pente tout en maintenant une marge de franchissement d'obstacles suffisante. Le pilote volait probablement à puissance réduite lors de la montée, réduisant considérablement les performances de montée de l'appareil.

Quand le pilote concentre son attention à l'extérieur de l'avion, il surveille moins les indications des instruments, comme la vitesse de l'appareil. Le pilote doit sans cesse comparer ses impressions avec les indications des instruments. En volant face au sommet, le pilote a pu subir les effets d'une illusion d'optique. Malgré son expérience, il est possible que le pilote ait sous-estimé la pente du relief et ait tardé à établir l'appareil en montée après avoir quitté la rive. La pente s'accentuant en approchant du sommet, le pilote a probablement cabré l'appareil pour maintenir le même angle formé par le prolongement du capot et le sommet de la montagne. La vitesse de l'appareil a diminué, affectant davantage les performances de montée. L'appareil n'étant pas équipé d'un avertisseur de décrochage, le pilote peut s'être rendu compte tardivement que la vitesse était trop basse pour maintenir les performances de montée normales. De plus, la vibration, qui est mentionnée dans le manuel de vol, pour annoncer l'imminence d'un décrochage, aurait été minime puisque les volets étaient rentrés. La décision du pilote de voler à basse altitude a contribué à placer l'appareil à une faible distance du sol, et quand l'appareil a décroché, l'altitude disponible était insuffisante pour effectuer une sortie de décrochage.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

  1. L'appareil a probablement décroché à une altitude insuffisante pour que le pilote puisse exécuter une sortie de décrochage.
  2. Les conditions étaient favorables aux illusions d'optique associées au vol à basse altitude au-dessus d'un terrain ascendant.
  3. L'appareil n'était pas équipé d'un avertisseur de décrochage, ce qui n'était pas obligatoire.
  4. La décision du pilote de voler à basse altitude au-dessus du sol et de voler probablement à puissance réduite lors de la montée n'offrait pas une marge de franchissement d'obstacles suffisante.
  5. Comme on n'avait pas dit aux occupants de l'appareil où se trouvait l'équipement de survie à bord, lors de l'exposé de sécurité avant le départ, les survivants ne savaient pas où se trouvaient les sacs de couchage transportés à bord et n'ont pas pu les utiliser pour se protéger du froid et ainsi retarder les effets de l'hypothermie.
  6. Les secours sont arrivés tardivement sur les lieux en partie parce qu'on a eu du mal à repérer l'avion. L'avion était difficile à repérer parce que l'antenne de l'ELT de l'appareil s'est rompue lors de l'accident, ce qui a réduit la portée du signal de l'ELT; de plus, l'appareil était peint presque tout en blanc et il se confondait avec le sol enneigé.Pour toutes ces raisons, les survivants ont été exposés longtemps au froid.

Autres faits établis

  1. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol.
  2. D'après les résultats de l'autopsie et de l'analyse toxicologique, rien n'indique que les capacités du pilote aient été atténuées par des facteurs physiologiques.
  3. D'après les dossiers, l'appareil était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
  4. La masse et le centrage de l'appareil étaient dans les limites précisées dans le manuel de vol de l'appareil.
  5. Rien n'indique qu'il y ait eu une situation d'urgence ou que l'avion ait présenté des problèmes avant l'impact.
  6. Même si le formulaire utilisé par la compagnie pour les calculs de masse et centrage n'est pas conforme à la norme et même si Transports Canada a noté cette irrégularité en 1992, le formulaire n'a pas été modifié et fait toujours partie du manuel d'exploitation de la compagnie approuvé par Transports Canada le 23 octobre 1999.
  7. Les conditions météorologiques étaient propices au vol VFR.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .