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Rapport d'enquête aéronautique A00Q0043

Mauvais assemblage du système
de commande des ailerons
Cessna 172L C-FAXL
Maniwaki (Québec)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le pilote-propriétaire du Cessna 172 immatriculé C-FAXL, numéro de série 17259357, effectuait un vol selon les règles de vol à vue entre l'aéroport de Saint-Bruno-de-Guigues (Québec) et l'aéroport de Trois-Rivières (Québec). L'avion transportait quatre personnes. Alors que l'aéronef se trouvait à 70 milles marins de Maniwaki (Québec), à une altitude de 5 500 pieds au-dessus du niveau de la mer, l'assemblage des ailerons à la colonne en « U » du côté droit s'est défait et le pilote s'est retrouvé sans contrôle en roulis. Il a immédiatement déclaré une urgence sur la fréquence de 121,5 mégahertz et il a été guidé par le centre de contrôle jusqu'à l'aéroport de Maniwaki où les secours l'attendaient. Le gouvernail de profondeur fonctionnait normalement, mais le pilote l'utilisait le moins possible car il craignait que les commandes de vol se bloquent complètement. Il a réussi à se poser à Maniwaki sans incident. Personne n'a été blessé.

Renseignements de base

Le 7 avril 2000, après l'inspection annuelle de son avion, le pilote du C-FAXL a quitté l'aéroport d'Amos (Québec) vers 16 h 45, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1. Alors que l'aéronef se trouvait à 13 milles marins (nm) de l'aéroport, à une altitude de 2 700 pieds, le pilote a remarqué que la commande des ailerons ne répondait plus. En se servant du gouvernail de profondeur, de son compensateur et du gouvernail de direction, le pilote a réussi à faire demi-tour et à poser l'appareil sur la piste. L'atterrissage s'est déroulé sans incident et sans que le pilote ne déclare d'urgence.

Quand le pilote est arrivé au hangar, les employés avaient tous quitté les lieux sauf le directeur de la maintenance. Ce dernier a vérifié l'anomalie et a constaté que l'assemblage des ailerons à la colonne en « U » du côté droit s'était défait et que certaines pièces étaient tombées sur le plancher de l'avion. Il a refait le travail lui-même. Comme le pilote ne possédait pas l'annotation pour le vol de nuit, cela exerçait des pressions supplémentaires sur le directeur de la maintenance qui s'est alors empressé d'accomplir le travail avant qu'il commence à faire nuit. Il a remis le joint universel en place, il a de nouveau vérifié le fonctionnement, et il a remis l'avion en service sans effectuer d'entrée technique et sans demander à une autre personne d'effectuer une inspection indépendante. Il n'a pas résenté de rapport de difficultés en service (RDS) à la suite de cet événement comme il y avait lieu de le faire. Le pilote a décollé de nouveau vers 18 h 25, et le vol s'est déroulé sans problème jusqu'à l'aéroport de Saint-Bruno-de-Guigues. Cet événement n'a pas été signalé au BST, et il n'y avait pas d'obligation de le faire.

Quatre jours plus tard, le 11 avril 2000, le pilote a de nouveau décollé à destination de Trois-Rivières, avec une escale à Mont-Laurier (Québec). À environ 70 nm de Maniwaki, l'assemblage des ailerons à la colonne en « U » du côté droit s'est défait de nouveau. Comme le mécanisme des ailerons et celui des gouvernes de profondeur sont reliés, le gouvernail de profondeur réagissait de façon normale, mais l'aileron de gauche avait tendance à remonter et à déstabiliser l'appareil. Pour cette raison, le pilote utilisait le moins possible le gouvernail de profondeur et se servait plutôt du compensateur de profondeur et du gouvernail de direction. Il s'est posé sans problème à Maniwaki où les services d'urgence l'attendaient.

Le directeur de la maintenance qui a participé aux travaux possédait une licence de technicien d'entretien d'aéronef (TEA). Il possédait plus de 20 années d'expérience dans le domaine de l'entretien des aéronefs. Il a fondé la compagnie Avionnerie Amos en 1983. L'entreprise compte aussi un autre TEA sur appel qui supervise et certifie les travaux spécialisés, effectue les inspections indépendantes et appose les signatures appropriées. Cinq apprentis techniciens assurent l'entretien des avions, mais un seul des apprentis techniciens est diplômé en entretien d'aéronef d'une école reconnue.

Une inspection indépendante est obligatoire en vertu du Règlement de l'aviation canadien (RAC) en raison des conséquences graves que peut avoir une intervention de maintenance sur les commandes de vol ou sur les commandes moteur. La réglementation stipule que tout travail qui dérange les commandes moteur ou les commandes de vol doit être inspecté par au moins deux personnes pour en vérifier l'assemblage, le verrouillage et le sens de fonctionnement, et pour s'assurer que le dossier technique contient les signatures des deux personnes en cause. L'une de ces deux personnes peut être la personne qui signe la certification après maintenance. La section 4.4.2 du Manuel de Politique de Maintenance (MPM) d'Avionnerie Amos énonce les procédures de mise en application de l'inspection indépendante. L'obligation, pour une seconde personne, d'inspecter le travail accompli a pour objet d'empêcher qu'un appareil ne soit remis en service avec des commandes défectueuses. Durant l'inspection annuelle du 7 avril 2000, un apprenti technicien avait participé à l'installation du système de commande des ailerons, et le directeur de la maintenance avait vérifié le système. Pourtant, l'avion avait été remis en service avec l'assemblage des ailerons à la colonne en « U »mal installé.

Il n'existe aucune norme ni règlement interdisant aux apprentis techniciens d'effectuer des travaux de maintenance sur un aéronef, et ce, peu importe la complexité des travaux. Néanmoins, la responsabilité du TEA qui certifie les travaux demeure; le TEA doit s'assurer que les travaux sont exécutés au complet conformément aux normes de navigabilité applicables et que l'aéronef est en état de navigabilité.

Le travail sur la colonne en « U » consistait à permuter deux pièces identiques d'un côté à l'autre de la commande de vol. Les deux mécanismes étaient semblables, mais l'accès du côté droit était limité par la présence de l'équipement radio et de la boîte à cartes. Ce travail était suffisamment simple pour que le directeur de la maintenance le confie à un apprenti technicien qui ne possédait qu'une année d'expérience, dans le premier événement, sans le surveiller constamment. Cependant, l'apprenti technicien était supervisé par un apprenti technicien d'expérience. Pour des raisons économiques, le directeur de la maintenance avait proposé au propriétaire de l'appareil de permuter les joints universels plutôt que de remplacer uniquement le joint de gauche. En agissant ainsi, il a augmenté la charge de travail de son personnel de maintenance ainsi que les risques d'erreur, sans toutefois contrevenir à la réglementation.

Le travail consistait à glisser le joint universel (réf. 0411257) dans le pignon de chaîne (réf. 0511785-1) puis à pousser l'arbre (réf. 0511788-1) en place et à l'aligner pour mettre le boulon. De cette façon, le boulon retenait l'ensemble des pièces. Dans le deuxième événement, le directeur de la maintenance a eu de la difficulté à aligner et à mettre en place le joint universel dans le pignon de chaîne. Afin de s'assurer de l'intégrité de l'ensemble, le constructeur avait ajouté une note spécifiant que des rondelles (réf. AN960-816L) devaient être installées sur l'arbre pour limiter à 0.005 pouce la distance entre l'arbre et le coussinet (réf. S1004-43A). (L'annexe A présente un schéma du système de commande des ailerons.) Dans le manuel de maintenance du Cessna 172, il n'existe aucune instruction spécifique quant aux travaux relatifs à la dépose et à l'installation des joints universels. Le manuel décrit plutôt la procédure de dépose et d'installation de la commande au complet. Pour pouvoir mieux visualiser l'installation du côté droit, le technicien aurait pu avoir accès à l'ensemble des pièces en enlevant la boîte à cartes, mais il ne l'a pas fait. Le technicien devait alors travailler à tâtons, dans un espace plus restreint.

Le joint universel tenait en place grâce à la pression exercée par l'écrou, même si l'écrou n'était pas à la bonne place. Par conséquent, lors de l'essai au sol des commandes, l'anomalie n'a pas pu être décelée. La dépose de la boîte à cartes aurait permis d'avoir accès au système plus facilement et aurait pu permettre de confirmer visuellement l'anomalie d'assemblage. Le temps requis pour enlever et remettre la boîte à cartes a été un facteur déterminant dans cette opération de maintenance. La distance entre l'arbre et le coussinet était de près de 0,500 pouce, alors que la distance aurait dû être de 0,005 pouce. Une inspection, même au toucher, aurait pu permettre de déceler cette anomalie.

Des feuilles d'inspection intitulées « Private Aircraft Inspection Form » sont utilisées pour préciser le travail à effectuer dans le cadre des vérifications annuelles pour les aéronefs privés. L'organisme de maintenance agréé possédait les manuels et les microfiches de maintenance à jour de tous les avions entretenus à cette base. Les travaux de maintenance sont consignés sur une feuille de travail, qui une fois remplie, est jointe aux feuilles d'inspection. Dans les deux événements, le travail accompli pour permuter les joints universels n'a pas été consigné dans le carnet de route de l'aéronef ni dans les livrets techniques.

Le pilote a assisté à l'inspection de son appareil dans les deux événements. Il est resté dans le hangar tout au long des travaux et il savait que les deux joints universels avaient fait l'objet de travaux de maintenance. En vertu de la réglementation en vigueur, on aurait pu lui demander de participer à l'inspection indépendante suivant les travaux de maintenance, mais on ne l'a pas fait. Il a toutefois effectué une vérification prévol, et tous les systèmes de vol fonctionnaient normalement.

Les professionnels de la maintenance aéronautique doivent posséder de nombreuses compétences et ils sont soumis à diverses pressions; ils doivent entre autres maintenir les avions en état de navigabilité, assurer la maintenance d'une flotte vieillissante et composer avec d'autres facteurs de stress qui affectent leur rendement. Les conséquences graves d'une erreur d'installation ou de réglage des commandes de vol ou des commandes moteur sont bien connues de l'industrie et de Transports Canada. C'est pourquoi la maintenance des commandes moteur et des commandes de vol fait l'objet d'un traitement différent des autres travaux de maintenance, en ce sens qu'une inspection indépendante est obligatoire au terme de ces travaux de maintenance. Dans les deux événements, aucune inscription attestant qu'une inspection indépendante avait été effectuée n'a été consignée dans le carnet de route de l'aéronef ni dans aucun autre livret technique.

En vertu du paragraphe 573.12 du RAC, le titulaire d'un certificat d'organisme de maintenance agréé doit faire rapport au ministre de toute difficulté en service se rapportant aux produits aéronautiques qui font l'objet de travaux de maintenance. L'appendice C du Manuel de navigabilité, chapitre 591, donne des exemples de défectuosités pour lesquelles un RDS est nécessaire. Entre autres, à la partie (3)b), il est indiqué qu'un mauvais montage de composants est une des défectuosités pour lesquelles un RDS est nécessaire. Le premier événement n'a pas été signalé à Transports Canada. Le deuxième événement a été signalé au BST par le centre de contrôle par le biais du Service de rapport d'événements aéronautiques. Le paragraphe 591.01(2) du RAC stipule que le RDS n'est pas exigé si la difficulté en service en cause a déjà été signalée par une autre personne ou par un organisme.

Analyse

L'enquête a révélé que, dans les deux événements, le système de commande des ailerons avait été mal installé, ce qui avait donné lieu à une perte de contrôle en roulis de l'aéronef en vol. Bien que le manuel de maintenance du constructeur ne fournisse pas d'instructions spécifiques concernant cette installation, les instructions sont générales et les techniciens doivent faire preuve de jugement lorsqu'ils exécutent ces travaux de maintenance. Cependant, la dépose de la boîte à cartes aurait permis d'avoir accès plus facilement au système de commande des ailerons, non seulement pour effectuer le travail mais également pour s'assurer que le système avait été installé correctement.

En proposant au propriétaire de l'aéronef de permuter les joints universels au lieu de remplacer le joint défectueux, le directeur de la maintenance a augmenté la quantité de travail et le niveau de difficulté de l'installation pour son personnel et pour lui-même.

Dans les deux événements, le directeur de la maintenance n'a pas remarqué que le système était mal installé, et l'inspection indépendante requise n'a pas été exécutée. Dans le premier événement, le directeur de la maintenance a vérifié le travail de l'apprenti technicien, et s'est ainsi acquitté du premier niveau d'inspection. Le directeur de la maintenance ne s'est toutefois pas assuré de l'intégrité du système de commande en faisant une inspection indépendante, comme l'exige la réglementation. Dans le deuxième événement, le directeur de la maintenance a fait l'installation seul. Aucune autre inspection n'a été faite, ni par un TEA, ni par le pilote de l'appareil.

Les travaux relatifs à la permutation des joints universels n'ont pas été consignés dans le carnet de route de l'aéronef ni dans les livrets techniques, bien que la réglementation l'exige.

Dans le premier événement, un RDS aurait dû être présenté à Transports Canada. Le directeur de la maintenance n'a pas fait de rapport, alors que la réglementation l'exige. Dans le deuxième événement, le directeur de la maintenance n'était pas tenu de faire un tel rapport puisque le BST avait déjà été informé de la situation.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'appareil a été remis en service à deux reprises avec le système de commande des ailerons mal installé, entraînant une perte de contrôle en roulis de l'aéronef.
  2. Dans les deux cas, il n'y a pas eu d'inspection indépendante; une telle inspection aurait pu permettre de déceler le mauvais montage.
  3. Dans les deux cas, la boîte à cartes n'a pas été démontée pour avoir accès au système de commande des ailerons plus facilement, ce qui aurait pu permettre de déceler l'anomalie plus facilement.

Faits établis quant aux risques

  1. En permutant les joints universels au lieu de remplacer le joint défectueux, la difficulté d'installation a été accrue, ce qui a augmenté les risques d'erreur.

Autres faits établis

  1. Le travail exécuté sur les joints universels n'a pas été consigné dans le carnet de route de l'appareil ni dans les livrets techniques. La réglementation exige que ces travaux soient consignés.
  2. Après le premier événement, aucun RDS n'a été présenté à Transports Canada pour signaler les difficultés rencontrées.

Mesures de sécurité

Le 5 octobre 2000, Transports Canada a émis l'avis de difficultés en service (ADS) no AV-2000-05. L'ADS relate les circonstances de l'incident et donne des détails sur l'inspection et les mesures à prendre lorsque des travaux sont faits sur les pignons dentés de manche de commande d'ailerons.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Système de commande des ailerons

Système de commande des ailerons

Légende

  1. Arbre
  2. Rondelle
  3. Coussinet
  4. Pignon de chaîne
  5. Joint universel