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Rapport d'enquête aéronautique A01P0194

Collision avec le relief
de Havilland DHC-2 C-GVHT
Exploité par Wahkash Contracting Ltd.
4 nm au nord-est du lac Mackenzie
(Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hydravion de Havilland DHC-2 Beaver C-GVHT (numéro de série 257) décolle de Campbell River (Colombie-Britannique) à 15 h 30, heure avancée du Pacifique; à bord se trouvent le pilote et quatre passagers. L'appareil se rend selon les règles de vol à vue à un camp de bûcherons situé à Mackenzie Sound, 76 milles marins au nord-ouest de Campbell River, qu'il doit atteindre à 17 heures. En arrivant au-dessus du camp de bûcherons de Mackenzie, le pilote avertit par radio le personnel au sol qu'il passe à la verticale à 2 800 pieds entre deux couches de nuages mais qu'il n'y a aucune trouée pour descendre et que, compte tenu des mauvaises conditions météorologiques, il rebrousse chemin, probablement vers Campbell River. L'hydravion se rend alors vers un endroit dégagé situé au nord du camp et pénètre dans la vallée du ruisseau Frederic. Le personnel au sol n'arrivant pas à contacter l'appareil par radio, il entreprend des recherches au sol, suivies un peu plus tard de recherches aériennes. Toutefois, ces recherches sont gênées par le mauvais temps. L'épave de l'hydravion sera retrouvée trois jours plus tard, à quelque quatre milles marins au nord-est du camp. L'accident se produit de jour, à 17 h 6. Tous les occupants périssent, et l'appareil est détruit. La radiobalise de repérage d'urgence étant détruite à l'impact, elle n'émet aucun signal. Il n'y a pas d'incendie.

Renseignements de base

Wahkash Contracting Ltd., une entreprise basée à Campbell River (Colombie-Britannique), était le propriétaire et l'exploitant de l'hydravion, lequel servait normalement au convoyage de bûcherons à destination et en provenance de divers camps forestiers. Comme il était monté sur flotteurs, l'appareil n'était exploité qu'à partir de plans d'eau. Après avoir quitté l'hydrobase de Campbell River l'après-midi du jour de l'accident, l'hydravion a volé au nord-ouest pendant 43 minutes avant de faire une brève escale en cours de route à un camp de bûcherons de l'entreprise situé à Hoeya, dans le passage Knight, à 49 milles marins de Campbell River. Après le déchargement d'une petite quantité de nourriture, l'appareil a quitté Hoeya à 16 h 29, heure avancée du PacifiqueNote de bas de page 1 et est arrivé à la verticale du camp de Mackenzie 25 minutes plus tard. L'appareil a ensuite continué à voler dans la région pendant 12 minutes avant que l'accident se produise.

Figure 1. Trajectoire de vol de C-GVHT
Figure of Trajectoire de vol de C-GVHT

À ce moment-là, le plafond au-dessus du camp, qui se trouve au niveau de la mer, se situait entre 1 600 et 1 700 pieds. D'après ce qui a été dit, il n'y avait pas de nuages à l'extrémité nord de la vallée sud du ruisseau Frederic au moment de l'accident, mais des nuages arrivaient par un col à l'extrémité sud de la vallée.

Un des responsables du camp, qui se trouvait sur un chemin forestier dans la vallée sud, a dit au pilote de se rendre aux abords du ruisseau Frederic parce qu'il n'y avait pas de nuages à cet endroit. Le pilote s'est alors dirigé au nord-est vers Wakeman Sound, où il a fait savoir qu'il pouvait descendre sous les nuages en direction du passage du ruisseau Frederic. Puis l'appareil a volé vers l'ouest en suivant le ruisseau Frederic avant de virer à gauche vers le col situé dans la vallée sud du ruisseau Frederic. Ce col traverse une ligne de partage des eaux (passage); la vallée se trouvant à l'est de cette ligne décrit un virage au sud tout de suite après et descend vers le lac Mackenzie. (Voir la Figure 1.)

Le pilote a également fait savoir que le plafond dans le col se situait entre 300 et 400 pieds au-dessus du sol et qu'il lui faudrait 1 500 pieds pour franchir le col. Le pilote a indiqué qu'il ne connaissait pas bien l'endroit mais qu'il allait poursuivre et évaluer les conditions.

Dans la vallée sud, l'hydravion est parti au sud en direction du col et a effectué un circuit dans la vallée. Après ce circuit, l'appareil s'est dirigé une nouvelle fois vers le col, puis il a effectué un virage accentué à gauche quelque 10 secondes avant l'accident. Au moment de l'impact, l'appareil s'éloignait du col. Le pilote a envoyé un bref message radio à 17 h 6, quelques secondes seulement avant l'impact.

Au cours de la seconde tentative, le rayon du virage a été plus serré et la vitesse a été plus faible qu'au cours du premier circuit, permettant à l'appareil de se rapprocher davantage du col. Par conséquent, l'appareil a été obligé de virer dans un endroit plus exigu.

Vitesse de décrochage
Position des volets
Rentrés Atterrissage
Angle de
Roulis
60 mi/h 45 mi/h
50° 85 mi/h
60° 105 mi/h

Table 1. Vitesses de décrochage

Pendant un virage en palier, la vitesse de décrochage augmente à mesure que l'angle de roulis augmente. Le Tableau 1 résume les vitesses de décrochage de l'hydravion qui se trouvent dans le manuel de vol du DHC-2 Beaver (PSM 1-2-1) approuvé par Transports Canada. Aucun autre renseignement n'a été trouvé concernant d'autres réglages des volets. Le manuel de vol met notamment en garde contre le fait que, en virage serré, les facteurs de charge en vol risquent également d'accroître les dangers de décrochage intempestif. Le manuel de vol indique qu'il est possible de garder une maîtrise complète de l'appareil à 65 mi/h si les volets sont sortis en position d'atterrissage. Les données de la trajectoire de vol montrent que la vitesse sol du Beaver en cause était de l'ordre de 70 mi/h juste avant la perte de maîtrise.

L'épave a été retrouvée sur le flanc est de la vallée sud du ruisseau Frederic, à environ 0,3 mille marin du col près de l'extrémité sud de la vallée. L'épave gisait sur le dos, cap au sud, au pied de deux gros arbres et à une altitude de 1 100 pieds dans un endroit fortement boisé. Sur les lieux de l'accident, la plupart des dommages causés aux arbres se sont produits sur le côté exposé au sud de deux gros arbres distants de 25 pieds et hauts de quelque 120 pieds. Ces deux arbres possédaient des éraflures et des traces de transfert de peinture de l'aile dans les 60 pieds inférieurs de leur tronc en allant vers le bas. Aucun des arbres se trouvant dans les environs n'avait eu récemment des branches ou une cime cassées.

Malgré l'importance des dommages subis par l'hydravion, la totalité de ses composants et de ses gouvernes a été retrouvée sur les lieux de l'accident. Tous les sièges s'étaient séparés de leurs points d'ancrage au plancher de la cabine. La radiobalise de repérage d'urgence s'était détachée de la ferrure située sur la paroi intérieure du fuselage. Les deux poignées du demi-volant gauche de la double commande étaient cassées, le demi-volant droit étant quant à lui demeuré intact. Le réservoir de carburant avant s'est rompu à l'impact, et il a été retrouvé vide; il régnait une forte odeur de carburant à l'intérieur de la cabine, sous le réservoir. Une importante quantité de carburant bleu et limpide a été retrouvée dans les réservoirs central et arrière. Un filet de retenue du fret a été trouvé rangé dans son enveloppe à l'intérieur de la cabine - il n'avait pas été utilisé pour immobiliser les 300 livres de fret, pas plus qu'aucun autre moyen n'avait été utilisé pour fixer solidement le fret retrouvé à bord. Le fret s'était déplacé vers l'avant dans la cabine.

Les dommages subis par l'hydravion sont compatibles avec des forces de décélération élevée et une assiette inversée à l'impact. De telles forces dépassent la tolérance humaine, et il n'était pas possible de survivre à cet accident.

C-GVHT était équipé de flotteurs EDO 4930 et avait été construit en 1951; le nombre total d'heures accumulées par la cellule était d'environ 11 325 au moment de l'accident. L'inspection la plus récente avait été effectuée le 27 juin 2001, soit 47 jours avant l'accident, à 11 207 heures d'utilisation. D'après les carnets et les dossiers de maintenance, l'hydravion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. En mars 1998, le contenu d'une trousse d'agrandissement de la cabine (approbation de type supplémentaire SA90-2, configuration 3) avait été incorporé à l'appareil. Cette trousse permettait la pose d'une porte cargo Alaska, laquelle augmentait de façon notable le volume du compartiment à bagages original du Beaver. La pose de cette porte cargo plus grande facilite le chargement de fret encombrant dans le compartiment à bagages et déplace le bras de levier du compartiment à fret de 94 à 97 pouces en arrière de la référence. Les limites du chargement que peut supporter le plancher demeurent inchangées.

Rien n'indique la présence d'une défectuosité de la cellule, d'un mauvais fonctionnement du moteur ou d'une panne d'un système qui aurait existé avant les événements. Les dommages subis par les pales de l'hélice étaient compatibles avec la présence d'un moteur fournissant de la puissance à l'impact. La continuité des commandes de vol a pu être établie. Le vérin de commande des volets a été retrouvé dans une position correspondant à un réglage de 35°, qui est celui qui sert au décollage. Un tel réglage des volets est souvent utilisé en vol lent.

Pour pouvoir voler selon les règles de vol à vue (VFR), un pilote doit conserver des repères visuels à la surface et demeurer en dehors des nuagesNote de bas de page 2. Le VFR au-dessus des nuages (encore appelé VFR au-dessus de la couche) est permis, à condition que certaines conditions prévues dans le Règlement de l'aviation canadien (RAC) soient respectées, notamment en ce qui a trait aux minimums météorologiques, à l'équipement de l'aéronef et aux qualifications du piloteNote de bas de page 3.

Le pilote possédait une licence canadienne de pilote privé - avion qui lui avait été délivrée par Transports Canada et qui était en état de validité. Le pilote ne détenait ni qualification de vol aux instruments ni qualification pour le VFR au-dessus de la couche. Les dossiers montrent que, en août 2000, il totalisait plus de 4 000 heures de vol. D'après le carnet de route de l'hydravion, son premier vol à destination du lac Mackenzie avait eu lieu le 1er juin 2001, 73 jours avant l'accident, et il s'y était rendu 21 fois depuis. Il a été rapporté que le pilote avait volé au-dessus de la couche au cours d'un vol effectué plus tôt le jour de l'accident.

La masse maximale totale certifiée (MAUW) du DHC-2 Beaver monté sur flotteurs est de 5 090 livres, la limite arrière du centre de gravité (C de G) se situant 6,1 pouces en arrière de la référence. À titre de comparaison, la MAUW du Beaver monté sur roues est de 5 100 livres, mais la limite arrière du C de G se trouve 8,8 pouces en arrière de la référence.

D'après les dossiers de TC, C-GVHT a été pesé pour la dernière fois le 13 mars 1998, les calculs de la masse à vide donnant alors un résultat de 3 550 livres et un C de G situé 2,41 pouces en avant de la référence. L'appareil avait été pesé auparavant le 20 août 1988, époque où la masse à vide avait été établie à 3 275 livres, le C de G se trouvant alors 0,31 pouce en arrière de la référence. Ce calcul s'était fondé sur une révision antérieure de la masse et du centrage qui datait de juillet 1986, laquelle avait montré une masse de 3 317 livres et un C de G situé 0,9 pouce en avant de la référence. En examinant ce calcul, le BST s'est rendu compte que le chiffre du C de G était erroné et que l'emplacement se trouvait en fait 1,8 pouce trop en avant, ce qui veut dire que le C de G se trouvait en fait 0,9 pouce en arrière de la référence. Le carnet de route actuel de l'hydravion indique une masse à vide de 3 275 livres - ce qui correspond à une sous-estimation de 275 livres. C'est ce chiffre qui était apparemment utilisé par le pilote. On ne sait pas quel chiffre il utilisait pour le C de G.

Pour que les pilotes puissent disposer de renseignements exacts sur la masse et le centrage de leurs aéronefs, le RAC exige que le formulaire le plus récent indiquant la masse et le centrage soit conservé à bord de l'aéronef. Un formulaire de masse et de centrage de C-GVHT a bien été retrouvé dans le carnet de route qui se trouvait à bord de l'appareil, mais ledit formulaire avait été préparé en juillet 1986 et indiquait une masse à vide de 3 317 livres et un C de G situé 0,09 pouce en avant de la référence. Après examen de ce calcul, le BST s'est aperçu que le chiffre du C de G était erroné et que le C de G se trouvait 1 pouce trop en avant. (Remarque : ce chiffre du C de G diffère de celui utilisé au moment de la révision d'août 1988 mentionnée plus haut.) Qui plus est, une feuille de chargement plastifiée datée du 18 juin 1978 et servant aux pilotes à calculer rapidement la charge que pouvait emporter l'hydravion, était également conservée dans le carnet de route de l'hydravion; elle indiquait une masse à vide de l'appareil de 3 388 livres mais ne donnait aucun renseignement sur le C de G.

La rubrique RAC 3-2 de la Publication d'information aéronautique (AIP) de TC (TP2300) demande d'utiliser autant que possible le poids réel des passagers pour calculer la masse et le centrage d'un aéronef mais que, s'il est impossible de connaître le poids de chacun, il est permis de recourir à un poids moyen. Pour l'AIP, le poids moyen normalisé d'un passager adulte de sexe masculin est de 182 livres (en été) et de 188 livres (en hiver)Note de bas de page 4.

Figure 2. Calculs de masse et centrage de C-GVHT
Figure of Calculs de masse et centrage de C-GVHT
Le feuillet de chargement plastifiée retrouvée à bord de l'appareil fait appel à un poids normalisé de 165 livres pour un passager adulte. Le carnet de route de l'hydravion indique que c'est ce chiffre de 165 livres qui servait régulièrement de poids moyen des passagers adultes. D'après les calculs, le véritable poids du pilote et des passagers qui se trouvaient à bord de l'appareil au moment de l'accident s'élevait à 1 010 livres - soit 185 livres de plus que le poids estimé à l'aide du poids normalisé que l'entreprise avait fixé à 165 livres et 100 livres de plus que le chiffre obtenu en utilisant les bonnes valeurs normalisées de poids. Le BST a examiné les fiches de vol quotidiennes des pilotes de l'entreprise couvrant les semaines antérieures à l'accident et a calculé que de nombreux vols avaient été effectués en surcharge. Plusieurs chiffres de masse tirés de ces fiches de vol quotidiennes diffèrent grandement de ceux consignés dans le carnet de route d'aéronef pour un même vol, et c'est souvent un chiffre de masse de fret transporté inférieur qui était indiqué dans le carnet de route.

Le pilote a chargé lui-même l'hydravion à Campbell River, comme il avait l'habitude de le faire. Rien n'indique que le fret et les passagers ont été pesés avant le vol. Les calculs de masse et centrage effectués par le BST à l'aide des véritables poids des occupants et du fret transporté montrent que, au décollage de Campbell River, l'hydravion avait une masse de 5 364 livres, le C de G se situant 8,7 pouces en arrière de la référence - soit 274 livres au-dessus de la MAUW et 2,6 pouces à l'extérieur de la limite arrière du C de G. Ces calculs montrent également que l'appareil était en surcharge de quelque 59 livres au moment de l'accident et que le C de G se trouvait 1,6 pouce à l'extérieur de la limite arrière. (Voir la Figure 2. Veuillez noter que ce graphique montre également la limite arrière du C de G pour la configuration sur roues.)

Le DHC-2 Beaver a des caractéristiques de décrochage connues en cas de C de G à la limite arrière. Comme l'hydravion était chargé au point de dépasser la masse maximale admissible et que le C de G se trouvait à l'extérieur de la limite arrière, les caractéristiques de décrochage ne sont pas éprouvées. Toutefois, les renseignements qui suivent donnent une bonne idée des diverses possibilitésNote de bas de page 5.

Le DHC-2 a été conçu et certifié conformément aux British Civil Airworthiness Requirements, publiées en 1945. À l'époque, en vertu de la politique du British Air Registration Board, les tests de conformité n'avaient besoin d'être effectués qu'aux points nécessaires dans chaque plage pour que des déductions fiables soient faites concernant le comportement de l'appareil dans le reste de la plage.

Les exigences de certification particulières relatives aux caractéristiques de décrochage mentionnent entre autres que si le décrochage survient pendant un vol rectiligne, il ne devrait y avoir tendance ni au basculement latéral brusque ni à la vrille, et l'appareil devrait donner un avertissement clair de décrochage, par des vibrations ou d'autres indications, pendant son vol rectiligne ou en virage.

Le DHC-2 n'est pas équipé d'un avertisseur de décrochage (sonore ou visuel) et l'imminence d'un décrochage est signalée par des « vibrations » ou par une autre indication aérodynamique.

L'Aeronautical Testing Service Inc. (ATS), basée à Washington, est une entreprise de consultation et de fabrication en aéronautique œuvrant principalement dans la conception, l'élaboration et la mise en œuvre de modifications d'aéronefs de l'aviation générale. Selon la documentation de l'entreprise, l'ATS a été créée pour améliorer la sécurité et les performances des aéronefs de l'aviation générale grâce à la conception et à la fabrication de générateurs de tourbillons pour divers aéronefs de l'aviation générale et pour des avions agricoles. L'ATS a effectué des essais en vol sur un DHC-2 MK I non modifié dans le cadre du processus de conception d'un générateur de tourbillons pour ce type d'aéronef. Les essais visaient à évaluer les caractéristiques de décrochage, les avertissements de . décrochage et la maîtrise des décrochages dans une vaste gamme de configurations de masse et centrage à l'origine non exigées spécifiquement en vertu des British Civil Airworthiness Requirements.

Le rapport sur ces essais en vol indique qu'avec un centrage avant, les caractéristiques de décrochage de l'appareil se sont avérées acceptables. Cependant, avec un centrage arrière et avec moteur, des départs en décrochage avec roulis de 60 degrés, lacet de 30 à 40 degrés et tangage de 30 degrés ont souvent eu lieu pendant ces essais en vol. Avec les volets en position de montée, de décollage et d'atterrissage, le rapport sur les essais en vol de l'ATS indique que les ailerons et le gouvernail de direction ont été efficaces jusqu'à ce que l'avion décroche, mais qu'ils n'ont pu aider à maîtriser le roulis et le lacet brusques après le décrochage. Un déplacement franc de la gouverne de profondeur a été nécessaire pour sortir du décrochage avant que l'appareil ne se mette en vrille. Les pilotes d'essais de la Direction de la certification des aéronefs de Transports Canada et de de Havilland n'ont pas observé les caractéristiques de décrochage brusque décrites par l'ATS et par le pilote de l'avion accidenté. La Direction de la certification des aéronefs de Transports Canada a par la suite signalé qu'elle étudierait le dossier de service et les caractéristiques de décrochage du DHC-2 afin de déterminer si des modifications obligatoires s'imposent.

Le 24 janvier 2001, Transports Canada a terminé une étude portant sur quelque 200 rapports d'événement émanant du BST et sur quelque 89 autres émanant du National Transportation Safety Board (NTSB) concernant des incidents de Beaver. Parmi ces rapports, 13 provenant du BST et 8 provenant du NTSB pouvaient laisser croire à un décrochage de l'aile. Il a par la suite été établi qu'il n'y avait aucun autre rapport démontrant clairement un décrochage à 80 mi/h ou plus, comme en fait état le rapport A98P0194. De par sa base de certification, le DHC-2 Beaver n'est pas tenu d'avoir un dispositif avertisseur de décrochage, et un examen des données sur les antécédents en service de ce type d'appareil montre que la sécurité de celui-ci n'a jamais été compromise au point de justifier des mesures correctives obligatoires.

Analyse

Comme aucun problème mécanique ayant contribué à l'accident n'a été constaté, la présente analyse va se concentrer sur les facteurs opérationnels entourant le vol.

Les caractéristiques des dommages que présentait l'épave, les dommages observés sur deux arbres à l'endroit de l'accident ainsi que l'absence de dommages aux arbres avoisinants indiquent que l'hydravion a suivi une trajectoire en fort piqué dans les secondes qui ont précédé l'impact. L'appareil a percuté les arbres et s'est immobilisé sur le dos; il est probablement passé sur le dos quand le pilote en a perdu la maîtrise.

Le pilote avait fait part de son intention d'évaluer les conditions météorologiques dans le col à l'extrémité de la vallée sud du ruisseau Frederic. Le relief ascendant et la base des nuages près du col limitaient la hauteur au-dessus du sol à laquelle l'hydravion pouvait voler tout en restant en dehors des nuages. La zone de manœuvres disponible était également exiguë à cause du rétrécissement de la vallée vers son extrémité sud. La vallée avait beau être essentiellement orientée nord-sud, le col à l'extrémité sud de la vallée devait être franchi en direction est-ouest, d'où l'impossibilité pour un pilote de voir de l'autre côté du col avant que l'appareil ne s'y soit engagé.

L'accident s'est produit après un virage à gauche en éloignement du col au cours de la seconde tentative de franchissement du col. Pendant cette tentative, le rayon du virage a été plus serré et la vitesse a été plus faible qu'au cours du premier circuit, permettant à l'appareil de se rapprocher davantage du col. Il est donc fort probable que, pendant cette seconde tentative d'observation du col, le pilote a ralenti l'hydravion et que, au moment où il a décidé de renoncer à franchir le col, il a fait un virage serré pour éviter le relief plus élevé du flanc nord. Par conséquent, le pilote a été forcé de virer à gauche dans un endroit plus exigu et il a dû recourir à une inclinaison latérale plus prononcée pour éviter le relief escarpé.

La masse et le centrage se trouvaient à l'extérieur du domaine de vol testé et approuvé, dans une plage où les caractéristiques de décrochage n'ont pas été éprouvées. La masse de l'appareil dépassait la MAUW certifiée et le C de G se trouvait à l'extérieur de la limite arrière d'un appareil monté sur flotteurs, ce dernier point étant connu pour précipiter l'apparition d'un décrochage, pour produire des changements d'assiette de l'aéronef avec lesquels il n'est pas facile de composer et pour rendre tout rétablissement difficile. Qui plus est, à cause des mauvais chiffres utilisés pour la masse de base de l'hydravion et pour celle des passagers (donnant des erreurs respectives de 275 et de 185 livres), tout calcul de masse et centrage donnait systématiquement des résultats inférieurs de quelque 450 livres à la réalité. Pendant un virage en palier, la vitesse de décrochage augmente à mesure que l'angle de roulis augmente. Le virage serré et rapide effectué en vol lent a dû provoquer un décrochage du Beaver. Le fait que la masse et le centrage se trouvaient à l'extérieur des limites a exacerbé la réaction de l'hydravion aux manœuvres d'éloignement et a mis le pilote face à un brutal changement d'assiette qu'il n'a pu corriger avant de perdre la maîtrise de son appareil et de percuter les arbres. Le décrochage et la perte de maîtrise qui a suivi se sont produits quelques secondes seulement avant l'impact.

La présence de la porte cargo Alaska augmente le volume du compartiment de fret. Cette augmentation se prête au rangement de plus grandes charges plus loin en arrière ainsi qu'à une éventuelle mise en surcharge du compartiment à fret. Le fret non arrimé s'est déplacé pendant les manœuvres et a exacerbé le C de G qui se trouvait en dehors des limites, rendant la maîtrise de l'appareil encore plus difficile. De plus, les articles du fret les plus lourds ont pu se déplacer pendant la séquence d'impact et se transformer en projectiles, augmentant la gravité des blessures des occupants. Quoi qu'il en soit, il n'était pas possible de survivre aux seules forces d'impact.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote a renoncé à sa tentative de franchissement du col à cause des conditions météorologiques défavorables. Il s'est rendu dans une zone exiguë qui lui a demandé de manœuvrer l'hydravion avec une certaine agressivité afin d'éviter le relief ascendant, ce qui a provoqué un décrochage de l'appareil.
  2. La masse de l'hydravion était supérieure à la masse maximale totale certifiée, et le centre de gravité (C de G) se trouvait à l'extérieur de la limite arrière pour un avion monté sur flotteurs. Cette masse et ce centrage à l'extérieur des limites ont aggravé le décrochage aérodynamique et ont soumis l'appareil à de brusques changements d'assiette ingouvernables que le pilote n'a pu corriger avant de percuter les arbres.
  3. La masse et le centrage de base de l'hydravion étaient mal consignés dans plusieurs documents d'aéronef, ce qui provoquait de fortes erreurs dans les calculs de masse et de centrage au décollage. Par conséquent, le pilote ne pouvait calculer une masse et un centrage exacts. Dans certaines conditions, les calculs montraient à tort que l'hydravion se trouvait sous la masse maximale totale admissible.

Faits établis quant aux risques

  1. Le fait d'utiliser un poids non normalisé pour les passagers a mené à des calculs inexacts de masse au décollage, lesquels ont donné un poids total des passagers inférieur de 185 livres à la réalité.
  2. Les calculs de masse et de centrage effectués à partir de chiffres inexacts ne pouvaient révéler que l'hydravion était en surcharge tant que sa masse ne dépassait pas de quelque 450 livres la limite maximale.
  3. La masse de l'hydravion était supérieure à la masse maximale totale admissible, et le centre de gravité (C de G) se trouvait à l'extérieur de la limite arrière. Cette combinaison de masse et de centrage a placé l'appareil en dehors du domaine prévu à l'origine par son constructeur, dans une situation où les caractéristiques de vol lent et de comportement au décrochage n'ont été ni éprouvées ni certifiées.
  4. Le fret n'était pas immobilisé par le filet qui était prévu à cet effet, et il se peut qu'il se soit déplacé pendant les manœuvres de l'hydravion. De tels déplacements du fret auraient alors exacerbé les effets du centrage arrière existant tout en augmentant probablement la gravité des blessures subies par les occupants.

Autres faits établis

  1. Le pilote a choisi de voler au-dessus des nuages, conformément aux règles de vol à vue, et il n'a pu descendre sous la couche nuageuse, une fois arrivé au lieu d'amerrissage prévu.
  2. La présence de la porte cargo Alaska augmente le volume du compartiment de fret. Par conséquent, la présence de cette porte se prête au rangement de plus grandes charges plus loin en arrière ainsi qu'à une éventuelle mise en surcharge du compartiment à fret.
  3. Le DHC-2 Beaver ne possède pas d'avertisseur de décrochage visuel ou sonore, ce qui ne contrevient toutefois pas à la réglementation. L'avertissement de l'imminence d'un décrochage est fonction des trépidations ou de toute autre indication aérodynamique.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau le .