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Rapport d'enquête aéronautique A01W0304

Impact sans perte de contrôle (CFIT)
Cessna 172N C-GGFT
Exploité par 10263 Aviation Ltd. (Ursus Aviation)
30 NM au sud de Fort Good Hope
(Territoires du Nord-Ouest)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Cessna 172N immatriculé C-GGFT quitte Tulita (Territoires du Nord-Ouest) pour se rendre à Norman Wells et Fort Good Hope avant de revenir à Tulita. Le 31 décembre 2001 à 13 h 17, heure normale des Rocheuses, l'appareil quitte Fort Good Hope pour le vol de retour vers Tulita. L'avion, à bord duquel se trouvent le pilote et trois passagers, n'arrive pas à Norman Wells et, à 15 h, une fois l'appareil en retard par rapport à son itinéraire de vol, des recherches sont déclenchées. Un avion C-130 Hercules qui survole la zone détecte le signal d'une radiobalise de repérage d'urgence vers minuit le 31 mais, à cause des conditions météorologiques, du relief et du peu d'heures de clarté, c'est seulement le 2 janvier en après-midi que l'épave est retrouvée. L'accident s'est produit à 30 milles marins au sud de Fort Good Hope, à une altitude de 1 100 pieds par rapport à une montagne qui culmine à 1 400 pieds, sur un versant rocheux présentant une pente de quelque 70 degrés. Tous les occupants ont péri et l'avion a été lourdement endommagé.

Renseignements de base

Le pilote avait vérifié les conditions météorologiques et, le 31 décembre 2001 vers 10 h, heure normale des Rocheuses (HNR)Note de bas de page 1, il avait quitté Tulita (CZFN) à bord du C-GGFT afin de se rendre à Norman Wells (CYVQ) et à Fort Good Hope (CYGH) avant de revenir à Tulita en passant par Norman Wells. À l'arrivée à Norman Wells, les conditions météorologiques ne répondaient pas aux règles de vol vue (VFR), et le pilote a demandé une arrivée selon les règles de vol à vue spécial (SVFR) demande qui lui a été accordée. Il s'est posé vers 10 h 20 et a fait faire un ravitaillement en carburant. Le pilote est entré dans la station d'information de vol (FSS) afin d'y obtenir une mise à jour des conditions météorologiques, mais il a quitté avant la fin de l'exposé pour aller surveiller le ravitaillement en carburant.

Pendant ce temps, un autre Cessna 172, C-GYYX, avait quitté Norman Wells en SVFR pour se rendre à Fort Good Hope. Le C-GYYX est revenu après avoir suivi un chemin hivernal sur environ 15 milles marins (NM), le pilote ayant transmis un compte rendu (PIREP) dans lequel il signalait que la visibilité et le plafond étaient en train de diminuer jusqu'à la cime des arbres et qu'une couche de glace s'était déposée sur la cellule et sur le pare-brise. Le pilote du C-GGFT a reçu le PIREP du C-GYYX alors qu'il quittait Norman Wells, mais il a décidé de poursuivre son vol. Un passager était monté à Norman Wells avant que le C-GGFT ne parte en SVFR en direction de Fort Good Hope. Le C-GGFT et le C-GYYX se sont croisés à quelques milles à l'ouest de Norman Wells, du côté nord du chemin hivernal.

En cours de route, le pilote a été confronté à de mauvaises conditions météorologiques et a, semble-t-il, essayé de suivre diverses routes au-dessus du relief élevé le long du chemin hivernal. Son passager lui a suggéré de se dérouter vers la route survolant le fleuve et, finalement, l'avion est arrivé à Fort Good Hope après un vol ayant duré 30 minutes de plus que ce qui avait été prévu. Eu égard à ce délai, la FSS de Norman Wells avait demandé à l'opérateur de la station radio d'aérodrome communautaire (CARS) de Fort Good Hope si l'avion devait être signalé en retard. Selon des observations faites à l'atterrissage, les bords d'attaque des ailes et la soupape de l'empennage de l'avion étaient recouverts d'une couche de glace dont l'épaisseur était comprise entre trois quarts (¾) de pouce et un pouce, le pare-brise étant quant à lui recouvert d'une couche de glace épaisse d'environ un quart (¼) de pouce.

Pour se rendre de Norman Wells à Fort Good Hope par la voie des airs, il existe essentiellement trois grandes routes. La route directe suit la voie aérienne mais est assujettie, selon les règles de vol aux instruments (IFR), à une altitude minimale en route (MEA) de 5 300 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). Tant la route qui survole le fleuve que celle qui survole le chemin hivernal se trouvent à l'ouest de la route directe (voir l'annexe A). Ces deux autres routes sont plus longues que la route directe, mais ce sont elles que les pilotes préfèrent lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises, car le fleuve et le chemin simplifient la navigation. Le chemin hivernal emprunte des reliefs plus élevés que ceux rencontrés dans la vallée du fleuve, mais il offre davantage de surfaces d'atterrissage d'urgence. C'est la route survolant la vallée du fleuve qui traverse les reliefs les plus bas de toutes les routes; toutefois, en hiver, les pilotes sont souvent confrontés à des problèmes de mauvaise visibilité quand du brouillard recouvre la vallée aux abords des eaux libres à Sans Sault Rapids.

La prévision de zone graphique renseignant sur la nébulosité et les conditions météorologiques, publiée à 10 h 41 et valide entre 11 h et 0 h (GFACN35), faisait état, par endroits, de stratocumulus fragmentés dont la base se situait entre 1 500 et 2 500 pieds ASL et qui montaient jusqu'à 6 000 pieds, accompagnés de couches fragmentées entre 8 000 et 20 000 pieds. Étaient également mentionnés, localement, des plafonds à 500 pieds au-dessus du sol (AGL) avec des visibilités intermittentes allant de 2 à 6 milles terrestres (SM) dans des averses de neige légère et, localement, des visibilités de 1 SM dans de la brume.

Les prévisions portant sur le givrage, la turbulence et le point de congélation qui étaient valides à partir de 11 h annonçaient localement du givrage mixte modéré dans les stratus, autrement dit un givre opaque léger dans les nuages. À 11 h, un front froid suivant une ligne est-ouest située au nord de Fort Good Hope se déplaçait vers le sud à 10 NM à l'heure. Vers 17 h, la nébulosité et les conditions météorologiques prévues dans la zone étaient celles-ci : stratus/stratocumulus fragmentés à 1 500 pieds ASL avec des sommets à 2 500 pieds, visibilité supérieure à 6 SM et, par endroits, stratocumulus fragmentés à 3 000 pieds ASL avec des sommets à 9 000 pieds. Les prévisions faisaient également état, par endroits, de plafonds à 500 pieds AGL avec une visibilité de 3 SM dans de la neige légère et, localement, de visibilités de1 SM dans des cristaux de glace et de la brume. Les prévisions portant sur le givrage, la turbulence et le point de congélation valides à partir de 17 h sont demeurées identiques à celles de 11 h.

Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) de 9 h intéressant Norman Wells se lisait comme suit : vent calme, visibilité de 10 SM, plafond avec couvert nuageux à 400 pieds AGL, température de moins 17°C, point de rosée de moins 21 °C, calage altimétrique de 30,46 pouces de mercure, remarques : stratus 8/10, pression de 1 032,4 millibars au niveau de la mer. Le METAR de 9 h (corrigé) pour Fort Good Hope était le suivant : vent calme, visibilité de 15 SM, averses de neige légère, plafond avec couvert nuageux à 1 100 pieds, température de moins 15 °C, point de rosée de moins 17 °C, calage altimétrique de 30,45 pouces de mercure, remarques : stratus 8/10, givre sur l'indicateur, pression de 1 032,4 millibars au niveau de la mer.

En arrivant à Fort Good Hope, le pilote s'est rendu à la station CARS de l'aéroport, mais il n'a demandé au préposé ni une mise à jour des conditions météorologiques ni les PIREP concernant les conditions en vol. Il a téléphoné à la base de la compagnie à Tulita et a déposé un itinéraire de vol auprès d'un autre pilote de la compagnie pour le vol de retour de Fort Good Hope vers Tulita en passant par Norman Wells, faisant remarquer que les conditions météorologiques en route étaient mauvaises et qu'il avait l'intention de suivre le fleuve. Le pilote savait qu'un autre pilote était parti en VFR de Fort Good Hope et avait fait demi-tour à cause de conditions météorologiques défavorables. Il a aussi précisé qu'il allait prendre deux autres passagers pour le vol de retour et il a discuté de la possibilité d'annuler ou de retarder le vol.

Par la suite, le pilote a enlevé toute la glace qui se trouvait sur l'avion, aidé du passager en partance et d'une autre personne qui se trouvait là. Les trois passagers sont montés dans l'avion, puis le pilote a mis le moteur en marche et a roulé pour aller se mettre en position de décollage. Pendant le roulage, il a reçu un message provenant du pilote d'un avion cargo Douglas DC4 en approche de Fort Good Hope, l'avertissant de conditions IFR à Norman Wells et de conditions givrantes en route. Le pilote du C-GGFT a accusé réception des renseignements et a quitté Fort Good Hope vers 13 h 15.

D'après les dossiers, l'avion avait été certifié et équipé conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Rien n'indique qu'il y ait eu défaillance de la cellule ou mauvais fonctionnement d'un système avant ou pendant le vol. L'avion n'était pas certifié pour voler dans des conditions givrantes connues. Tant la masse que le centrage se trouvaient dans les limites permises. L'examen de l'épave a montré que l'avion avait percuté la surface en vol rectiligne en palier, l'appareil demeurant intact tout en dévalant la pente sur quelque 50 pieds avant de resté pris dans un bouquet d'arbres. Le moteur produisait de la puissance à l'impact et les volets étaient apparemment rentrés. Le récepteur du système mondial de localisation (GPS) n'a pas été retrouvé, et le radiogoniomètre automatique (ADF) était réglé sur Tulita, l'indicateur pointant vers l'arrière de l'avion. La présence d'une couche de givre opaque sur les haubans d'aile était évidente.

Le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, et il détenait une qualification de vol aux instruments valide. Il totalisait 650 heures de vol, dont environ 460 sur type. Depuis qu'il avait commencé à travailler à Tulita en juin 2001, il avait effectué quelque 370 heures de vol, dont 11 vols vers Fort Good Hope. Son plus récent voyage avait eu lieu le 29 décembre 2001. L'examen de ses dossiers de formation a révélé qu'il avait subi l'examen sur les surfaces contaminées dans lequel il est précisé qu'un aéronef doit être certifié et équipé en conséquence avant de pouvoir voler dans des conditions givrantes.

Les résultats des autopsies ont révélé que le passager assis dans le siège avant droit avait perdu la vie au moment de l'impact et que le pilote et les passagers des places arrière avaient survécu à l'impact, ayant subi des blessures ne mettant pas leur vie en danger, mais qu'ils avaient succombé des suites d'une hypothermie.

De par le système d'exploitation adopté par la compagnie, la préparation du vol est faite par le pilote lui-même. La compagnie a déclaré qu'il n'y a avait aucune urgence à effectuer ce vol, pas plus qu'une certaine pression n'aurait été exercée sur le pilote pour qu'il entreprenne une portion ou une autre du vol. Le passager se rendant de Norman Wells à Fort Good Hope rentrait passer quelques jours chez lui, et le passager allant de Fort Good Hope à Tulita était un présentateur de spectacle qui devait animer un réveillon du Nouvel an le soir même. Ces passagers auraient pu emprunter des vols réguliers offerts par un service de navette cet après-midi-là. Quant aux deux autres passagers au départ de Fort Good Hope, ils avaient des places réservées sur un vol régulier mais avaient accepté les sièges disponibles à bord du C-GGFT.

Analyse

D'après l'endroit de l'accident, il est permis de penser que le pilote est parti directement au sud depuis Fort Good Hope afin d'aller intercepter la vallée du fleuve en amont de Sans Sault Rapids, évitant ainsi les rapides. Si l'on se fie aux renseignements tirés des observations météorologiques, à la propre expérience du pilote et aux discussions qu'il a eues ainsi qu'aux autres pilotes présents dans la région, il est probable que le pilote a été confronté à des conditions givrantes et à une visibilité réduite dans des averses de neige ou des nuages. Comme l'épave est demeurée intacte et que trois des occupants ont survécu à l'impact comme tel en subissant des blessures ne mettant pas leur vie en danger, il est fort probable que le pilote volait à basse vitesse. Peut-être volait-il intentionnellement à basse vitesse et à basse altitude afin de conserver ou de rétablir des références visuelles avec le relief. La configuration de croisière ainsi que l'assiette correspondant à un vol rectiligne en palier au moment de l'impact sont compatibles avec un accident dû à un impact sans perte de contrôle.

La formation au vol aux instruments, l'expérience et les heures de vol limitées du pilote étaient suffisantes pour permettre à ce dernier de comprendre les risques et les conséquences inhérents à l'utilisation de l'avion dans les mauvaises conditions météorologiques qui prévalaient. Le pilote avait volé à de nombreuses reprises dans la région et il connaissait bien le relief ainsi que la route principale et les deux autres routes permettant de se rendre de Tulita à Fort Good Hope. Il n'a toutefois pas été possible de déterminer si les vols qu'il avait effectués précédemment vers ces destinations s'étaient déroulés dans d'aussi mauvaises conditions météorologiques.

En vertu du système adopté par la compagnie, selon lequel la préparation de vol est faire par lui-même il incombait au pilote de déterminer s'il pouvait accomplir le vol en toute sécurité. Comme il n'y avait aucune urgence à procéder, il n'a pas été possible d'établir pourquoi le pilote a pris plusieurs décisions manquant de cohérence par rapport à sa formation ou par rapport aux pratiques acceptées ou à la discipline aéronautique, notamment en ce qui a trait aux points suivants :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote a volé dans des conditions météorologiques et des conditions givrantes connues à bord d'un avion qui n'était ni certifié ni équipé en conséquence, alors qu'il n'avait pour ainsi dire aucune chance de pouvoir effectuer son vol en toute sécurité et dans le respect de la réglementation pertinente.
  2. Le pilote a percuté le flanc d'une montagne pour des raisons liées à l'accumulation de glace et/ou à la visibilité réduite dans des averses de neige ou des nuages.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisé par le Bureau le .

Annexe A - Schéma de la région de l'accident