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Rapport d'enquête aéronautique A02Q0054

Piqué du nez et capotage au décollage
du Cessna 180F sur flotteurs C-FQCF
au lac des Passes (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Cessna 180F, numéro de série 18051212, a décollé du lac des Passes (Québec) à 9 h 30, heure avancée de l'Est, pour effectuer un vol dans des conditions de vol à vue à destination du lac Saint-Augustin (Québec) avec un pilote et deux passagers à bord. Après avoir décollé du lac, l'hydravion a subitement piqué du nez, le flotteur gauche s'est enfoncé dans l'eau et l'aéronef a chaviré. Les deux passagers ont pu évacuer l'hydravion et se sont agrippés aux flotteurs. Le pilote est mort noyé à l'intérieur de l'appareil. Les deux passagers ont alors entrepris de rejoindre la rive à la nage, mais l'un d'eux, exténué, a rebroussé chemin, est monté sur un des flotteurs et s'est noyé quelques instants plus tard lorsque l'aéronef a coulé. L'autre passager a rejoint la rive à la nage, puis il s'est rendu à un chalet situé sur la rive opposée où il a pu se réchauffer un peu. Il a été retrouvé deux jours plus tard par un ami qui venait visiter le chalet. Les services de recherche et sauvetage l'ont immédiatement transporté par hélicoptère vers un hôpital de Québec.

Renseignements de base

Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnel en état de validité. Selon sa dernière déclaration au médecin de l'aviation civile, il totalisait 20 650 heures de vol.

Un examen des dossiers a révélé que l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Rien n'indique qu'il y ait eu une défaillance de la cellule ou un mauvais fonctionnement d'un des systèmes lors du décollage. L'aéronef ne présentait aucune anomalie connue avant le vol et était exploité conformément à ses limites de charge et de centrage. Lors des recherches sous-marines, les plongeurs ont constaté que la porte gauche était fermée et que le pilote était assis dans son siège; sa ceinture de sécurité était toujours bouclée. À l'impact, les forces de couple, générées par le moteur, ont été suffisantes pour que les goujons de l'hélice s'arrachent du moyeu et qu'une des pales coupe une section de la tête du cylindre avant gauche. L'hélice n'a pas été retrouvée et il n'y avait pas eu de baisse du régime moteur avant l'impact.

Au moment du décollage, les vents à l'aéroport de Québec, situé à 52 milles marins au sud-est, soufflaient du nord à 16 noeuds avec des rafales estimées à 21 noeuds. Le lac utilisé pour le décollage mesure environ 6 500 mètres de longueur sur 300 à 400 mètres de largeur, et il est orienté nord-est sud-ouest. Le décollage s'est déroulé en direction sud-ouest et, lors de la montée initiale, l'aéronef a subitement piqué du nez sans aucune réaction de la part du pilote. L'aile et le flotteur du côté gauche ont heurté l'eau, puis l'aéronef s'est renversé.

Lors de son dernier examen médical, le pilote avait déclaré souffrir d'hypertension artérielle et être suivi par un spécialiste en médecine interne traitant les problèmes cardiovasculaires. Ce dernier lui avait prescrit des médicaments pour l'hypertension. Il avait de plus déclaré être asymptomatique. L'enquête a révélé que le pilote avait reçu un diagnostic de maladie coronaérienne le 14 avril 1991. Le diagnostic principal était une ischémie silencieuse. Le 30 mai 1994, le pilote avait été hospitalisé après un diagnostic de maladie coronaérienne athérosclérotique avec ischémie silencieuse. L'ischémie silencieuse est une insuffisance de la circulation artérielle pouvant provoquer, sans aucun signe ou symptôme avant-coureur, une incapacité soudaine. Le lendemain, le pilote avait été traité avec une coronarographie puis une angioplastie de la coronaérienne droite. Selon les dossiers du médecin examinateur de l'aviation, cette condition médicale, ainsi que l'angioplastie subie le 31 mai 1994, n'apparaissent pas dans les dossiers du pilote et n'ont jamais été déclarées par le pilote. Cette information ne figure pas non plus dans les réponses des questionnaires remplis chaque année par le médecin examinateur de l'aviation civile, depuis 1994 jusqu'en 2002.

Lors de son dernier examen médical le 2 mai 2002, le pilote a mentionné qu'il avait passé un test au tapis roulant à l'automne 2001 à l'hôpital Chauveau sous la surveillance de son spécialiste en médecine interne traitant les problèmes cardiovasculaires. Le médecin examinateur lui avait demandé de lui fournir une copie des résultats pour les évaluer avant de signer le renouvellement de son certificat médical. Une copie d'un électrocardiogramme à l'effort, datant du 15 juin 2001, avait alors été envoyée au médecin examinateur de l'aviation civile. Ce dernier, après réception et évaluation du document, a signé le certificat médical du pilote. Le médecin régional de l'aviation civile a reçu le renouvellement du certificat médical au bureau régional de l'aviation civile le 16 mai 2002, sept jours après l'accident. Il n'a pu effectuer à temps l'évaluation du dossier médical du pilote à la lumière de ces nouvelles données.

L'autopsie du pilote a révélé que la noyade était la cause probable du décès. Cependant, le pilote présentait une artériosclérose coronaérienne importante suffisante pour entraîner des problèmes cardiaques, comme une angine de poitrine, un infarctus du myocarde, une arythmie ou une autre condition. Il n'est donc pas possible d'écarter l'hypothèse qu'un malaise cardiaque pourrait être à l'origine de l'accident.

Au début du voyage de pêche, le pilote a fait un exposé aux passagers sur les consignes de sécurité. Aucun des passagers de l'appareil ne portait de gilet de sauvetage au moment de l'accident. Le port du gilet de sauvetage n'est pas obligatoire. Dans le rapport SA9401 intitulé Étude de sécurité portant sur les possibilités de survie dans les accidents d'hydravions, le BST avait recommandé à Transports Canada en mai 1994 d'exiger que tous les occupants des hydravions portent un dispositif de flottaison personnel au cours des phases d'arrêt, de circulation, de décollage, d'approche et d'amerrissage (A94-07). Toutefois, Transports Canada a décidé de ne pas légiférer en ce sens en raison du risque de noyade que pourrait poser le gonflement accidentel du dispositif de flottaison lors de l'évacuation.

Selon la réglementation, les gilets de sauvetage doivent être d'une couleur facilement visible. Typiquement, la plupart des gilets couramment en usage sont de couleur jaune. Une caractéristique essentielle des gilets de sauvetage approuvés est que ceux-ci n'offrent aucune flottaison jusqu'à ce qu'ils soient gonflés; le gonflage se fait seulement après avoir évacué l'appareil dans le but d'éviter que le porteur du gilet flotte à l'intérieur de l'avion, ce qui pourrait l'empêcher d'atteindre une sortie située sous l'eau. La réglementation exige qu'un gilet de sauvetage soit à la disposition de chaque occupant de l'hydravion. Le seul gilet de sauvetage retrouvé à bord de l'aéronef était un modèle à flottaison permanente prévu pour utilisation sur des embarcations nautiques et n'était pas du type approuvé par la réglementation aérienne.

Analyse

L'aéronef était entretenu conformément à la réglementation en vigueur, et rien ne porte à croire qu'une défectuosité de l'aéronef ait pu être un facteur contributif dans l'écrasement de l'appareil.

Tout porte à croire que le pilote aurait eu un malaise cardiaque aigu avec incapacité soudaine durant la montée initiale et qu'il aurait relâché les commandes, ce qui aurait provoqué la mise en piqué de l'aéronef. En effet, l'autopsie a déterminé que la cause du décès était la noyade, mais que la victime souffrait d'une maladie artériosclérotique coronaérienne sévère. Cette condition expliquerait sa non-intervention lorsque l'appareil s'est mis en piqué et lors de l'évacuation; les deux passagers étaient conscients après l'impact et ont réussi à évacuer l'aéronef; par contre, le pilote est resté assis dans son siège et n'a pas essayé de déboucler sa ceinture.

Le pilote n'a jamais déclaré souffrir de problèmes cardiaques ni qu'il avait subi des traitements à cet effet. Il a seulement déclaré être suivi pour de l'hypertension et a fourni une copie d'un électrocardiogramme à l'effort datant du 15 juin 2001. Le médecin examinateur de l'aviation civile, après réception et évaluation du document, a signé le certificat médical du pilote. Cependant, l'électrocardiogramme fourni par le spécialiste datait de l'année précédente.

Le fait qu'aucun des passagers ne portait de gilet de sauvetage approuvé par la réglementation aérienne au moment du décollage peut avoir eu une incidence sur la survie du passager.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

  1. L'autopsie du pilote a révélé que la cause probable de la mort est la noyade; cependant le pilote présentait une artériosclérose coronaérienne importante suffisante pour entraîner une incapacité soudaine d'origine cardiaque.
  2. Le pilote et les passagers ne portaient pas de gilet de sauvetage durant le décollage; une telle précaution aurait pu sauver la vie du passager.

Faits établis quant aux risques

  1. Un seul gilet de sauvetage a été retrouvé à bord et il n'était pas du type approuvé par la réglementation aérienne.
  2. Le médecin examinateur de l'aviation civile, après réception et évaluation de l'électrocardiogramme de l'année précédente, a signé le certificat médical du pilote.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .