Language selection

Rapport d'enquête aéronautique A03P0068

Piqué en spirale - Collision avec le relief
du Piper PA-28-140 C-GNUD
exploité par l'école de pilotage de Langley
à 6 nm au nord-est de l'aéroport de Langley
(Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Un élève-pilote aux commandes du Piper PA-28-140 portant l'immatriculation C-GNUD et le numéro de série 28-7525250 décolle de l'aéroport de Langley (Colombie-Britannique) pour effectuer un vol local d'entraînement en solo dans la zone d'entraînement de Glen Valley (CYA 126). Après le décollage, l'élève quitte la zone de contrôle de Langley et vole vers le nord-est pour pénétrer dans la zone d'entraînement à quelque 2200 pieds au-dessus du niveau de la mer. Le vol est observé à partir des données radar enregistrées. Une fois l'appareil à l'intérieur de la zone d'entraînement, les manoeuvres du pilote montrent de nombreux virages à faible et à moyenne inclinaison variant de 10 à 30 degrés, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre.

Quelque 30 minutes après le décollage, à partir d'une altitude d'environ 2000 pieds au-dessus du niveau du sol, l'appareil effectue trois virages en palier de 360 degrés à gauche, puis il amorce brusquement un virage en descente rapide à gauche. La transmission des données du radar de contrôle de la circulation aérienne cesse au moment où l'appareil descend au-dessous de 1600 pieds au-dessus du sol. Des témoins au sol affirment que l'appareil effectue un piqué en spirale prononcé à gauche et qu'il fait presque trois tours complets avant de heurter le sol. Il n'y a aucune sortie du piqué en spirale et l'appareil heurte le sol à une vitesse élevée. L'aéronef est détruit au moment de l'impact et dans l'incendie qui s'ensuit, et le pilote subit des blessures mortelles. L'accident survient à 16 h 40, heure avancée du Pacifique.

Renseignements de base

Les communications radio entre le pilote et la tour de Langley ont été normales, et il n'y a eu aucun signe d'anomalie affectant le vol. Aucun autre aéronef volant dans cette zone d'entraînement n'a signalé de communication d'urgence sur la fréquence d'exploitation.

Au moment de l'accident, les conditions météorologiques signalées étaient les suivantes : quelques nuages à 5000 pieds au-dessus du niveau du sol, couche de nuages épars à 8000 pieds, vent de surface du 090° soufflant à 3 noeuds et visibilité de 25 milles.

L'examen et l'analyse des données radar ont montré que l'appareil avait amorcé un virage serré à gauche à une vitesse de quelque 115 mi/h. L'amorce de la manoeuvre a été brusque, et le roulis initial s'est stabilisé à une inclinaison de quelque 40 à 45°. Le virage initial a modifié le cap d'environ 80° et provoqué une perte d'altitude coïncidente d'environ 600 pieds en quelque 10 secondes. Des témoins au sol ont remarqué que l'angle d'inclinaison de l'appareil, qui était de quelque 45°, et son angle de tangage vers le bas, qui était de quelque 20°, sont demeurés constants pendant toute la durée de la manoeuvre.

Le Laboratoire technique du BST a procédé à une analyse de l'énergie de l'appareil au cours de cette manoeuvre et il a établi qu'à l'impact, la vitesse de l'appareil devait être comprise entre 180 et 200 mi/h.

Le Piper Pa-28-140 a été homologué en vertu de la partie 3 des Civil Air Regulations (CAR). D'après cette norme, l'avion devait être stable longitudinalement, directionnellement et latéralement. En vertu des exigences en matière de stabilité longitudinale figurant au paragraphe 3.114 de la partie 3 des CAR, lorsque l'appareil est compensé pour une vitesse spécifique, il faut pousser sur les commandes pour maintenir une vitesse supérieure à cette vitesse de compensation. Lorsque l'effort à la commande est relâché, la norme de certification exige que la vitesse revienne à moins de 10 % d'écart de la vitesse de compensation d'origine. Sans aucune forme de sollicitation des commandes par le pilote, la stabilité longitudinale de l'appareil aurait dû faire monter le nez de ce dernier à mesure que sa vitesse augmentait, passant de 115 à 200 mi/h environ. Le mouvement vers le haut du nez de l'appareil, même avec une inclinaison latérale de 45°, aurait dû aider ce dernier à sortir de la spirale et il aurait dû être observable à partir du sol.

L'examen de l'épave qui a été récupérée, lequel a porté davantage sur les surfaces aérodynamiques, sur les points de fixation des surfaces aérodynamiques et sur les composants des commandes de l'appareil, n'a permis de déceler aucun signe de défaillance de la structure ou du système des commandes avant l'écrasement.

L'étude des documents techniques pertinents a permis d'établir que la consigne de navigabilité (CN) 69-22-02, en vigueur depuis le 30 juillet 1979, traitait d'un problème concernant le criquage du volant de pilotage, près de son moyeu. Cette CN exigeait soit le remplacement du volant de pilotage par un composant en métal amélioré, soit l'inspection visuelle périodique du volant plus ancien visant à déceler le criquage près du moyeu central de ce dernier. L'appareil en cause dans cet accident était équipé des volants plus anciens, lesquels faisaient l'objet des inspections périodiques requises. Les composants en plastique du moyeu du manche du pilote (mentionnés dans la CN 69-22-02) n'ont pas été récupérés, et ils ont probablement été détruits dans l'incendie qui s'est déclaré après l'écrasement.

Les parties récupérées des volants endommagés ont été envoyées au Laboratoire technique du BST pour y subir un examen et une analyse plus poussés. L'examen technique a permis d'établir que les fragments des volants de l'aéronef détruit indiquaient que le mode de fracture prédominant avait été une contrainte excessive, sans doute causée par l'impact. De toutes petites précriques de fatigue dispersées le long de l'axe de la pièce ont été décelées autour des cavités internes (de fabrication). Cependant, d'après les essais en laboratoire, l'intégrité structurale du volant n'était pas menacée.

Une recherche dans la base de données des rapports de difficultés en service (RDS) de Transports Canada a révélé que 13 incidents faisant état d'une défaillance d'un volant (par criquage ou rupture) avaient été signalés depuis la première publication de cette CN. Même si la plupart de ces défaillances étaient dues à des criques qui avaient été décelées dans le cadre d'inspections de maintenance périodique, au moins cinq des RDS faisaient état de ruptures de volants survenues en vol; certaines de ces ruptures s'étaient produites en-dehors de la zone inspectée en vertu de cette CN. Ce problème a été résolu par Transports Canada et il est traité séparément à la rubrique intitulée Mesures de sécurité du présent rapport.

Le pilote de l'appareil en cause dans cet accident était titulaire d'un permis d'élève-pilote valide, et il suivait un entraînement sous la direction et la supervision d'une unité de formation au pilotage, conformément à la rubrique 401.19b) du Règlement de l'aviation canadien (RAC).

Le pilote en cause dans cet accident avait subi son premier examen médical en 2001, et les dossiers médicaux ne faisaient état d'aucune condition préexistante qui aurait pu nuire aux performances du pilote. La catégorie médicale d'un permis d'élève-pilote étant valide pour une période de cinq ans, des renseignements plus récents sur l'état de santé du pilote au moment de l'accident ne sont pas disponibles. D'après les dossiers de l'autopsie et des examens toxicologiques du Bureau du coroner de la Colombie-Britannique, le pilote ne présentait aucun signe de maladie préexistante.

Le pilote en cause dans cet accident avait commencé en mai 2001 son entraînement en vue de l'obtention d'une licence de pilote privé. L'étude de ses dossiers d'entraînement indique que ses premières séquences d'entraînement et ses exercices en altitude s'étaient déroulés normalement. Ces séquences avaient comporté une introduction aux virages serrés, au vol lent ainsi qu'aux sorties de décrochage, de vrille et de piqué en spiraleNote de bas de page 1. Le pilote avait ensuite commencé à apprendre les séquences de circuit d'aérodrome requises et il avait passé le mois suivant de son entraînement (quelque 20 heures de vol) à se concentrer sur ces habiletés. On lui avait délivré un permis d'élève-pilote le 20 juillet 2001, et il avait effectué son premier vol en solo deux jours plus tard. Il avait ensuite passé 7 heures (en double commande) et 4,6 heures (en solo) de plus à faire des circuits d'aérodrome.

Le 9 août 2001, l'élève avait effectué son premier vol d'entraînement en double commande dans la zone d'entraînement depuis l'introduction des séquences en altitude, au milieu de juin 2001. Au cours de ce vol, l'instructeur avait remarqué que l'élève éprouvait de la difficulté à effectuer des virages serrés. Plus particulièrement, il inclinait trop l'appareil en roulis (jusqu'à 65 degrés d'inclinaison) et il ne tirait pas suffisamment sur le volant, ce qui faisait que l'appareil piquait du nez et entrait dans un piqué en spirale. Après l'identification de ces faiblesses, l'unité de formation au pilotage a fait exécuter à l'élève trois vols en double commande visant à remédier à la situation, le but étant de s'assurer que les exercices en altitude étaient sécuritaires avant d'autoriser l'élève à effectuer son premier vol en solo jusqu'à la zone d'entraînement.

Au début d'octobre 2001, l'élève avait cessé l'entraînement pour prendre une pause de trois mois. Il n'avait recommencé à s'entraîner qu'en janvier 2002 pour effectuer trois vols totalisant 1,3 heure en double commande et 0,4 heure en solo. Il n'avait ensuite pas repiloté avant mars 2003.

Il n'est pas rare que l'on prenne des pauses pendant l'entraînement, et ces dernières sont habituellement hors du contrôle de l'unité de formation au pilotage concernée. D'après les directives d'orientation figurant à l'article 401.19 du RAC, il incombe à l'unité de formation au pilotage en cause de réviser et de réévaluer les compétences antérieurement acquises afin de déterminer le niveau d'habileté d'un élève et le futur agencement du cours en vue de la poursuite de l'entraînement de l'élève qui vient de prendre une longue pause.

L'entraînement le plus récent de l'élève après sa pause d'une durée d'un an incluait 3,1 heures d'instruction en double commande dirigée par deux instructeurs de vol qualifiés, suivie d'une heure de vol en solo dans le circuit d'aérodrome; l'accident est survenu pendant le vol suivant. Les dossiers de l'unité de formation au pilotage indiquent que le 15 mars 2003, pendant l'un des vols en double commande, l'élève avait passé en revue les sorties de virage serré et de piqué en spirale. Cet entraînement comportait notamment des virages serrés à gauche et à droite ainsi que des sorties de quatre piqués en spirale exécutés par l'élève sous la surveillance de l'instructeur. Les dossiers de formation mentionnaient que l'exécution des sorties de virages serrés et de piqués en spirale avait été « bonne », et aucun des deux instructeurs qualifiés qui avaient dirigé l'instruction en double commande la plus récente n'avait identifié, pendant les manoeuvres, des faiblesses qui auraient pu menacer la sécurité des vols en solo ultérieurs.

Analyse

Le vol en solo avait été prévu comme une suite logique à trois séances d'entraînement en double commande après une pause d'une durée d'un an sans pilotage. L'élève possédait les qualifications et les autorisations pour effectuer le vol en cause dans cet accident, conformément au RAC et aux pratiques de l'unité de formation au pilotage.

Pendant le vol d'entraînement en solo, l'appareil est entré dans un piqué en spirale duquel l'élève n'est jamais sorti. On ignore pourquoi l'appareil est entré dans ce piqué en spirale et pourquoi l'élève a été incapable d'en sortir.

La première manoeuvre de roulis, laquelle a été observée au radar, et la stabilisation ultérieure du tangage et du roulis à des angles constants étayent les conclusions voulant que le système de commande de l'appareil fonctionnait et que le pilote était conscient et a manipulé les commandes pendant toute la durée de la manoeuvre. D'après le mouvement de l'appareil qui a été décrit, il est probable que l'élève était en train de mettre les ailerons au neutre et poussait sur le manche pour contrer son déplacement graduel vers l'arrière causé par une descente à une vitesse sans cesse croissante. D'après cette analyse, il est probable que, dans le cadre de sa procédure de sortie, l'élève a tenté de mettre les commandes au neutre.

L'étude de tous les dossiers et rapports médicaux disponibles n'a révélé aucun signe de problème médical préexistant qui aurait pu nuire à la capacité du pilote de maîtriser l'appareil. Cependant, la période de validité de cinq ans du certificat médical d'un permis d'élève-pilote réduit la possibilité d'une surveillance précoce continue de l'état de santé d'un élève-pilote par rapport à celle que permettrait un examen médical plus fréquent.

Même si les capacités de cet élève à effectuer des virages serrés avaient d'abord été qualifiées de faibles, on lui a donné une formation d'appoint en double commande, afin de s'assurer qu'il effectuerait de façon sécuritaire les séquences en altitude pendant l'exercice en solo. L'étude et l'évaluation plus récentes des sorties de virages serrés, de décrochages et de piqués en spirale ont confirmé que l'élève était capable d'exécuter ces manoeuvres en toute sécurité, tout en reconnaissant la nécessité d'exercices supplémentaires pour améliorer la séquence de virage serré de façon à ce que cette dernière atteigne les normes de rendement que requiert la délivrance d'une licence de pilote privé.

En se basant sur les descriptions faites par les témoins des angles de tangage et de roulis constants pendant toute la manoeuvre, on a écarté la non-continuité des commandes et l'incapacité du pilote en tant que causes potentielles de cet accident. De plus, les évaluations des composants endommagés du volant ont permis d'établir que les poches internes formées lors de la fabrication et décelées dans les volants en plastique du Piper ne semblaient pas nuire à l'intégrité des composants lorsque ces derniers ont été soumis aux essais mentionnés dans la FAR 23. Même si ces ruptures n'ont aucun lien avec la présente séquence d'accident, la base de données des RDS fait état d'au moins cinq ruptures de volant survenues en vol; certaines de ces ruptures se sont produites en-dehors de la zone inspectée en vertu de la CN 69-22-02. Les efforts qu'a déployés Transports Canada pour améliorer cette CN ont été ajoutés à la rubrique intitulée Mesures de sécurité prises du présent rapport.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Pendant le vol en solo d'un élève, l'appareil a amorcé un virage en descente à gauche et il est entré dans un piqué en spirale duquel il n'est pas sorti. On ignore pourquoi l'appareil est entré dans ce piqué en spirale et pourquoi l'élève a été incapable d'en sortir.

Faits établis quant aux risques

  1. La période de validité de cinq ans du certificat médical d'un permis d'élève-pilote réduit la possibilité d'une surveillance précoce continue de l'état de santé d'un élève-pilote.
  2. Bien que cela n'ait aucun lien de causalité avec cet accident, la base de données des RDS de Transports Canada fait état d'au moins cinq ruptures de volant survenues en vol; certaines de ces ruptures se sont produites en-dehors de la zone inspectée en vertu de la CN 69-22-02.

Autres faits établis

  1. Les poches formées lors de la fabrication et décelées dans les volants en plastique du Piper ne semblent pas nuire à l'intégrité des volants lorsque ces derniers sont soumis aux essais mentionnés dans la FAR 23.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Transports Canada signale avoir rédigé une lettre adressée à la FAA pour insister sur deux éléments susceptibles d'améliorer davantage l'efficacité de la CN 69-22-02 en ce qui a trait au criquage des volants du Piper :

La CN en cause requiert simplement que l'inspection du volant soit effectuée dans les 25 heures de temps en service à compter de la date d'entrée en vigueur de ladite consigne et, par la suite, toutes les 100 heures après la plus récente inspection. Transports Canada souligne qu'au Canada, de nombreux exploitants d'aéronefs privés ne volent pas 100 heures par année et peuvent prendre jusqu'à cinq années pour effectuer le nombre d'heures requis les obligeant à se conformer à cette consigne. La modification de l'intervalle de conformité de cette consigne de façon à ce qu'elle prescrive qu'une inspection soit effectuée toutes les 100 heures après la plus récente inspection ou annuellement, aiderait à réduire le risque de rupture des volants chez ces exploitants privés.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le .