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Rapport d'enquête aéronautique A08P0353

Impact sans perte de contrôle (CFIT)
du Grumman G-21A C-FPCK
exploité par Pacific Coastal Airlines
sur l'île South Thormanby (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 10 h 13, heure normale du Pacifique, l'avion amphibie Grumman G-21A immatriculé C-FPCK, numéro de série 1187, exploité par Pacific Coastal Airlines, décolle de l'hydroaérodrome de l'aérogare sud de l'aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique) à destination de Powell River (Colombie-Britannique) avec le pilote et sept passagers à son bord. Environ 19 minutes plus tard, l'avion s'écrase dans un épais brouillard sur l'île South Thormanby, à peu près à mi-chemin entre Vancouver et Powell River. Vers 14 h, une équipe de recherche locale trouve un passager grièvement blessé sur le rivage est de l'île. Environ 30 minutes plus tard, l'épave de l'appareil est localisée sur un pic proche de Spyglass Hill (Colombie-Britannique). Le pilote et les six autres passagers ont perdu la vie dans l'accident; l'appareil a été détruit par l'impact et par l'incendie qui a suivi. La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) a été détruite dans l'accident et n'a transmis aucun signal.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

La compagnie Pacific Coastal Airlines (Pacific Coastal Airlines) avait été choisie par la compagnie Peter Kiewit Sons Co. (Kiewit), une entreprise de construction ayant divers projets sur la côte de la Colombie-Britannique, pour transporter les employés et le fret de Kiewit entre l'aéroport international de Vancouver (CYVR)Footnote 1 en Colombie-Britannique et un camp situé près de la tête du bras de mer Toba (Colombie-Britannique), à environ 100 milles marins (nm) au nord-nord-ouest de Vancouver. Tous ces vols étaient effectués à bord d'un avion amphibie Grumman G-21A (Goose) selon les règles de vol à vue (VFR). Les vols se déroulaient 7 jours sur 7, généralement plusieurs fois par jour, souvent avec des escales à l'aéroport de Powell River (CYPW) en Colombie-Britannique, situé à environ 60 nm au nord ouest de Vancouver, pour embarquer ou débarquer des employés de Kiewit.

Le pilote est arrivé au hangar pour prendre son service vers 9hFootnote 2 . À 9 h 30, il s'est présenté au centre de régulation de la compagnie où il a reçu le manifeste de vol et le dossier météo. Le pilote et le régulateur de vol ont discuté du dossier météo, et le pilote a reçu comme consigne de se diriger vers le bras de mer Toba si la météo ne permettait pas d'atterrir à CYPW.

Le C-FPCK devait quitter l'hydroaérodrome international de Vancouver (CAM9) à 10 h avec sept passagers. Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) diffusé à 9 h pour Vancouver signalait un vent du 110 °TFootnote 3 à 10 nœuds et une visibilité de 2 ½ milles terrestres (sm) dans la brume. Le plafond nuageux était à 500 pieds au dessus du sol (agl). La température était de 10 °C et le point de rosée de 9 °C. La carte de pronostic du temps d'Environnement Canada prévoyait des nuages bas et une visibilité réduite le long de la côte, pour la zone le long de la route du vol. Les observations signalées pour la destination (bras de mer Toba) étaient au-dessus des minimums VFR, mais celles de CYVR et de CYPW étaient inférieures aux minimums VFR à l'heure prévue du départ. À noter que les vols selon les règles de vol aux instruments (IFR) de Pacific Coastal Airlines au départ de CYVR ce matin-là ont été retardés en raison des conditions météorologiques inférieures aux minimums IFR pour les destinations côtières proches de la route du vol ayant mené à l'accident.

Après avoir reçu l'exposé météo, le pilote s'est rendu à son avion pour charger le matériel et s'occuper de l'embarquement des passagers. Lors de son briefing aux passagers, le pilote a avisé les passagers que le vol se déroulerait à basse altitude et que ceux que cela préoccupait pouvaient quitter l'appareil. Aucun des passagers n'est débarqué. À 10 h 1, l'avion a été « autorisé à partirFootnote 4 » par le régulateur de vol.

Le message du service automatique d'information de région terminale (ATIS) émis à 10 h 9 pour CYVR indiquait que le vent avait faibli à 8 nœuds et que la visibilité avait diminué à 2 sm. Le pilote a demandé au contrôle de la circulation aérienne (ATC) de Vancouver l'autorisation de décoller en VFR spécialFootnote 5 via SALMON NORTH, ce qui lui a été accordé. Cette route publiée pour les hydravions en VFR impose que l'appareil soit équipé d'un système de navigation de zone, comme un système de positionnement mondial (GPS), lui permettant d'identifier le point de compte rendu et de contrôle VFR SALMON, situé à environ 6 nm au large. Vers 10 h 13, l'avion a décollé de CAM9, cap à l'ouest, en direction du point de contrôle VFR SALMON. Le C-FPCK a été le seul appareil à voilure fixe à effectuer un départ VFR de CAM9 ou de CYVR avant 10 h 49 ce jour-là, les autres exploitants ayant annulé ou retardé leurs vols en raison de la mauvaise visibilité. Environ trois minutes après le décollage et à environ 2 sm à l'est du point de contrôle VFR SALMON, l'ATC a autorisé le pilote à virer à droite pour quitter la zone de contrôle de CYVR (une modification par rapport à la route de départ SALMON NORTH publiée). L'avion a alors effectué un virage pour prendre un cap d'environ 308 °T. Il a fait une légère correction vers l'ouest, puis il est revenu au cap 308 °T jusqu'à la fin de la couverture radar. Environ quatre minutes après le décollage, le pilote a signalé à la tour de CYVR que la visibilité était comprise entre 2 et 2 ½ sm et qu'il pourrait probablement monter à une hauteur comprise entre 200 et 300 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Après environ six minutes de vol et deux minutes avant de quitter la zone de contrôle de CYVR, le pilote a signalé sa position à 7,5 nm de CYVR et a ajouté que la visibilité s'était améliorée jusqu'à environ 4 sm. La plus grande partie de la route se trouvait à plus de 4 nm de la terre ou d'autres références visuelles pouvant aider à la navigation. La dernière communication du pilote a eu lieu à 10 h 21 quand il a avisé l'ATC qu'il avait quitté la zone.

Les neuf premières minutes de vol figurent sur l'enregistrement radar de CYVR qui se termine à 21 nm au nord-ouest de CYVR, quelque 15 milles au sud-est du lieu de l'accident. Le tracé radar montre que la vitesse sol de l'avion est restée stable à quelque 140 nœuds, ce qui correspond à la vitesse de croisière normale pour cet avion plus un vent arrière de 8 à 15 nœuds soufflant dans la zone comprise entre CYVR et l'île South Thormanby. Malgré l'absence de relief entre la source radar et l'avion, la portée radar a probablement été limitée à cause de la faible altitude de vol. Sur 110 échos radar valides, 10 échos (9 %) montrent le C-FPCK à 0 pied asl, 96 échos (87 %) le montrent à 100 pieds asl, et 4 échos (4 %) le montrent à 200 pieds asl. Aucun écho radar ne le montre à une altitude supérieure à 200 pieds asl.

Figure 1. Données relatives au vol ayant mené à l'accident. Le cercle (2 sm de rayon) correspond à la visibilité minimale obligatoire.
Figure of Données relatives au vol ayant mené à l'accident. Le cercle (2 sm de rayon) correspond à la visibilité minimale obligatoire.

Environ 12 minutes après le départ du C-FPCK, le régulateur de vol de Pacific Coastal Airlines a tenté sans succès de contacter le pilote pour l'avertir qu'une observation météorologique spéciale à CYPW indiquait que la visibilité était tombée à 3/8 sm dans le brouillard et qu'elle se maintenait sous les limites VFR. Peu après 10 h 32, les autorités locales ont appris qu'un aéronef s'était probablement écrasé sur l'île South Thormanby dans un épais brouillard.

À 11 h 10, soit 15 minutes après l'heure prévue d'arrivée (ETA) du C-FPCK à CYPW, les employés de Pacific Coastal Airlines à CYPW ont appelé le centre de régulation de Vancouver pour dire que le C-FPCK n'était pas arrivé. Les régulateurs de vol de Pacific Coastal Airlines ont alors accédé au site Web de SPOT Satellite Messenger (SPOT)Footnote 6 , mais ils ont consulté par erreur les données de la veille et ont conclu que l'avion avait atteint le bras de mer Toba. Les régulateurs de vol ont alors présumé que le pilote avait décidé de ne pas se poser à CYPW en raison du mauvais temps et avait continué vers le bras de mer Toba, conformément au plan de rechange discuté avant le départ. Cependant, quand la compagnie Kiewit a contacté le régulateur de vol de Pacific Coastal Airlines à 11 h 45 pour dire que l'avion n'était pas arrivé au bras de mer Toba, les régulateurs de vol ont revérifié les données du site Web de SPOT et ont déterminé que la dernière position enregistrée remontait à 10 h 25, à proximité de Sechelt, soit à un peu plus du tiers du trajet entre Vancouver et Powell River. À 12 h 10, le régulateur de vol de Pacific Coastal a prévenu le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage de Victoria (CCCOS) que le C-FPCK était en retard. La mauvaise visibilité autour de l'île due au brouillard et aux nuages bas n'a pas permis de lancer immédiatement les opérations de recherche et sauvetage (SAR).

1.2 Renseignements sur l'aéronef

Le C-FPCK était configuré pour transporter un pilote et neuf passagers. Sa vitesse normale de croisière était d'environ 130 nœuds. L'avion était équipé des six instruments de vol classiques, d'une radio bande aviation (VHF-AM), d'une radio bande marine (VHF-FM), d'un GPS portatif Garmin GPSMAP 296 et d'un dispositif SPOT. Les dossiers techniques de l'avion indiquent que l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées. Aucun défaut non réglé ou point d'entretien différé n'était noté dans les dossiers techniques.

Le devis de masse et centrage rempli par le pilote indiquait que l'avion était dans les limites autorisées pour le vol ayant mené à l'accident. Cependant, après vérification, il est apparu que les poids des passagers et du carburant figurant sur le devis étaient incorrects et que le poids du pilote n'était pas inclus. Les calculs faits par les enquêteurs en utilisant les bons chiffres indiquent que le centrage de l'avion était dans les limites prescrites, mais que la masse brute de l'avion était probablement supérieure de quelque 75 livres à la masse brute maximale autorisée au décollage. Toutefois, en raison de la consommation de carburant en vol, il est probable que, au moment de l'accident, la masse de l'avion était inférieure à la masse brute maximale autorisée. Des calculs ultérieurs basés sur les inscriptions dans le carnet de route de l'avion accidenté ont révélé que 26 des 73 derniers vols (36%) exécutés par le pilote de l'avion accidenté et l'autre pilote de Goose basé à Vancouver avaient été effectués alors que l'avion avait une masse supérieure à sa masse brute maximale autorisée.

Pacific Coastal exploite sa flotte de Grumman Goose en vertu de la sous-partie 703, Exploitation d'un taxi aérien, du Règlement de l'aviation canadien (RAC). La sous-partie 703 s'applique aux exploitants aériens canadiens qui offrent des services de taxi aérien au moyen d'un aéronef multimoteur dont la masse maximale au décollage n'excède pas 8618 kg (19 000 livres) et dont la configuration intérieure n'offre pas plus de neuf places, en excluant celles des pilotes. Le C-FPCK était équipé et certifié uniquement pour le vol VFR.

1.3 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

L'épave de l'avion a été retrouvée à environ 350 pieds asl, sur le versant nord-est d'un pic sans nom culminant à 400 pieds, à environ un tiers de mille au sud-sud-est de Spyglass Hill, sur l'île South Thormanby. L'avion s'est disloqué au contact des arbres et du terrain montagneux, et le fuselage a été presque entièrement consumé par un incendie qui a éclaté après l'impact. L'appareil avait décollé de CYVR avec au moins 528 litres (856 livres) de carburant à bord, et il devait rester environ 472 litres (766 livres) de carburant à bord lorsqu'il s'est écrasé, 19 minutes plus tard, ce qui explique l'intensité de l'incendie qui a consumé l'épave. Les marques de brûlure observées sur les arbres le long du sillon de débris laissé par l'avion et sur des débris retrouvés bien à l'écart de la trajectoire de l'avion dans les arbres indiquent qu'une explosion s'est produite environ 400 pieds après le premier contact de l'avion avec les arbres. Les marques sur les arbres et sur le sol s'étendaient sur 200 pieds supplémentaires. Les mesures des marques relevées sur les arbres montrent que l'avion avait une assiette de montée de 5 à 8° sur une route au 296 °T environ (à 12° de la route qu'il avait suivie après SALMON) au moment du premier contact avec les arbres. L'angle de montée à travers les arbres est resté constant sur environ 400 pieds avant de décroître sur les 200 derniers pieds du sillon de débris. L'épave a été examinée dans la mesure du possible, et aucune défaillance mécanique antérieure à l'impact n'a été constatée. Les flotteurs latéraux et les volets hypersustentateurs ont été trouvés en position rentrée, ce qui est normal en vol de croisière. Sur le moteur gauche, les trois pales d'hélice s'étaient détachées du moyeu. Sur le moteur droit, deux des trois pales s'étaient détachées. Les six pales étaient fortement tordues, pliées, rayées et bosselées.

La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) a été détruite dans l'accident, et les aéronefs qui ont survolé le lieu de l'accident n'ont reçu aucun signal sur la fréquence 121,5 MHz. Le dispositif SPOT et le GPS portatif ont également été détruits dans l'accident. L'avion n'était pas équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) ni d'un enregistreur de données de vol (FDR); cet équipement n'était pas requis par la réglementation.

Un impact à haute vitesse sur un terrain aussi accidenté et la dislocation de l'appareil, ainsi que l'explosion et l'incendie qui ont suivi, n'offrent habituellement aucune chance de survie aux occupants. Cependant, un des passagers a été éjecté de l'avion et, bien que grièvement blessé, il a survécu à l'accident et a marché pendant environ deux heures et demie avant d'atteindre la côte est de l'île où il a rencontré des membres de l'équipe SAR au sol.

1.4 Renseignements sur le pilote

Les dossiers indiquent que le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Sa licence était annotée des qualifications avions terrestres et hydravions monomoteurs et multimoteurs. Il totalisait quelque 12 000 heures de vol, dont 8000 sur des appareils amphibies. Il avait précédemment été titulaire d'une licence de pilote de ligne en Australie avec qualification IFR. Cette qualification IFR n'était plus valide, mais il n'était pas tenu d'avoir cette qualification. Il travaillait comme pilote sur la côte ouest de la Colombie-Britannique depuis quatre ans et demi environ.

Le pilote avait été embauché par Pacific Coastal en février 2008 pour travailler sur une base saisonnière avant de devenir un employé à plein temps en juillet 2008. Il avait réussi l'examen d'admission de la compagnie le 19 février 2008 et avait subi avec succès un contrôle de compétence pilote (CCP) sur le Goose le 27 février 2008, puis il avait acquis l'expérience préparatoire en vol le 2 avril 2008. Les dossiers de la compagnie indiquent que le pilote avait suivi une formation CFIT (impact sans perte de contrôle) dispensée par la compagnie. Le 29 août 2008, le pilote avait été affecté aux vols du projet Kiewit à partir de Vancouver. Le jour de l'accident, le pilote effectuait son 10e jour de travail d'une rotation de 11 jours et avait effectué environ 27 heures de vol au cours de ces 10 jours. Il avait effectué 19 jours de vol dans les 30 jours précédents. Il s'agissait d'une exception due au fait que l'autre pilote basé à Vancouver pour le projet Kiewit était en vacances. Le pilote effectuait normalement de 9 à 13 jours de vol par mois, par rotations de 2 à 4 jours consécutifs. Le pilote n'avait toutefois pas dépassé les limites de temps de vol et de service permises, et rien n'indique que le pilote ait eu des problèmes de santé le matin de l'accident.

La direction de Pacific Coastal avait rencontré le pilote trois fois pour discuter de ses préoccupations à l'égard des prises de décisions du pilote. La dernière rencontre avait eu lieu environ trois mois avant l'accident parce que la direction était inquiète de le voir effectuer des vols dans des conditions de vent et de mer que les autres pilotes jugeaient mauvaises. La compagnie estimait que son comportement créait des pressions sur les autres pilotes et les incitait à voler par mauvais temps et influençait également les attentes des clients. Au moins un propriétaire de camp de pêche avait déclaré avoir une préférence pour le pilote de l'avion accidenté, car il acceptait de transporter ses clients à l'aller et au retour alors que d'autres pilotes de Pacific Coastal refusaient de le faire quand ils jugeaient les conditions trop dangereuses.

Vers 12 h 30 la veille de l'accident, le pilote d'un avion sur flotteurs, après avoir volé avec un plafond de 400 pieds et estimé la visibilité à 1 sm à proximité de Powell River, avait amerri par mesure de précaution pour attendre une amélioration de la météo. Il avait par la suite vu un Grumman Goose de Pacific Coastal voler dans ces conditions. Les dossiers indiquent que c'était le pilote en cause dans le présent accident qui était aux commandes de ce Grumman Goose.

1.5 Conditions météorologiques

L'une des principales difficultés auxquelles les taxis aériens sont confrontés sur la côte de la Colombie-Britannique est la météo souvent incertaine en montagne. Les compagnies doivent s'assurer que des mesures de protection appropriées sont mises en place à l'égard des décisions liées à la météo. Cela comprend la décision de décoller ou non, mais aussi la manière de gérer des conditions météorologiques imprévues. Les règlements, les procédures de la compagnie, la supervision et les renseignements météorologiques sont des éléments qui ont été mis en place pour aider à prendre des décisions. Les pilotes doivent s'assurer que tout le vol se déroulera dans les limites fixées par la compagnie et par Transports Canada. Même si une grande variété de sources d'information météorologique est à la disposition du pilote et de la compagnie, il peut arriver que cette information ne soit disponible qu'à partir de sources séparées par des distances considérables le long de la route. En conséquence, l'information fournie par ces sources ne couvre pas nécessairement toute la route. De plus, les sources d'information disponibles sont souvent de qualité variable, et les conditions météorologiques peuvent changer rapidement en vol. En conséquence, les pilotes se basent souvent sur leur expérience passée pour les régions où les conditions météorologiques ne sont pas fiables.

Le centre de régulation de la compagnie fournit à ses pilotes des téléphones, des ordinateurs et des copies papiers des dossiers météo qu'ils reçoivent par télécopieur à intervalle régulier. Le pilote de l'avion accidenté avait eu accès à ces informations, en plus de sa discussion avec l'un des régulateurs de vol. Le pilote avait vérifié la météo sur son ordinateur portable avant de quitter son domicile, mais on ne sait pas s'il avait cherché à obtenir des renseignements complémentaires par téléphone ou sur les ordinateurs du centre de régulation.

Les renseignements météorologiques suivants avaient été mis à la disposition du pilote au centre de régulation de la compagnie juste avant le départ :

Cependant, seuls quatre de ces emplacements fournissaient les conditions météorologiques actuelles directement sur la route :

Les autres stations météorologiques les plus proches étaient situées de l'autre côté du détroit de Géorgie, sur l'île de Vancouver (voir la Figure 2).

Figure 2. Carte de la région montrant l'emplacement des sources de renseignements météorologiques mises à la disposition du pilote.
Figure of Carte de la région montrant l'emplacement des sources de renseignements météorologiques mises à la disposition du pilote.

La veille du jour de l'accident, un front chaud avait traversé la zone du vol. Le jour de l'accident, ce front chaud se trouvait sur une ligne est-ouest au nord de Port Hardy (Colombie Britannique), se déplaçant vers le nord-est. Une zone de précipitations continues était présente derrière le front qui s'étendait vers le sud jusqu'au voisinage de Powell River. Les fronts chauds donnent souvent lieu à de nombreux phénomènes météorologiques et peuvent être accompagnés d'une vaste zone de nuages et de précipitations. Des variations le long d'un front chaud peuvent interdire le vol VFR dans une région alors qu'elles peuvent le permettre dans d'autres. À la suite du passage d'un front chaud, des conditions médiocres peuvent persister et la hausse de température attendue peut s'accompagner d'une élévation du point de rosée, ce qui risque de prolonger les risques de brouillardFootnote 7.

La prévision de zone graphique (GFA) valable pour le vol ayant mené à l'accident signalait un ciel couvert avec une couche continue de nuages dont la base se trouvait entre 1500 et 2000 pieds asl, et une visibilité de 6 sm ou plus dans la brume. Cependant, la GFA indiquait également des zones étendues de plafond compris entre 300 et 1500 pieds asl avec des zones éparses de visibilité réduite entre ¼ et 2 sm dans la faible bruine, le brouillard et la brume. Au nord-est de la route (du côté du continent), les prévisions locales annonçaient des plafonds à 800 pieds asl avec une visibilité de 1 sm dans la brume.

1.6 Conditions météorologiques au départ

L'ATIS de CYVR reçu par le pilote juste avant le décollage annonçait un plafond à 500 pieds agl avec une visibilité de 2 sm. Bien que ces conditions soient inférieures aux minimums VFR, elles sont supérieures aux minimums requis pour le vol SVFR (1 sm de visibilité et hors des nuages) à l'intérieur d'une zone de contrôle (voir l'Annexe A). Par conséquent, la tour de CYVR a approuvé la demande du pilote pour un départ en SVFR de la zone de contrôle. Contrairement au bulletin ATIS le plus récent, les conditions réelles sur la rivière au moment du décollage étaient inférieures aux minimums VFR et SVFR. La photo 1 a été prise au moment où l'avion roulait sur la rampe de mise à l'eau pour entrer dans la rivière en vue du décollage. La photo 1 montre les conditions météo dans la direction du décollage. L'île (au bas de la photo 1, au centre) qui est située à environ 0,6 sm est à peine visible, et cette visibilité a persisté pendant un certain temps après le décollage. À titre de comparaison, la photo 2 montre le même endroit par beau temps.

Photo 1. Vue du C-FPCK qui descend dans la rivière pour décoller le jour de l'accident.
Photo of Vue du C-FPCK qui descend dans la rivière pour décoller le jour de l'accident.
Photo 2. Photo prise au même endroit que la photo 1, mais par beau temps.
Photo of Photo prise au même endroit que la photo 1, mais par beau temps.

La décision de quitter une zone de contrôle en SVFR doit tenir compte des conditions météorologiques dans l'espace aérien adjacent. Si le vol ne peut pas se dérouler à 300 pieds agl, hors des nuages, et avec une visibilité d'au moins 2 sm en espace aérien non contrôlé (le double de ce qui est exigé pour le vol SVFR à l'intérieur de la zone de contrôle), un pilote en vol VFR est tenu de revenir ou d'atterrir.

1.7 Conditions météorologiques en route

Il n'y a pas de prévisions d'aérodrome (TAF) publiées pour Powell River, et le SVFR ne s'applique pas puisqu'il s'agit d'un espace aérien non contrôlé. À 9 h, les conditions météorologiques signalées à l'aéroport de Powell River étaient inférieures aux minimums VFR pour l'espace aérien non contrôlé. Un SPECI émis à 9 h 25 faisait état de vents du 110 °T à 4 nœuds avec une visibilité de 1 ½ sm dans la brume. La base des nuages (plafond) était à 400 pieds agl. La température était de 9 °C avec un point de rosée à 8 °C. La section des remarques indiquait une visibilité de 6 sm vers l'ouest. Ce SPECI montrait une légère amélioration depuis le dernier METAR, mais les conditions météorologiques à l'aéroport restaient inférieures aux minimums VFR.

L'aéroport de Powell River est situé à 425 pieds au-dessus du niveau de la mer. Si l'on ajoute l'élévation de l'aéroport à la hauteur du plafond annoncé, on obtient une estimation de la hauteur du plafond au-dessus de la mer. Si le pilote est resté au-dessus de la mer, il est possible que les conditions à proximité de l'aéroport de Powell River aient été supérieures aux minimums VFR pour l'espace aérien non contrôlé (hors des nuages, au moins 300 pieds agl et visibilité de 2 sm). Le pilote disposait de trois sources possibles pour déterminer la météo à Powell River durant la phase en route, soit la radio de la base de la compagnie à Powell River, la radio de la station d'information de vol (FSS) de Campbell River pour les informations les plus récentes, ou bien un message radio aux autres aéronefs volant dans la zone. L'enquête n'a révélé aucune information indiquant que le pilote aurait tenté d'obtenir la météo la plus récente à l'aéroport de Powell River, et il n'y avait pas d'autre trafic VFR connu dans la région.

Le phare de l'île Merry est situé sur la route du vol à environ 3 milles au sud-est du lieu de l'accident. Les observations météorologiques sont relevées et diffusées toutes les trois heures. Ces bulletins sont principalement destinés aux marins et ne sont pas approuvés pour l'aviation, mais ils contiennent une section supplémentaire renfermant des renseignements pertinents pour les pilotes d'aéronef. Le gardien du phare qui a émis les observations météorologiques le matin de l'accident ne disposait d'aucun instrument, comme un télémètre de nuage ou un ballon sonde, pour mesurer avec précision tous les paramètres contenus dans le bulletin. De plus, cela faisait plus de 10 ans que le gardien n'avait pas reçu une formation formelle d'observateur météorologique. Selon NAV CANADA, rien n'oblige les observateurs météorologiques à suivre des cours périodiques ou un autre type de formation après leur instruction initiale et leur certification. Cependant, NAV CANADA a une entente avec Environnement Canada concernant l'inspection de l'équipement météorologique et du programme d'observation. Des mesures correctives concernant le rendement des observateurs (s'il y en a) sont indiquées dans les rapports d'inspection annuelle. La dernière inspection de ce site avant l'accident remontait à août 2007. Aucun problème n'avait alors été identifié.

Le bulletin émis pour l'île Merry à 9 h 40 faisait état d'une visibilité de 2 sm dans le brouillard, bien que la définition de brouillard d'Environnement Canada pour la marine implique une visibilité de un mille ou moins. Des vents du sud-est soufflaient à 15 nœuds, créant un clapot de mer de 2 pieds. Les renseignements supplémentaires sur les conditions météorologiques enregistrées étaient les suivantes : température de 9 °C, point de rosée de 9 °C (une température et un point de rosée similaires sont l'une des conditions nécessaires à la formation du brouillard), ciel couvert et plafond à 600 pieds. Les enquêteurs ont constaté que le repère sur la côte utilisé par le gardien du phare pour estimer le plafond à 600 pieds était en fait situé à environ 300 pieds asl.

La visibilité dans le passage Welcome (le chenal situé immédiatement au nord de l'île Merry entre l'île South Thormanby et le continent) était d'environ un mille au moment de l'accident. Sur l'île South Thormanby, la visibilité variait entre 100 m environ au niveau de la mer et 20 m dans le brouillard à l'élévation du lieu de l'accident.

Une observation météorologique non officielle émise par le camp du bras de mer Toba peu après 9 h confirmait la prévision locale graphique pour la zone, indiquant que les conditions du moment étaient convenables pour le vol VFR.

Les emplacements (sur l'île de Vancouver) les plus proches de la route comprenaient l'aéroport de Comox, qui est juste au-dessus du niveau de la mer et qui signalait des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Il était prévu que les conditions IMC persisteraient, sauf pendant une brève période (une heure ou moins) où les conditions seraient peut être convenables pour le vol SVFR. L'autre pilote qui faisait la route utilisait le bulletin météorologique de Comox pour déterminer si la météo serait convenable sur la route prévue.

Les conditions à l'aéroport de Campbell River étaient inférieures aux minimums SVFR, et les prévisions annonçaient que ces conditions persisteraient au moins pendant la durée du vol ayant mené à l'accident. Tout comme l'aéroport de Powell River, l'aéroport de Campbell River est situé à quelques centaines de pieds au-dessus du niveau de la mer.

1.8 Accident antérieur

Le 3 août 2008, un Grumman Goose exploité par Pacific Coastal a subi un accident (rapport du BST A08P0241). L'avion effectuait un vol d'affrètement en VFR entre l'aéroport de Port Hardy et la baie Chamiss (Colombie-Britannique). L'appareil n'étant pas arrivé à destination, des recherches ont été entreprises. L'épave a été retrouvée à flanc de colline, près du lac Alice, à environ 14 nm de son point de départ. L'appareil avait percuté une montagne et avait été détruit par l'impact et par l'incendie qui avait suivi. Sur les sept occupants, le pilote et quatre passagers ont péri; un passager a été grièvement blessé; un passager a subi des blessures légères.

L'enquête du BST sur cet accident n'a révélé aucune défaillance de la cellule ou d'un système, que ce soit avant ou pendant le vol. L'enquête s'est concentrée sur les causes et les facteurs contributifs suivants : la météorologie, les décisions prises, les performances de l'appareil, le fonctionnement de l'ELT et le suivi du vol.

À la suite de l'accident du 3 août 2008, l'enquête interne effectuée par Pacific Coastal avait donné lieu à des mesures de sécurité dans plusieurs domaines, dont le processus de décision des pilotes, les procédures d'utilisation normalisées (SOP), le suivi des vols, la formation et les normes, la documentation relative au système de gestion de la sécurité (SGS), le respect des minimums VFR, et les processus de gestion des risques.

1.9 Gestion des opérations VFR chez Pacific Coastal

Pacific Coastal avait pour principe que ses pilotes n'avaient pas à voler en VFR par mauvais temps pour que la compagnie reste concurrentielle, et on incitait tout le personnel à adopter ce principe. Pour ses opérations régies par la sous-partie 703 du RAC, la compagnie appliquait un système de contrôle d'exploitation de type D dans lequel le contrôle opérationnel était délégué au commandant de bord du volFootnote 8. Dans ce système d'autorégulation, les pilotes prennent leurs propres décisions concernant la météo à l'aide des renseignements fournis par le bureau de régulation.

La compagnie était d'avis que les limites relatives aux conditions météorologiques publiées dans le RAC constituaient des renseignements suffisants pour permettre à ses pilotes de prendre des décisions appropriées dans des conditions météorologiques marginales. Le manuel d'exploitation de la compagnie soulignait les règlements du RAC relatifs aux limites météorologiques; cependant, le manuel ne spécifiait pas d'altitudes minimales pour le vol VFR avant l'accident du 3 août 2008. Il ne spécifiait pas non plus de procédures à suivre dans des conditions météorologiques marginales.

Les exploitants de taxis aériens ne sont pas tenus de faire suivre à leurs pilotes VFR des cours de prise de décisions (PDP) ni des cours de navigation GPS. À la suite de l'accident du 3 août 2008, la compagnie a introduit un cours PDP pour ses pilotes VFR (à l'origine un cours standard acheté dans le commerce, puis un cours personnalisé comprenant la critique par des collègues des décisions liées à la météo).

Toujours dans l'optique de dissuader ses pilotes de voler dans des conditions marginales, Pacific Coastal a décidé de ne pas adopter la norme d'exploitation de Transports Canada concernant les vols avec une visibilité de 1 sm en espace aérien non contrôlé. La direction de Pacific Coastal était d'avis que la réduction des minimums de visibilité introduirait un risque inutile dans les opérations aériennes de la compagnie. Lorsqu'une compagnie adopte cette norme de visibilité réduite, elle est tenue de mettre en place des mesures supplémentaires pour gérer les risques associés au vol par visibilité réduite. Ces mesures comprennent la formation PDP, une heure par année de vol de base aux instruments et une formation aux manœuvres à basse vitesse, comme des virages d'évitement à basse altitude. De plus, un GPS et d'autres dispositifs de navigation sont obligatoires, en plus de la formation appropriée à leur utilisation, avec des procédures et des normes spécifiques de la compagnie pour le vol par visibilité réduite.

L'employeur précédent du pilote de l'avion accidenté n'avait pas non plus adopté la norme de vol par visibilité réduite et ne donnait pas la formation correspondante à ses pilotes. Une fois au service de Pacific Coastal, le pilote avait demandé à suivre une formation IFR pour améliorer ses capacités à gérer la situation s'il était confronté au mauvais temps en route. Comme la direction de Pacific Coastal estimait que cette formation pourrait inciter à voler par mauvais temps, cette formation n'avait pas été dispensée aux pilotes VFR de Pacific Coastal.

Le respect par les pilotes des règlements et des attentes de la compagnie était surveillé par le directeur des opérations aériennes et le chef pilote de Pacific Coastal à Vancouver, et par le chef pilote VFR à Port Hardy. L'une des fonctions du directeur des opérations aériennes est de s'assurer que les opérations aériennes se déroulent conformément aux règlements, normes et politiques de l'exploitant en vigueur. Le chef pilote VFR des opérations de taxi aérien, basé à Port Hardy, est responsable des normes professionnelles des pilotes placés sous son autorité, et en particulier de la supervision des pilotes. Cependant, sauf si un client se plaignait spécifiquement de pratiques dangereuses, le personnel de supervision trouvait très difficile d'évaluer le rendement des pilotes qui effectuaient des vols à un seul pilote, à Vancouver et à Port Hardy. L'analyse des données GPS des avions amphibies Goose de Pacific Coastal effectuée avant le présent accident a montré que certains vols effectués par trois autres avions, mais pas par le pilote de l'avion accidenté, se sont déroulés pendant des périodes prolongées à moins de 300 pieds aglFootnote 9.

Entre février et août 2008, le pilote de l'avion accidenté était basé à Port Hardy, où il était sous la supervision directe du chef pilote VFR. Pendant cette période à Port Hardy, le chef pilote a observé que le pilote de l'avion accidenté était expérimenté, mais peu enclin à respecter l'approche prudente adoptée par la compagnie. Entre autres, on s'inquiétait du fait que le pilote était d'accord pour prendre un niveau de risque inacceptable lorsqu'il s'agissait de prendre des décisions liées à la météo. En juillet 2008, le chef pilote VFR de Port Hardy a dû cesser de remplir ses fonctions de chef pilote pour des raisons personnelles. Les fonctions de chef pilote ont alors été assurées provisoirement par divers membres du personnel de direction du bureau de Vancouver qui se rendaient régulièrement au bureau de Port Hardy. En août 2008, le pilote de l'avion accidenté a demandé à travailler aux côtés du pilote qui effectuait déjà les vols d'affrètement pour Kiewit à partir de Vancouver, ce qui lui a été accordé. À l'époque, la compagnie a tenu compte du fait que le pilote de l'avion accidenté avait à quelques reprises enfreint les normes de la compagnie. Des dirigeants des bases de Port Hardy et de Vancouver ont alors discuté de leurs préoccupations avec le pilote de l'avion accidenté, et ont été satisfaits de sa réaction, à savoir qu'il se conformerait désormais aux attentes de la compagnie. Ces discussions n'ont été ni enregistrées ni consignées, et aucune mesure officielle de suivi n'a été mise en place.

Lors des vols à partir de Vancouver, les deux pilotes VFR étaient surveillés de façon non officielle par les membres de l'équipe de direction du bureau de Vancouver, dont les bureaux étaient adjacents à la salle des équipages. Cependant, aucune méthode officielle de consignation de rapports n'avait été mise en place pour ces pilotes, et ni l'un ni l'autre n'assistait aux réunions de pilotes à Port Hardy ou à Vancouver.

À la suite de l'accident du 3 août 2008, Pacific Coastal a entrepris une analyse des risques de ses opérations VFR. Cette analyse des risques n'a pu être complétée faute de compétences internes en méthodologies d'évaluation formelle des risques. Peu de temps après l'accident du 16 novembre 2008, la compagnie a entrepris une analyse des risques axée sur les circonstances de cet événement. Cette analyse des risques a identifié l'accident comme un danger plutôt que comme une conséquence.

1.10 Gestion de la sécurité à Pacific Coastal

Les opérations de taxi aérien de Pacific Coastal sont basées à Port Hardy, mais l'un des amphibies Goose était exploité à partir de la base principale de Vancouver pour les besoins du camp Kiewit situé au bras de mer Toba. La base de Vancouver gère principalement les opérations effectuées en vertu de la sous-partie 704 (service aérien de navette) et de la sous partie 705 (entreprise de transport aérien) du RAC, ce qui comprend quelques vols VFR, mais surtout des vols IFR. L'avion accidenté était le seul à être exclusivement exploité depuis Vancouver comme taxi aérien VFR en vertu de la sous-partie 703 du RAC.

La façon traditionnelle d'aborder la gestion de la sécurité repose principalement sur le respect de la réglementation et sur la réaction aux événements indésirables en identifiant les causes sous-jacentes et en prescrivant des mesures spécifiques pour éviter la répétition de ces événements. Les principes modernes de gestion de la sécurité sont basés sur la recherche proactive des dangers, l'identification des risques et la mise en place des meilleures défenses pour réduire le risque à un niveau acceptable. Ces principes doivent être intégrés dans le système de gestion de l'organisation, de façon que les politiques de sécurité, la planification, les procédures et la mesure du rendement soient intégrées dans les opérations quotidiennes.

L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) définit un système de gestion de la sécurité (SGS) comme « une approche structurée de gestion de la sécurité qui englobe les structures, responsabilités, politiques et procédures organisationnelles nécessaires »Footnote 10 . Dans le cadre de son SGS, l'exploitant est responsable de la sécurité des opérations, et Transports Canada est responsable de la surveillance réglementaire. La mise en œuvre du SGS ne s'est pas faite sans problème, et Transports Canada et les exploitants continuent de faire l'apprentissage de ce nouveau système. Dans ce contexte, le rôle de surveillance de Transports Canada concernant les activités de la compagnie Pacific Coastal se résume à examiner la documentation de la compagnie pour identifier les tendances et/ou les faiblesses du SGS de la compagnie, et à vérifier que la compagnie a mis en place des processus pour corriger les lacunesFootnote 11.

En tant qu'exploitant régi par la sous-partie 705 du RAC, Pacific Coastal était tenu d'avoir un SGS. Transports Canada incite les exploitants régis par la sous-partie 705 du RAC à appliquer leur SGS aux aéronefs exploités en vertu d'autres certificats d'exploitation même s'il n'existe encore aucune exigence réglementaire à cet égard, et Pacific Coastal avait accepté d'appliquer volontairement son SGS à ses opérations régies par les sous-parties 703 et 704 du RAC.

La phase 1 du SGS de Pacific Coastal, à l'échelle de la compagnie, avait été validée par Transports Canada en septembre 2005. Cette validation comprenait l'application volontaire du SGS aux opérations de taxi aérien de Pacific Coastal. La validation de la phase 2 du SGS a été achevée en juillet 2007, et la phase 3 a été validée en juin 2008. La documentation de la phase 4 du SGS avait été soumise pour étude avant que Transports Canada ne lance, le 21 août 2008, le processus d'analyse consécutif à l'accident du 3 août 2008 de Pacific Coastal. Cependant, la phase 4 du SGS n'avait pas encore été validée par Transports Canada au moment de l'accident du 16 novembre 2008. Durant la validation, Pacific Coastal a démontré avec succès qu'elle avait en place un processus de rapports réactifs et d'analyse des dangers, ainsi qu'un moyen d'enquête et d'analyse des événements.

Avant la mise en œuvre du SGS, la sous-division des opérations de la Division de l'Aviation commerciale et d'affaires (ACA) de Transports Canada avait exercé ses fonctions de surveillance par le biais de contrôles périodiques (comme des vérifications officielles), d'inspections, de CCP, d'inspections sur l'aire de trafic, d'inspections en vol et d'inspections à des fins spécialesFootnote 12 . Les inspections à des fins spéciales « sont effectuées lorsque l'exploitant aérien apporte des modifications importantes ou inhabituelles à ses opérations ». Lorsqu'il se produit un accident ou un incident, le gestionnaire de l'ACA détermine s'il y a lieu de faire une enquête, et quel type d'enquête est nécessaire pour déterminer s'il y a eu une infraction réglementaire, ou un manquement à la sécurité, dans le but d'éviter la répétition du même type d'accident ou d'incidentFootnote 13 .

Les questions relatives aux problèmes de sécurité importants ou complexes dans l'Aviation civile nécessitent d'utiliser de façon appropriée les techniques de gestion des risques et de bien documenter les décisions liées aux risquesFootnote 14. À la suite de l'accident du Goose survenu le 3 août 2008, le directeur régional de l'Aviation civile avait décidé d'entreprendre une validation de processus, en date du 21 août 2008, plutôt qu'une inspection à des fins spéciales (inspection qui est normalement faite à la suite d'un accident mortel). Cette décision a été prise parce que Transports Canada, d'après son évaluation globale de la compagnie à ce moment là, estimait que Pacific Coastal avait un bon dossier de sécurité et que la mise en œuvre du SGS se déroulait normalement. La validation de processus a été choisie par Transports Canada pour évaluer les systèmes récemment mis en place au sein de la compagnie à la suite de l'introduction du SGS, et pour confirmer que les systèmes et leurs composantes en place étaient bien utilisés.

Transports Canada n'a pas d'Instructions visant le personnel (IP) pour la validation de processus, mais il en a une pour la validation de programme, conçue pour déterminer l'efficacité et la conformité à la réglementation. Transports Canada a choisi quelques éléments normalement examinés au cours d'une validation de programme pour les appliquer à la validation de processus effectuée à partir du 21 août 2008. À titre d'exemple, Transports Canada a estimé que le processus des rapports réactifs de la compagnie était acceptable, mais il n'a pas vérifié que les méthodes de la compagnie étaient adaptées à la complexité de son organisation. Transports Canada a également examiné les processus d'enquête de la compagnie, mais il n'a pas tenu compte de plusieurs critères minimums lorsqu'il a fait l'évaluation. Le rapport de validation de processus a conclu que toutes les attentes réglementaires étaient respectées. Cependant, le rapport contenait des observations indiquant que les processus d'enquête et d'analyse des dangers de Pacific Coastal devaient être examinés et améliorés. Les éléments non examinés sont restés en attente pendant que la compagnie effectuait des travaux de suivi. En résumé, les résultats de la validation de processus ont été jugés acceptables; il a été noté que les attentes de Transports Canada étaient remplies et qu'aucun problème relatif au SGS de Pacific Coastal n'avait été identifié.

Après l'accident du 16 novembre 2008, Transports Canada a entrepris le 19 novembre 2008 une inspection à des fins spéciales axée particulièrement sur les opérations de taxi aérien de Pacific Coastal. Cette inspection portait sur le respect de la réglementation et sur la réaction de la compagnie à l'accident du 3 août 2008. Le processus utilisé combinait un « vieil outil » et un « nouvel outil » de surveillance réglementaire. Le « vieil outil » d'inspection a servi à déterminer la conformité à la réglementation en matière de régulation technique et de contrôle opérationnel. Le « nouvel outil » a été utilisé pour le suivi de la réaction (liée au SGS) de la compagnie à l'accident du 3 août 2008. Transports Canada voulait confirmer que les initiatives de la compagnie, instituées à la suite de l'accident du 3 août 2008, étaient toujours sur la bonne voie et que le respect élémentaire de la réglementation n'avait pas été négligé du fait que les ressources de la compagnie étaient toutes mobilisées par les activités entourant le SGS. Lors de cette inspection à des fins spéciales, Transports Canada a appliqué plusieurs des critères qui n'avaient pas été utilisés lors de la validation de processus du 21 août 2008. Il a été noté que les procédures de la compagnie pour effectuer une enquête complète nécessitaient des définitions supplémentaires, que les calendriers d'enquête n'avaient pas été établis et que le personnel n'avait pas une formation ni une connaissance suffisantes des procédures pour procéder à une enquête sur un accident majeur. Aucune de ces questions n'avait été examinée lors de la validation de processus qui a suivi l'accident du 3 août 2008. Transports Canada a également constaté qu'il n'était pas facile de savoir si la compagnie avait examiné les facteurs organisationnels et de supervision à la suite de l'accident du 3 août 2008.

1.11 Surveillance par Transports Canada du respect des minimums VFR

Entre novembre 1999 et janvier 2009, la section Application de la loi en aviation a procédé à 20 interventions dans la région du Pacifique pour des infractions au règlement concernant le non-respect des minimums VFR en conditions de vol à vueFootnote 15. Aucune mesure punitive n'a été imposée. Le respect de la réglementation exige à la fois l'acceptation par l'exploitant des comportements requis et une application efficace par Transports Canada. Cependant, identifier les pilotes et les exploitants qui volent au-dessous des minimums VFR est difficile, sans une plainte de la part d'un client ou sans la présence d'un inspecteur au moment de l'infraction. De plus, Transports Canada a délégué la majeure partie des CCP à des pilotes vérificateurs agréés. En conséquence, les inspecteurs de Transports Canada ont moins l'occasion d'identifier des pratiques risquées par le biais de contacts réguliers avec les pilotes et par l'observation directe des comportements des pilotes.

Certains pilotes et certains exploitants contestent l'interprétation des règlements concernant les minimums météorologiques. Par exemple, le règlement précise une hauteur minimum « au-dessus du sol », et les exploitants affirment que cela ne s'applique pas aux vols effectués par des hydravions et des amphibies, car ces vols se déroulent au dessus de l'eau. De plus, comme le règlement précise que cette hauteur doit être maintenue par rapport aux obstacles « ou » par rapport au sol, ils objectent qu'un seul minimum est suffisant plutôt que deux. En outre, certains exploitants font valoir que, lorsqu'ils sont au-dessus de l'eau, ils sont constamment au-dessus d'un aérodrome et donc qu'ils peuvent voler pendant de longues périodes à basse altitude, tant que l'appareil est configuré pour l'atterrissage. C'est ce qu'on appelle le concept de la piste infinie et, bien que cela ne soit pas un facteur dans le présent accident, cet argument est souvent utilisé pour contourner la réglementation et poursuivre le vol dans des conditions inférieures aux minimums météorologiques réglementaires.

Ces exploitants n'ont pas la même interprétation des risques du vol à basse altitude que les autorités de réglementation. Par exemple, certains exploitants sont d'avis que le facteur critique pour la sécurité par mauvais temps est la visibilité horizontale, plutôt que la hauteur au dessus des obstacles. Avec ce raisonnement, ils considèrent qu'il est acceptable de descendre au dessous des altitudes minimales d'exploitation à la recherche d'une meilleure visibilité.

Ces interprétations, associées à des pressions concurrentielles et à la difficulté d'appliquer le règlement, donnent lieu à des situations où certains pilotes et certains exploitants sont prêts à prendre des risques en volant dans des conditions météorologiques marginales. Si on laisse ces pratiques se généraliser, elles vont devenir la norme acceptée et adoptée par les nouveaux pilotes. Il en résulte également une préoccupation grandissante chez les exploitants que la difficulté à faire appliquer ces règlements donne un avantage injuste aux exploitants qui acceptent de faire courir des risques à leurs passagers.

La question du vol par mauvais temps a été abordée dans un rapport d'étude produit par le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS). Ce rapport d'étude, publié en 1998 par Transports Canada, présente des recommandations visant à réduire le nombre d'accidents en identifiant la culture, les attitudes, les problèmes et les pratiques de sécurité dans le secteur du taxi aérien. Plusieurs recommandations du rapport d'étude portent sur la nécessité d'une surveillance accrue et d'une application plus stricte de la part de Transports Canada. Le rapport d'étude indique ceci :

Les conditions d'exploitation sur la côte ouest obligent les pilotes évoluant dans des conditions VFR à passer à travers ou au-dessus du brouillard et des nuages. On a dit au groupe de travail que si les pilotes n'effectuent pas de vol dans ces conditions, les entreprises ne pourront pas survivre car il s'agit de conditions météorologiques côtières typiques. Cela est devenu une façon de procéder acceptable (dans l'industrie) bien qu'illégaleFootnote 16.

Une autre étude sur la question du vol par mauvais a été publiée par Transports Canada en 2007Footnote 17 . Dans le rapport d'étude, les dangers identifiés sont regroupés en quatre catégories : terrain montagneux, terrain côtier, météorologie et équipement. Dans un effort pour souligner les domaines potentiels où la sécurité aurait le plus à gagner, le rapport d'étude mentionne ceci :

Les gains les plus considérables pourront être obtenus en fournissant un meilleur appui dans le secteur de la prise de décisions en contexte opérationnel. Par exemple, la régulation du vol effectuée par le pilote, une pratique courante dans le secteur du taxi aérien, entraîne la rencontre de dangers géographiques (terrain montagneux, terrain côtier et météo), particulièrement si le pilote préparant son propre plan de vol n'a pas une vaste expérienceFootnote 18 .

Le rapport souligne également que « les dangers géographiques sont particulièrement dangereux lorsqu'ils s'allient à un faible niveau d'expérience du pilote, aux protocoles de régulation du vol effectuée par le pilote et à des pratiques de supervision moins que rigoureusesFootnote 19 ». Les pressions des clients et du commerce sont également cités comme facteurs d'aggravation des risques pour les opérations.

1.12 Développement de la route

Le premier vol de Pacific Coastal vers le bras de mer Toba au service de Kiewit a été effectué durant l'été 2007 à partir de Powell River. À l'époque, la base de Kiewit était une barge amarrée à un quai, à la tête du bras de mer.

La compagnie Midwest Aviation (une division de Kiewit) a été chargée de la vérification initiale de Pacific Coastal en tant que fournisseur de services aériens lorsqu'une entente d'affrètement a été signée pour desservir le bras de mer Toba à partir de Powell River. La vérification a porté sur la présence de certains facteurs clés, comme un manuel d'exploitation à jour, une couverture d'assurance et la stabilité financière. C'était la première opération que Kiewit effectuait au sein de sa division Western Canada où des services de taxi aérien aussi importants étaient requis.

Pendant le développement de la route entre Pacific Coastal et Kiewit, des discussions informelles ont eu lieu entre les deux compagnies concernant la fourniture des renseignements météorologiques nécessaires, la nécessité de meilleures observations météorologiques et le besoin d'un second pilote. À l'époque, la route n'était pas considérée comme particulièrement risquée, et il ne semblait pas nécessaire de prévoir des mesures spéciales. Comme les services fournis à Kiewit par Pacific Coastal augmentaient, ni l'un ni l'autre des contrôles de gestion effectués par les deux compagnies n'a déclenché une analyse des risques des conditions d'exploitation.

Comme le volume de passagers augmentait, la route a changé, et Vancouver est devenu la base des opérations VFR vers le bras de mer Toba. Avec la progression des travaux du projet du bras de mer Toba, le camp de Kiewit a été déplacé du quai à un site situé à 30 km en amont dans la vallée, plus proche du projet. Avant le transfert du camp, le personnel de Kiewit surveillait toutes les arrivées et tous les départs d'avion. Une fois le camp déplacé, des instructions ont été données au personnel de Kiewit pour que le conducteur de l'autobus reste au quai jusqu'à la fin du décollage de l'avion au cas où il y aurait une urgence, mais cette pratique n'était pas toujours respectée.

Au quai, il n'y avait aucun moyen fiable d'obtenir des informations météorologiques. Plusieurs demandes internes ont été faites aux dirigeants de Kiewit pour aménager une station météorologique à distance, pour que les pilotes puissent observer directement les conditions au quai de Toba depuis la base de Vancouver. Ces demandes avaient été approuvées peu de temps avant le présent accident survenu le 16 novembre 2008.

Après l'accident du 3 août 2008 de Pacific Coastal, Kiewit a effectué une étude plus poussée de ses besoins de transport et des opérations de Pacific Coastal. Le rapport résultant de cette étude a été examiné dans les mois suivants, et aucun changement important n'a été jugé nécessaire.

Sur la route où a eu lieu l'accident du 3 août 2008, le volume a atteint environ 300 passagers par semaine avec 2 ou 3 vols par jour, 7 jours sur 7. En septembre 2008, Pacific Coastal a assigné un second pilote (le pilote de l'avion accidenté) à cette route. Le matériel d'orientation du SGS suggère qu'une évaluation des risques soit faite à la suite de changements opérationnels majeurs aux opérations ou lorsque de nouveaux dangers sont identifiésFootnote 20 . Toutefois, l'augmentation du trafic passager n'est pas identifiée comme justifiant une évaluation des risquesFootnote 21 .

Les hydroaérodromes n'ont pas à être certifiés et ne sont pas soumis aux mêmes normes que les aéroports terrestres. Dans le cas du bras de mer Toba, l'aérodrome ne bénéficiait pas des services d'un observateur météorologique qualifié, et il n'y avait pas d'embarcation de sécurité ni de moyens d'observation des mouvements d'aéronefs depuis le quai. En raison des dangers uniques que peut présenter un hydroaérodrome en particulier, les services aériens commerciaux à horaire fixe n'ont pas le droit de desservir des aérodromes non certifiés sans qu'un processus d'identification des dangers et d'atténuation des risques ait été mené par Transports Canada. Même s'il présentait un grand nombre des qualités et des risques associés à un service passager régulier, le service de desserte de Kiewit était considéré par Transports Canada et Pacific Coastal comme un simple service d'affrètement. Si le service de desserte de Kiewit avait été classé comme un service passager régulier, Transports Canada aurait été dans l'obligation de faire une évaluation des risques présents à l'aérodrome du bras de mer Toba, notamment en ce qui concerne les observations météorologiques, l'équipement de sécurité, la formation du personnel et les procédures d'urgenceFootnote 22 .

À la suite de l'accident du 16 novembre 2008, les enquêteurs du BST ont mené un examen informel des conditions d'exploitation le long de cette route et ont identifié les dangers suivants : aéronef avec une seule radio aviation pour entrer dans la zone de contrôle de Vancouver et en sortir; comptes rendus météorologiques insatisfaisants au bras de mer Toba; surveillance et annonce irrégulières des départs d'aéronef du quai de Toba; et absence d'une embarcation de sécurité au quai.

1.13 Pressions des clients

Le rapport d'étude SATOPS publié en 1998 a également identifié la pression des clients comme un facteur pouvant conduire les pilotes à décoller dans des conditions qu'autrement ils auraient considéré dangereuses. Ces pressions peuvent être explicites, sous la forme de demandes expresses des clients et de menaces de recourir à d'autres exploitants prêts à prendre plus de risques, ou plus sournoises lorsque les compagnies et les pilotes cherchent à satisfaire leurs clients en démontrant leur grande fiabilité.

Dans le cas des vols à destination du camp de Kiewit, trois types de pression ont été identifiés. Tout d'abord, l'ardent désir des employés de Kiewit de rentrer chez eux, ce qui mettait une pression considérable sur le coordonnateur du transport de Kiewit qui devait s'assurer que les employés sortants avaient des places à bord et qu'ils seraient à l'heure pour prendre des vols en correspondance à Vancouver. À certains moments, le coordonnateur insistait fortement auprès de Pacific Coastal, au point de vouloir faire appel à un autre exploitant pour assurer le transport lorsque Pacific Coastal refusait de voler en raison de la météo. Le second type de pression était celui des employés de Pacific Coastal qui savaient que les opérations de Kiewit risquaient d'être perturbées si des employés clés ou des pièces n'arrivaient pas à temps. La troisième forme de pression était peut-être celle que s'imposaient les pilotes pour garder le client heureux.

Avant l'accident du 16 novembre 2008, le coordonnateur du transport de Kiewit avait demandé de recourir à une autre compagnie aérienne après que Pacific Coastal a annulé un second vol vers Toba en raison des conditions météorologiques dangereuses rencontrées au cours du vol précédent. La direction de Pacific Coastal avait communiqué avec les responsables de Kiewit pour leur demander de faire comprendre à leur coordonnateur du transport l'importance de respecter la décision du pilote à propos de la météo, et ce point avait été noté dans le rapport de vérification de Kiewit. En dépit de ces efforts, des pressions similaires ont été exercées sur un autre exploitant après l'accident.

L'enquête du BST n'a révélé aucune pression explicite sur le pilote de l'avion accidenté, ni de la part de Pacific Coastal, ni de celle de Kiewit, le jour de l'accident.

Reconnaissant le rôle que les clients peuvent jouer dans la sécurité aérienne, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a lancé un programme d'éducation des clients pour améliorer la sécurité des vols en AlaskaFootnote 23. Ce programme consiste à informer les passagers sur les dangers de faire pression sur les pilotes pour qu'ils acceptent de voler par mauvais temps, et consiste également à encourager les passagers à signaler les exploitants qui prennent des risques inutiles en défiant la météo. À l'heure actuelle, il n'y a pas de tels programmes d'éducation au Canada pour informer le public des règles VFR ou des mesures qu'ils peuvent prendre s'ils ont une préoccupation à cet égard.

1.14 Communications

Le jour de l'accident, les communications radio entre l'ATC de Vancouver et le C-FPCK ont été normales. Les aéronefs qui circulent dans la zone de contrôle de Vancouver doivent communiquer avec l'ATC et rester à l'écoute de la bande aviation. La seule radio bande aviation à bord du C-FPCK permettait de communiquer avec l'ATC, avec d'autres aéronefs, avec le centre de régulation de Pacific Coastal à Vancouver et avec certaines bases de la compagnie, comme Powell River. Le C-FPCK était également équipé d'une radio bande marine permettant de communiquer avec le centre de régulation de Port Hardy et aussi avec certaines bases des clients, mais pas avec l'ATC, ni avec les aéronefs autres que ceux de la compagnie, ni avec le centre de régulation de la compagnie à Vancouver.

Le matin de l'accident, le régulateur de vol de la base de Pacific Coastal à Vancouver n'a pas pu contacter le pilote du C-FPCK pour l'informer que la météo à Powell River s'était dégradée.

1.15 Régulation et suivi du vol

Pacific Coastal conduisait ses opérations de taxi aérien en VFR selon le système d'autorégulation de type D, les pilotes étant seuls responsables de la décision de voler ou non. Pacific Coastal utilisait le système de régulation de type A pour ses opérations de transport aérien (sous-partie 705 du RAC), et les régulateurs de vol avaient alors une autorité partagée avec les pilotes pour les décisions de départ. L'inspection à des fins spéciales de Transports Canada a conclu que l'autorégulation de type D était suffisante pour les opérations de taxi aérien en VFR.

En raison des retards dans le lancement des opérations SAR et de la difficulté à trouver le lieu de l'accident le 3 août 2008, Pacific Coastal avait procédé rapidement à l'installation temporaire d'émetteurs satellites personnels (le dispositif de messagerie par satellite SPOT ou SPOT Satellite Messenger) à bord de tous ses avions volant en VFR. Le dispositif SPOT utilise des satellites commerciaux pour transmettre une position GPS et des messages d'état rudimentaires, préprogrammés. Si l'utilisateur souscrit au service de suivi en temps réel, le dispositif peut être programmé pour envoyer une position GPS toutes les 10 minutes à des destinataires prédéterminés. Le personnel désigné peut accéder au site Web de SPOT, en s'enregistrant avec un mot de passe de protection, et voir les comptes rendus de position affichés sur une carte numérique. Le dispositif SPOT est capable d'envoyer un signal d'urgence international, mais contrairement à une ELT, il n'est pas conçu pour fournir un message d'alerte automatique en cas d'accident.

Malgré l'erreur des régulateurs de vol qui n'ont pas initialement consulté les bonnes données SPOT Satellite Messenger sur le site Web, la zone de recherche a été réduite et le délai pour que le personnel SAR trouve le survivant blessé et le lieu de l'accident n'a pas été trop long.

1.16 Prise de décisions

La prise de décisions du pilote (PDP) est un aspect critique de la sécurité des vols. La PDP peut être définie comme une boucle à quatre étapes : recueillir l'information, traiter l'information, prendre une décision en fonction des options possibles, puis mettre en œuvre la décisionFootnote 24 . Une fois que la décision est appliquée, le processus recommence dès que la personne obtient des informations pour surveiller l'efficacité de sa décision. Selon la manière dont l'information est traitée, la personne effectue le reste du processus, et ainsi de suite.

Chacune des quatre étapes du cycle PDP est cependant sujette à des erreurs. Au cours de la collecte de l'information, une attention mal dirigée peut empêcher de détecter des indices critiques. De plus, des biais peuvent empêcher le pilote de reconnaître des indices différents de ceux auxquels il s'attend. L'étape de traitement de l'information peut introduire des erreurs dans le processus PDP si l'information est incorrecte, déformée, incomplète ou mal interprétée. L'évaluation des options disponibles comporte une évaluation des risques subjective basée sur l'expérience et la connaissance. Les pilotes optent généralement pour l'option qu'ils perçoivent comme la plus susceptible de donner le meilleur résultat, compte tenu de leur but. La dernière étape du processus consiste à appliquer l'option choisie comme la plus appropriée. Les erreurs à ce stade du processus sont généralement le résultat de l'application d'une mesure inappropriée ou de l'application inappropriée de l'action correcte.

Les décisions du pilote peuvent être influencées par un grand nombre de facteurs, comme la perception de la situation, l'expérience, la formation, les capacités, les attentes, les buts et les objectifs, les pressions sociales et organisationnelles, la pression du temps et divers éléments contextuels. Les décisions des pilotes VFR sont largement influencées par l'évaluation des informations météorologiques existantes, la disponibilité d'autres aides à la navigation et l'expérience antérieure de la route. Une fois la décision prise de partir ou de continuer la route, les pilotes ont tendance à s'accrocher au plan d'action choisi, sauf si des raisons impérieuses les en dissuadent. De plus, les pilotes ont souvent un préjugé favorable pour les éléments qui confortent leur décision et une défiance pour ceux qui la contredisent (c'est ce que l'on appelle le biais de confirmation)Footnote 25 . La réussite d'une expérience dans des conditions similaires rend les pilotes très réticents à changer leur plan d'action. Si le pilote est soudainement confronté à des indices supplémentaires inattendus provenant de l'environnement, il y a un risque réel qu'il les ignoreFootnote 26 . Cela peut se produire dans les périodes de saturation des capacités mentales, quand les informations sont en concurrence pour l'attention du pilote. Des indices pertinents peuvent aussi être ignorés par le pilote s'ils semblent moins importants que les autres, ce qui amène le pilote à se focaliser sur des indices qu'il interprète, de manière erronée, comme confirmant son plan d'action privilégié. Dans le présent événement, les décisions du pilote importantes pour la sécurité étaient la décision de décoller ou non et la décision de poursuivre le vol par mauvais temps.

1.17 Accidents VFR en conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC)

Les données du BST démontrent que la poursuite d'un vol VFR par mauvais temps constitue une menace sérieuse pour la sécurité. Bien que les accidents VFR en IMC ne représentent qu'une faible portion (moins de 10 %) de tous les accidents signalés, environ 55 % de ces accidents VFR en IMC sont mortels, par comparaison à seulement 10 % pour tous les autres accidents. Un volume énorme de recherches et de nombreuses études ont été consacrées à l'identification des causes qui poussent un pilote à poursuivre un vol VFR en IMC jusqu'à l'accident. Voici quelques-unes des principales causes d'accidents VFR en IMC :

1.18 Système de positionnement mondial (GPS)

Pacific Coastal avait équipé tous ses avions amphibies, dont le C-FPCK, d'un GPS portatif Garmin GPSMAP 296. La compagnie Pacific Coastal n'avait pas donné à ses pilotes VFR une formation GPS et n'avait pas évalué leur compétence à utiliser ce moyen de navigation, mais elle n'était pas tenue de dispenser cette formation. Les pilotes VFR doivent recevoir la formation GPS uniquement si la compagnie effectue des opérations en vertu de la norme de visibilité réduite de Transports Canada. La formation n'a pas été dispensée, en partie parce que plusieurs des pilotes étaient déjà familiers avec l'utilisation du GPS pour la navigation et parce que les nouveaux GPS étaient perçus comme étant faciles à utiliser. Pacific Coastal s'attendait à ce que le GPS soit utilisé comme aide à la navigation à vue, pas comme moyen principal de navigation. Cette politique est cohérente avec les directives données dans le Manuel d'information aéronautique (AIM) qui stipule notamment que « les récepteurs utilisables en VFR, comme les GPS portatifs, peuvent servir de complément aux cartes dans des conditions de vol à vue, mais ils ne doivent pas remplacer des cartes à jourFootnote 31 ».

Un GPS ou un système équivalent de navigation de zone était nécessaire pour les avions basés à Vancouver qui devaient naviguer jusqu'à des points de compte rendu ou de contrôle, tels que SALMON. Malgré la faible visibilité et le vent relativement fort, les données radar révèlent que le pilote n'a fait qu'une petite correction de route après avoir passé par SALMON et qu'il a volé presque en ligne droite jusqu'au lieu de l'accident. Cela correspond à l'utilisation du GPS pour la navigation.

Le GPSMAP 296 est capable de fournir, dans une fenêtre séparée qui occupe environ un sixième de l'écran, une alerte automatique signalant la présence du relief ou d'obstacles à moins de 100 pieds verticalement de la position de l'avion. Cette fonction est automatiquement activée à la mise sous tension, et le pilote doit accuser réception de chaque alerte. Cette fonction peut cependant être désactivée en allant dans le menu des options de l'utilisateur, si le pilote ne veut pas être dérangé par les alertes. Il est courant de désactiver les alertes de relief lorsque le vol se déroule à basse altitude. Du fait que le GPS du C-FPCK n'a pas été récupéré, il n'a pas été possible de déterminer sa configuration au moment de l'accident. Cependant, compte tenu de l'altitude à laquelle s'est déroulé le vol ayant mené à l'accident, si le GPS avait été en état de marche avec la fonction d'alerte de relief et d'obstacles activée, il aurait généré des alertes quasi continues.

En mars 2010, le BST a publié une liste de surveillance qui énumère les problèmes de sécurité qui posent les plus grands risques aux Canadiens et aux Canadiennes et sur lesquels le BST a mené des enquêtes. Dans chaque cas, les mesures prises jusqu'à présent sont insuffisantes, et des moyens concrets doivent être pris par l'industrie et l'organisme de réglementation pour éliminer ces risques. Un des problèmes de sécurité identifiés dans la liste de surveillance sont les collisions avec le sol et l'eauFootnote 32.

Une collision avec le sol et l'eau se produit lorsqu'un aéronef en état de navigabilité et maîtrisé par le pilote est par inadvertance conduit contre le sol, l'eau ou un obstacle. Dans de tels cas, les pilotes n'ont pas conscience du danger avant qu'il ne soit trop tard. Ce type d'accident survient souvent par mauvaise visibilité, la nuit ou par mauvais temps. Ces conditions réduisent la conscience qu'a le pilote de la situation environnante et font qu'il est difficile de reconnaître que l'aéronef est trop près du sol. Le risque est encore plus grand pour les petits aéronefs, qui s'aventurent davantage dans des régions isolées, sauvages ou montagneuses mais qui ne sont pas tenus d'être dotés du même dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS) que les grands avions de ligne.

De 2000 à 2009, 129 accidents de ce type sont survenus au Canada, faisant 128 morts. Les collisions avec le sol et l'eau représentent 5 % des accidents mais près de 25 % de toutes les pertes de vie. Le BST a fait enquête sur de nombreuses collisions avec le sol et l'eauFootnote 33 et a cerné des lacunes, tiré des conclusions et formulé des recommandations - comme l'installation de GPWS à bord des plus petits aéronefs.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Il y a quelques similitudes entre l'accident du 16 novembre 2008 et l'accident du 3 août 2008 pour ce qui est des causes et des facteurs contributifs. La compagnie avait introduit plusieurs mesures de sécurité à la suite de l'accident du 3 août 2008, mais plusieurs de ces mesures n'avaient pas été entièrement appliquées au moment de l'accident du 16 novembre 2008. Par exemple, la compagnie avait donné une première série de cours sur la prise de décisions à l'intention des pilotes, mais la seconde série, qui était axée sur la prise de décisions par mauvais temps, n'avait pas été dispensée.

L'examen de l'épave et des dossiers de maintenance indique que l'avion était en état de navigabilité au moment de l'accident. L'analyse se concentrera donc sur les décisions du pilote de décoller et de poursuivre le vol par mauvais temps jusqu'à l'impact avec le relief. Les facteurs affectant cette prise de décisions, notamment les renseignements météorologiques, la régulation des vols, la supervision de la compagnie, le développement de la route et la surveillance par Transports Canada, seront analysés pour identifier les causes sous-jacentes.

2.2 Conditions météorologiques

Du fait des conditions au décollage et au lieu de l'accident, et des prévisions et des conditions signalées pour la partie en route, il est probable que la majeure partie du vol s'est déroulée au dessous des minimums VFR obligatoires. Les conditions qui prévalaient le jour de l'accident suggéraient une forte probabilité de rencontrer des conditions IMC en route. La photo prise au moment où l'avion descendait dans la rivière à Vancouver (voir Photo 1) montre bien que la visibilité était inférieure aux minimums SVFR pour les aéronefs à voilure fixe.

Le bulletin supplémentaire émis par le gardien du phare de l'île Merry faisait état de conditions météorologiques de vol à vue (VMC) marginales. Les comptes rendus météorologiques émis par le gardien du phare fournissent habituellement des renseignements valables aux pilotes VFR sur la côte, mais dans ce cas, les données étaient inexactes. Cela peut avoir contribué à la conclusion du pilote que la météo sur la route était acceptable.

2.3 Décision du pilote de décoller

Lors de son briefing aux passagers, le pilote a avisé les passagers que le vol se déroulerait à basse altitude et que ceux que cela préoccupait pouvaient quitter l'appareil. Ce genre d'avertissement ne fait pas normalement partie du briefing aux passagers et indique que le pilote était conscient que les conditions de vol seraient sans doute difficiles le long de la route au point que, pour conserver des références visuelles au sol, il devrait voler à une altitude plus basse. Cependant, le SPECI émis à 9 h 25 pour Powell River annonçait une amélioration marginale que le pilote peut avoir interprétée comme le début d'une tendance. Ce raisonnement est risqué, car un seul bulletin ne suffit pas à confirmer que la tendance au dégagement avait commencé. Toutefois, même si la grande majorité des renseignements météorologiques indiquait des nuages bas et une mauvaise visibilité le long de la route, l'amélioration marginale à Powell River et les informations erronées en provenance du phare de l'île Merry peuvent avoir contribué à la décision du pilote de considérer que les conditions météorologiques seraient suffisantes pour voler en VFR à basse altitude.

La présence des passagers et des bagages à bord et la mise en marche des moteurs doivent avoir raffermi la décision du pilote de décoller. Après que l'ATC a approuvé la demande de SVFR du pilote, c'est au pilote qu'il incombait d'évaluer si la météo à l'extérieur de la zone de contrôle permettrait de poursuivre le vol en VFR. Pour un départ en SVFR, le pilote doit avoir un plan de rechange pour le cas où les minimums VFR ne seraient pas respectés au moment où il quitterait la zone de contrôle. Le pilote n'a pas demandé les derniers comptes rendus météorologiques disponibles (conditions réelles à 10 h) pour déterminer si les conditions météorologiques s'amélioraient vraiment le long de la route prévue. S'il l'avait fait, l'annonce de la dégradation de la météo à Powell River lui aurait donné l'occasion de reconsidérer sa décision de décoller. Quand l'avion a quitté sa base, la visibilité sur la rivière était d'un peu plus de ½ sm.

Il y a des indications que le pilote de l'avion accidenté avait tendance à défier la météo. Ainsi, lors du trajet de la veille, le pilote avait volé dans des conditions inférieures aux minimums VFR. Sa décision de décoller a probablement été influencée par la confiance acquise lors de vols réussis dans des conditions similaires.

Rien n'indique que des passagers, la Pacific Coastal ou la Kiewit, aient exercé des pressions pour décoller le jour de l'accident. Cependant, la présence physique des passagers peut inciter le pilote à maintenir sa décision de décoller, particulièrement lorsque toutes les personnes sont assises à bord et attendent que l'avion décolle, comme c'était le cas ce jour-là.

2.4 Décision du pilote de poursuivre le vol

Une fois en vol, les options qui s'offraient au pilote étaient de continuer sur la route prévue, changer de route, revenir à CYVR, se dérouter sur un autre aérodrome ou amerrir. Toutes ces options comportaient des risques. Après avoir navigué jusqu'à SALMON à l'aide du GPS, il est probable que le pilote a continué à utiliser le GPS comme moyen principal de navigation en l'absence de références visuelles adéquates. En approchant de l'île Thormanby, il est fort probable que le pilote s'attendait à retrouver des références visuelles suffisantes au sol. Il est difficile d'évaluer la visibilité avec précision au-dessus d'une surface sans relief comme l'eau, et il est probable que le pilote n'a pas réalisé que la visibilité était devenue si mauvaise qu'il devait changer ses plans. Lorsqu'il a finalement aperçu l'île de Thormanby, il était trop proche du relief et n'a pu l'éviter.

Plusieurs des facteurs qui influencent la décision d'un pilote de poursuivre son vol VFR en IMC étaient présents lors de cet accident : des vols antérieurs réussis par mauvaise visibilité, la difficulté d'évaluer la visibilité réelle, la réticence à changer de plan d'action, les conséquences d'un tel changement, et une confiance excessive dans ses capacités.

Il est probable qu'un ou plusieurs de ces facteurs ont contribué à l'accident.

2.5 Impact sans perte de contrôle (CFIT)

Le vol ayant mené à l'accident s'est déroulé dans des conditions météorologiques inférieures aux minimums VFR. Rien n'indique que le pilote ait tenté d'amerrir ou de faire demi-tour quand il a été confronté à un plafond très bas et une très faible visibilité. Il est fort probable que le pilote se fiait à son GPS pour la navigation et qu'à l'approche de l'île Thormanby, son attention est passée du GPS à l'extérieur de l'avion. L'accident CFIT s'est produit dans le brouillard alors que le pilote tentait d'éviter le relief. Rien n'indique que le pilote ait perdu le contrôle de l'avion avant l'impact.

Les dommages à l'avion et les traces relevées sur les arbres après l'accident révèlent la vitesse et l'assiette de l'avion immédiatement avant l'impact. La longue trouée rectiligne et ascendante dans les arbres faite par l'avion, et les dommages très importants à ces arbres et à l'avion indiquent que la vitesse de l'avion était relativement élevée et que l'avion était en montée rapide avant la collision avec le relief. Les dommages très importants relevés sur toutes les pales des hélices indiquent que les moteurs tournaient à haut régime. Cette combinaison indique que le pilote a réagi en voyant le sol quelques secondes avant l'impact et a tiré sur le manche pour amorcer une montée rapide. Cependant, cette manœuvre a été entreprise trop tard pour éviter le relief en pente ascendante droit devant. Le vent enregistré à l'île Merry une demi-heure avant l'accident créait un vent arrière de 15 nœuds. À sa puissance de croisière, l'avion devait voler à une vitesse sol de 145 nœuds. Pour un angle de cabré de 5 à 8°, la vitesse ascensionnelle de l'avion a dû être comprise entre 1300 et 2000 pieds par minute, une vitesse supérieure à ce que l'avion pouvait maintenir à sa masse du moment.

Le C-FPCK volait à grande vitesse et à basse altitude par visibilité réduite, ce qui comporte des risques importants, par exemple : les temps de réflexion et de réaction à une urgence sont réduits, les options disponibles en cas d'urgence sont limitées, la probabilité de heurter la surface de l'eau ou le sol par inadvertance augmente (particulièrement lors d'une manœuvre comme un demi-tour), et les risques de collision avec des obstacles au sol et des oiseaux sont accrus.

À la suite d'un accident CFITFootnote 34 survenu en 1995, le BST a émis la recommandation A95-10 dans laquelle il recommandait que :

Le ministère des transports exige que tous les aéronefs de ligne et de transport régional propulsés par turbine à gaz et approuvés pour le vol IFR, et pouvant transporter au moins 10 passagers, soient équipés d'un GPWS.
Recommandation A95-10 du BST (émise en mars 1995)

La réponse initiale de Transports Canada (en date du 14 juin 1995) à cette recommandation a été de référer la recommandation du BST au Comité technique sur la partie VII du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC) pour analyse. Du fait que Transports Canada n'a pas fait connaître sa position à l'égard de la recommandation, sa réponse a été jugée non satisfaisante. Dans sa réponse de décembre 2005 au BST, Transports Canada avait indiqué qu'un Avis de proposition de modification (APM) concernant le système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS)Footnote 35 avait été présenté au CCRAC en juin 2003. La réglementation proposée exige que les avions utilisés dans un service de taxi aérien (sous-partie 703 du RAC) et les avions utilisés dans un service aérien de navette (sous-partie 704 du RAC) ayant de 6 à 9 sièges passager, peu importe le type de motorisation, soient équipés de TAWS de classe B. De plus, les avions utilisés dans un service aérien de navette (sous-partie 704 du RAC) ayant plus de 10 sièges passager devront être équipés de TAWS de classe A et d'un affichage de représentation du relief (TAD)Footnote 36 , et les avions utilisés dans une entreprise de transport aérien (sous-partie 705 du RAC) devront être équipés de TAWS de classe A et d'un TAD. Les nouvelles dispositions réglementaires proposées renferment également des dispositions réglementaires en vertu de la sous-partie 605 du RAC exigeant que les avions équipés de moteurs à turbine ayant plus de 6 sièges passager soient munis de TAWS de classe B. À la suite de cette mesure, le BST a changé son évaluation de la réponse de Transports Canada pour indiquer qu'elle dénotait une intention satisfaisante. Au moment de la rédaction du présent rapport, les dispositions réglementaires proposées attendaient toujours que le processus du CCRAC suive son cours, et elles n'étaient pas encore entrées en vigueur. Le BST continuera de surveiller les activités de Transports Canada à l'égard des risques associés à la recommandation A95-10.

2.6 Système de positionnement global (GPS)

La route suivie en direction de SALMON et le virage qui a suivi vers Powell River indiquent que le GPS fonctionnait correctement. En fait, la disponibilité du GPS a probablement influencé la décision du pilote de partir en direction de SALMON. Par la suite, s'en tenant à sa décision, le pilote a utilisé le GPS pour naviguer sans références visuelles avec la côte dans des conditions inférieures aux minimums VFR jusqu'aux abords de l'île Thormanby. Compte tenu de la confiance excessive que le pilote accordait au GPS pour la navigation VFR par visibilité réduite, il lui a sans doute été très difficile, sinon impossible, d'acquérir les références visuelles nécessaires pour poursuivre le vol en VFR.

Considérant la route de vol prévue, le pilote avait probablement désactivé la fonction d'alerte de relief et d'obstacles de son GPS avant le départ. Si la fonction avait été activée, le GPS aurait donné des alertes quasi continues dont le pilote aurait dû chaque fois accuser réception (en annulant l'alerte).

Les pilotes VFR de Pacific Coastal n'avaient pas reçu de formation sur l'utilisation du GPS, et il n'existait pas de base de référence pour mesurer leur compétence dans ce domaine. De ce fait, ils n'avaient pas non plus reçu la formation sur les risques liés à l'utilisation du GPS comme moyen principal de navigation, notamment en cas de navigation par visibilité réduite.

2.7 Radiobalise de repérage d'urgence (ELT)

L'ELT de l'avion a été détruite lors de l'impact et de l'incendie qui a suivi. Elle n'a donc émis aucun signal pour signaler l'accident, et n'a été d'aucune utilité pour la localisation du lieu de l'accident et du survivant. L'avis de sécurité aérienne A08P0241-D1-A1 du BST mentionne un pourcentage extrêmement élevé de défaillances des ELT (y compris dans le rapport A08P0241 du BST sur l'accident du 3 août 2008 survenu à un autre Goose de Pacific Coastal) et indique des solutions de remplacement, comme les systèmes de suivi de vol. Transports Canada propose que les règlements actuels sur les ELT soient modifiés pour obliger tous les aéronefs volant au Canada à transporter une ELT capable de transmettre simultanément sur 406 mégahertz (MHz) et 121,5 MHz, ou à être équipés d'un autre moyen de localisation d'urgence respectant les normes de précision du système satellite et des ELT de 406 MHz.Footnote 37

Du fait que l'ELT n'a pas émis de signal après l'écrasement, l'accident n'a pas été immédiatement signalé, et la localisation de l'épave a été retardée.

2.8 Communications

Les communications radio entre l'avion, le bureau de régulation de la compagnie et l'ATC ont été normales dans les premières minutes du vol, ce qui indique que la radio du pilote fonctionnait correctement. À l'intérieur de la zone de contrôle de CYVR, le pilote était sans doute à l'écoute de l'ATC. Une fois sorti de la zone, le pilote est probablement passé sur la fréquence de communication en route pour surveiller les autres aéronefs en vol. Il est aussi possible que, à la sortie de la zone de contrôle, le pilote ait réglé sa radio sur la fréquence de la compagnie.

Les régulateurs de vol de Pacific Coastal ont tenté de contacter le pilote pour lui transmettre des informations météorologiques critiques et l'aider à décider s'il voulait poursuivre le vol ou revenir à la base. Cependant, le contact radio n'a pas pu être établi avec le pilote. L'avion n'étant équipé que d'une seule radio VHF aviation, le pilote n'aurait pas pu surveiller en même temps la fréquence en route et celle du centre de régulation de Pacific Coastal. Il se peut que le pilote soit resté sur une fréquence ATC ou sur la fréquence en route alors que les régulateurs de vol tentaient de le contacter. Il est également possible que le pilote ait surveillé la fréquence du centre de régulation de la compagnie, mais qu'il était hors de portée VHF à cause de sa très basse altitude de vol.

2.9 Masse et centrage

La masse de l'avion au départ de Vancouver était légèrement au-dessus de la masse brute maximale autorisée, mais elle était dans les limites autorisées au moment de l'accident. De ce fait, il est peu probable que la masse de l'avion ait joué un rôle dans l'accident. Cependant, les erreurs de calcul relevées sur le devis de masse et centrage du vol ayant mené à l'accident et sur les devis des vols précédents vers le bras de mer Toba augmentaient les risques du fait que l'avion volait hors de ses limites approuvées.

2.10 Gestion des opérations VFR par Pacific Coastal sur cette route

Bien que les pilotes soient sensés connaître la réglementation pertinente, les dirigeants de la compagnie ont également la responsabilité de fixer les normes spécifiques de la compagnie et de la route et de s'assurer que les vols se déroulent conformément à ces normes.

La compagnie avait pour principe que ses pilotes ne devaient pas voler dans des conditions VFR marginales, mais les dirigeants n'avaient pas mis en place de procédures explicites pour s'assurer du respect de ce principe. De plus, la compagnie avait décidé de ne pas fournir une formation IFR minimale à ses pilotes, croyant que cela pourrait les pousser à défier la météo en raison de la confiance que donne la possibilité de voler aux instruments. Une formation IFR augmente les chances du pilote de retourner en toute sécurité dans des conditions VMC lorsqu'il rencontre par inadvertance des conditions IMC.

La création de dossiers sur les dangers, les risques et les mesures d'atténuation constitue la pierre angulaire de tout SGS. Cela permet d'exercer un suivi des mesures et d'identifier les tendances. La direction de Pacific Coastal avait discuté avec le pilote de son processus de prise de décisions à l'égard de la météo, mais il n'existait aucune documentation officielle en matière de gestion de la sécurité. De ce fait, aucun processus officiel d'analyse des risques n'avait été initié pour définir et atténuer le niveau de risque connexe.

2.11 Régulation et suivi du vol

Le système d'autorégulation de type D utilisé par Pacific Coastal reposait sur les décisions opérationnelles du pilote. En dehors des exigences réglementaires du RAC, il n'y avait pas de procédures ni d'aides à la décision mises au point par la compagnie (comme un arbre de décision, l'avis d'un second pilote ou une autorité partagée avec le régulateur de vol pour les décisions de départ) pour aider le pilote à décider s'il devait ou non décoller. Avec ce système, la sécurité des vols était menacée, particulièrement si les autres pilotes ou les dirigeants ne fournissaient pas une défense supplémentaire contre les décisions hasardeuses, soit parce qu'ils n'étaient pas présents, soit parce qu'ils ne connaissaient pas les intentions du pilote. Sans automatismes régulateurs en place pour aider à la prise de bonnes décisions, le pilote était laissé à la merci des pressions qu'il s'imposait, de ses biais et de sa tolérance à l'égard du risque.

À la suite de l'accident du 3 août 2008, Pacific Coastal a reconnu le besoin d'étoffer ses procédures existantes de suivi de vol et de complémenter l'équipement ELT. Cela répondait à un effort visant à exercer un suivi efficace du trajet des avions et, en cas d'accident, à réduire le temps d'intervention des services SAR. Pacific Coastal avait choisi d'utiliser le dispositif SPOT comme mesure provisoire. Les données du dispositif SPOT Satellite Messenger transmises avant l'écrasement ont permis de réduire la zone de recherche et de repérer plus vite l'épave de l'avion. Une erreur de consultation des données SPOT Satellite Messenger a d'abord retardé le moment où l'avion a été signalé manquant.

2.12 Développement de la route

Les premiers vols de Pacific Coastal au service du projet Kiewit étaient des vols d'affrètement non réguliers avec un petit nombre de passagers. Les évaluations initiales de la route faites par Pacific Coastal et Kiewit n'ont identifié aucun danger inhabituel du fait qu'il n'y avait pas de relief à franchir (les vols se déroulaient en grande partie au-dessus de l'eau) et que l'atterrissage au quai du bras de mer Toba semblait relativement facile. Au cours des deux années écoulées, le volume de passagers a graduellement augmenté jusqu'à atteindre environ 300 passagers par semaine. Un second pilote a donc été ajouté aux opérations de Vancouver pour répondre aux besoins du projet.

Sans des événements déclencheurs spécifiques permettant d'identifier une telle croissance, les changements progressifs de l'exposition au risque peuvent ne pas être évidents au point qu'ils ne donnent pas lieu à une analyse des risques. Les directives de Transports Canada sur l'évaluation des risques n'identifient pas une croissance progressive des opérations comme un danger potentiel. Le risque accru associé à la croissance des opérations est passé en grande partie inaperçu aux yeux de Pacific Coastal et de Kiewit.

La route vers le bras de mer Toba était gérée comme un service commercial non régulier vers un aérodrome non certifié. Si la route avait été considérée comme un service aérien commercial régulier, elle aurait fait l'objet d'un niveau plus élevé de surveillance réglementaire. En particulier, Transports Canada aurait dû effectuer une inspection sur place de l'aérodrome non certifié du bras de mer Toba pour s'assurer qu'il offrait « un niveau de sécurité équivalent »Footnote 38 à celui d'un aérodrome certifié. Au lieu de cela, il incombait à l'exploitant d'évaluer les dangers potentiels et d'atténuer les risques à un niveau acceptable. Cela signifie qu'il existe un risque accru pour les vols d'affrètement à fort volume de trafic aux aérodromes non certifiés.

2.13 Pressions du client

Kiewit avait déjà exercé des pressions pour que les vols soient maintenus, en faisant appel à d'autres exploitants lorsque Pacific Coastal décidait d'annuler des vols en raison de la météo. Cette pratique a continué après l'accident de l'île Thormanby le 16 novembre 2008, et elle peut influencer considérablement les processus de décision des pilotes et de l'exploitant.

2.14 Surveillance par Transports Canada du respect des minimums VFR

Certains exploitants poursuivent leurs opérations au dessous des minimums VFR, car ils pensent qu'ils peuvent voler en toute sécurité au-dessous des minimums réglementaires et considèrent qu'il existe une pression commerciale qui les y oblige. Les minimums VFR ont été établis par l'organisme de réglementation qui estime que ce sont les limites minimales de sécurité. Le risque augmente de façon significative quand les pilotes persistent à suivre leur route dans des conditions météorologiques dégradées plutôt que de faire demi-tour. Malgré le risque accru, certains pilotes sont des adeptes de la technique qui consiste à poursuivre le vol, souvent sur des milles, en réduisant la vitesse et en adoptant la configuration d'atterrissage plutôt que de se décider à faire demi-tour ou à se poser lorsqu'il devient évident que les limites VFR ne peuvent pas être maintenues. Ce concept de la piste infinie résulte clairement d'un processus déficient de prise de décision. C'est une situation très dangereuse, car la question qui se pose alors est de savoir quel degré de risque additionnel le pilote est prêt à accepter et ce qu'il faut qu'il arrive pour qu'il se décide à prendre les mesures qui s'imposent.

Transports Canada est conscient que certains exploitants et certains pilotes sont prêts à accepter des niveaux de risque accrus en contournant délibérément les règlements. Certains exploitants et certains pilotes continuent à interpréter les règlements en leur faveur pour effectuer un vol dans des conditions dangereuses, plutôt que d'abandonner les revenus à un concurrent. Dix ans après la publication du rapport d'étude SATOPS, ces infractions se poursuivent dans l'industrie du taxi aérien pour les même raisons que celles indiquées dans le rapport d'étude, et elles continuent de se traduire par la prise de risques inacceptables et par des pertes de vie. Des règlements clairs et applicables aident à maintenir des règles du jeu équitables dans l'ensemble de l'industrie en dissuadant ceux qui cherchent à contourner les règlements. La situation actuelle peut inciter certains exploitants à réduire les marges de sécurité pour rester concurrentiels.

2.15 Gestion de la sécurité à Pacific Coastal

L'inspection à des fins spéciales menée après l'accident du 16 novembre 2008 a permis d'identifier des lacunes dans le SGS qui n'avaient pas été détectées lors de la validation de processus. Les lacunes dans les compétences des enquêteurs de Pacific Coastal et dans la capacité de la compagnie à identifier les facteurs organisationnels et de supervision, ainsi que l'absence de processus pour la mise en place rapide de mesures de sécurité ont accru les risques pour la compagnie.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote a probablement décollé dans des conditions météorologiques inférieures aux minimums des règles de vol à vue (VFR) et a poursuivi le vol dans ces conditions.
  2. Le pilote a poursuivi son vol VFR dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) et ce n'est que quelques secondes avant l'impact de l'avion sur l'île Thormanby (Colombie-Britannique) qu'il s'est rendu compte de la proximité du relief.
  3. L'annonce d'une amélioration marginale des conditions météorologiques à Powell River (Colombie-Britannique) ainsi que de l'information incorrecte en provenance du phare de l'île Merry (Colombie-Britannique) peuvent avoir contribué à la conclusion du pilote que les conditions météorologiques sur la route seraient suffisantes pour voler à basse altitude.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. La présence à bord d'une seule radio bande aviation (VHF-AM) lors d'un vol commercial, particulièrement en espace aérien encombré, augmente le risque que de l'information importante ne soit pas reçue.
  2. Lors d'un vol à basse altitude, la portée de réception en VHF est réduite de façon importante, de sorte qu'il peut être difficile de recevoir de l'information (concernant la route) qui pourrait menacer la sécurité du vol.
  3. L'absence de formation en prise de décisions du pilote (PDP) pour les exploitants de taxis aériens en régime VFR expose les pilotes et les passagers à des risques accrus en cas de mauvais temps.
  4. Certains exploitants et certains pilotes contournent délibérément les règlements relatifs aux minimums VFR, ce qui augmente les risques pour les passagers et les pilotes de taxis aériens qui volent par mauvais temps.
  5. Les clients qui exercent des pressions pour que les vols soient assurés malgré le mauvais temps peuvent avoir une influence néfaste sur les décisions des pilotes et des exploitants.
  6. La croissance progressive des services de transport aérien fournis par la compagnie Pacific Coastal à la compagnie Kiewit n'a déclenché aucune nouvelle analyse des risques chez l'une ou l'autre des compagnies. En conséquence, les pilotes et les passagers ont été exposés à des risques accrus qui sont passés inaperçus.
  7. Les lignes directrices de Transports Canada sur l'évaluation des risques ne traitent pas de la croissance progressive des exploitants aériens. En conséquence, il y a un risque accru que les exploitants n'effectuent pas l'analyse des risques appropriée lorsque leurs opérations prennent de l'ampleur.
  8. Les discussions antérieures entre Pacific Coastal et le pilote de l'avion accidenté à propos de sa prise de décisions en matière de météo n'ont pas été documentées dans le système de gestion de la sécurité (SGS) de la compagnie. Si les dangers ne sont pas documentés, il se peut qu'une analyse formelle des risques ne soit pas effectuée pour identifier les risques et prendre des mesures d'atténuation.
  9. Il n'y avait pas de procédures de la compagnie ou d'outils d'aide à la décision en place (comme un arbre de décision, l'avis d'un second pilote ou une autorité partagée avec le régulateur de vol pour les décisions de départ) pour encadrer la décision d'un pilote de décoller ou non.
  10. Du fait que la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) n'a pas émis de signal après l'écrasement, l'accident n'a pas été immédiatement signalé, et la localisation de l'épave a été retardée.
  11. L'enquête a révélé que pour un certain nombre de vols, les pilotes de la route entre Vancouver et le bras de mer Toba (Colombie-Britannique) avaient décollé avec une masse supérieure à la masse brute maximale autorisée, à la suite d'erreurs de calcul dans le devis de masse et centrage de ces vols. Les risques pour les pilotes et les passagers sont accrus lorsqu'un aéronef est exploité en dehors de ses limites approuvées.
  12. Une confiance excessive dans le système de positionnement mondial (GPS) quand la visibilité est réduite et le plafond bas représente un risque de sécurité important pour les pilotes et les passagers.

3.3 Autre fait établi

  1. Les données du dispositif SPOT Satellite Messenger transmises avant l'écrasement ont permis de réduire la zone de recherche et de repérer plus vite l'épave de l'avion. Une erreur de consultation des données SPOT a d'abord retardé le moment où l'avion a été signalé manquant.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

Immédiatement après l'accident, Pacific Coastal a suspendu ses opérations de taxi aérien et a pris plusieurs mesures pour réduire les risques avant de reprendre ses activités. Depuis lors, la compagnie a mis en œuvre plusieurs autres mesures de sécurité volontaires qui dépassent les exigences de Transports Canada pour les opérations de taxi aérien selon les règles de vol à vue (VFR). Ces mesures supplémentaires sont les suivantes :

En décembre 2009, après l'achèvement de l'Étude de sécurité portant sur l'établissement du profil des risques pour le secteur du taxi aérien au Canada, Transports Canada a élaboré un simulateur de prise de décisions du pilote, pour permettre aux pilotes de s'exercer à la prise de décisions dans un environnement aérien à faible risque. Ce simulateur est accessible sur le site Web de Transports Canada à l'adresse http://www.tc.gc.ca/fra/aviationcivile/servreg/renseignements-securite-etudetaxiaerien-simulation-menu-1829.htm, adresse confirmée comme étant valide à la date de publication du rapport.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Minimums météorologiques VFR

Selon le Règlement de l'aviation canadien (RAC), les minimums météorologiques VFR obligatoires sont les suivants :

ESPACE AÉRIEN VISIBILITÉ EN VOL DISTANCE DES NUAGES DISTANCE AU-DESSUS DU SOL (agl)
Zones de contrôle VFR Minimum de 3 milles Horizontale :1 mille Verticale : 500 pieds Verticale : 500 pieds
Zones de contrôle SVFR Minimum de 1 mille Hors des nuages Sans objet
Espace aérien non contrôlé 1000 pieds agl ou plus Minimum de 1 mille (jour) Horizontale : 2000 pieds Verticale : 500 pieds 1000 pieds agl
Espace aérien non contrôlé Au-dessous de 1000 pieds agl – voilure fixe Minimum de 2 milles (jour) Hors des nuages Verticale ou horizontale : 300 pieds **
**Les critères de ce tableau s'appliquent aux exploitants d'aéronefs à voilure fixe visés par l'article 703.27 du RAC.

Annexe B - Sigles et abréviations

AARM
Direction de la sécurité des aérodromes
ACA
Aviation commerciale et d'affaires, Transports Canada
agl
au-dessus du sol
asl
au-dessus du niveau de la mer
ATC
contrôle de la circulation aérienne
ATIS
service automatique d'information de région terminale
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CAM9
hydroaérodrome international de Vancouver (Colombie-Britannique)
CCP
contrôle de compétence pilote
CCRAC
Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne
CFIT
impact sans perte de contrôle
CYPW
aéroport de Powell River (Colombie-Britannique)
CYVR
aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique)
ELT
radiobalise de repérage d'urgence
GFA
prévision de zone graphique
GPS
système de positionnement mondial
GPWS
dispositif avertisseur de proximité du sol
IFR
règles de vol aux instruments
IMC
conditions météorologiques de vol aux instruments
Kiewit
Peter Kiewit Sons Co.
m
mètre
METAR
message d'observation météorologique régulière pour l'aviation
MHz
mégahertz
nm
mille marin
OACI
Organisation de l'aviation civile internationale
Pacific Coastal
Pacific Coastal Arlines
PDP
prise de décisions du pilote
RAC
Règlement de l'aviation canadien
SAR
recherche et sauvetage
SATOPS
Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un
taxi
aérien
SGS
système de gestion de la sécurité
sm
mille terrestre
SPECI
message d'observation spéciale
SPOT
dispositif de messagerie par satellite SPOT (SPOT Satellite Messenger)
SVFR
VFR spécial
TAD
affichage de représentation du relief
TAF
prévision d'aérodrome
TAWS
système d'avertissement et d'alarme d'impact
TP
publication de Transports Canada
VFR
règles de vol à vue
VHF
très haute fréquence
VHF-AM
radio bande aviation
VHF-FM
radio bande marine
VMC
conditions météorologiques de vol à vue
°C
degré Celsius
°T
degré vrai