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Rapport d'enquête aéronautique A15O0015

Impact avec le relief à l'approche
Jazz Aviation LP (faisant affaire sous le nom Air Canada Express)
de Havilland DHC-8-102, C-GTAI
Sault Ste. Marie (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le de Havilland DHC-8-102 (immatriculé C-GTAI, numéro de série 078) exploité par Jazz Aviation LP effectuait le vol régulier JZA7795 entre l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (Ontario) et l'aéroport de Sault Ste. Marie (Ontario). À 18 h 25, heure normale de l'Est, en approche vers la piste 30, au crépuscule, et dans des conditions de visibilité réduite en raison de la poudrerie, l'aéronef s'est posé environ 450 pieds avant le seuil de piste. Après le toucher des roues, l'aéronef a heurté l'un des feux d'approche de piste avant de s'immobiliser sur la piste environ 1500 pieds au-delà de son seuil. Il n'y a pas eu de blessé parmi les passagers et les membres d'équipage, mais l'aéronef a subi d'importants dommages.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le de Havilland DHC-8-102 (immatriculé C-GTAI, numéro de série 078) exploité par Jazz Aviation LP (Jazz) effectuait le vol régulier JZA7795 entre l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) (Ontario) et l'aéroport de Sault Ste. Marie (CYAM) (Ontario).

L'aéronef transportait 15 passagers, 2 membres d'équipage de conduite et 1 membre d'équipage de cabine. Le commandant de bord était le pilote aux commandes (PF), et le premier officier était le pilote surveillant (PM).

Juste avant la descente depuis l'altitude de croisière, le PF a exposé au PM l'approche prévue à CYAM mais, étant au courant des mauvaises conditions atmosphériques, il a ajouté à l'exposé la possibilité d'une remise des gaz et d'un déroutement.

Dans le cadre de l'exposé, l'équipage de conduite a réglé les curseurs de vitesse d'approcheFootnote 1 à la vitesse appropriée en fonction de la masse de l'aéronef et des conditions de vol. L'équipage a déterminé que la bonne vitesse de référence d'atterrissage (Vref)Footnote 2 était de 96 nœuds, et que le curseur de vitesse d'approche devait ainsi être réglé à 101 nœuds.

Alors que l'aéronef se trouvait à environ 42 milles marins (nm) de CYAM, le contrôleur du Centre de contrôle régional (ACC) de Toronto a autorisé JZA7795 à descendre à 5000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). En outre, étant donné les conditions météorologiques attendues, le contrôleur a demandé à l'équipage de l'aviser dès que ce dernier pourrait apercevoir l'aéroport pour l'approche visuelle.

Alors que JZA7795 était à 15 nm de CYAM en vol en palier stabilisé à 5000 pieds ASL, l'équipage a indiqué que des cristaux de glace réduisaient la visibilité en vol. L'équipage a donc demandé l'autorisation d'effectuer une approche VOR/DMEFootnote 3 vers la piste 30, plutôt qu'une approche visuelle. L'autorisation a été donnée.

Alors que l'aéronef franchissait les 3000 pieds ASL en descente, l'équipage de conduite a quitté la zone de cristaux de glace et a enfin établi le contact visuel de l'aéroport. Quoique le vol se trouvait alors dans des conditions météorologiques de vol à vue, l'équipage a noté une importante averse de neige qui approchait la piste d'atterrissage depuis l'ouest. L'équipage a signalé ces conditions au contrôleur, qui a autorisé l'approche visuelle en indiquant à l'équipage qu'il pouvait s'écarter de l'approche VOR, au besoin.

À 18 h 21 min 34 sFootnote 4, l'aéronef a survolé le repère d'approche finaleFootnote 5, à 8,7 nm du seuil de piste, à une hauteur de 2840 pieds au-dessus du sol (AGL)Footnote 6 et à une vitesse indiquée de 204 nœuds. L'aéronef descendait en suivant une pente verticale de 3°, quoique cette descente s'effectuait en vol à vue plutôt que par guidage de navigation verticale assisté par le système avionique.

De 18 h 21 min 34 s à 18 h 23 min 5 s, l'aéronef a progressivement décéléré de 204 à 181 nœuds tout en maintenant une trajectoire verticale de 3° en descente, de 2840 pieds à 1500 pieds.

À 18 h 22 min 50 s, alors que JZA7795 se trouvait à 5 nm de CYAM, l'équipage de conduite a communiqué avec la tour de contrôle de CYAM pour obtenir l'autorisation d'atterrir. Le contrôleur a informé l'équipage que les vents soufflaient du 310° magnétique (M) à 22 nœuds avec des rafales à 29 nœuds, et a mentionné le mauvais temps sur la piste. Le contrôleur a en outre informé l'équipage qu'étant donné le mauvais temps, la portée visuelle de piste (RVR)Footnote 7 avait diminué à 1100 pieds, avec les feux de piste réglés au niveau d'intensité 4Footnote 8. Le PM a répondu qu'ils pouvaient apercevoir le mauvais temps qui approchait.

À 18 h 23 min 5 s et à 1500 pieds, l'équipage a déplacé les leviers de commande de puissance vers la butée de ralenti de vol, et le couple moteur a diminué pour se situer entre 3 % et 4 %. L'aéronef a commencé à décélérer plus rapidement.

À 18 h 23 min 14 s, le contrôleur de la tour a informé JZA7795 que la RVR était maintenant de 1000 pieds et que les feux de piste étaient réglés au niveau 5 (intensité maximale). Le contrôleur a fait état de vents soufflant du 310 °M à 25 nœuds, et il a autorisé JZA7795 à atterrir.

À 18 h 23 min 49 s, à 1000 pieds et à 2,8 nm du seuil de piste, les volets ont été sortis à 15°, et le PF a augmenté le couple à 25 %. La vitesse anémométrique de l'aéronef était alors de 148 nœuds.

Entre 1000 pieds et 500 pieds en rapprochement, l'aéronef a généralement maintenu une trajectoire verticale de 3° alors que sa vitesse diminuait de 148 à 122 nœuds. Durant cette période, le couple moteur a varié de 5 % à 30 % en fonction des changements de configuration et des rafales.

À 18 h 24 min 33 s et à 500 pieds, la vitesse anémométrique était de 122 nœuds, soit 21 nœuds de plus que la vitesse curseur de 101 nœuds pour l'approche. L'aéronef suivait la bonne trajectoire verticale, et le couple moteur était stable à 25 %. Le PF a effectué le virage de 8° à gauche pour aligner l'aéronef sur le cap de piste.

À 18 h 24 min 56 s, le contrôle de la circulation aérienne (ATC) a transmis une dernière mise à jour à JZA7795 pour indiquer que la RVR était de 1200 pieds.

À 18 h 25 min 2 s, à 200 pieds et à une vitesse anémométrique de 124 nœuds, le PF a commencé à réduire le couple moteur au ralenti de vol; la vitesse anémométrique a donc commencé à diminuer rapidement. Malgré l'augmentation graduelle de l'assiette en cabré de l'aéronef et sa vitesse verticale relativement stable, la trajectoire verticale est devenue plus accentuée à cause de la réduction de la vitesse anémométrique et de la réduction conséquente de la vitesse sol. L'aéronef est passé sous la trajectoire verticale de 3°. Normalement, 4 feux rouges affichés sur l'indicateur de trajectoire d'approche de précision (PAPI) indiquent cet état à l'équipage de conduite, qui sait alors que l'aéronef vole en dessous de la pente d'approcheFootnote 9.

À un moment donné sous les 200 pieds, l'équipage de conduite a perdu le contact visuel avec le sol en raison de la poudrerie qui approchait. L'approche s'est poursuivie.

À 18 h 25 min 15 s, le système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS) a émis une alerte verbale aux pilotes pour indiquer que l'aéronef se trouvait à une altitude de 50 pieds.

À 18 h 25 min 17 s et à 20 pieds, l'équipage a augmenté le couple moteur à 30 %.

À 18 h 25 min 19 s, l'aéronef a heurté le relief environ 450 pieds avant le seuil de piste à une vitesse anémométrique de 94 nœuds.

Le relief avant la piste était recouvert d'environ 8 à 12 pouces de neige.

L'aéronef était horizontal lorsqu'il a heurté le relief, et son accélération verticale maximale au toucher était de 2,32 g.

Après le toucher, le train d'atterrissage et la roue avant ont heurté et endommagé un feu d'approche situé à 300 pieds du seuil de piste. L'équipage de conduite a entendu un bruit sourd, mais n'ayant pas vu le feu, ne pouvait pas déterminer la source de ce bruit.

L'aéronef s'est immobilisé sur l'axe de piste à environ 1500 pieds au-delà de son seuil. L'équipage de conduite a évalué la visibilité au sol comme étant très mauvaise en raison de la poudrerie.

Incertain de l'état de l'aéronef, l'équipage de conduite a informé le contrôleur de la tour que l'aéronef avait peut-être atterri avant la piste et qu'il avait peut-être perdu le train avant. L'équipage a demandé à la tour de contrôle de dépêcher un véhicule pour évaluer la situation, ainsi qu'un autobus pour transporter les passagers.

Lorsque les véhicules d'urgence sont arrivés sur les lieux, on a examiné l'état de l'aéronef et aucun dommage important n'a été noté. Lorsqu'il a reçu cette information, l'équipage de conduite a décidé de faire rouler l'aéronef jusqu'à la porte d'embarquement.

L'aéronef a roulé jusqu'à la porte d'embarquement sans autre incident, l'équipage a coupé les moteurs et les passagers ont quitté l'aéronef.

Croyant que l'aéronef n'était pas endommagé, l'équipage n'a pas déclenché le disjoncteur pour empêcher l'écrasement des données de l'enregistreur de conversations de poste de pilotage. Par conséquent, des données pertinentes qui auraient été saisies par l'enregistreur de conversations, d'une capacité de 30 minutes, ont été écrasées pendant que le système électrique de l'aéronef était toujours sous tension à la porte d'embarquement.

Après avoir a quitté l'aéronef par la porte d'embarquement, l'équipage a appris qu'un feu d'approche avait été endommagé; il a ensuite communiqué avec le service de maintenance pour faire inspecter l'aéronef.

1.2 Victimes

Aucune blessure n'a été signalée à bord, que ce soit à l'équipage ou aux passagers.

1.3 Dommages à l'aéronef

L'aéronef a subi d'importants dommages, principalement autour du train d'atterrissage avant, qui a heurté le feu d'approche.

Le train avant et ses trappes étaient endommagés et ont dû être remplacés. De plus, on a déterminé que les 2 trains d'atterrissage principaux avaient dépassé leurs charges limites et ils ont dû être remplacés.

1.4 Autres dommages

Le train avant de l'aéronef a heurté un feu du dispositif lumineux d'approche omnidirectionnel situé à 300 pieds à l'est du seuil de piste. Le feu avait subi des dommages irréparables.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Qualifications

Les dossiers indiquent que les 2 membres de l'équipage de conduite possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol, conformément à la réglementation en vigueur.

1.5.2 Expérience

Le commandant de bord était au service de Jazz depuis 17 ans et avait accumulé un total de plus de 12 000 heures de vol, dont 9000 heures aux commandes des DHC-8 de Jazz.

Le premier officier était au service de Jazz depuis 2 ans et comptait un total de 6630 heures de vol, dont 1300 heures aux commandes des DHC-8 de Jazz.

1.5.3 Formation

Les 2 membres d'équipage avaient suivi un entraînement périodique sur simulateur en novembre 2014.

Cet entraînement périodique comprenait la mise en pratique des procédures d'atterrissage interrompu et d'approche interrompue après la perte de repères visuels à 100 pieds. Les 2  pilotes ont achevé l'entraînement sans difficulté notée, quoique ni l'un ni l'autre ne se rappelait les notions particulières de l'entraînement sur les atterrissages interrompus.

Le cycle d'entraînement sur simulateur 2014–2015 de Jazz comprenait l'entraînement pour aider les pilotes à reconnaître une approche non stabilisée et amorcer une remise des gaz. Or, les membres de l'équipage n'avaient pas encore suivi cet entraînement au moment de l'événement à l'étude.

1.5.4 Établissement des horaires et repos

On a analysé les horaires de travail des pilotes pour déterminer si la fatigue pouvait être en cause. On a déterminé qu'il était peu probable que la fatigue ait été un facteur chez l'un ou l'autre des membres de l-'équipage de conduite.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Caractéristiques de vol du DHC-8-102

Les vitesses d'approche du DHC-8-102 que recommande le manuel d'utilisation aéronef (AOM) du DASH 8 de Jazz (Jazz DASH 8 AOM Volume 2: Aircraft Operating Manual) sont parmi les plus lentes de tous les aéronefs de ligne couramment exploités au Canada et régis par la sous-partie 705 du Règlement de l'aviation canadien (RAC).

Ces aéronefs desservent des aéroports à densité élevée, ce qui présente un défi à l'ATC lorsque des DHC-8-102 qui arrivent se retrouvent parmi des aéronefs plus rapides à l'approche. Comme les aéronefs plus rapides volent déjà presque à leur vitesse minimale, il leur est souvent impossible de réduire leur vitesse d'approche. Ainsi, pour maintenir une circulation ordonnée et efficace, les contrôleurs peuvent, s'il y a lieu, demander aux équipages de conduite de DHC-8-102 de maintenir des vitesses plus élevées à l'approche initiale.

D'après l'AOM, les pilotes de DHC-8-102 de Jazz doivent tenir compte de ces demandes s'ils sont certains d'une condition énergétique stable à l'approche.

1.6.2 Système d'avertissement et d'alarme d'impact

L'aéronef était muni d'un système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS) fabriqué par Universal Avionics Systems Corporation.

Le TAWS émet des annonces verbales pour avertir les pilotes de la proximité de l'aéronef avec le relief durant l'approche. Ces annonces indiquent la hauteur au-dessus du sol à plusieurs paliers durant la descente : à 500, 100, 50, 40, 30, 20 et 10 pieds.

Après l'événement à l'étude, l'équipage de conduite ne se rappelait pas avoir entendu les annonces verbales automatisées durant l'événement. L'examen des données numériques consignées par le dispositif TAWS a confirmé qu'aucune annonce n'avait été faite sous les 50 pieds.

On a déterminé que ce dispositif est conçu de manière à ne pas interrompre une annonce en cours par une nouvelle annonce. Étant donné que seulement 5 secondes se sont écoulées sous les 50 pieds durant le vol à l'étude, il est probable que les annonces n'aient pas eu lieu; c'est-à-dire qu'il n'y avait pas suffisamment de temps pour les faire, étant donné la rapidité du rapprochement avec le relief.

Aucun équipage de conduite ayant exploité cet aéronef muni de ce dispositif avant et après l'incident à l'étude n'a signalé de fonctionnement anormal de ce dernier.

1.7 Renseignements météorologiques

Les prévisions météorologiques à l'heure d'arrivée prévue à CYAM faisaient état de conditions généralement bonnes, quoique l'on prévoyait une condition temporaire de visibilité réduite à 3 milles terrestres (sm) dans des averses de neige légère entre 18 h et 23 h.

En route vers CYAM, l'équipage de conduite a reçu des bulletins météorologiques à jour par l'entremise du système embarqué de communications, d'adressage et de compte rendu. Ces bulletins décrivaient le temps à CYAM comme étant généralement bon avec une visibilité de 15 sm dans de la poudrerie.

Deux messages d'observation météorologique spéciale d'aérodrome (SPECI) émis alors que JZA7795 était en approche finale faisaient état de conditions météorologiques qui se détérioraient rapidement. Le SPECI émis à 18 h 22 indiquait que le plafond avait baissé à 2000 pieds et que la visibilité était réduite à 1 sm. Le SPECI émis à 18 h 24 indiquait que le plafond avait encore baissé, à 300 pieds cette fois, et que la visibilité était réduite à ¼ sm.

Bien que JZA7795 ait reçu des mises à jour de l'ATC sur la visibilité RVR durant l'approche finale, l'équipage de conduite n'a pas reçu ces SPECI avant l'atterrissage, étant donné leur heure d'émission.

À CYAM, le soleil s'est couché à 18 h 16, et la lumière s'est graduellement estompée jusqu'à la fin du crépuscule civilFootnote 10 à 18 h 46, début officiel de la nuit.

1.8 Aides à la navigation

L'enquête n'a révélé aucune défaillance des aides à la radionavigation.

1.9 Communications

L'enquête n'a révélé aucune défaillance des communications.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

La piste 30 à CYAM mesure 6000 pieds de long sur 200 pieds de large.

Pour l'exploitation nocturne, la piste est munie de l'équipement suivant :

Un PAPI est composé de 4 feux disposés en barre de flanc du côté gauche de la piste. Lorsque les 2 feux les plus proches du bord de la piste apparaissent rouges et les deux autres, blancs, cela signifie que l'aéronef suit la pente d'approche nominale de 3°. Lorsque la pente d'approche est de 3,5° ou plus, les 4 feux apparaissent blancs (trop haut), tandis que si la pente d'approche est de 2,5° ou moins, les 4 feux apparaissent rouges (trop bas). Les feux du système PAPI à CYAM se trouvent à 1100 pieds du seuil de piste.

L'équipage d'un vol qui a atterri 2 heures après l'événement à l'étude a informé l'ATC que l'un des 4 feux PAPI était masqué par de la neige. L'équipage de conduite du vol à l'étude n'avait aucun souvenir d'un feu PAPI masqué durant l'approche.

1.11 Enregistreurs de bord

1.11.1 Données de l'enregistreur de données du vol à l'étude

Le BST a récupéré l'enregistreur de données de vol (FDR)Footnote 11 de l'aéronef et a examiné les données du vol à l'étude. On a relevé plusieurs écarts en comparant la vitesse de l'aéronef à l'approche par rapport aux procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie (voir la section 1.17.1).

1.11.2 Données d'un second enregistreur de données de vol

Peu après l'événement, mais non en conséquence de ce dernier, l'exploitant a diffusé une révisionFootnote 12 aux SOP (voir la section 1.17.1.13).

Le BST a examiné les données d'un second FDR qui était installé à bord d'un autre DHC-8-102 de Jazz. Cet enregistreur comprenait les données d'environ 300 vols effectués après l'entrée en vigueur des changements apportés  à l'AOM.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

Sans objet.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Sans objet.

1.14 Incendie

Sans objet.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

Sans objet.

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur l'entreprise et sur la gestion

1.17.1 Procédures d'utilisation normalisées de Jazz

Les SOP pour les aéronefs de série DHC-8-100 et de série DHC-8-300 de la compagnie sontpubliées dans l'AOM intitulé Jazz DASH 8 AOM Volume 2: Aircraft Operating ManualFootnote 13.

Un certain nombre de sections des SOP ont rapport à des phases particulières de vol. Plusieurs articles distincts offrent de l'orientation aux équipages de conduite sur la vitesse requise à l'approche.

1.17.1.1 Sélection de la Vref

Pour déterminer les vitesses sécuritaires au décollage et à l'atterrissage en fonction de diverses masses et conditions de givrage et de divers réglages des volets, les équipages de conduite consultent des cartes de vitesses de décollage et d'atterrissage (TOL). Ces cartes sont en fait des petits feuillets volants regroupés qui se consultent facilement et qui résument les renseignements du manuel de vol.

Pour l'approche à l'étude, la Vref applicable selon les cartes TOL était de 96 nœuds, étant donné une masse à l'atterrissage tout juste inférieure à 30 000 livres, un réglage des volets à 15° et une absence prévue de givrage en vol.

1.17.1.2 Réglage des curseurs de vitesse d'approche

D'après l'alinéa 2.7.2 (8) de l'AOM, les équipages de conduite doivent régler les curseurs de vitesse d'approche à « Vref +5 nœuds (plus ½ de la composante de rafale jusqu'à un maximum de 10 nœuds) » durant la préparation à l'approcheFootnote 14.

L'équipage de conduite du vol à l'étude a déterminé qu'un ajustement par rapport aux rafales n'était pas nécessaire. L'équipage a donc réglé les curseurs de vitesse à 101 nœuds pour l'approche.

1.17.1.3 Vitesses cibles

D'après le paragraphe 2.7.28 de l'AOM, les trains et les volets doivent être rentrés et la vitesse cible doit être de 150 nœuds durant la transition en vue de l'approcheFootnote 15.

Une fois que l'aéronef est établi sur une approche de non-précision, comme c'était le cas dans l'événement à l'étude, ce paragraphe indique que la vitesse cible doit être de 120 nœuds.

1.17.1.4 Vitesses des profils de vol

D'après le paragraphe 7.1.5 de l'AOM, une fois que l'aéronef se trouve sur la trajectoire de rapprochement d'une approche de non-précision, comme celle exécutée durant le vol à l'étude, l'équipage de conduite doit sortir le train d'atterrissage, régler les volets à 15°, achever les vérifications avant atterrissage et réduire la vitesse anémométrique à 120 nœudsFootnote 16.

1.17.1.5 Facteurs d'une approche stabilisée

D'après le paragraphe 2.7.27 de l'AOM, en situation normale dans des conditions météorologiques de vol à vue, l'aéronef doit se trouver sur une approche stabilisée à 500 pieds d'altitude au-dessus de l'aérodromeFootnote 17. La liste des éléments d'une approche stabilisée comprend les points suivants :

[traduction]

1.17.1.6 Tolérance des écarts de vitesse

D'après le paragraphe 1.1.22 de l'AOM, en cas d'écart de vitesse anémométrique supérieur à +10 nœuds et −0 nœudFootnote 19, le PM doit faire l'annonce « vitesse » et indiquer l'écart, au besoin. Le PF doit répondre « correction »Footnote 20.

1.17.1.7 Procédures d'approche interrompue

D'après le paragraphe 2.9 de l'AOM, l'équipage de conduite doit interrompre une approche s'il perd de vue l'environnement de la piste en dessous des minimumsFootnote 21.

Toujours d'après ce paragraphe [traduction] « l'impossibilité d'établir ou de maintenir un état stabilisé donne lieu à une approche interrompue »Footnote 22.

1.17.1.8 Perception de l'équipage de conduite des procédures

Au moment de l'événement, voici comment l'équipage de conduite interprétait les vitesses anémométriques appropriées aux opérations normales :

1.17.1.9 Écart systémique par rapport à une approche stabilisée

Pour déterminer si les différences relevées durant le vol à l'étude constituaient une exception par rapport aux opérations normales, on a examiné les données des 285 autres vols enregistrés sur le FDR de l'aéronef en cause pour y détecter d'autres écarts semblables par rapport aux SOP.

Un examen des vitesses à 400 pieds à l'approche a révélé que 84 %Footnote 23 des vols enregistrés dépassaient la tolérance permise de 10 nœuds au-dessus de la vitesse d'approche stabilisée requise (Vref + 5 nœuds) en dessous de 500 pieds.

Le dépassement moyen était de 17 nœuds; autrement dit, la vitesse moyenne en dessous de 500 pieds était Vref + 22 nœuds.

1.17.1.10 Décélération durant l'approche

L'examen a permis de déterminer plusieurs autres vitesses moyennes, notamment :

Tableau 1. Vitesse moyenne durant la descente à l'approche de tous les vols enregistrés par l'enregistreur de données de vol de l'aéronef en cause
Vitesse moyenne (nœuds) Altitude (pieds)
131 1000
119 500
115 200
113 100

Comme le montrent les vitesses moyennes qui diminuent progressivement, les vols enregistrés étaient en décélération constante durant l'approche, y compris sous les 500 pieds.

1.17.1.11 Réduction de la puissance à l'approche

Dans environ 3 % des vols qui ont été examinés, il y a eu une réduction importante de la puissance vers le ralenti de vol sous les 500 pieds, comme dans le cas du vol à l'étude. Dans chacun de ces vols, la vitesse était bien au-delà de Vref + 5 nœuds au moment de la réduction de puissance.

1.17.1.12 Remises des gaz

Quoique les données du FDR indiquaient que la majorité des vols enregistrés ne respectaient pas les critères d'approche stabilisée, aucun d'entre eux ne s'est soldé par une approche interrompue ou une remise des gaz.

1.17.1.13 Révision du manuel après l'événement

Peu après l'événement, mais non en conséquence de ce dernier, l'exploitant a publié une version réviséeFootnote 24 du paragraphe intitulé « Stabilized Approach Factors » [Facteurs d'une approche stabilisée] de l'AOM. Cette nouvelle version comprenait les énoncés suivants :

[traduction]

Le BST a examiné le second FDR : il contenait des données de vols effectués du 31 mars au 29 mai 2015 (peu après l'entrée en vigueur des révisions apportées à l'AOM). On a ainsi pu déterminer que les résultats de dépassements de vitesse et de décélération à l'approche étaient semblables à ceux du FDR de l'aéronef en cause.

1.17.2 Système de gestion de la sécurité de Jazz

Jazz est titulaire d'un certificat d'exploitation aérienne valide et exploite ses aéronefs conformément à la sous-partie 705 du RAC. Depuis juin 2009, la compagnie est dotée d'un système de gestion de la sécurité (SGS) approuvé par Transports Canada.

D'après le manuel SGS de la compagnie, intitulé Jazz Corporate Safety and Quality Manual, certains aspects du SGS sont délégués au service indépendant Sécurité, qualité et environnement (SQE) et gérés par ce dernier afin de favoriser une approche intégrée et coordonnée à la sécurité partout dans l'entreprise.

Conformément au protocole SGS, l'équipage de conduite a signalé l'événement en question. Le service SQE a enquêté sur l'événement et a préparé un rapport qui explique en détail ses constatations, les facteurs de causalité et un plan de mesures correctives ou d'atténuation des risques.

Dans le cadre de son enquête, le service SQE a examiné la base de données SGS de la compagnie pour y relever d'autres rapports semblables d'approches non stabilisées en dessous de 500 pieds. Cet examen n'a révélé aucun autre cas semblable. Cette enquête n'a pas examiné les données de vol enregistrées d'autres vols pour déterminer si cette approche non stabilisée était un problème systémique ou un cas isolé.

L'une des constatations du rapport d'enquête du service SQE indique qu'en deçà de l'altitude minimale de descenteFootnote 25, l'équipage n'a pas maintenu une vitesse anémométrique stable durant l'approche.

D'après ce rapport, sous la rubrique « Facteurs de causalité », il était nécessaire de bonifier les procédures relatives aux vitesses d'approche ainsi que les lignes directrices de l'AOM relatives aux approches stabilisées.

Le plan de mesures correctives ou d'atténuation des risques présenté en détail dans le rapport ne comprenait aucune mesure à court ou à long terme portant sur les facteurs de causalité cernés.

1.17.3 Suivi des données de vol de Jazz

La flotte de Jazz comprend plusieurs types d'aéronefs, entre autres des de Havilland DHC-8-102, 300 et 400, ainsi que des Bombardier CRJ-200 et 705.

Les DHC-8-400 et les CRJ sont des aéronefs un peu plus modernes et font l'objet d'un suivi dans le cadre d'un programme de suivi/analyse (FDA)Footnote 26 des données de vol. Ce programme FDA surveille régulièrement divers paramètres de vol et avertit le service SQE en cas d'événements (comme les approches non stabilisées) ou de tendances qui devraient faire l'objet d'une enquête.

À l'heure actuelle, le programme FDA de Jazz ne vise pas les DHC-8-102 et 300. Lorsque ce programme a été établi, l'incertitude planait sur le statut futur de ces types d'aéronefs au sein de la compagnie. Par conséquent, l'exploitant a reporté l'investissement nécessaire pour les ajouter à son programme FDA.

1.17.4 Analyse par l'exploitant des données de vol recueillies dans le cadre de l'enquête du BST

Ayant déterminé qu'il semblait y avoir des écarts systémiques par rapport aux SOP relatives aux approches stabilisées, notamment les vitesses anémométriques enregistrées à 400 pieds, le BST a communiqué ces résultats à l'exploitant.

L'exploitant a reconnu que l'approche  à l'étude était bel et bien non stabilisée, comme en font foi l'importante réduction de puissance et la décélération de la vitesse anémométrique de 122 nœuds à 96 nœuds en dessous de 500 pieds.

Selon la compagnie, le dépassement moyen de 17 nœuds au-dessus de la Vref + 5 nœuds à 400 pieds était attribuable au fait que les équipages visaient une vitesse de 120 nœuds, la vitesse cible indiquée dans le paragraphe de l'AOM sur ce sujet.

D'après la compagnie, il incombe aux pilotes de comprendre que si la vitesse cible de 120 nœuds est convenable pendant que l'équipage de conduite configure l'aéronef pour l'atterrissage, on ne doit pas maintenir cette vitesse en dessous de 500 pieds si la vitesse curseur est de 96 nœuds.

La compagnie estime que les directives actuelles du secteur sur les critères d'approche stabilisée permettent à un exploitant de définir une plage de vitesses pour son programme de facteurs d'approche stabilisée. Par conséquent, Jazz considère comme étant stable toute réduction de vitesse, depuis la vitesse cible des SOP jusqu'à la vitesse minimale de manœuvrabilité (Vref + 5 nœuds), pour autant que cette réduction ne soit pas excessive.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Approches stabilisées

1.18.1.1 Description

D'après la circulaire d'information AC 120-108 de la Federal Aviation Administration (FAA) du Departement of Transportation des États-Unis, intitulée Continuous Descent Final Approach, datée du 20 janvier 2011, [traduction] « Une approche stabilisée est le facteur clé d'une approche et d'un atterrissage sécuritaires. […] Le concept d'approche stabilisée se caractérise par le maintien d'une vitesse d'approche, d'un taux de descente, d'une trajectoire verticale et d'une configuration stables jusqu'au point d'atterrissage ».

1.18.1.2 Avantages d'une approche stabilisée

De nombreux organismes reconnaissent les avantages de sécurité d'une approche stabilisée, dont l'Organisation de l'aviation civile internationale, la FAA, l'Agence européenne de la sécurité aérienne, et Transports Canada, Aviation civileFootnote 27. D'après la Fondation pour la sécurité aérienne (Flight Safety. Foundation [FSF])Footnote 28, ces avantages comprennent entre autres :

Des limites précises aux écarts excessifs par rapport aux éléments d'approche, ainsi qu'une valeur limite pour l'altitude de stabilisation, fournissent aux pilotes (PF et PM) un point de référence commun, ce qui réduit la possibilité d'ambiguïté. Dans un tel contexte, les écarts sont détectés plus rapidement, et les annonces sont plus rapides et plus précises.

1.18.1.3 Norme sectorielle

Quoique la réglementation ne l'exige pas particulièrement, la plupart des exploitants aériens, y compris Jazz, ont incorporé des critères d'approche stabilisée dans leurs SOP.

Pour aider les exploitants à élaborer ces critères, de nombreuses organisations ont établi des lignes directrices sur les facteurs à considérer ou à définir dans le cadre de ces critères. Ces lignes directrices sont en général très semblables et adhèrent au concept de stabilité; toutefois, certaines se distinguent des autres quant au degré de spécificité de certains facteurs, notamment la vitesse.

En ce qui concerne la vitesse à l'approche, voici une liste d'organisations et leurs recommandations :

Au Canada, des exploitants aériens ont adapté chacun de leur côté ces lignes directrices, au besoin, en fonction de leurs propres types d'aéronefs et d'activités. Un examen des exigences de 2 autres exploitants de DHC-8 au Canada relatives à la vitesse d'approche stabilisée a révélé que les SOP décrivaient les limites comme étant de Vref à Vref + 10 nœuds dans un cas, et de Vref à Vref + 15 nœuds dans l'autre. Les limites à Jazz, étant donné la cible Vref + 5 nœuds et une tolérance de +10 nœuds ou −0 nœud, équivaudraient à des limites de Vref + 5 nœuds à Vref + 15 nœuds; ces limites correspondent aux pratiques recommandées par TC et la FSF.

1.18.1.4 Risques d'une approche non stabilisée

À la suite des recommandations de son groupe de travail sur la réduction des accidents à l'approche et à l'atterrissage (ALAR), la FSF a créé et distribué une trousse à outils ALAR, visant à réduire le nombre d'accidents à l'approche et à l'atterrissage (ALA). Dans cette trousse, la FSF a déclaré que les approches non stabilisées qui se poursuivent jusqu'à l'atterrissage sont la principale cause des ALA.

Les approches non stabilisées exigent une surveillance constante des paramètres de vol, comme la vitesse anémométrique, l'angle d'approche et les repères visuels, ainsi que des ajustements fréquents pour maintenir des paramètres de vol appropriés.

D'après le groupe de travail ALAR, les approches non stabilisées étaient un facteur de causalité dans 66 % des ALA et incidents graves à l'échelle mondiale, de 1984 à 1997. Elles étaient associées à une mauvaise gestion de l'énergie et, dans 36 % des cas, elles sont survenues alors que l'aéronef volait lentement ou à basse altitude (ou les deux) durant l'approcheFootnote 33. D'autres études en 2013 ont indiqué que de 3 % à 4 % de toutes les approches sont non stabilisées et que 97 % d'entre elles se poursuivent jusqu'à l'atterrissageFootnote 34.

Le comité consultatif international de la FSF (International Advisory Committee) a récemment achevé une étude sur les approches stabilisées et les pratiques exemplaires du secteur de l'aviation. La FSF examine actuellement ses recommandations et pourrait apporter des modifications.

Beaucoup d'enquêtes du BST ont fait ressortir les risques que comportent les approches non stabilisées.

Le BST a déjà mené une enquête (A12Q0161) sur un accident semblable survenu en 2012, mettant en cause un DHC-8-301 qui avait effectué un atterrissage brutal suivi d'un contact entre la partie arrière du fuselage et la piste. Dans cet événement, un lien avait été établi entre l'approche non stabilisée et la conscience situationnelle; la charge de travail associée à l'exécution d'une approche non stabilisée avait réduit la conscience situationnelle. Le PF n'avait pas remarqué le déficit d'énergie de l'aéronef, et a réduit la puissance 4 secondes avant l'atterrissage, à l'insu du PM qui ne s'y attendait pas. L'attention des 2  pilotes était fixée à l'extérieur de l'aéronef. Ni l'un ni l'autre n'a pu reporter à temps son attention dans le poste de pilotage pour comprendre la configuration de l'aéronef et réagir de manière à prévenir l'atterrissage brutal.

Dans son enquête (A11H0002) sur l'impact sans perte de contrôle survenu à Resolute Bay (Nunavut), le BST a cerné l'impératif de réduire la fréquence des approches non stabilisées qui se poursuivent jusqu'à l'atterrissage. Le Bureau a recommandé que

Transports Canada exige que les exploitants régis par la sous-partie 705 du RAC surveillent les approches non stabilisées qui se poursuivent jusqu'à l'atterrissage et en réduisent la fréquence.
Recommandation A14-01 du BST

1.18.2 Alerte à la sécurité de Transports Canada

En réponse à la recommandation A14-01 du BST, TC a publié l'alerte à la sécurité de l'Aviation civile (ASAC) intitulée « Utilisation des SGS pour examiner les dangers et les risques associés aux approches non stabilisées » (ASAC no 2014-03), en juin 2014.

Cette ASAC comportait, entre autres, l'objectif suivant :

Demander aux exploitants aériens régis par la sous-partie 705 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) qu'ils utilisent leur système de gestion de la sécurité (SGS) existant – sur une base volontaire – afin d'examiner les dangers et les risques associés aux approches non stabiliséesFootnote 35[.]

Dans cette ASAC, TC demande que ce danger soit évalué et atténué par l'utilisation appropriée d'éléments du SGS, y compris, mais sans s'y limiter :

Cela peut se faire en effectuant une évaluation proactive des dangers liés aux approches non stabilisées (notamment des situations où elles sont le plus susceptible de se produire), un examen de la base de données du SGS afin de vérifier leur fréquence, un examen de la base de données du SGS afin de s'assurer qu'elles sont signalées, et enfin, le suivi auprès du milieu des pilotes afin de vérifier si elles sont signalées et suivies au moyen du SGS, afin de déterminer s'il y a une diminution du nombre d'incidents et une sensibilisation accrue aux dangers et aux risques qui en découlent.

Les exploitants aériens qui indiquent ne pas avoir de problèmes avec les approches non stabilisées dans le cadre de leurs activités se verront demander de démontrer comment ils en sont venus à cette conclusion. TCCA [sic] encourage les exploitants aériens qui ont un programme établi de suivi des données de vol (SDV) d'utiliser [sic] ce programme aux fins de collecte et d'analyse de ces donnéesFootnote 37.

TC a conçu un projet de suivi pour déterminer l'efficacité de l'ASAC no 2014-03. Plus précisément, le bulletin interne de procédure no 2016-01 a pour objectif d'analyser l'évaluation qu'effectue chaque exploitant des approches non stabilisées à l'aide de son SGS et, le cas échéant, d'évaluer les mesures d'atténuation des risques mises en place, ainsi que la portée, le type et la fréquence des interventions liées aux approches non stabilisées.

Le BST attend de consulter l'analyse de TC : cette analyse lui permettra d'obtenir une meilleure compréhension des mesures que les compagnies aériennes ont mises en œuvre et de déterminer si elles atténuent efficacement la lacune de sécurité sous-jacente liée à la recommandation A14-01.

1.18.3 Prise de décision

1.18.3.1 Tendance à s'en tenir au plan

Un examen des enquêtes du National Transportation Safety Board des États-Unis sur 37 accidents réalisé par la National Aeronautics and Space Administration (NASA) et l'Ames Research Center a permis de déterminer que près de 75 % des erreurs de décision tactiques en cause dans ces 37 accidents avaient [traduction] « un thème commun : dans de nombreux cas, l'équipage de conduite a décidé de s'en tenir au plan original, malgré des indices qui recommandaient un changement de plan d'action » (en italiques dans le document original)Footnote 38.

Ce thème est communément appelé la « tendance à s'en tenir au plan » ou l'« erreur de poursuite du planFootnote 39 ».Les ouvrages de référence en aviation définissent de façon semblable ce thème comme étant « une tendance cognitive inconsciente consistant à poursuivre les activités prévues malgré des changements de conditionsFootnote 40 » ou « une tendance profondément enracinée des gens à poursuivre leur plan d'action initial même quand un changement justifie l'adoption d'un nouveau planFootnote 41 ».

La tendance à s'en tenir au plan est liée à la conscience situationnelleFootnote 42, Footnote 43. Par exemple, il peut arriver que les pilotes, par suite d'une baisse de conscience situationnelle, ne détectent pas un changement environnemental menaçant la sécurité de leur vol, et décident de poursuivre leur approche ou d'atterrir dans des conditions dangereuses.

En outre, la tendance à s'en tenir au plan est aussi liée à la charge de travail. Il est plus probable que les pilotes aient tendance à s'en tenir au plan dans des conditions de charge de travail élevéeFootnote 44. Les ouvrages de référence en aviation font également état de cette relation et qu'il est plus probable qu'elle survienne

[traduction]

lorsqu'une tâche est près d'être achevée, par exemple durant l'exécution d'une approche en vue d'atterrir ou le maintien de l'espacement prévu entre des aéronefs dans la séquence d'approche d'une piste particulièreFootnote 45.

1.18.3.2 Biais de confirmation

Le biais de confirmation est un phénomène décisionnel bien étayé et validé, documenté pour la première fois en 1960Footnote 46. Dans le contexte de l'aviation, ce biais peut prédisposer les pilotes à chercher des indices qui confirment que leur décision de poursuivre l'approche est la bonne. Autrement dit, lorsque les pilotes exécutent une approche, ils sont davantage portés à chercher, et par conséquent à trouver, des indices qui les incitent à croire qu'il est sécuritaire de poursuivre l'approche.

Le biais de confirmation pourrait être un facteur déterminant des erreurs de poursuite du plan. Dans de tels cas, les pilotes sont moins portés à détecter des changements qui contredisent leur idée qu'il est sécuritaire de poursuivre le plan en cours.

1.18.4 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST renferme les enjeux importants dans le système de transport du Canada; le BST la publie pour attirer l'attention de l'industrie et des organismes de réglementation sur les problèmes qui nécessitent une intervention immédiate.

1.18.4.1 Les approches non stabilisées sont un enjeu de sécurité de la Liste de surveillance 2016

Chaque année, des millions d'atterrissages se produisent sans incident sur les pistes canadiennes. Toutefois, pendant cette phase du vol, les approches non stabilisées augmentent considérablement le risque d'accident dont les conséquences peuvent se mesurer en dommages aux aéronefs, en blessures, voire en décès.

Des recherches internationales indiquent que les exploitants commerciaux enregistrent 3,5 % à 4 % d'approches non stabiliséesFootnote 47; 97 % d'entre elles se poursuivent jusqu'à l'atterrissage, tandis que seulement 3 % donnent lieu à une remise des gaz, et ce, malgré les politiques sur les approches stables des compagnies aériennes.

Si les politiques des exploitants sur les approches stables ne sont pas respectées, les pilotes continueront de poursuivre les approches non stabilisées jusqu'à l'atterrissage, ce qui augmente le risque d'accident à l'approche et à l'atterrissage.

Certaines compagnies aériennes utilisent des outils pour améliorer la conformité des équipages de conduite aux politiques sur les approches stables, à savoir la surveillance des données de vol, des programmes d'assurance qualité des opérations aériennes, des procédures d'utilisation normalisées explicites et des politiques non punitives liées à la remise des gaz. Toutefois, les grandes compagnies aériennes doivent propager l'usage de ces outils, les évaluer pour confirmer leur efficacité à réduire le nombre d'approches non stabilisées poursuivies jusqu'à l'atterrissage et les intégrer pleinement à leurs SGS.

1.19 Techniques d'enquête utiles ou indiquées

Sans objet.

2.0 Analyse

2.1 Généralités

Un examen des dossiers a révélé que l'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur, et rien n'indiquait que la fatigue ait été un facteur dans l'événement à l'étude. L'aéronef était en bon état de service durant l'approche à l'étude.

Après l'événement, on a signalé que l'un des feux individuels de l'indicateur de trajectoire d'approche de précision (PAPI) aurait pu être masqué par de la neige. Toutefois, rien n'indique que cela a posé un problème durant l'approche à l'étude. Il est probable que les balises lumineuses et les aides visuelles à la navigation fonctionnaient correctement durant l'approche.

Par conséquent, l'analyse examinera les questions sous-jacentes aux 4 principaux enjeux :

2.2 Approche

2.2.1 Conditions météorologiques

Le système météorologique s'est approché très rapidement de l'ouest et a rapidement réduit la visibilité de la piste, en commençant à l'extrémité de départ de la piste 30. Le contrôle de la circulation aérienne (ATC) a informé l'équipage de conduite à plusieurs reprises des conditions de visibilité décroissante détectées par le transmissomètre installé en bout de piste.

L'équipage de conduite n'avait aucun moyen de déterminer la vitesse à laquelle le système météorologique traversait la piste. Comme la piste était en vue lorsque l'aéronef s'approchait de l'altitude minimale de descente (MDA), l'équipage a choisi de poursuivre l'approche.

2.2.2 Vitesse à l'approche

L'équipage de conduite a observé ce qu'il croyait être les vitesses correctes pour l'approche.

Les 2 membres d'équipage ont réglé les curseurs de vitesse d'approche à 101 nœuds avant d'entreprendre l'approche, conformément aux procédures d'utilisation normalisées (SOP). Il était entendu que l'aéronef devait décélérer de 120 à 101 nœuds après avoir franchi les 500 pieds en descente. Le pilote aux commandes (PF) avait l'habitude de réaliser cette décélération par une réduction de puissance à 200 pieds. Toutefois, durant l'approche à l'étude, le PF a diminué la puissance au ralenti de vol afin de réduire la vitesse d'approche de 122 nœuds à 101 nœuds à 200 pieds au-dessus du sol. Cette manœuvre a accentué la trajectoire verticale de l'aéronef.

2.2.3 Changement à la trajectoire verticale

L'angle de la trajectoire verticale établie avant la réduction de puissance à 200 pieds aurait permis à l'aéronef d'arriver près de la zone normale d'atterrissage, quoiqu'à une vitesse anémométrique supérieure à la Vref.

Lorsque le PF a réduit la puissance vers le ralenti de vol à 200 pieds, l'aéronef a rapidement décéléré. L'assiette en cabré de l'aéronef a graduellement augmenté, et sa vitesse verticale était relativement stable; or, la trajectoire verticale est devenue plus accentuée à cause de la réduction de la vitesse anémométrique et la réduction conséquente de la vitesse sol.

Sous les 200 pieds, les pilotes ont normalement un contact visuel avec l'environnement de la piste et le balisage lumineux d'approche. Grâce à ces repères visuels, il serait normalement possible de détecter un profil de vol vertical trop prononcé et de le corriger en accroissant davantage, au besoin, l'assiette en cabré ou la puissance.

Durant l'approche à l'étude, l'équipage de conduite a perdu le contact visuel avec la piste à une hauteur inférieure à 200 pieds. Les feux de l'indicateur PAPI sont habituellement la meilleure source de guidage visuel pour la trajectoire verticale. Étant donné une visibilité de 1200 pieds de la portée visuelle de piste (RVR), ces feux n'auraient été visibles qu'une fois que l'aéronef se serait trouvé presque au-dessus du seuil de piste.

La visibilité qui diminuait rapidement a obscurci les environs de l'aéroport et les feux PAPI. Par conséquent, l'équipage de conduite n'a ni remarqué ni corrigé le profil de vol vertical accentué.

2.2.4 Poursuite de l'approche après la perte des repères visuels

2.2.4.1 Formation

La formation que donne Jazz Aviation LP (Jazz) aux équipages de conduite et que les 2 membres en cause avaient suivie comprend entre autres des exercices sur simulateur; notamment, la remise des gaz après la perte de repères visuels à environ 100 pieds durant l'approche. Toutefois, ni l'un ni l'autre des membres de l'équipage ne se rappelait avoir dû effectuer une remise des gaz dans de telles conditions.

2.2.4.2 Biais de confirmation

Le biais de confirmation peut prédisposer les pilotes à chercher des indices qui confirment que leur décision de poursuivre l'approche est la bonne. Autrement dit, les pilotes en approche sont davantage portés à chercher, et par conséquent à trouver, des indices qui les incitent à croire qu'il est sécuritaire de poursuivre l'approche.

Lors de l'événement à l'étude, les vitesses d'approche étaient relativement proches de l'entendement qu'avait l'équipage de conduite des exigences d'une approche stabilisée. Cette situation a peut-être mené au biais de confirmation; c'est-à-dire que l'équipage de conduite pourrait ne pas avoir perçu la vitesse décroissante ou la perte de visibilité, et avoir plutôt choisi de se concentrer sur sa perception de la stabilité. Si l'équipage de conduite avait auparavant poursuivi avec succès des approches alors qu'il se trouvait sous la MDA, cela a renforcé la notion que la poursuite du plan établi était la bonne option.

2.2.4.3 Tendance à s'en tenir au plan

On peut décrire la tendance à s'en tenir au plan comme une « tendance profondément enracinée des gens à poursuivre leur plan d'action initial même quand un changement de situation justifie l'adoption d'un nouveau planFootnote 48 ».

De nombreux facteurs peuvent accroître la probabilité qu'un pilote s'en tienne au plan et poursuive une approche ou un atterrissage dans des conditions dangereuses. Ces facteurs comprennent

En ce qui a trait au vol à l'étude, vers la fin de l'approche, l'aéronef s'est trouvé dans des conditions météorologiques qui évoluaient rapidement, et l'équipage a perdu toute visibilité.

L'équipage n'avait aucun repère pour déterminer la trajectoire d'approche verticale après que l'aéronef a franchi 200 pieds. Étant donné la perte de visibilité causée par la poudrerie, l'équipage de conduite a perçu que l'aéronef était très proche du sol, et donc très proche de la piste. Cette perception est révélatrice d'une conscience situationnelle réduite.

L'équipage devait composer avec une charge de travail accrue à ce moment, étant donné que la vitesse d'approche n'était pas stabilisée et qu'il devait modifier la puissance et l'assiette longitudinale pour réaliser la réduction de vitesse prévue. L'équipage devait partager son attention entre le temps qu'il faisait à l'extérieur et la surveillance des paramètres d'approche à l'intérieur.

L'équipage de conduite a perçu que l'aéronef était dans un état stable; en outre, jamais il n'avait dû remettre les gaz auparavant à cause du temps une fois que l'aéronef se trouvait sous la MDA. Le biais de confirmation mentionné précédemment a probablement mené l'équipage de conduite à se concentrer sur ces facteurs positifs qui laissaient croire que l'approche était sécuritaire, tout en détournant son attention des facteurs qui indiquaient le contraire.

Le manuel d'utilisation aéronef (AOM) du DASH 8 de Jazz (Jazz DASH 8 AOM Volume 2: Aircraft Operating Manual) indique aux équipages de conduite de remettre les gaz s'ils perdent de vue l'environnement de la piste sous les minimums. Toutefois, l'augmentation de la charge de travail découlant de l'approche non stabilisée, de la réduction de la conscience situationnelle à cause du mauvais temps, et du biais de confirmation vers la fin de l'approche ont probablement mené l'équipage à s'en tenir au plan. Quoique la perte de repères visuels ait nécessité une remise des gaz, la tendance à s'en tenir au plan a mené l'équipage de conduite à poursuivre l'approche jusqu'à l'atterrissage.

2.2.5 Impact avec le relief

L'approche s'est poursuivie jusqu'à l'atterrissage après la perte de visibilité. L'équipage de conduite s'attendait probablement à ce que le système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS) l'avertisse de la hauteur de l'aéronef à mesure que ce dernier s'approchait du relief.

Toutefois, le système TAWS n'a pas averti l'équipage de la proximité avec le sol de l'aéronef une fois que ce dernier se trouvait à moins de 50 pieds, peut-être à cause de la rapidité du rapprochement. L'absence d'avertissement explique pourquoi l'équipage n'était pas au courant de la hauteur de l'aéronef au-dessus du sol.

Étant donné le profil de vol vertical prononcé et non corrigé, la perte de repères visuels et l'absence d'avertissement normal de la proximité du relief, l'aéronef a percuté le relief environ 450 pieds avant le seuil de piste.

2.3 Exploitant

2.3.1 Approches stabilisées

Les approches stabilisées ne constituent pas une exigence réglementaire. Toutefois, étant donné l'historique d'accidents et les nombreuses études et nombreux rapport sur ce sujet, la plupart des exploitants, y compris Jazz, ont adopté un principe d'approche stabilisée et ont incorporé des critères d'approche stabilisée dans leurs SOP.

Les exploitants élaborent leurs propres critères d'approche stabilisée et se fondent souvent sur des lignes directrices publiées par des organisations comme la Fondation pour la sécurité aérienne ou d'autres partenaires sectoriels.

Les détails exacts des critères d'approche stabilisée ainsi adoptés sont souvent différents d'un exploitant à l'autre, et la tolérance en matière de vitesse peut varier de 0 à 20 nœuds. Par contre, peu importe la vitesse cible retenue, le concept d'approche stabilisée doit se caractériser par le maintien d'une vitesse d'approche stable. Autrement dit, l'objectif est de ne pas accélérer ou décélérer d'une extrémité à l'autre de la limite de tolérance en approche finale.

L'examen des données de plus de 500 vols enregistrées par 2 enregistreurs de données de vol (FDR) de Jazz a montré que les aéronefs de la compagnie décélèrent couramment durant les approches, notamment sous la hauteur minimale de stabilisation de 500 pieds.

Le besoin de décélérer accroît la charge de travail de l'équipage de conduite et sa surveillance pour ajuster ou corriger la décélération et détourne son attention d'autres tâches potentiellement prioritaires, comme la surveillance de la trajectoire de vol, les conditions météorologiques ou le dépassement d'autres paramètres de vol.

Si l'on effectue couramment des approches qui exigent une décélération excessive sous les hauteurs de stabilisation établies, le risque qu'il se produise des accidents à l'approche ou à l'atterrissage perdure.

2.3.2 Procédures d'utilisation normalisées

L'AOM en vigueur au moment de l'accident comptait plusieurs articles décrivant la vitesse requise à l'approche. Toujours d'après cet AOM, [traduction] « l'impossibilité d'établir ou de maintenir un état stabilisé donne lieu à une l'approche interrompueFootnote 49 ».

Avant l'approche, les équipages de conduite ont pour instruction de régler le curseur de vitesse d'approche à Vref + 5 nœuds. Avec l'aéronef à sa masse la plus faible, la Vref serait de 87 nœuds. Donc on pourrait régler ce curseur à une vitesse aussi basse que 92 nœuds.

Le paragraphe intitulé « Stabilized Approach Factors » [Facteurs d'une approche stabilisée] reprend cette vitesse curseur. On y lit que la vitesse d'approche finale devrait être Vref + 5 nœuds et devrait être réduite pour réaliser Vref au moment d'atteindre le seuil de piste.

Les paragraphes de l'AOM intitulés « Profiles » [Profils] et « Target Speeds » [Vitesses cibles] indiquent une vitesse de 120 nœuds une fois que l'aéronef est établi en approche.

Étant donné qu'au moment de l'événement, les lignes directrices comprenaient une divergence pouvant atteindre 28 nœuds, un membre d'équipage aurait fort à faire pour remarquer un écart qui dépasse la limite de tolérance spécifiée de +10 nœuds à −0 nœud. Selon la vitesse que ciblait le PF, la plage de vitesses perçue comme étant acceptable pouvait être de 87 à 130 nœuds.

Jazz a ajouté une nouvelle formation au cycle d'entraînement sur simulateur 2014–2015 pour que les pilotes apprennent à reconnaître une approche non stabilisée et à amorcer une remise des gaz. Or, les membres de l'équipage en cause n'avaient pas encore suivi cet entraînement au moment de l'événement à l'étude.

Si les lignes directrices fournies aux équipages de conduite comprennent des tolérances trop grandes, et si les équipages ne sont pas formés pour reconnaître un état non stabilisé, il y a un risque continu que les vols non stabilisés se poursuivent jusqu'à l'atterrissage.

2.3.3 Examen des données de vol

2.3.3.1 Dépassement des critères d'approche stabilisée

L'examen des données extraites du FDR de l'aéronef en cause a révélé qu'à l'approche, à 500 pieds au-dessus du sol, la vitesse était à 21 nœuds au-dessus de la vitesse anémométrique stabilisée établie de 101 nœuds.

Un examen plus approfondi des données d'autres vols enregistrées par le FDR de l'aéronef en cause, et de données additionnelles d'un second FDR, a révélé un écart moyen de 17 nœuds à une hauteur de 100 pieds sous l'altitude minimale de stabilisation, pour l'ensemble des vols.

Lorsque l'on a transmis cette information à l'exploitant, ce dernier a estimé que cet écart reflétait le fait que les équipages ciblaient une vitesse de 120 nœuds, plutôt que Vref + 5 nœuds. Il a ajouté qu'il incombait aux équipages de conduite de reconnaître qu'une vitesse de 120 nœuds est inappropriée en dessous de 500 pieds lorsque la vitesse curseur pour l'approche est de 96 nœuds.

L'écart moyen enregistré de 17 nœuds par rapport à la vitesse curseur à 400 pieds laisse croire qu'en fait, les équipages de conduite ne reconnaissent pas l'inadéquation d'un tel écart. Comme les lignes directrices des SOP relatives à la vitesse cible varient de 120 nœuds à Vref + 5 nœuds, c'est probablement cette ambiguïté qui est à l'origine de la confusion.

Durant le vol à l'étude, étant donné l'ambiguïté des lignes directrices et l'incertitude quant aux vitesses requises durant l'approche, l'équipage n'a pas perçu que l'approche n'était pas stabilisée et l'a poursuivie.

2.3.3.2 Décélération durant l'approche

L'examen de la vitesse de tous les vols enregistrés à diverses altitudes en dessous de 1000 pieds durant l'approche finale montre qu'en général, il y avait décélération stable à l'approche, même une fois sous la hauteur minimale de stabilisation de 500 pieds.

L'exploitant estime que les directives actuelles du secteur sur les critères d'approche stabilisée permettent à un exploitant de définir une plage de vitesses pour son programme de facteurs d'approche stabilisée. Ainsi, Jazz considérerait comme stable toute réduction de vitesse depuis la cible de 120 nœuds jusqu'à la vitesse minimale de manœuvrabilité (Vref + 5 nœuds), pour autant que cette réduction ne soit pas excessive.

L'exploitant ne définit pas, que ce soit dans sa réponse au BST ou dans les manuels de la compagnie, ce qu'il considérerait comme une réduction excessive. Toutefois, toute décélération prévue ou intentionnelle serait contraire au concept d'approche stabilisée, qui exige une vitesse anémométrique stable.

Les SOP de la compagnie stipulent une vitesse d'approche de Vref + 5 nœuds; or, les équipages de conduite interprètent cette vitesse comme une cible à atteindre en décélérant depuis 120 nœuds une fois que l'aéronef se trouve sous les 500 pieds. Par conséquent, la plupart des approches examinées, y compris celle à l'étude, étaient non stabilisées à cause d'une telle décélération.

Il se peut que de façon générale, les équipages de conduite aient adopté ce style d'approche en décélération pour accommoder les demandes fréquentes des contrôleurs de l'ATC pour des vitesses plus élevées à l'approche. Toutefois, rien ne laisse croire que l'équipage en cause ait maintenu des vitesses plus élevées durant cette approche en particulier pour accommoder le contrôleur de l'ATC.

2.3.4 Système de gestion de la sécurité

2.3.4.1 Utilisation des systèmes de gestion de la sécurité pour aborder les risques d'approches non stabilisées

En réponse à la recommandation A14-01 du BST, Transports Canada a publié l'alerte à la sécurité de l'Aviation civile (ASAC) intitulée « Utilisation des SGS pour examiner les dangers et les risques associés aux approches non stabilisées », en juin 2014.

À défaut d'un suivi des données de vol (FDM), cette ASAC recommande que les exploitants examinent la base de données de leur système de gestion de la sécurité (SGS) pour déterminer la fréquence des approches non stabilisées afin de faire une évaluation proactive des dangers.

Conformément au protocole SGS, l'équipage de conduite a signalé l'événement. Le service Sécurité, qualité et environnement (SQE) de la compagnie a enquêté sur l'événement et a préparé un rapport qui explique en détail ses constatations, les facteurs de causalité et un plan de mesures correctives ou d'atténuation des risques.

Le rapport d'enquête du service SQE a souligné que l'équipage n'avait pas maintenu une approche stabilisée en dessous de la MDA, et que les lignes directrices de l'AOM sur les approches stabilisées pourraient être plus claires.

Dans le cadre de son enquête, le service SQE a examiné la base de données SGS de la compagnie pour y relever d'autres rapports semblables d'approches non stabilisées en dessous de 500 pieds. Cet examen n'a révélé aucun autre cas semblable. L'enquête du SQE n'a pas examiné les données de vol enregistrées d'autres vols pour déterminer si cette approche non stabilisée était un problème systémique ou un cas isolé. Toutefois, l'examen des données des FDR par le BST a révélé que, d'après la définition de l'exploitant, plus de 84 % des vols enregistrés n'étaient pas stabilisés en dessous de 500 pieds.

Étant donné l'ambiguïté des lignes directrices sur les vitesses cibles, il est probable que les équipages de conduite des vols non stabilisés n'aient pas reconnu leur état non stabilisé. Si les équipages de conduite ne reconnaissent pas l'état non stabilisé d'un vol, il est entendu qu'ils ne déclareront pas ces cas au moyen du SGS de l'exploitant.

Par conséquent, si les équipages ne déclarent pas les approches non stabilisées et si les exploitants ne font pas de FDM, mais se fient uniquement aux rapports SGS pour déterminer la fréquence des approches non stabilisées, il y a un risque que ces problèmes persistent et mènent à un accident.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Les procédures d'utilisation normalisées de la compagnie stipulent une vitesse d'approche de Vref + 5 nœuds; or, les équipages de conduite interprètent cette vitesse comme une cible à atteindre en décélérant depuis 120 nœuds une fois que l'aéronef se trouve sous les 500 pieds. Par conséquent, la plupart des approches examinées, y compris celle à l'étude, étaient non stabilisées à cause d'une telle décélération.
  2. Étant donné l'ambiguïté des lignes directrices et l'incertitude quant aux vitesses requises durant l'approche, l'équipage n'a pas perçu que l'approche n'était pas stabilisée et l'a poursuivie.
  3. Durant l'approche, le pilote aux commandes a diminué la puissance au ralenti de vol afin de réduire la vitesse d'approche de 122 nœuds à 101 nœuds à 200 pieds au-dessus du sol. Cette manœuvre a accentué la trajectoire verticale de l'aéronef.
  4. La visibilité qui diminuait rapidement a obscurci les environs de l'aéroport et les feux de l'indicateur de trajectoire d'approche de précision. Par conséquent, l'équipage de conduite n'a ni remarqué ni corrigé le profil de vol vertical accentué.
  5. Quoique la perte de repères visuels ait nécessité une remise des gaz, la tendance à s'en tenir au plan a mené l'équipage de conduite à poursuivre l'approche jusqu'à l'atterrissage.
  6. Le système d'avertissement et d'alarme d'impact n'a pas averti l'équipage de la proximité au sol de l'aéronef une fois que ce dernier se trouvait à moins de 50 pieds, peut-être à cause de la rapidité du rapprochement. L'absence d'avertissement explique pourquoi l'équipage n'était pas au courant de la hauteur de l'aéronef au-dessus du sol.
  7. Étant donné le profil de vol vertical prononcé et non corrigé, la perte de repères visuels et l'absence d'avertissement normal de la proximité du relief, l'aéronef a percuté le relief environ 450 pieds avant le seuil de piste.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si les lignes directrices fournies aux équipages de conduite comprennent des tolérances trop grandes, et si les équipages ne sont pas formés pour reconnaître un état non stabilisé, il y a un risque continu que les vols non stabilisés se poursuivent jusqu'à l'atterrissage.
  2. Si l'on effectue couramment des approches qui exigent une décélération excessive sous les hauteurs de stabilisation établies, le risque qu'il se produise des accidents à l'approche ou à l'atterrissage perdure.
  3. Si les équipages ne déclarent pas les approches non stabilisées et si les exploitants ne font pas de suivi des données de vol, mais se fient uniquement aux rapports du système de gestion de la sécurité pour déterminer la fréquence des approches non stabilisées, il y a un risque que ces problèmes persistent et mènent à un accident.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

Jazz Aviation LP (Jazz) a pris les mesures de sécurité suivantes en réaction directe à l'événement :

[traduction]

À 1000 pieds au-dessus de l'altitude de l'aérodrome (AFE)

À 500 pieds AFE

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .