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Rapport d'enquête maritime M97F0002

Chavirement
du chaland « SEASPAN 177 »
et perte d'une pleine cargaison de ferraille
Puget Sound, Washington, É.-U.
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Dans la soirée du 29 janvier 1997, le chaland sans équipage « SEASPAN 177 » transportant en pontée un chargement complet de ferraille a chaviré et perdu sa cargaison en cours de remorquage entre Victoria (Colombie-Britannique) et Tacoma (Washington). Au momentNote de bas de page 1 de l'accident, le chaland se trouvait à environ 500 m derrière le remorqueur « SEASPAN VALIANT ». L'équipage du remorqueur ne connaît ni l'heure exacte du chavirement ni le déroulement des événements. L'accident n'a fait ni pollution ni blessé.

Autres renseignements de base

Fiche technique du navire

Nom « SEASPAN 177 »
Numéro officiel 347034
Port d'immatriculation Vancouver
Pavillon Canada
Type Chaland
Jauge brute 1 211 tonneaux
Longueur 61 m
Construction 1972, Vancouver (C.-B.)
Propulsion Sans moyen de propulsion
Propriétaires Seaspan International Ltd., North Vancouver (C.-B.)

Le « SEASPAN 177 » est un chaland en acier soudé conçu pour le transport de cargaisons en pontée. Il a un port en lourd utile de 3 225 tonnes américaines (2 926 tonnes métriques) à 1 pi 6 po (45,7 centimètres) de franc-bord. La coque est divisée en 12 compartiments étanches par une cloison longitudinale et cinq cloisons transversales.

Des pavois en aciers de 5 pi 5 po (1,67 m) de hauteur, partant des côtés bâbord et tribord du chaland, forment, sur le pont principal, une boîte à cargaison qui est ouverte aux extrémités avant et arrière, et qui est munie de sabords de décharge au bas de chaque muraille latérale.

Le 29 janvier 1997 vers 12 h, le « SEASPAN 177 », avec une cargaison de ferraille, a quitté le quai de Budget Steel (un point de chargement) à Victoria (Colombie-Britannique), en remorque du « SEASPAN RASCAL », un petit remorqueur de port.

Selon le Rapport d'expertise du tirant d'eau, après avoir terminé le chargement au quai de Budget Steel, le chaland avait une légère gîte sur bâbord. Il était également sur cul par 6 pouces (15,2 cm) et son franc-bord moyen s'établissait à 1 pi 51/ 8 po (43,43 cm). Selon les calculs, le chaland pouvait prendre un chargement de 3 025 tonnes américaines (2 744 tonnes métriques). La cargaison était chargée sur le pont en un tas dont le sommet était environ 8 pi (2,43 m) plus haut que les côtés.

À 13 h 10, le « SEASPAN RASCAL » a remis le chaland au « SEASPAN VALIANT », un plus gros remorqueur qui devait conduire celui-ci à Tacoma dans l'État de Washington. Selon le patron du « SEASPAN VALIANT », lorsqu'il a pris le chaland en remorque, celui-ci était apparemment droit, la cargaison semblait également répartie de chaque côté et le métal le plus léger se trouvait au milieu.

En cours de route, la touée était d'environ 1 643 pi (500 m), et le remorqueur filait 5,5 noeuds à 1 200 tours par minute environ.

L'équipe de navigation du remorqueur a souvent vérifié la remorque sans rien remarquer d'inquiétant. Tant qu'il a fait jour, on voyait très bien le chaland derrière, mais lorsque la nuit est tombée, l'équipage du remorqueur ne distinguait plus que les feux de navigation du chaland. De temps à autre, on braquait brièvement un projecteur vers celui-ci pour s'assurer que tout était normal.

À 19 h 05, le remorqueur a doublé Wilson Point avant de pénétrer dans Admiralty Inlet par la voie de circulation vers le sud. Le temps était pluvieux avec un vent de 40 noeuds du sud-est, et une mer de 3 pi (91 cm). La nuit était noire et la visibilité était réduite à environ 3 milles sous la pluie.

Vers 22 h 30, le patron du remorqueur a remarqué que l'allure avait légèrement diminué. Cherchant à en connaître la raison, il a raccourci la touée, ouvert le projecteur et constaté que le chaland avait chaviré.

Le patron a averti les Services de communications et de trafic maritimes, le propriétaire et le Safety Office de la Garde côtière américaine (USCG) à Seattle, Washington. À 23 h 50, la USCG a ordonné au remorqueur de ramener le chaland chaviré à Port Townsend, Washington, pour le faire inspecter.

Le 30 janvier à 9 h 45, le remorqueur et le chaland sont arrivés à Port Townsend où les autorités américaines sont montées à bord pour inspecter le remorqueur ainsi que le chaland chaviré. À 12 h 15, le remorqueur et le chaland ont été autorisés à quitter Port Townsend pour se rendre à Vancouver, sur les ordres du propriétaire.

Le 31 janvier 1997 à 10 h 25, le remorqueur et le chaland sont arrivés à Vancouver où une nouvelle inspection du chaland a permis de découvrir une perforation de la coque du côté tribord, entre les couples 6 et 7, à environ 4 pi 3 po (1,3 m) au-dessus de la ligne d'eau zéro, soit à peu près 1 pi 3 po (38 cm) en haut de la flottaison à lège. L'ouverture avait environ 2 po (5 cm) de largeur sur 5 po (13 cm) de hauteur. Submergée, elle permettait à l'eau de mer d'envahir le compartiment no 4 de tribord.

Pour faciliter le sauvetage du « SEASPAN 177 », les parois endommagées de la boîte à cargaison ont été coupées sous l'eau et le 19 mars 1997, le chaland a été remis à l'endroit à l'aide des installations du chantier maritime.

Le rapport d'expertise du tirant d'eau daté du 30 janvier 1997 contient les mesures avant et après le chargement. Le franc-bord moyen du chaland vide s'établissait à 10 pi 8½ po (3,259 m) le 23 janvier, avant le chargement. Le 29 janvier, après le chargement, il était de 1 pi 51/ 8 po (43,4 cm). La densité de l'eau du bassin était de 1,015 tonnes par mètre cube à ces deux dates. Le poids de la cargaison prise à bord du chaland était de 3 025 tonnes américaines (2 744 tonnes métriques).

Selon les tables de port en lourd du « SEASPAN 177 », préparées en 1976, le port en lourd qui correspond à un franc-bord de 10 pi 8½ po (3,259 m) est de 193,6 tonnes américaines (175,6 tonnes métriques). De plus, le port en lourd qui correspond à un franc-bord de 1 pi 51/ 8 po (43,4 cm) est de 3 219,1 tonnes américaines (2 920,2 tonnes métriques). Il s'agit, dans les deux cas, de données corrigées pour tenir compte de la densité de l'eau.

La Direction générale de la sécurité maritime de Transports Canada avait délivré au « SEASPAN 177 », le 4 février 1997, à titre provisoire, un certificat international de jauge valide pour un an.

Le « SEASPAN 177 », qui est un chaland sans équipage construit avant le 1er septembre 1977 et qui ne transporte pas de polluants, n'est pas inspecté par la Direction générale de la sécurité maritime de Transports Canada. De plus, le bâtiment ne doit pas obligatoirement satisfaire aux exigences (provisoires) de stabilité de la Garde côtière du Canada.

Comme il s'agit en outre d'un chaland exploité dans les eaux canadiennes où à l'intérieur de la zone visée par le traité, le « SEASPAN 177 » n'est pas assujetti aux exigences de la Convention internationale de 1966 sur les lignes de charge. Par conséquent, aucun certificat de ligne de charge fixant un franc-bord minimal pour le chaland n'a jamais été délivré.

Analyse

Le chargement des chalands sans équipage n'est pas réglementé au Canada. Le volume de cargaison transporté par ces chalands entre des ports canadiens, ou encore entre des ports canadien et américain à l'intérieur de la zone visée par le traité sur la côte Ouest, est donc déterminé de façon empirique.

Les données de l'expertise du tirant d'eau montrent que le chaland avait à son bord environ 193 tonnes américaines (175 tonnes métriques) d'origine inconnue avant le début du chargement de la ferraille.

Il est improbable que le poids du chaland lège ait connu une telle hausse après la préparation des échelles de charge en 1976. Le chaland n'a pas subi de transformation et aucune structure permanente n'a été ajoutée à la coque ni à la boîte à cargaison.

La présence d'eau dans les compartiments sous le pont est donc la seule explication plausible de ce supplément de poids initial. La brèche dans le bordé de coque a de toute évidence permis à l'eau de mer d'envahir lentement le compartiment no 4 pendant les précédents voyages du chaland chargé.

À la lumière des faits connus, on peut se risquer à imaginer un scénario plausible qui aurait pu conduire au chavirement. Dès que la brèche a été immergée pendant le chargement de la ferraille à Victoria, la quantité d'eau dans le compartiment a augmenté ce qui, en revanche, a provoqué une hausse de la pression d'air dans le compartiment qui a ralenti l'envahissement.

Par la suite, l'air a pu s'échapper lentement par des accessoires de pont comme des trous d'homme et des orifices de sondage. L'eau a donc pu continuer à pénétrer lentement. Les arrimeurs, inconscients de la présence d'eau à l'intérieur de la coque, se sont contentés de corriger l'assiette et la gîte en disposant la cargaison en conséquence.

Au cours du voyage, l'eau a dû pénétrer dans le compartiment de tribord jusqu'à ce que le poids soit suffisant pour provoquer la submersion de la ligne de pont et abaisser le moment du couple de redressement. La gîte s'est probablement ensuite accrue jusqu'à ce que la pontée commence à riper. Le poids combiné de l'eau et de la pontée ainsi déplacée a vraisemblablement fini par provoquer le chavirement.

Les conditions météorologiques pendant le voyage ont imprimé un roulis au chaland et de l'eau s'est infiltrée dans la cargaison en pontée. Ces facteurs externes additionnels ont certainement hâté le chavirement.

Faits établis

  1. Le chaland sans équipage « SEASPAN 177 » a chaviré alors qu'il était en remorque.
  2. De l'eau a envahi le compartiment mort sous le pont par une brèche dans le bordé de coque du chaland.
  3. Le chaland n'avait pas de ligne de charge désignée établissant une charge maximale sécuritaire et un franc-bord minimal.
  4. La cargaison a glissé hors du pont du chaland et a été perdue.

Causes et facteurs contributifs

Le « SEASPAN 177 » a chaviré parce qu'une brèche dans la coque a permis l'entrée d'eau de mer dans deux compartiments sous le pont. Cette eau a créé un moment d'inclinaison transversale et détruit la stabilité transversale du chaland.

La cause de la brèche dans le bordé du flanc tribord du chaland n'a pas été déterminée.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du président, Benoît Bouchard, et des membres, Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.