Language selection

Rapport d'enquête ferroviaire R95V0174

Collision
Chemin de fer Canadien Pacifique
Train numéro 401-17 et train numéro 996-19
Point milliaire 25,9, subdivision Thompson
Savona (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 4 h 20, heure avancée du Pacifique (HAP), le train no 401-17 (train 401) du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) est entré en collision avec le train no 996-19 (train 996) du CFCP au point milliaire 25,9 de la subdivision Thompson, à Savona (Colombie-Britannique). Par suite de la collision, 3 locomotives et 10 wagons du train 401, ainsi que 14 wagons du train 996, ont déraillé. Le chef de train et le mécanicien du train 401 ont subi des blessures. Les wagons qui ont déraillé ne contenaient pas de marchandises dangereuses.

Autres renseignements factuels

Le train 401 qui se dirige vers l'ouest quitte Kamloops (Colombie-Britannique) vers 3 h 7Note de bas de page 1 et parvient à Savona sans incident. Il se compose de 3 locomotives et de 41 wagons chargés. Il mesure environ 5 800 pieds de long et pèse quelque 4 800 tonnes. L'équipe du train, qui se compose d'un mécanicien, d'un chef de train et d'un agent de tête, avait reçu l'ordre de se présenter à Kamloops le 20 août 1995 à 2 h 20 pour conduire le train 401 jusqu'à North Bend (Colombie-Britannique).

À Savona, le train 401 qui se dirige vers l'ouest croise le train no 992-19 (train 992) qui se dirige vers l'est mais qui s'est arrêté à l'extrémité est de la voie d'évitement, à la hauteur du signal 246D (point milliaire 24,6). Deux membres de l'équipe de ce train, postés de chaque côté de la voie principale, inspectent le train 401 au passage. Plus à l'ouest, le train 401 rencontre le train 996 qui se dirige vers l'est et qui se rapproche du train 992 sur la voie d'évitement. Le train 401 reçoit alors un rapport favorable d'inspection au passage de l'équipe du train 992 et prend plusieurs courbes à l'approche de l'extrémité ouest de la voie d'évitement. Son équipe voit que le signal 259 (point milliaire 25,9), qui régit le mouvement des trains à l'aiguillage ouest de la voie d'évitement, présente l'indication d'arrêt. Elle voit aussi que le train 996 n'a pas fini de s'engager sur la voie d'évitement, juste après le signal. Le mécanicien serre les freins d'urgence du train et ralentit le train de 38 mi/h à 24 mi/h avant que celui-ci n'entre en collision avec l'arrière du train 996. Le choc fait dérailler 3 locomotives et 10 wagons du train 401, ainsi que 14 wagons du train 996. Les locomotives déraillées heurtent l'une des culées du passage supérieur de la route transcanadienne et se renversent sur le côté. Le mécanicien et le chef du train 401 subissent de graves blessures, tandis que l'agent de train, qui se trouve dans la deuxième locomotive, subit de légères blessures.

Dans la subdivision Thompson, le mouvement des trains est régi par la commande centralisée de la circulation (CCC), autorisée par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et est surveillé par le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) situé à Vancouver (Colombie-Britannique). Le mouvement des trains est régi et autorisé par les indications des signaux. La méthode de contrôle du mouvement des trains en question ne s'accompagne actuellement d'aucun automatisme capable d'arrêter un train ou de faire observer la vitesse prescrite. Il n'y a aucun système d'avertissement passif associé à cette méthode pour indiquer aux trains qu'ils approchent de zones de restriction. La CCC est utilisée au Canada dans sa forme actuelle depuis quelque 45 ans. Elle a été installée dans la subdivision Thompson en 1967.

Le signal 221, qui régit les mouvements vers l'ouest qui approchent de l'aiguillage est de la voie d'évitement à Savona, donne une indication de vitesse normale, qui permet d'avancer. À l'approche du signal 245, situé juste à l'est de l'aiguillage est de la voie d'évitement de Savona, le chef du train 401 remplit une fiche de service pour un parcours précédent, et le mécanicien fait des mots croisés, allongé sur son siège. Le train roule à quelque 28 mi/h. La lumière de cabine intérieure située au-dessus du mécanicien est allumée pour éclairer les mots croisés. Le mécanicien lève les yeux et voit le premier train sur la voie d'évitement et les deux membres d'équipe au sol. Il ne se rappelle pas avoir vu l'indication du signal 245. La manette des gaz est en position no 8. Le chef de train se rappelle avoir vu quelque chose de vert en direction du signal 245, mais ne se souvient pas à quel endroit le feu vert était situé sur le signal. Il se rappelle aussi avoir vu le train 992 et les membres d'équipe postés au sol pour l'inspection. Il baisse à nouveau les yeux sur la fiche qu'il remplit. Un peu plus tard, il relève les yeux pour confirmer sa première observation du signal, mais le train a passé le signal 245 et franchit l'aiguillage est de la voie d'évitement. L'agent de train se rappelle avoir vu une indication de vitesse normale au signal 245.

Le signal 245 est un signal haut à trois feux. Il donne l'indication de vitesse normale lorsque le feu supérieur est vert et que les deux autres sont rouges. D'après les essais effectués après l'accident, le système de signalisation fonctionnait comme prévu. Il est conçu pour présenter une indication plus restrictive que les conditions d'exploitation ne l'exigent en cas de défectuosité. Si le signal est imparfaitement donné, les équipes doivent lui obéir comme s'il donnait son indication la plus restrictive (règle 27 du REF). Dans le cas du signal 245, l'indication la plus restrictive qu'il puisse donner est celle d'arrêt absolu (règle 429 du REF : trois feux rouges).

Le fait que le train 996 s'engageait sur la voie d'évitement à l'extrémité ouest de Savona n'a pas dû permettre au système de signalisation de donner une indication moins restrictive que l'indication de vitesse normale à arrêt (règle 410 du REF) au signal 245 au moment où le train 401 approchait de l'extrémité est de Savona. Cette indication signifie : «avancer : être prêt à s'arrêter au signal suivant». Elle est donnée à ce signal par un feu jaune au-dessus de deux feux rouges.

Le mécanicien avait la compétence requise pour occuper son poste depuis 18 ans environ et travaillait dans la subdivision Thompson depuis 9 ans environ. Le chef de train avait la compétence requise pour occuper son poste depuis 17 ans environ et travaillait dans la subdivision Thompson depuis 18 ans environ. Ils répondaient tous deux aux exigences en matière de repos et de condition physique lorsqu'ils se sont présentés au travail.

Au moment de la collision, le ciel était clair, les vents étaient calmes, et la visibilité de nuit était bonne. La température était de huit ° C.

Analyse

Rien n'indique que le système de signalisation fonctionnait mal. Il y a donc lieu d'en conclure que le signal 245 donnait l'indication de vitesse normale à arrêt au train 401.

À l'approche du signal 245 situé à l'extrémité est de Savona, le mécanicien et le chef du train 401 se livraient à des activités qui n'avaient aucun rapport avec la conduite de leur train. Par conséquent, aucun d'eux n'a vu l'indication du signal 245. L'agent de train, qui était posté dans une locomotive menée, maintient fermement qu'il a vu un signal de vitesse normale, même si rien ne porte à croire que le système de signalisation fonctionnait mal. Le train roulait donc à 38 mi/h à l'approche de l'extrémité ouest de la voie d'évitement et il n'a pu s'arrêter avant de heurter le train 996 à quelque 24 mi/h.

Les membres de l'équipe partagent tous la responsabilité de la sécurité de fonctionnement du train, et pourtant aucun d'eux n'a contesté ce que l'autre faisait. De plus, aucun d'eux n'a choisi de se montrer plus vigilant parce que l'autre ne se concentrait pas entièrement sur sa tâche.

Chaque membre d'une équipe compte en permanence sur les autres membres. Il se peut qu'en cette occasion, chaque membre de l'équipe ait supposé que les autres membres étaient vigilants, ce qui lui permettait de se consacrer quelques instants à d'autre chose sans danger.

La CCC est la méthode de contrôle de la marche des trains depuis 29 ans dans la subdivision Thompson. Elle ne permet pas d'intervenir pour arrêter un train ou en régler la vitesse au besoin. Un système de commande de la circulation ferroviaire capable d'arrêter un train ou de donner un avertissement passif aurait pu prévenir cette collision.

Faits établis

  1. Le train 996 était exploité conformément aux méthodes de la compagnie et aux normes de sécurité du gouvernement.
  2. Les membres de l'équipe du train 401 n'ont pas vu l'indication du signal 245 et ont continué de rouler à une vitesse trop grande pour que leur train puisse s'arrêter avant de heurter le train 996 sur le côté.
  3. Le système de signalisation fonctionnait comme prévu.
  4. La CCC n'est associée ni à un moyen d'intervention capable d'arrêter ou de ralentir les trains, ni à un système d'avertissement passif qui préviendrait les équipes qu'elles approchent de points d'application de la restriction.

Causes et facteurs contributifs

La collision s'est produite lorsque les membres de l'équipe du train 401 qui roulait vers l'ouest n'ont pas vu l'indication du signal 245 et ont continué de rouler trop vite pour pouvoir arrêter avant de heurter le train qui se dirigeait vers l'est.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard, et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.