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Rapport d'enquête ferroviaire R12T0038 (Burlington)

Déraillement en voie principale
du train de voyageurs numéro 92
exploité par VIA Rail Canada Inc
au point milliaire 33,23 de la subdivision d'Oakville du Canadien National
à Aldershot (Ontario)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 26 février 2012, le train de voyageurs numéro 92 de VIA Rail Canada Inc. (VIA 92) roulait vers l'est, de Niagara Falls à Toronto (Ontario), sur la voie 2 de la subdivision d'Oakville du Canadien National, près de Burlington (Ontario). Sous la conduite de 2 mécaniciens de locomotive et d'un apprenti mécanicien, le VIA 92 transportait 70 voyageurs ainsi qu'un directeur des services de VIA. Après un arrêt à la gare d'Aldershot, en Ontario (point milliaire 34,30), le train est reparti sur la voie 2. Les aiguillages de cette voie étaient orientés de manière à rediriger le train de la voie 2 vers la voie 3 par la liaison no 5 au point milliaire 33,23, où la vitesse autorisée était de 15 mi/h. À 15 h 25 min 43 s, heure normale de l'Est, le VIA 92 a franchi la liaison no 5 à une vitesse d'environ 67 mi/h. Ensuite, la locomotive et les 5 voitures à voyageurs ont déraillé. La locomotive s'est renversée sur le côté et a percuté les fondations d'un bâtiment adjacent à la voie. Les membres de l'équipe d'exploitation ont subi des blessures mortelles, et 45 personnes (44 voyageurs et le directeur des services) ont subi diverses blessures. Le réservoir de carburant de la locomotive a été perforé et a déversé environ 4300 litres de carburant diesel.

This report is also available in English.

1.0 Renseignements de base

VIA Rail Canada Inc. (VIA) exploite toutes les semaines jusqu'à 503 trains sur 12 500 km de voie et dessert 450 collectivités à l'échelle du pays. VIA transporte en moyenne chaque année 4 millions de clients à bord de son parc de 396 voitures à voyageurs et 74 locomotives de ligne. VIA exploite 159 gares voyageurs, 4 centres de maintenance et compte un effectif d'environ 3000 personnes. Alors que VIA est propriétaire de 223 km de voie, ce sont des compagnies ferroviaires de transport de marchandises qui possèdent et gèrent la plus grande partie de l'infrastructure.

En février 2012, le train de voyageurs no 92 de VIA (VIA 92) assurait chaque samedi et chaque dimanche la liaison entre Niagara Falls (Ontario) et Toronto (Ontario). Le 26 février 2012, le VIA 92 était constitué d'une seule locomotive en tête (VIA 6444) et de 5 voitures à voyageurs légères, rapides, confortables (LRC), soit les voitures VIA 3454, VIA 3354, VIA 3318, VIA 3319 et VIA 3311. Le VIA 92 pesait 389 tonnes et mesurait 510 pieds de longueur. Il avait été inspecté la dernière fois au Centre de maintenance de VIA à Mimico (Ontario) le 25 février 2012; aucune anomalie n'avait alors été constatée.

Il y avait 70 voyageurs à bord : 41 dans la 1re voiture à voyageurs, 28 dans la 2e et 1 dans la 3e. Un directeur des services de bord de VIA était posté dans la 2e voiture. Les 4e et 5e voitures étaient vides. Le VIA 92 comptait habituellement deux membres des services de bord. Cependant, ce jour-là, aucun personnel supplémentaire n'était disponible.

Les trains de VIA sont normalement exploités par 2 mécaniciens de locomotive qualifiés situés dans la locomotive de tête. Le mécanicien aux commandes prend place au poste de conduite à droite dans la cabine, tandis que le mécanicien responsable s'assoit à gauche et accomplit les tâches du chef de train (voir la figure 1).

Figure 1. Schéma de la cabine de la locomotive VIA 6444
Figure 1. Schéma de la cabine de la locomotive VIA 6444

Le mécanicien aux commandes du VIA 92 comptait plus de 33 ans d'expérience ferroviaire, dont 28 à titre de mécanicien de locomotive. Il avait d'abord travaillé dans cette capacité au Canadien National (CN) pendant 24 ans avant de passer à VIA, où il travaillait depuis 4 ans. Le mécanicien responsable avait 34 ans d'expérience ferroviaire, dont 25 comme mécanicien de locomotive. Il avait d'abord travaillé dans cette capacité au CN pendant 21 ans avant de passer à VIA, où il travaillait depuis 4 ans. Le mécanicien aux commandes et le mécanicien responsable étaient qualifiés pour leurs postes respectifs, satisfaisaient aux normes de repos et connaissaient bien le territoire. Au cours des 16 derniers mois, ils avaient régulièrement formé équipe.

Pour ce trajet, un 3e membre de l'équipe d'exploitation se trouvait dans la cabine. Il s'agissait d'un mécanicien stagiaire qui était à bord dans le cadre d'une formation de familiarisation de VIA pour stagiaires. Une 3e personne dans la cabine s'assoit généralement sur le strapontin placé entre le mécanicien aux commandes et le mécanicien responsable. Quand un stagiaire accompagne une équipe de VIA, la reconnaissance des signaux et la conformité aux règles sont des responsabilités partagées également entre tous les membres de l'équipe.

Le stagiaire était un mécanicien de locomotive qualifié. Il comptait 22 ans d'expérience ferroviaire, dont 9 comme mécanicien de locomotive. Il avait travaillé comme mécanicien de locomotive pour l'Ottawa Central Railway (7 ans) et pour le CN (2 ans). VIA l'avait embauché comme stagiaire en octobre 2011. Dans le cadre du programme de formation des mécaniciens de VIA, le stagiaire avait effectué plusieurs affectations entre Niagara Falls et Toronto. Au cours de certaines de ces affectations, le stagiaire avait été jumelé au mécanicien aux commandes. Le stagiaire satisfaisait aux normes de condition physique et de repos.

Les 3 membres de l'équipe d'exploitation avaient leur point d'attache à Toronto. La veille de l'accident, l'équipe avait pris son service à 15 h 45 Note de bas de page 1 et avait fait le parcours vers l'ouest depuis Toronto jusqu'à Niagara Falls sur le VIA 95 avant de s'inscrire en repos à 21 h 9.

1.1 L'accident

Le 26 février 2012, l'équipe a pris son service à 13 h 6. Avant de quitter Niagara Falls, le directeur des services a tenu une séance de breffage avant-départ à l'intention de l'équipe. Au cours de cette séance, le directeur des services a indiqué qu'un voyageur en fauteuil roulant descendrait à Oakville (Ontario). En temps normal, pour faciliter les choses à ce voyageur à Oakville, le VIA 92 arrivait sur la voie 1 adjacente à la gare d'Oakville.

À Niagara Falls, les voyageurs ont pris place seulement dans la 1re voiture (VIA 3454). Avant le départ, le directeur des services a, au moyen du système de sonorisation publique, fait les annonces de sécurité d'usage concernant le dépliant sur la sécurité placé dans la pochette à l'arrière du dossier des sièges. En conformité avec les exigences réglementaires et les procédures de VIA, le directeur des services s'est adressé aux voyageurs assis près des fenêtres de sortie de secours et des portes de sortie latérales pour les informer sur les procédures d'urgence.

Les voyageurs qui sont montés à bord aux gares subséquentes ont pris place dans la 2e voiture (VIA 3354); chaque fois, le directeur des services s'est adressé à nouveau à un certain nombre de voyageurs physiquement aptes pour les informer des procédures d'urgence. Au cours du trajet, on a laissé ouvertes les portes entre les 1re et 2e voitures pour qu'il soit plus facile d'assurer le service aux voyageurs.

À 14 h 4 min 40 s, le VIA 92 a quitté Niagara Falls à l'heure à destination de Toronto (voir la figure 2). Le VIA 92 a roulé sur la subdivision de Grimsby à partir de Clifton (Ontario), point milliaire 2,60, jusqu'à Hamilton (Ontario), point milliaire 43,70, où il est entré dans la subdivision d'Oakville. Note de bas de page 2 Sur la subdivision d'Oakville, le VIA 92 a roulé sur la voie nord depuis Hamilton, point milliaire 39,30, jusqu'à Bayview (Ontario), point milliaire 36,90, pour être ensuite dirigé vers l'est sur la voie 2 après la gare d'Aldershot (point milliaire 34,60), jusqu'au signal 333T2. Cet itinéraire exigeait que le VIA 92 franchisse le signal contrôlé 364T2 (point milliaire 36,40) à Snake et le signal avancé 348T2 (point milliaire 34,80) à Waterdown à son approche de la gare d'Aldershot.

Figure 2. Itinéraire du train et lieu de l'accident (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)
Figure 2. Itinéraire du train et lieu de l'accident (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)

Plus tôt dans la journée, une équipe de travaux en signalisation du CN constituée d'un agent d'entretien des signaux et d'un technicien avait été dépêchée sur place en réponse à un appel de service signalé par le détecteur de boîtes chaudes (DBC) au point milliaire 33,10 (quelque 1000 pieds à l'est du passage à niveau de King Road). À son arrivée sur le lieu des travaux, l'équipe de travaux a stationné son véhicule au nord de la voie 1 et demandé un permis d'occuper la voie (POV) au contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) du CN. À 14 h 4 min 58 s, le CCF a transmis à l'équipe de travaux en signalisation un POV l'autorisant d'occuper exclusivement la voie 2 entre le signal 333T2 (point milliaire 33,30) Note de bas de page 3 à Aldershot East et le signal 324T2 (point milliaire 32,40) à Burlington West. Après avoir obtenu le POV, l'équipe de travaux en signalisation a marché jusqu'à la voie 2 et a entrepris les réparations.

À la demande du chef de la gare d'Oakville de VIA, le CCF avait prévu établir l'itinéraire du VIA 92 de manière qu'il arrive au quai 1 pour faciliter le débarquement du voyageur en fauteuil roulant. Dans sa planification de l'itinéraire du VIA 92 à l'est de la gare d'Aldershot, le CCF avait le choix d'annuler le POV sur la voie 2. Cependant, compte tenu de l'importance de faire réparer le DBC, le CCF a opté pour aiguiller le VIA 92 sur un itinéraire qui contournait la zone d'application du POV sur la voie 2. Par la suite, le CCF a orienté les aiguillages de la voie pour amener le train de la voie 2 à la voie 3 par la liaison no 5 (point milliaire 33,23), où la vitesse autorisée était de 15 mi/h. Le CCF n'a pas communiqué le POV ni le changement d'itinéraire à l'équipe du VIA 92, et il n'était pas tenu de le faire.

À 15 h 17 min 19 s, le VIA 92 est arrivé à la gare d'Aldershot, un point d'arrêt régulier. Après cet arrêt, le train a été, comme à l'habitude (c'est-à-dire, plus de 99 % du temps), orienté directement pour la voie 2. À 15 h 23 min 26 s, le VIA 92 est reparti pour Toronto sur la voie 2 et a approché du signal contrôlé 334T2 (voir la figure 3).

L'équipe de travaux en signalisation a vu le VIA 92 accélérer en sa direction sur la voie 2. Bien que le secteur était désigné comme zone d'interdiction de siffler, le VIA 92 a actionné son klaxon à plusieurs reprises. Regardant vers l'est les signaux 324T1, 324T2 et 324T3, l'équipe de travaux en signalisation a confirmé que le signal 324T3 présentait une indication permissive, tandis que les signaux 324T1 et 324T2 donnaient tous les deux l'indication d'arrêt absolu, ce qui confirmait ainsi que l'équipe était protégée sur la voie 2. Cependant, de leur position, les employés de l'équipe de travaux ne pouvaient reconnaître l'aspect des signaux 334T1, 334T2 et 334T3 (point milliaire 33,40), puisque ces signaux étaient orientés vers l'ouest en direction du VIA 92 qui approchait. Quand les employés de l'équipe de travaux se sont rendu compte que le VIA 92 ne ralentissait pas, ils se sont mis à l'abri au nord de la voie 1.

À 15 h 25 min 43 s, le VIA 92 est entré sur la liaison no 5 à une vitesse d'environ 67 mi/h. La locomotive (VIA 6444) s'est inclinée brièvement vers le nord, puis a déraillé et s'est renversée du côté sud. Elle a glissé en bas du talus et a percuté les fondations d'un bâtiment adjacent à l'emprise. Le bogie arrière au complet de la locomotive VIA 6444, y compris les moteurs de traction, s'est séparé de la locomotive, a quitté les rails et s'est immobilisé à quelque 1000 pieds à l'est de la locomotive. Le bogie chevauchait la voie 3 près de l'emplacement où s'étaient trouvés quelques minutes plus tôt les employés de l'équipe de travaux en signalisation, qui ont immédiatement contacté le CCF pour lui signaler l'accident. Le CCF a alors annulé tous les signaux permissifs voisins afin de protéger les lieux contre les autres mouvements de train et a déclenché les protocoles d'intervention d'urgence.

Figure 3. Schéma de la voie et des lieux (pas à l'échelle)
Figure 3</strong>. Schéma de la voie et des lieux (pas à l'échelle)

1.2 Examen des lieux

La locomotive et les 5 voitures à voyageurs ont déraillé. Dans les environs du lieu de l'accident, les voies sont situées à un niveau légèrement plus élevé que le terrain adjacent. Au cours de l'accident, la locomotive VIA 6444 et la 1re voiture (VIA 3454) ont glissé en bas du talus, puis se sont renversées et immobilisées sur le côté. Le train et sa conduite de freins à air sont demeurés raccordés et intacts. Le bogie avant de la locomotive s'est trouvé sur le côté du talus, partiellement relié à la locomotive par des câbles. La zone de la cabine de la locomotive, juste au-dessus du nez avant, a percuté les fondations d'un bâtiment adjacent à la voie. Les fondations du bâtiment ont été lourdement endommagées et le toit de la cabine s'est complètement effondré, ce qui a causé des dommages importants à l'intérieur de la cabine (voir la photo 1).

À l'extrémité est de la liaison no 5, on a remarqué des marques d'impact de boudin de roue sur le contre-rail et le cœur de croisement du branchement 5B, indiquant que les roues de la locomotive ont quitté le rail nord près du cœur de croisement.

Photo 1. Locomotive VIA 6444 sur le côté et toit effondré de la cabine. Porte du côté du mécanicien responsable sur le dessus (source : police régionale d'Halton).
Photo 1. Locomotive VIA 6444 sur le côté et toit effondré de la cabine. Porte du côté du mécanicien responsable sur le dessus (source : police régionale d'Halton).

La majorité des voyageurs prenaient place dans les deux premières voitures à voyageurs, qui ont été lourdement endommagées. Les 2e (VIA 3354) et 3e (VIA 3318) voitures se sont mises en portefeuille. La partie avant de la 2e voiture a glissé en bas du talus. Les 2e et 3e voitures se sont immobilisées en obstruant la voie 2. Les 4e (VIA 3319) et 5e (VIA 3311) voitures sont demeurées debout sur l'emprise, juste au sud de la voie 3 et n'ont subi que de légers dommages d'impact (voir la photo 2.

Photo 2. Lieu de l'accident en direction est (source : police régionale d'Halton)
Photo 2. Lieu de l'accident en direction est (source : police régionale d'Halton)

1.3 Intervention d'urgence et évacuation

1.3.1 Intervention d'urgence initiale

Au moment de l'accident, le directeur des services se trouvait dans la 2e voiture et vérifiait les billets des voyageurs qui venaient de monter dans le train à Aldershot. Immédiatement après l'accident, il a procédé à des vérifications verbales et visuelles auprès des voyageurs de la 2e voiture afin d'évaluer l'étendue de leurs blessures. Le directeur des services a ensuite tenté de communiquer avec l'équipe de la locomotive, mais en vain. Il a alors diffusé un message radio d'urgence sur le canal d'attente, puis a lancé un appel d'urgence au CCF à l'aide du téléphone cellulaire.

Au moment du déraillement, le vestibule entre les 1re et 2e voitures s'est disloqué, ce qui a laissé accessibles les portes de bout respectives. Le directeur des services a quitté la 2e voiture par la porte à l'extrémité est et est entré dans la 1re voiture par la porte attenante partiellement ouverte. Avec l'aide de certains voyageurs physiquement aptes, le directeur des services a fourni une première assistance aux voyageurs. Tous les voyageurs à bord de la 1re voiture y sont demeurés jusqu'à l'arrivée des intervenants d'urgence. Les voyageurs dans la 2e voiture sont sortis de leur propre initiative. Certains de ces voyageurs se sont regroupés en un point de rassemblement, tandis que d'autres ont quitté les lieux sans demander d'aide médicale.

1.3.2 Intervention d'urgence subséquente et évacuation

L'accident s'est produit juste à l'est du passage à niveau de King Road, ce qui a permis aux véhicules de secours, à l'équipement et aux intervenants d'avoir accès aux lieux. La police régionale d'Halton, la Police provinciale de l'Ontario, les services médicaux d'urgence (SMU) et 3 équipes du service des incendies de Burlington sont arrivés sur les lieux de l'accident dans les minutes qui ont suivi.

Un poste de commandement a été établi à l'intention des intervenants, et une structure de commande unifiée a été mise en place pour coordonner les activités des diverses organisations de secours. Le directeur des services est demeuré sur place et a prêté assistance tout au long de l'évacuation. Le personnel du CN, celui de VIA et d'autres voyageurs ont aussi participé aux efforts de sauvetage et de récupération.

Photo 3. Fenêtre d'issue de secours utilisée sur la voiture VIA 3454 (source : police régionale d'Halton)
Photo 3. Fenêtre d'issue de secours utilisée sur la voiture VIA 3454 (source : police régionale d'Halton)

Comme la 1re voiture était couchée sur le côté, son toit contre le bâtiment, les sorties de secours disponibles (c'est-à-dire, les fenêtres et les portes) se trouvaient sur le côté de la voiture qui était tourné vers le haut (voir la photo 3). Cette situation a créé, au début, des difficultés et des retards pour l'évacuation étant donné que les intervenants d'urgence ont d'abord dû se frayer un chemin jusqu'à l'intérieur de la voiture. Un intervenant d'urgence a grimpé sur le côté de la voiture et y est entré de force en brisant la fenêtre de la porte latérale. Un autre intervenant d'urgence a pu entrer par la porte partiellement ouverte à l'extrémité ouest. Une fois les intervenants à l'intérieur de la voiture, ils ont entrepris de faire le triage des voyageurs en fonction de leurs blessures. On a recouvert de bâches certains voyageurs pour les protéger contre les chutes de verre lorsqu'il a fallu fracasser une fenêtre d'issue de secours pour faciliter l'évacuation.

Photo 4. La porte arrière de la 1re voiture a été découpée pour créer une ouverture tandis que les 2 portes latérales de la 2e voiture (VIA 3354) étaient bloquées (source : police régionale d'Halton)
Photo 4. La porte arrière de la 1re voiture a été découpée pour créer une ouverture tandis que les 2 portes latérales de la 2<sup>e</sup> voiture (VIA 3354) étaient bloquées (source : police régionale d'Halton)

Bien que la porte à l'extrémité ouest de la 1re voiture était partiellement ouverte, elle s'est déformée au moment de l'accident et n'a pu s'ouvrir complètement (voir la photo 4). Par la suite, on l'a découpée pour aider à l'évacuation. D'autres échelles ont été mises à la disposition des intervenants d'urgence pour qu'ils puissent avoir accès à la voiture et en évacuer les voyageurs. Pour de nombreux voyageurs et intervenants d'urgence, il a été difficile de se frayer un chemin jusqu'aux sorties disponibles par-dessus les sièges de la voiture renversée. Quelque 20 voyageurs ont été évacués par les fenêtres; les autres l'ont été par la porte à l'extrémité ouest. Les voyageurs mobiles ont été évacués en premier, suivis de ceux qui étaient coincés et/ou plus gravement blessés. Au cours de l'évacuation, 4 voyageurs ont été transportés et sortis sur des planches dorsales et des brancards de type panier.

Pour extraire l'équipe d'exploitation, le toit de la locomotive a été découpé et enlevé. Le mécanicien aux commandes, le mécanicien responsable et le stagiaire se trouvaient dans la zone du pupitre de commande de la cabine de la locomotive et avaient subi des blessures mortelles. Il a été établi que la conduite du train était assurée par le mécanicien aux commandes au moment de l'accident.

Les voyageurs ont d'abord été traités par les SMU dans l'aire de rassemblement. Les blessés ou les voyageurs nécessitant un examen plus détaillé ont été transférés vers des hôpitaux locaux. Au total, 13 ambulances et 2 hélicoptères-ambulances ont été dépêchés sur les lieux pour le transport des blessés.

Photo 5. Réservoir de carburant bosselé de la locomotive VIA 6444 (source : BST)
Photo 5. Réservoir de carburant bosselé de la locomotive VIA 6444 (source : BST)

Comme certains voyageurs avaient déjà quitté les lieux, il a d'abord été difficile de déterminer le nombre de personnes qui étaient à bord du train. Après un examen des registres de VIA, le nombre de personnes (c'est-à-dire, équipe de VIA, personnel des services de bord et voyageurs) a été confirmé et attesté.

Le réservoir de carburant de la locomotive était bosselé et perforé le long du rebord inférieur voir la photo 5). Par la suite, environ 4300 litres de carburant diesel se sont déversés. Au cours du nettoyage des lieux, tout le carburant qui avait formé une mare sur le sol a été enlevé par un camion-citerne sous vide. Le sol contaminé a été retiré et la zone, remblayée. Des puits de surveillance ont été forés afin d'assurer le contrôle de l'assainissement des lieux.

1.4 Blessures

Au moment de l'accident, des voyageurs ont culbuté et bon nombre ont été éjectés ou sont tombés de leur siège. Au total, 44 voyageurs et le directeur des services ont été transportés à l'hôpital pour diverses blessures. De ce nombre, il y avait 30 des 41 voyageurs de la 1re voiture à voyageurs, 13 des 28 voyageurs de la 2e voiture et l'unique voyageur de la 3e voiture.

Le diagnostic le plus courant consistait en contusions, lacérations et blessures mineures à la tête, au cou, à l'épaule et au bas du dos. Trois voyageurs ont subi des fractures aux côtes et un voyageur a eu un bras fracturé. La majorité des personnes qui ont été blessées l'ont été en étant éjectées ou en tombant de leur siège, en étant heurtées par une autre personne, en étant heurtées par un objet ou des objets qui s'étaient détachés et déplacés librement à l'intérieur de la voiture, ou une combinaison de ceux-ci. Les locomotives ou les voitures à voyageurs ne possèdent pas de dispositifs de retenue et ne sont pas tenues d'en posséder.

1.5 Conditions météorologiques

Le temps était ensoleillé et dégagé, et la température était de 0 °C.

1.6 Renseignements consignés

Les événements consignés entre Niagara Falls et le lieu de l'accident sont indiqués dans le tableau 1. Les heures des événements ont été normalisées afin qu'elles correspondent aux données du consignateur d'événements de locomotive.

Tableau 1. Événements enregistrés entre Niagara Falls et le lieu de l'accident
Action Heure P.M. mi/h Con-duite gén. (lb/po²) Cyl. de frein (lb/po²) Ma-nipu-lateur Clo-che Kla-xon Frei-nage d'ur-gence
L'équipe du VIA 92 prend son service à Niagara Falls 1306:00
Le VIA 92 quitte Niagara Falls 1404:40
Le POV est transmis à l'agent d'entretien des signaux du CN entre les signaux 333T2 (Aldershot East) et 324T2 (Burlington West) 1404:58
Le VIA 92 quitte Grimsby 1447:39
La liaison no 5 est orientée de la voie 2 à la voie 3 pour que le VIA 92 puisse contourner l'équipe de travaux du CN 1512:56
Le VIA 92 franchit le signal contrôlé 364T2 (Snake) indiquant de vitesse normale à vitesse limitée (règle 406) et affichant les aspects J/VC/R 1514:42 36,40 41,3 98 0 8 O O
Le VIA 92 franchit le signal avancé 348T2 (Waterdown) indiquant de vitesse normale à petite vitesse (règle 409) et affichant les aspects J/J 1516:23 34,88 53,2 90 0 N
Le VIA 92 arrive à l'extrémité est de la gare d'Aldershot sur la voie 2 1516:45 34,62 23,9 86 13 0 O
Le VIA 92 arrive à la gare d'Aldershot 1517:19 34,50 0
Le VIA 92 quitte la gare d'Aldershot sur la voie 2 1523:26 1 6 O
Le VIA 92 actionne la cloche au poteau commandant de siffler 1525:18 33,67 58,7 96 0 6 O N N
Les barrières sont actionnées au passage à niveau de King Road 1525:21
Le mécanicien aux commandes avance le manipulateur de la position 6 à la position 8 1525:22 33,60 59,7 96 0 8 O N N
Le klaxon est actionné par intermittence 1525:26 33,52 61,5 96 0 8 O O N
Le VIA 92 franchit le signal contrôlé 334T2 (Aldershot East) indiquant de petite vitesse à vitesse limitée (règle 432) et affichant les aspects R/JC/VC 1525:33 33,40 64,6 96 0 8 O O N
Coup de klaxon 1525:37 33,32 65,5 96 0 8 O O N
Le manipulateur est ramené de la position 8 à la position 6 1525:39 33,31 66,6 96 0 6 O O N
Le manipulateur est ramené de la position 6 à la position 3 1525:40 33,30 66,6 96 0 3 O O N
Le klaxon est désactivé 1525:41 33,26 66,6 96 0 3 O N N
Deuxième coup de klaxon 1525:42 33,25 66,6 96 0 3 O O N
Entrée de la locomotive sur la liaison no 5 1525:43 33,23 66,9 96 0 3 O O N
Le manipulateur est ramené de la position 3 à la position de ralenti (0) tandis que la locomotive déraille à la sortie de la liaison no 5 1525:44 33,19 66,6 96 0 0 O O N
La locomotive s'immobilise sur le côté 1525:51 33,11 0 98 0 0 O N N

La locomotive n'était pas équipée pour enregistrer les conversations dans la cabine entre les membres de l'équipe. La locomotive ne comportait pas d'enregistreurs vidéo orientés vers l'avant ou l'intérieur de la cabine. Aucun des téléphones cellulaires de l'équipe d'exploitation n'était en cours d'utilisation au moment de l'accident.

1.7 Reconstitution par le BST

Le 4 mars 2012, une reconstitution de certains événements clés a été menée depuis la tête d'un autre train de voyageurs VIA vers l'est qui avait été dirigé sur la voie 2 par la gare d'Aldershot. La reconstitution a confirmé ce qui suit :

1.8 Renseignements sur la voie et la subdivision

Les mouvements de train sur la subdivision d'Oakville sont régis par la commande centralisée de la circulation (CCC), autorisée par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) approuvé par Transports Canada (TC) et supervisés et dirigés par un CCF en poste à Toronto. Dans le secteur, le trafic ferroviaire est constitué de quelque 49 trains de banlieue de GO Transit, 28 trains de marchandises et 18 trains de voyageurs de VIA par jour. La vitesse maximale autorisée par l'indicateur pour les trains de voyageurs dans le secteur de l'accident est de 95 mi/h. Le jour de l'accident, le bulletin de marche (BM) 5058 exigeait de ralentir à 80 mi/h sur la voie 2 entre les points milliaires 32,00 et 36,40.

Dans les environs des lieux du déraillement, la subdivision d'Oakville est formée de trois voies principales (voies 1, 2 et 3). La voie 1 est généralement utilisée par le trafic marchandises pour avoir accès au triage d'Aldershot du CN. La voie 3 est normalement utilisée par les trains de banlieue du réseau GO Transit. L'itinéraire des trains de VIA les fait normalement passer par Aldershot sur la voie 2.

Les voies 1 et 3 étaient faites de longs rails soudés de 136 livres. La voie 2 était formée de longs rails soudés de 132 livres. Les rails avaient été posés sur des selles à double épaulement de 14 et 16 pouces fixées à des traverses de bois dur à raison de 2 crampons par selle. Une traverse sur deux était encadrée d'anticheminants. Les cases étaient garnies de ballast de pierre concassée et le drainage était bon. La voie avait été inspectée en conformité avec les exigences réglementaires et celles et de la compagnie et était en bon état.

Trois liaisons (no 1, no 3 et no 5) se trouvaient aux environs du point milliaire 33,23. Ces liaisons permettaient aux trains vers l'est et vers l'ouest de passer de la voie de service d'Aldershot, qui donne accès au triage d'Aldershot, aux 3 voies principales. Chaque liaison était équipée à chacune de ses extrémités d'un branchement no 12. Les branchements no 12 sont franchissables à une vitesse maximale autorisée de 15 mi/h et comportent des aiguilles de 36 pieds et 7 pouces munies de galets qui facilitent leur déplacement. Note de bas de page 4 Chaque liaison comprenait un rail de roulement de 136 livres et des cœurs de croisement en acier moulé au manganèse. Le rail était fixé par des attaches élastiques à des selles en acier laminé, elles-mêmes fixées aux traverses par des tirefonds. Toutes les traverses de liaison étaient encadrées d'anticheminants, les cases étaient garnies de ballast de pierre concassée et le drainage était bon.

La dernière inspection des aiguillages de liaison avait été effectuée par un véhicule rail-route le 26 février 2012, le jour de l'accident et juste avant celui-ci. Les liaisons no 1 et 5 avaient fait l'objet d'une inspection visuelle à pied le 6 février 2012 sans qu'aucune anomalie ne soit relevée. Juste après l'accident, une inspection visuelle à pied de la liaison no 3 a été effectuée sans constater d'anomalies.

Les liaisons à cet endroit étaient surtout utilisées par les trains de marchandises pour entrer dans le triage d'Aldershot et en sortir. Dans ce secteur, l'itinéraire normal pour les trains de VIA vers l'est les dirigeait directement sur la voie 2. Pour ces trains, le passage de la voie 2 à la voie 1 se fait normalement à Burlington West (point milliaire 32,20), où la liaison est formée de branchements no 20, franchissables à une vitesse supérieure. Les liaisons de Burlington West sont constituées de branchements no 20, où la distance entre l'aiguille et le cœur de croisement est plus grande, ce qui permet des vitesses pouvant atteindre 45 mi/h.

1.9 Protection des travaux en voie

Quand elles se rendent sur une voie en ligne principale pour y effectuer de l'entretien ou des réparations, les équipes de travaux doivent obtenir une protection en voie pour les protéger contre les trains. En zone de CCC, l'équipe de travaux peut obtenir la protection pour accéder à la voie en vertu de la règle 842 (Protection prévue) ou la règle 849 (POV) :

Au CN, de petites réparations en voie peuvent aussi être effectuées sous la protection d'une surveillance par sentinelle, qui consiste à affecter exclusivement 1 membre d'une équipe de travaux de 3 personnes à la surveillance de trains ou de matériel qui approchent, pendant que les autres membres effectuent le travail. Lorsqu'une équipe de train observe devant elle la présence sur la voie de travailleurs protégés par une sentinelle, elle actionne généralement le klaxon de façon intermittente pour capter l'attention de ces travailleurs, en s'attendant à ce qu'ils libèrent la voie. En décembre 2011, après un accident où un employé des Services de l'ingénierie du CN a été heurté par un train de VIA pendant qu'il exécutait des travaux en voie sous la protection d'une sentinelle, le CN a suspendu cette forme de protection dans tous ses territoires en double voie de catégorie 5 (rapport d'enquête R11T0161 du BST). Le CN avait communiqué cette information à son personnel de l'Ingénierie, mais non à ses autres employés ni au personnel de VIA, et il n'y était d'ailleurs pas tenu de le faire.

1.10 Système de commande centralisée de la circulation

La CCC est un système qui régit les mouvements de train et utilise en interconnexion des circuits de voie et des signaux sur le terrain (c'est-à-dire, signaux contrôlés, avancés et intermédiaires). Des écrans d'ordinateur et des commandes sont installés dans le bureau du CCF. Le système est conçu de manière à donner aux trains une série d'indications progressives de signaux en voie qui exigent que les équipes de train réagissent en fonction du signal présenté. Au Canada, la CCC ne fournit aucune forme d'exécution automatique pour ralentir ou arrêter un train avant qu'il ne dépasse un signal d'arrêt absolu ou tout autre point de restriction.

Lorsqu'un CCF demande des signaux contrôlés pour des trains, le système de signalisation détermine dans quelle mesure ces signaux seront permissifs. Dans le bureau du CCF, une occupation de la voie entre des emplacements contrôlés est affichée sur l'écran d'ordinateur. Les mouvements de train en approche de signaux contrôlés sont régis par des signaux avancés qui sont automatiquement actionnés par la présence d'un train entre les signaux contrôlés. Les indications présentées par les signaux informent les équipes de train de la vitesse à laquelle elles peuvent circuler et jusqu'où elles peuvent se rendre. Les indications des signaux fournissent aussi une protection contre certaines conditions, telles qu'un canton occupé, un rail rompu ou un aiguillage ouvert orienté à l'encontre du mouvement.

1.11 Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada et conformité

Le REF approuvé par TC contient les définitions ci-après relativement à la vitesse :

La règle 33 (Observation de la vitesse) précise ce qui suit :

Lorsqu'un mouvement dépasse la vitesse autorisée, les membres de l'équipe doivent se rappeler les uns aux autres la vitesse à observer. Si cette démarche n'a pas de suite, ou si l'on constate que l'employé aux commandes de la locomotive ne réagit pas ou qu'il est hors d'état de réagir, les autres membres de l'équipe doivent prendre des mesures immédiates pour assurer la sécurité du mouvement, en allant jusqu'à déclencher un arrêt d'urgence si la situation l'exige.

La reconnaissance et l'observation des signaux sont régies en partie par la règle 34 (Reconnaissance et observation des signaux fixes), qui se lit comme suit :

  1. L'équipe d'une locomotive de commande de tout mouvement et le contremaître d'un chasse-neige doivent, avant de franchir un signal fixe, en connaître l'indication (y compris celle des signaux de position d'aiguilles, si c'est possible).

  2. Les membres de l'équipe qui sont à portée de voix les uns des autres se communiqueront d'une manière claire et audible le nom de chaque signal fixe qu'ils sont tenus d'annoncer. Tout signal influant sur un mouvement doit être nommé à haute voix dès l'instant où il est reconnu formellement; cependant, les membres de l'équipe doivent surveiller les changements d'indication et, le cas échéant, s'en faire part rapidement et agir en conséquence.

    Les signaux/panneaux indicateurs suivants doivent être communiqués :

    • Signaux de canton et d'enclenchement Note de bas de page 5;
    • Signaux des règles 42 et 43;
    • Panneau avancé un mille d'un enclenchement;
    • Panneau avancé un mille d'un détecteur de boîtes chaudes;
    • Panneau indicateur d'arrêt;
    • Panneau indicateur début ROV;
    • Signal rouge entre les rails;
    • Signal d'arrêt donné par un signaleur;
    • Un aiguillage mal orienté pour l'itinéraire d'un mouvement touché;
    • Panneau indicateur avancé de zone de marche prudente; et
    • Panneau indicateur de zone de marche prudente.
  3. Si la réaction à un signal influant sur leur mouvement tarde à venir, les membres de l'équipe doivent se rappeler les uns aux autres l'action prescrite par ce signal. Si cette démarche n'a pas de suite, ou s'ils constatent que l'employé aux commandes de la locomotive est hors d'état de réagir, les autres membres de l'équipe doivent prendre des mesures immédiates pour assurer la sécurité du mouvement, en allant jusqu'à déclencher un arrêt d'urgence si la situation l'exige.

Les règles 405 à 440 du REF régissent les signaux utilisés en CCC. Les aspects des signaux, autrement connus sous le nom de feux ou d'indications, se distinguent par la couleur, la position des couleurs, le clignotement des feux, ou par une combinaison de ces éléments. Les signaux peuvent être présentés au moyen de 1, 2 ou 3 feux. Ils sont reliés entre eux en série de manière à fournir aux équipes de train une indication progressive. Les équipes sont formées sur ce principe de progression et, sur le terrain, en font constamment l'expérience. Un feu « rouge » au-dessus de tout autre feu est constamment utilisé dans les règles comportant une limitation de vitesse. Les aspects des signaux et les règles connexes pertinents au présent événement sont détaillés dans le tableau 2.

Tableau 2. Règles et aspects des signaux pertinents au présent événement
Aspects présentés par les signaux Règles du REF
Règle 405 : Vitesse normale – Avancer (à la vitesse en voie)
Règle 406 : De vitesse normale à vitesse limitée – Avancer, vitesse LIMITÉE à l'approche du signal suivant (sans dépasser 45 mi/h)
Règle 409 : De vitesse normale à petite vitesse – Avancer, PETITE vitesse à l'approche du signal suivant (sans dépasser 15 mi/h).
Règle 412 : De vitesse normale à vitesse limitée différée – Avancer, vitesse LIMITÉE à l'approche du signal suivant (sans dépasser 45 mi/h).
Règle 432 : De petite vitesse à vitesse limitée – Avancer, PETITE vitesse au franchissement du signal et des branchements, vitesse LIMITÉE à l'approche du signal suivant (sans dépasser 45 mi/h)

Les équipes de train doivent être familiarisées avec toutes les indications des signaux définies dans le REF et sont tenues de régler la marche de leur train en conséquence. De plus, les membres des équipes sont censés connaître leur territoire de travail, y compris l'emplacement des divers signaux. Cette connaissance facilite le repérage des signaux et aide à reconnaître la présence d'un signal imparfaitement donné ou l'absence d'un signal.

La perception des signaux peut être vue comme un processus à 3 étapes : détecter, différentier et décider selon l'indication. Ce processus peut être rapide. Il peut être exécuté rapidement à partir de distances relativement grandes quand les signaux ne sont ni masqués ni obstrués, et que la visibilité est bonne. Cependant, la perception des signaux peut être affectée par l'aptitude de l'équipe au travail et par le contexte perceptuel ou le modèle mental.

1.12 Signaux présentés aux trains en direction est s'arrêtant à Aldershot

Les signaux ci-après régleraient la marche d'un train de voyageurs roulant vers l'est sur la voie 2 de la subdivision d'Oakville et s'arrêtant d'habitude à la gare d'Aldershot (point milliaire 34,60) :

1.12.1 Indications des signaux au cours de l'aiguillage sur la voie 2

Quand la liaison au point milliaire 33,23 est orientée directement pour la voie 2, sans limitation de vitesse en place et des signaux permissifs présentés à Aldershot East (point milliaire 33,40) et à Burlington West (point milliaire 32,40), la progression du signal est la suivante (voir la figure 4) :

Figure 4. Aspects présentés lorsque le train est orienté directement pour la voie 2
Figure 4. Aspects présentés lorsque le train est orienté directement pour la voie 2

Dans les 3 mois avant l'accident, le VIA 92 est arrivé à la gare d'Aldershot 27 fois alors qu'il se dirigeait vers l'est. En 26 de ces occasions (soit 97 % du temps), le VIA 92 a fait un arrêt à la gare. De plus, par rapport à tous les mouvements sur les liaisons entre Aldershot et Burlington, les trains de VIA sont dirigés sur la liaison à 15 mi/h d'Aldershot East moins de 1 % du temps. D'après les arrivées prévues à Aldershot et les décisions prises sur les itinéraires passant par les liaisons, le VIA 92 a rencontré une indication de signal de vitesse normale à l'est de la gare d'Aldershot plus de 99 % du temps.

1.12.2 Indications des signaux au franchissement de la liaison menant de la voie 2 à la voie 3

Lorsque la liaison au point milliaire 33,23 est orientée pour qu'un train passe de la voie 2 à la voie 3, la progression du signal (voir la figure 5) est la suivante :

Les circuits électroniques pour le signal 334T2 sont tels que celui-ci ne peut présenter un aspect de vitesse normale à vitesse limitée différée (règle 412), c'est-à-dire JC/VC/R. Cependant, les équipes de train n'ont qu'à se soucier de l'aspect du signal et à s'y concentrer; elles ne connaissent pas le détail de la circuiterie.

Figure 5. Aspects présentés quand la liaison au point milliaire 33,23 est orientée pour faire passer un train de la voie 2 à la voie 3
Figure 5. Aspects présentés quand la liaison au point milliaire 33,23 est orientée pour faire passer un train de la voie 2 à la voie 3

1.13 Vérification des signaux

Sur la subdivision d'Oakville, on a mis à niveau la CCC pour la faire passer d'un système logique à base de relais à un système de signalisation géographique (GEO), système basé sur un microprocesseur à semi-conducteurs. Les signaux sur le terrain à Aldershot East pour la voie 1 (334T1) et la voie 2 (334T2) présentaient 3 panneaux de feux de couleur (modèle 20R), et le signal pour la voie 3 (334T3), 2 panneaux de feux. Dans chaque cas, les panneaux de feux étaient superposés et désignés de haut en bas respectivement comme unités lumineuses « A », « B » et « C ».

Photo 6. Vue en direction est des signaux du point milliaire 33,40 de la subdivision d'Oakville du CN (source : BST)
Photo 6. Vue en direction est des signaux du point milliaire 33,40 de la subdivision d'Oakville du CN (source : BST)

À l'intérieur de chaque panneau de feux se trouvent 3 feux superposés—un total de 9 feux pour les signaux 334T1 et 334T2 et de 6 feux pour le signal 334T3. Des ampoules à incandescence derrière chaque lentille colorée présentent la combinaison appropriée de feux rouge, jaune et/ou vert. Seulement un feu à la fois dans chaque panneau peut être allumé. Toute tentative pour actionner 2 feux d'un même panneau mettrait le signal dans son état le plus restrictif (rouge). Les signaux individuels font face au trafic venant vers eux et sont montés sur un portique d'aluminium situé au-dessus de l'emprise, directement au-dessus de la voie sur laquelle ils commandent la circulation (voir la photo 6).

Immédiatement après l'accident, les signaux en voie régissant la marche du VIA 92 à l'approche d'Aldershot East (point milliaire 33,30) ont été inspectés et vérifiés par des techniciens du service Signalisation et communications du CN. Tous les câbles de commande des signaux et les circuits de commande enfouis ont été vérifiés pour détecter la présence de courts-circuits. De plus, la tension a été mesurée aux bornes des lampes des feux et des essais de mise à la masse ont été effectués sur les batteries. Ces vérifications ont permis de déterminer que le système de signalisation fonctionnait en conformité avec le REF, les instructions générales du service Signalisation et communications du CN et les spécifications énoncées dans les codes et pratiques et les plans approuvés.

Pour vérifier davantage le système de signalisation, le BST a demandé par contrat à un expert-conseil indépendant en signalisation d'inspecter les signaux et d'examiner toutes les données connexes. L'expert-conseil a confirmé ce qui suit :

Le 8 mars 2012, des techniciens du CN (en présence d'enquêteurs du BST et d'un expert-conseil) ont exécuté les procédures CN GI-309 (Vérification de la résistance des prises de terre) et CN Gl-312 (Mesure de la résistance d'isolement des fils et des câbles). Ces vérifications ont porté sur le câblage entre la guérite de signalisation et les 3 panneaux de feux de couleur du signal 334T2. Les résultats respectaient les tolérances et confirmaient l'intégrité du câblage. L'intérieur des unités lumineuses des signaux a aussi été inspecté et ne montrait aucun dommage ni corrosion. Chacun des feux du signal 334T2 était équipé d'ampoules (no de pièce RR-10128-SF) fabriquées par GEMS. La tension mesurée aux bornes de chacun des feux était conforme aux normes acceptées. De plus, le CN a procédé à un second téléchargement des données stockées dans la guérite de signalisation, ce qui a permis de revérifier les données précédemment téléchargées.

L'inspection et la vérification des signaux ont révélé que :

1.14 Formation des mécaniciens de locomotive de VIA

Tous les mécaniciens de locomotive de VIA reçoivent, une journée par année, une formation de recyclage en classe comportant une revue des règles de signalisation. De plus, ils passent tous les 3 ans un examen sur ces règles où ils doivent obtenir une note de 100 % pour conserver leur qualification de VIA. Bien que l'examen ne porte pas sur toutes les règles de signalisation, les questions sont choisies au hasard, obligeant ainsi le mécanicien de locomotive à se préparer pour toutes les règles.

VIA fournit à ses mécaniciens de locomotive des aides à l'auto-formation pour les règles de signalisation. En outre, les mécaniciens de locomotive de VIA pratiquent sans cesse, en équipe, la reconnaissance des règles pendant qu'ils s'acquittent de leurs tâches et au cours des contrôles périodiques de la conformité par VIA.

Pour les équipes d'exploitation, VIA embauche des mécaniciens de locomotive qualifiés (stagiaires), des mécaniciens certifiés qui ont besoin de terminer leur qualification ou encore des employés à l'interne comme apprentis mécaniciens de locomotive. Au terminal de Toronto, la période de formation pour un mécanicien de locomotive qualifié est normalement de 4 à 8 mois. Durant la formation, les règles de signalisation sont étudiées en détail. Un stagiaire doit obtenir une note de 100 % pour réussir à l'examen sur les règles de signalisation.

Dans le présent accident, le stagiaire en était à sa dernière étape de formation, à quelques semaines de l'obtention de sa pleine qualification, après avoir progressé à un rythme relativement rapide. Il avait déjà obtenu une note de 100 % à son examen sur les règles de signalisation. La dernière étape de la formation consistait en parcours de familiarisation dans la cabine. Au cours de ce type de formation, le stagiaire prenait parfois les commandes de la locomotive sous la supervision de l'équipe d'exploitation.

1.15 Conscience de la situation et modèles mentaux durant la circulation des trains

La conscience de la situation appliquée à des questions opérationnelles désigne le fait pour l'opérateur de savoir ce qui se passe dans l'environnement immédiat. Il existe 3 étapes dans la conscience de la situation : Note de bas de page 6

La conscience de la situation d'une équipe de train provient de diverses sources d'information : transmissions radio, indications des signaux, affichages en cabine, observation de la voie, conditions environnementales et information écrite. Les règles et les instructions d'exploitation du chemin de fer influent également sur la conscience de la situation. Par exemple, le REF et les Instructions générales d'exploitation (IGE) fournissent l'information que les équipes d'exploitation sont tenues d'utiliser. Dans la conduite d'un train, les décisions et les actions dépendent largement de l'évaluation par l'équipe et de sa compréhension de la situation opérationnelle.

La compréhension générale d'une situation est fondée sur l'expérience, la connaissance et la perception d'indices externes, ce qui conduit à un modèle mental. Il est difficile de modifier un modèle mental après sa création, particulièrement lorsqu'il faut le faire rapidement. Pour changer la façon de penser d'une personne, il faut remplacer son modèle mental par un autre. Une nouvelle information doit être fournie, suffisamment perceptible et convaincante pour induire l'actualisation du modèle mental.

Une bonne conscience de la situation dépend en grande partie de la capacité à tourner son attention d'une source d'information à une autre, processus pendant lequel les gens peuvent se prendre au piège d'un phénomène appelé rétrécissement ou focalisation de l'attention. En tombant dans ce piège, ils verrouillent leur attention sur certains indices ou certaines caractéristiques de l'environnement qu'ils tentent de traiter et laissent tomber ainsi, délibérément ou non, leur comportement exploratoire. Dans ces cas, les gens croiront que cette attention limitée est suffisante parce que la situation sur laquelle ils se concentrent est ce qu'il y a de plus important à leurs yeux. Dans d'autres cas, les gens peuvent fixer leur attention seulement sur certaines informations et oublient de rétablir leur balayage d'information. L'une ou l'autre situation peut faire en sorte que leur conscience de la situation soit inexacte. La réalité est que le fait de garder au moins un niveau élevé de compréhension de la situation en général constitue un préalable à la capacité de savoir que certains facteurs sont effectivement plus importants que d'autres. Autrement, ce sont souvent les aspects négligés de la situation qui se révèlent être les facteurs irrémédiables de la perte de conscience de la situation. Note de bas de page 7

1.16 Autres moyens de défense pour les indications des signaux

Pour ce qui est de l'exploitation des trains, les compagnies ferroviaires et TC ont fondé leur philosophie de la sécurité sur une pierre angulaire de stricte conformité aux règles. Bien que la conformité réglementaire soit nécessaire pour la prévention des accidents de transport, elle ne suffit pas à elle seule à assurer la sécurité au sein d'un réseau de transport complexe. Les organisations qui accordent une importance excessive à la stricte conformité réglementaire ont tendance à croire que les règles de sécurité qu'elles ont établies sont à l'abri de l'erreur humaine. Une culture fondée sur les règles peut porter à croire que les accidents résultent tous d'un non-respect individuel des règles. Malheureusement, dans un système complexe comme celui du transport, même l'ensemble de règles le plus rigoureux ne couvre pas toutes les situations et des interprétations seront nécessaires de la part des personnes pour traiter des cas non prévus. Même les employés les plus motivés et les plus expérimentés sont sujets aux méprises, oublis et erreurs normaux qui caractérisent le comportement humain. La philosophie de défense en profondeur préconisée par les spécialistes de la sécurité pour les réseaux complexes consiste à mettre en place des lignes de défense diverses et multiples afin de réduire les risques d'erreur humaine normale.

Pendant de nombreuses années, l'industrie ferroviaire au Canada s'en est remise au respect, par les équipes de train, des signaux en voie qui leur fournissent une série d'indications exigeant de leur part des actions adaptées aux signaux présentés. Dans ce contexte, on attend des équipes de train qu'elles réagissent à la progression des indications des signaux en voie. Les CCF limiteront le plus possible la quantité d'information qu'ils communiquent aux équipes d'exploitation afin de réduire le risque d'une tendance à l'anticipation de la part de l'équipe à l'égard du signal en aval. Le niveau de sécurité que les systèmes de signalisation en voie assurent n'a pas évolué de façon importante depuis leur conception initiale il y a plus de 100 ans. Cependant, des trains de voyageurs à grande vitesse partagent maintenant la voie avec des trains de marchandises et la croissance générale du transport par rail s'est accélérée depuis l'introduction des signaux en voie.

À la suite de l'enquête sur la collision entre 2 trains du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) en 1998 à proximité de Notch Hill en Colombie-Britannique (rapport d'enquête R98V0148 du BST), le Bureau a déterminé que les mesures préventives supplémentaires de sécurité à l'égard des indications des signaux étaient insuffisantes. Le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports et l'industrie ferroviaire mettent en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires afin de s'assurer que les membres des équipes identifient les signaux et s'y conforment de façon uniforme.
Recommandation R00-04 du BST (publiée en février 2011)

Jusqu'à maintenant, les mesures prises pour corriger la lacune ont permis au CFCP de mettre en œuvre des améliorations des procédures dans le cadre de ses pratiques de gestion des ressources des équipes. Bien qu'il y ait eu certains avantages pour la sécurité, les moyens de défense d'ordre administratif ou procédural ne constituent pas toujours des mesures adéquates pour empêcher une équipe d'exploitation de mal interpréter ou mal percevoir les indications des signaux en voie. TC et les compagnies ferroviaires explorent la possibilité d'inclure des capacités de reconnaissance des signaux et de contrôle des freins à air dans les systèmes informatiques de la flotte existante de locomotives. Par contre, jusqu'à maintenant, aucune stratégie officielle n'a été élaborée pour qu'une technologie émergente ou des systèmes informatiques de bord existants puissent être adaptés afin de fournir des moyens de défense de contrôle des trains à sécurité intrinsèque. Par conséquent, le Bureau a réévalué la réponse à la recommandation R00-04 et estime qu'elle demeure en partie satisfaisante.

1.17 Enquêtes du BST concernant une mauvaise interprétation des règles ou des signaux

Depuis 2007, le BST a mené 5 enquêtes sur des collisions ou des déraillements de train dont la mauvaise interprétation et/ou perception des indications des signaux en voie par un membre d'équipe ont constitué une cause ou un facteur contributif. Voici ces enquêtes :

1.18 Systèmes de contrôle des trains qui protègent contre la mauvaise interprétation des signaux

L'industrie ferroviaire a mis au point des technologies qui visent à réduire les risques liés à la mauvaise interprétation ou à la non-conformité des indications des signaux. Les technologies actuellement en usage comprennent :

1.18.1 Détection de proximité

Un appareil de détection de proximité a été mis au point et en service par le chemin de fer Quebec North Shore & Labrador après une collision en 1996 entre 2 de ses trains (rapport d'enquête R96Q0050 du BST). L'appareil de détection de proximité est conçu pour déclencher un freinage automatique lorsque l'équipe d'un train ou le conducteur d'un véhicule d'entretien n'accuse pas réception de l'état du signal d'alerte en se rapprochant à une distance prédéterminée d'autres mouvements. Aucun système semblable n'a été mis en œuvre sur d'autres compagnies ferroviaires canadiennes, sauf pour des essais limités.

1.18.2 Systèmes de signalisation en cabine

La signalisation en cabine est un système de communications qui fournit de l'information sur l'état d'occupation des voies à un dispositif d'affichage installé dans la cabine de la locomotive. Les systèmes les plus simples affichent l'indication des signaux en bordure de la voie, tandis que les systèmes plus perfectionnés indiquent aussi les vitesses maximales admissibles. La signalisation en cabine peut être combinée à un système de contrôle automatique des trains (de l'anglais, automatic train control ou ATC) pour avertir les équipes d'exploitation de l'approche de points de restriction et pour déclencher l'exécution forcée du ralentissement ou de l'arrêt d'un train. Note de bas de page 8 La signalisation en cabine peut réduire le risque d'erreurs de reconnaissance des signaux.

En 1922, l'Interstate Commerce Commission (ICC) des États-Unis a rendu une décision qui exigeait que les compagnies ferroviaires américaines installent avant 1925 une certaine forme d'ATC sur la totalité d'une division pour transport de voyageurs. C'est dans la foulée de cette décision que les premiers systèmes de signalisation en cabine ont été mis au point et implantés aux États-Unis. Note de bas de page 9 Les systèmes de signalisation en cabine ont évolué et demeurent en usage dans certains corridors de trains de voyageurs aux États-Unis. Au Canada, aucun système de signalisation en cabine n'est actuellement utilisé par les compagnies ferroviaires de transport de voyageurs ou de marchandises.

1.18.3 Système de commande intégrale des trains

Le système de commande intégrale des trains (de l'anglais, positive train control ou PTC) est une technologie émergente de contrôle des trains dont les principales fonctions consistent à prévenir :

Si l'équipe d'exploitation ne réagit pas de façon adéquate, le système de PTC se déclenche pour ralentir ou arrêter le train automatiquement.

Aux États-Unis, on travaille à développer la technologie de PTC depuis bon nombre d'années. Voici un résumé des principaux événements qui ont influé sur le développement de cette technologie :

L'accident de Metrolink a accéléré l'adoption de la Rail Safety Improvement Act of 2008 qui exigeait l'installation, d'ici 2015, du PTC sur de nombreuses lignes ferroviaires des États-Unis à risque plus élevé. Cependant, en raison d'un certain nombre de difficultés techniques, on s'attend à ce que la mise en application du PTC soit retardée au-delà de la date butoir du 31 décembre 2015.

Au Canada, il n'existe actuellement aucun système de PTC en usage sur les chemins de fer de transport de marchandises ou de voyageurs et aucune installation à cette fin n'est prévue. La technologie du PTC ne sera vraisemblablement mise en œuvre au Canada que plusieurs années après la fin de son implantation aux États-Unis. Cependant, afin de répondre aux exigences du PTC pour leurs activités aux États-Unis, le CN et le CFCP ont tous les deux des plans pour la mise en place du PTC :

Tant au CN qu'au CFCP, le système de PTC sera basé sur le système interfonctionnel de gestion électronique des trains (de l'anglais, Interoperable Electronic Train Management System ou I-ETMS). Le CN l'installera dans 41 subdivisions et le CFCP, dans 17, soit, respectivement, sur 62 % et 89 % de la totalité de leurs milles de parcours aux États-Unis (à l'exclusion des zones de triage). L'I-ETMS est un système de contrôle des trains axé sur la locomotive et exploitant une combinaison de données des locomotives, du bureau et de la voie intégrées au moyen d'un réseau de radiocommunication. Le système remplit les fonctions suivantes :

1.18.4 Système d'arrêt automatique des trains à la Toronto Transit Commission

Le système de signalisation à cantons fixes de la TTC commande les mouvements de train dans le métro, y compris leur vitesse, au moyen d'un dispositif appelé Automatic Trainstop (arrêt automatique des trains). Depuis les années 1930, un tel système est largement répandu dans les réseaux ferroviaires de banlieue en Amérique du Nord et permet d'assurer la conformité aux indications d'arrêt. L'arrêt automatique des trains permet d'arrêter un train quand l'aspect du signal et la règle d'exploitation applicable interdisent le mouvement du train. Le système fonctionne par la mise en prise mécanique d'un bras déclencheur fixé près du côté intérieur du rail. Chaque train est muni d'une soupape de déclenchement raccordée directement au circuit de frein à air du train.

En présence d'un signal de voie libre, le bras déclencheur s'abaisse pour permettre aux trains de le franchir à volonté. Quand le signal exige l'arrêt (c'est-à-dire, aspect rouge), le bras déclencheur en voie se soulève à la position de danger de manière à engager la soupape de déclenchement et à déclencher un freinage d'urgence.

1.18.5 Système informatisé de contrôle des trains sur le réseau de trains légers de Scarborough (TTC)

Le réseau de trains légers de Scarborough de la TTC utilise un système informatisé de contrôle des trains en place depuis le milieu des années 1980. Un système similaire est utilisé pour l'exploitation du « Skytrain » de Vancouver (Colombie-Britannique).

Le système informatisé de contrôle des trains sur la ligne de trains légers de Scarborough est un système de commande des trains à cantons mobiles où le matériel en voie et le matériel de bord échangent des renseignements et des commandes par l'entremise d'un fil à boucle inductive sans fin posé sur la plate-forme de la voie. Il existe des ordinateurs de bord sur chaque train et un ordinateur pilote en un point fixe. Le câble en boucle assure une communication continue entre les ordinateurs de bord et l'ordinateur pilote. L'ordinateur de bord transmet en continu la position et la vitesse du train, calcule les distances de freinage et veille à ce que le train respecte les limites de vitesse imposées par l'ordinateur pilote. Cet échange de données assure un espacement des trains et un freinage sécuritaires, ainsi qu'une surveillance continue de tous les trains et le contrôle de leur vitesse.

1.18.6 Système de contrôle de la vitesse à la TTC

La TTC a récemment installé un système de contrôle de la vitesse sur sa ligne de métro Yonge/University/Spadina. Le système de contrôle de la vitesse se superpose au système de signalisation classique à logique à relais de la TTC. Il a pour principale fonction de superviser et de faire appliquer les limites de vitesse permises, les vitesses de marche à vue, les zones à vitesse réduite et le respect des signaux. Des transpondeurs électroniques sont implantés au niveau de la voie sur tout le réseau et dans les triages. Un contrôleur à bord du train détecte les transpondeurs en voie, détermine la position du train et étalonne la révolution des roues pour assurer un positionnement précis.

Le contrôleur de bord compare l'information reçue des transpondeurs à l'information sur la voie et le réseau stockée dans sa mémoire, puis il calcule la position du train et contrôle la vitesse de celui-ci pour le tronçon de voie considéré. La vitesse s'affiche sur la console de l'opérateur du train et une alarme sonore se déclenche en cas de survitesse. Si l'opérateur ne réagit pas de façon appropriée à une survitesse ou à l'indication d'un signal, le système de contrôle de la vitesse actionne les freins du train.

1.18.7 Systèmes de contrôle des trains au sein d'Amtrak

Depuis sa formation en mai 1971, la National Railroad Passenger Corporation (Amtrak) des États-Unis gère le service ferroviaire voyageurs aux États-Unis. Le BST a rencontré des représentants d'Amtrak pour obtenir un aperçu des systèmes de contrôle des trains actuellement en place dans son corridor nord-est. Dans ce corridor, Amtrak exploite un chemin de fer entièrement électrifié, utilisant des câbles de caténaire pour propulser ses locomotives. Le matériel de traction classique à moteur diesel peut également circuler sur les mêmes voies, pourvu qu'il soit également équipé de la signalisation en cabine et d'un ATC. Les trains d'Amtrak dans le corridor nord-est sont exploités par un seul mécanicien de locomotive.

Le corridor nord-est comprend environ 430 milles de voie, depuis Boston (Massachussetts) jusqu'à New York (New York) et Washington, DC, avec des ramifications desservant d'autres villes. Le corridor nord-est, par sa clientèle et la fréquence du service, constitue la plus achalandée des lignes ferroviaires de transport de voyageurs aux États-Unis, avec plus de 300 trains mis en circulation chaque jour de semaine sur les tronçons contrôlés par Amtrak. À l'heure actuelle, quelque 75 % des voyageurs payants entre New York et Washington se déplacent en train. Le trafic ferroviaire sur le corridor nord-est se compose : * de trains de marchandises classiques tractés par des locomotives diesel, exploités par le CSX et le chemin de fer Providence and Wooster et se déplaçant à des vitesses de 30 à 50 mi/h;

La liste qui suit résume divers événements qui ont mené au développement et à l'implantation de systèmes de contrôle des trains sur le corridor nord-est :

1.19 Simulateurs de locomotive chez Amtrak

Le BST a fait fonctionner 2 simulateurs de train en usage chez Amtrak qui avaient été programmés pour le corridor nord-est. Le système de signaux et de règles utilisé par Amtrak diffère légèrement du REF et du système canadien de CCC. En particulier, la petite vitesse peut être de 20 à 30 mi/h, alors que le REF la définit comme une vitesse de 15 mi/h. Cependant, les principes fondamentaux d'un contrôle des trains faisant appel à des indications progressives des signaux demeurent les mêmes. La longueur des cantons de signalisation d'Amtrak Note de bas de page 10 a été raccourcie à environ 1 mille pour tenir compte de l'augmentation de la vitesse des trains et du volume de trafic. Par comparaison, la distance entre deux endroits contrôlés dans le voisinage du lieu de l'accident est d'environ 3 milles.

Un simulateur a été organisé de façon à ressembler à une cabine Acela dotée de la signalisation en cabine, de l'ATC et de l'ACSES. En plus du respect des signaux, l'ACSES fait appliquer les limites de vitesse et les arrêts à venir. En l'absence de mesure ou de réaction appropriée de la part d'un mécanicien de locomotive, l'ACSES ralentit le train dans le cas d'un ordre de limitation de vitesse et l'arrête avant son arrivée à un signal d'arrêt absolu. Au cours d'une simulation, on a tenté d'accélérer au-delà d'un signal de marche à vue et d'un signal d'arrêt absolu. Dans les deux cas, l'ACSES a empêché des actions qui allaient à l'encontre des indications de signaux présentées.

Un autre simulateur a été organisé sur le modèle de la cabine de la locomotive F40PH-2D de General Motors (GM) du VIA 92. On a équipé ce simulateur de la signalisation en cabine et de l'ATC (respect des limites de vitesse et freinage automatique). Au cours de la première simulation, l'ATC a fait respecter la limite de vitesse dans le canton occupé par le train. Cependant, le simulateur n'a pas présenté le canton suivant ni fait respecter sa limite de vitesse. Quand un signal s'est mis au rouge, le simulateur a fait respecter l'arrêt après le franchissement du signal. Même si le signal donnant l'indication d'arrêt absolu a pu être franchi, la vitesse à son approche a été réduite et, par conséquent, le signal a été franchi à une vitesse bien inférieure. Après le franchissement du signal, le système a fait respecter l'arrêt complet.

Une reconstitution des événements a été menée à l'aide du simulateur organisé sur le modèle de la cabine de la locomotive F40PH-2D de GM du VIA 92. Au moyen de la signalisation en cabine, de l'ATC, des règles d'exploitation et des aspects de signaux en usage chez Amtrak, on a programmé une simulation avec progression des signaux similaire à celle des signaux présentés au VIA 92 à son approche d'Aldershot East. La simulation a fait la preuve de la fonctionnalité d'un système de signalisation en cabine relié à l'ATC. Voici les événements qui se sont produits au cours de la simulation :

1.20 Enregistrement des conversations dans la cabine au sein d'Amtrak

Toutes les cabines des locomotives des trains Acela d'Amtrak sont équipées d'un enregistreur de la parole relié au consignateur d'événements de locomotive. L'enregistreur de la parole fonctionne tout au long du trajet sur une boucle qui enregistre 20 minutes d'activité dans la cabine et écrase sans cesse le contenu de la bande.

Les enregistrements de la parole sont automatiquement sauvegardés au cours du déclenchement de certains événements, notamment quand la locomotive subit un impact de 3 G (1 G = force de gravité) Note de bas de page 11 ou plus ou qu'elle s'incline d'au moins 20° par rapport à son axe. Quand un événement déclencheur se produit, le système sauvegarde automatiquement les 20 dernières minutes de l'activité en cabine enregistrée dans le consignateur d'événements.

1.21 Systèmes de contrôle des trains dans d'autres pays

Diverses formes d'ATC sont en opération dans d'autres pays depuis des décennies. Ces systèmes comprennent habituellement une forme quelconque de système basé au sol et de système de bord qui sont reliés entre eux afin d'assurer la fonctionnalité d'un système ATC. Par exemple :

Jusqu'à maintenant, aucune grande compagnie ferroviaire de transport de voyageurs (VIA) ou de transport de marchandises (CN ou CFCP) au Canada n'a instauré quelque forme quelconque de contrôle automatique des trains.

1.22 Renseignements sur la locomotive et les voitures à voyageurs du VIA 92

Le tableau 3 ci-dessous comprend des renseignements sur le matériel roulant en cause dans l'accident.

Tableau 3. Information sur le matériel roulant
Matériel roulant Numéro de VIA Constructeur Modèle Type Année de construction
Locomotive 6444 Division des composants électromoteurs de GM F40PH-2 (GPA-30h) Locomotive à nez large 1989
1re voiture à voyageurs 3454 Bombardier LRC Voiture-bar VIA 1 1984
2e voiture à voyageurs 3354 Bombardier LRC Voiture à voyageurs 1983
3e voiture à voyageurs 3318 Bombardier LRC Voiture à voyageurs 1980
4e voiture à voyageurs 3319 Bombardier LRC Voiture à voyageurs 1980
5e voiture à voyageurs 3311 Bombardier LRC Voiture à voyageurs 1979

1.23 Remise à neuf des locomotives de VIA

La locomotive VIA 6444 a été construite en 1989, une des 53 locomotives F40PH-2D de GM livrées à VIA entre 1986 et 1990. Cette locomotive à nez large est configurée avec le capot court en tête. La caisse de la locomotive est complètement fermée et comporte des passerelles intérieures pour l'accès au compartiment moteur. Ces locomotives diesel-électriques à 4 essieux de 3000 HP ont été construites pour le service voyageurs.

En 2007, VIA a passé un contrat avec CAD Industries à Montréal (Québec) et entrepris un programme de remise à neuf de son parc de locomotives F40PH-2D de GM, programme au cours duquel chaque locomotive a été dégarnie (voir la photo 7) jusqu'à son châssis et reconstruite de haut en bas (voir la photo 8). La VIA 6444 a repris le service après la fin de sa remise à neuf en décembre 2009.

Photo 7. Locomotive F40PH-2D GM de VIA après son démontage (source : BST)
Photo 7. Locomotive F40PH-2D GM de VIA après son démontage (source : BST)
Photo 8. Locomotive F40PH-2D GM de VIA après sa remise à neuf (source : BST)
Photo 8. Locomotive F40PH-2D GM de VIA après sa remise à neuf (source : BST)

Lors de leur remise à neuf, les locomotives F40PH-2D de GM ont subi des améliorations techniques destinées à accroître les efficiences et la fiabilité d'exploitation. Ces améliorations visaient les bogies, le moteur de la locomotive et la génératrice qui alimente les voitures. De plus, un nouveau consignateur d'événements de locomotive résistant à l'impact a été installé en conformité avec le Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer (Règlement de sécurité des locomotives) approuvé par TC et la charpente du toit de la cabine a été modifiée pour pouvoir y placer un climatiseur. Les réservoirs de carburant d'origine ont été réparés au besoin, peinturés et réinstallés.

Le nez avant de la locomotive F40PH-2D de GM comporte 2 robustes montants anticollision qui la protègent en cas de collision frontale. Par comparaison, la charpente du toit et les parois de la cabine étaient faites de diverses configurations d'acier de faible épaisseur (voir la photo 9). L'ossature du toit était constituée d'un certain nombre de profilés en U formant, après leur fabrication, un tube carré de 2 pouces 1/2 (voir la photo 10). L'épaisseur de la paroi du tube était de 0,120 pouce (juste au-dessous de 1/8 de pouce), tandis que l'épaisseur du revêtement du toit était de 0,135 pouce (juste au-dessus de 1/8 de pouce). Il n'y avait aucune charpente importante de montants de coin ni renfort de toit.

Photo 9. Charpente à découvert de l'intérieur de la cabine côté du chef de train (source : BST)
Photo 9. Charpente à découvert de l'intérieur de la cabine côté du chef de train (source : BST)
Photo 10. Tubulure utilisée pour l'ossature du toit. Revêtement du toit dans le haut de la photo (source : BST)
Photo 10. Tubulure utilisée pour l'ossature du toit. Revêtement du toit dans le haut de la photo (source : BST)

La remise à neuf n'a donné lieu à aucune amélioration de la charpente dans la zone de la cabine pour assurer la protection en cas de renversement ou d'impact. Cette remise à neuf ne concernait pas les exigences relatives à la charpente énoncées dans la partie II du Règlement de sécurité des locomotives et n'y était pas tenue. Après la remise à neuf, la durée de vie utile de ces locomotives peut atteindre 40 ans ou davantage si une autre remise à neuf est effectuée plus tard. De tels programmes de remise à neuf sont communs dans l'industrie ferroviaire.

La remise à neuf ne comportait pas l'installation d'un enregistreur de la parole dans la cabine. Dans son rapport d'enquête R99T0017, le Bureau a recommandé que : le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie ferroviaire, établisse des normes nationales exhaustives en matière des enregistreurs de données de locomotive qui comprennent un dispositif d'enregistrement des conversations de cabine combiné aux systèmes de communication de bord.
Recommandation R03-02 du BST (publiée en février 2011)

En tenant compte que TC avait mis en œuvre certaines spécifications de performance pour la collecte de données, le Bureau a évalué la réponse de TC comme étant en partie satisfaisante. Toutefois, le Bureau demeure préoccupé par le fait que le principe des enregistrements de la parole comme précieux outil de sécurité n'ait pas été mis en application.

1.24 Exigences réglementaires relatives à la résistance à l'impact des locomotives

Au départ, les locomotives F40PH-2D de VIA avaient été construites en conformité avec les normes en vigueur dans les années 1980, celles de l'ordonnance générale 0-21 de la Commission canadienne des transports et connues sous le nom de Règlement sur le matériel de traction des chemins de fer. La réglementation ne contenait aucune exigence particulière sur la résistance à l'impact des cabines de locomotive puisque de telles normes n'avaient pas encore été établies à l'époque. Au début des années 1990, la Commission canadienne des transports a été remplacée par Transports Canada (Sécurité ferroviaire). L'ordonnance générale 0-21 est demeurée en place jusqu'à l'entrée en vigueur en 1997 du Règlement de sécurité des locomotives approuvé par TC.

1.24.1 Règlement de sécurité des locomotives

Le Règlement de sécurité des locomotives adopté en 1997 décrit les critères minimaux pour la conception et la résistance à l'impact des locomotives. Cependant, rien n'empêchait une compagnie ferroviaire d'exiger une construction plus robuste.

La partie II, Exigences relatives à la conception des locomotives, article 10, Conception générale, indique ce qui suit :

  1. 10.1
    La locomotive doit être conçue et construite de manière à garantir la sécurité d'exploitation des trains ainsi que la protection des équipes d'accompagnement et des biens contre les accidents provenant d'une défaillance de fonctionnement de la locomotive.
  2. 10.2
    Les nouvelles locomotives doivent, au minimum, être conçues et construites conformément au Manual of Standards and Recommended Practices (S-580) de l'Association of American Railroads, ou conformément à une norme équivalente, de manière à garantir la sécurité d'exploitation des trains ainsi que la protection des équipes d'accompagnement et des biens contre les accidents provenant d'une défaillance de fonctionnement de la locomotive.

En janvier 2006, le Règlement de sécurité des locomotives a été modifié afin d'y ajouter des normes de résistance à l'impact distinctes pour les locomotives de marchandises et les locomotives de voyageurs. Cet ajout est demeuré inchangé jusqu'à l'actuelle version du Règlement de sécurité des locomotives en date de février 2010.

  1. 10.2 (a) Locomotives marchandises

    Les nouvelles locomotives doivent, au minimum, être conçues et construites conformément à la dernière édition du Manual of Standards and Recommended Practices (S-580) de l'Association of American Railroads, ou conformément à une norme équivalente
    [...]

  2. 10.2 (b) Locomotives voyageurs

    Les nouvelles locomotives doivent, au minimum, être conçues et construites conformément à la dernière édition des normes de l'American Public Transit Association (APTA), du Manual of Standards and Recommended Practices (S-580) de l'Association of American Railroads, ou conformément à une norme équivalente.

Par référence, la norme applicable de l'APTA est la norme 11, APTA SS-C&S-034-99, révision 2, Standard for the Design and Construction of Passenger Railroad Rolling Stock.

Aux États-Unis, les parties 229 et 238 du titre 49 du Code of Federal Regulations de la FRA ont établi en 2006 la règle finale sur la résistance à l'impact des locomotives, la plupart des dispositions entrant en vigueur le 1er janvier 2009. L'article 229.203 exige que les locomotives construites ou reconstruites aux États-Unis le ou après le 1er janvier 2009 satisfassent aux normes de résistance à l'impact. La règle finale de la FRA comprend aussi par référence la plus récente version de la norme S-580 de l'AAR.

1.24.2 Normes sur la résistance à l'impact des locomotives – Norme S-580 du Manual of Standards and Recommended Practices de l'Association of American Railroads

La norme S-580 de l'AAR fournit les exigences applicables à toutes les nouvelles locomotives de ligne, à l'exception des véhicules occupés par des voyageurs, construites après le 31 décembre 2008 (à partir du 1er janvier 2009) et destinées au service marchandises commercial ou au service voyageurs ou de banlieue sur les voies à écartement normal des chemins de fer nord-américains. Le tableau 4 ci-dessous donne un sommaire des locomotives exploitées par les grands chemins de fer de service voyageurs et de service marchandises construites avant le 1er janvier 2009.

Tableau 4. Sommaire des dates de construction des locomotives
Compagnie ferroviaire Nombre de locomotives de ligne Nombre de locomotives construites avant 2009 Pourcentage de locomotives construites avant 2009
VIA 74 74 100
CN 1393 (Amérique du Nord) 1208 87
CFCP 1539 (Amérique du Nord) 1448 94

La norme S-580 de l'AAR a pour principale raison d'être de réduire au minimum le risque de blessures et de morts pour les équipes de train et autres personnes engagées dans le transport de marchandises et de voyageurs. La norme indique les exigences à respecter dans la conception des locomotives présentant des caractéristiques améliorées en matière de la résistance à l'impact. Les exigences de conception visaient à améliorer la norme initiale S-580 de l'AAR (1989).

Au Canada, les locomotives utilisées pour le service marchandises et le service voyageurs de VIA sont principalement de 2 conceptions différentes : à nez large (cabine nord-américaine) ou à nez étroit. Une locomotive à nez large possède un capot court en tête qui fait toute la largeur de la locomotive, tandis que, sur une locomotive à nez étroit, le capot court en tête fait bien moins que la pleine largeur de la locomotive.

La norme S-580 de l'AAR précise que les locomotives à nez large doivent avoir de robustes montants anticollision à l'avant de la locomotive pour les protéger en cas de collision frontale. Elle stipule en partie que : [Traduction]

  1. Chaque locomotive doit être munie d'au moins deux montants anticollision ou de structures équivalentes situés comme suit :
    • en des points espacés d'environ le tiers de la largeur de la locomotive;
    • dans leur totalité en avant de la position assise de tout membre de l'équipe;
    • à une hauteur de 24 pouces mesurée au-dessus du plancher fini de la cabine;
  2. Chaque montant anticollision doit être fixé/soudé en continu au revêtement avant et au toit du capot court;
  3. Chaque montant anticollision doit résister aux charges ci-après sans dépasser la résistance à la rupture des montants et de leurs fixations au châssis :
    • une charge de 750 000 livres appliquée aux 10 % inférieurs de la hauteur globale du montant anticollision à la base […], à n'importe quel angle dans le plan horizontal, à ± 15° de l'axe longitudinal de la locomotive;
    • une charge de 500 000 livres appliquée sur une zone, sur la largeur de la structure du montant et sur 10 % de sa hauteur, centrée à une hauteur de 30 pouces au-dessus du sommet du châssis […], à n'importe quel angle dans le plan horizontal, à ± 15° de l'axe longitudinal de la locomotive.
  4. Chaque réservoir principal de carburant […] doit satisfaire aux exigences de la dernière révision de la norme S-5506 du MSRP [Manual of Standards and Recommended Practices] intitulée « Performance Requirements for Diesel Electric Locomotive Fuel Tanks ».
  5. Le capot court doit être capable de résister à une charge longitudinale de 400 000 livres appliquée à son devant dans le coin supérieur sur une zone de 12 pouces de large mesurée à partir d'une hauteur de 30 pouces au-dessus du sommet du plancher et s'étendant jusqu'au revêtement du toit de la cabine dans le nez, sans dépasser la résistance à la rupture [….]
  6. [un système d'attache des bogies qui fixe chacun de ceux-ci au châssis de la locomotive.] L'attache de chaque bogie au châssis doit pouvoir résister à une contrainte de cisaillement ultime équivalente de 250 000 livres du plan longitudinal au plan latéral, inclusivement.

Les montants de coin de la cabine et la protection en cas de renversement ne sont pas exigés pour les locomotives à nez large.

Les locomotives à nez étroit doivent satisfaire aux mêmes exigences que les locomotives à nez large, à l'exception de ce qui suit :

[Traduction]

  1. [Dans la cabine de conduite,] il doit se trouver des montants de coin à tous les coins de la charpente de la cabine.

    Chaque montant de coin, chaque cadre de soutien et chaque raccordement intermédiaire doivent résister aux charges horizontales ci-après appliquées individuellement dans la direction indiquée :

    • un minimum de 300 000 livres appliquées en un point à égalité avec le dessus du châssis, sans dépasser la résistance à la rupture du montant. Cette charge doit être appliquée à n'importe quel angle dans le plan horizontal, à ± 8° par rapport à l'axe longitudinal de la locomotive.

    • un minimum de 100 000 livres appliquées à une hauteur de 30 pouces mesurée depuis le plancher fini de la cabine. Cette charge doit être appliquée à n'importe quel angle dans le plan horizontal, à ± 8° par rapport à l'axe longitudinal de la locomotive, sans dépasser la résistance à la rupture du montant ou de ses raccordements.
    • un minimum de 45 000 livres appliquées n'importe où entre le haut du montant à son point de raccordement avec la charpente de toit et le dessus du châssis, sans dépasser la résistance à la rupture du montant ou de ses raccordements. Cette charge doit être appliquée vers l'intérieur de la locomotive dans n'importe quelle direction, longitudinale ou transversale.
  2. Le revêtement de la partie du capot court qui fait face au bout de la locomotive doit être l'équivalent d'une plaque d'acier de ½ pouce possédant une limite conventionnelle d'élasticité de 25 000 lb/po²

    [...]

    Cette plaque installée au bout de la locomotive doit être fixée solidement aux montants anticollision.

La protection en cas de renversement de la cabine n'est pas exigée pour les locomotives à nez étroit.

1.24.3 Exigences de la norme S-5506 du Manual of Standards and Recommended Practices de l'Association of American Railroads pour les réservoirs de carburant des locomotives

Afin de réduire au minimum les dommages au réservoir de carburant au cours d'un déraillement ou d'une collision, ou les deux, la pratique recommandée S-5506 du MSRP de l'AAR a été adoptée comme pratique recommandée en 1995 et élevée au statut de norme en 2001. La norme S-5506 du MSRP de l'AAR indique les exigences de performance de base que doivent respecter, du point de vue de la structure et de la résistance à la perforation, les réservoirs de carburant des locomotives diesel-électriques à 4 et à 6 essieux. La norme s'applique à toutes les locomotives de marchandises construites après le 1er juillet 1995.

Le paragraphe 4.1, Design Considerations, stipule en partie ce qui suit :

[Traduction]

  • [De par sa conception,] la construction doit pouvoir supporter sur la plaque de bout du réservoir de carburant une charge soudaine de la moitié du poids de la caisse à une accélération verticale de 2 G, sans dépasser la résistance à la rupture du matériau. La charge est censée être supportée sur un rail, à l'intérieur d'une bande de ± 8 pouces en un point théoriquement au-dessus du champignon du rail, sur une voie en alignement.

    La conception du réservoir de carburant devrait faire en sorte de maximiser la hauteur libre entre le dessus du rail et le dessous du réservoir.

  • […]

  • L'épaisseur minimale des côtés, de la tôle inférieure et des tôles de bout du réservoir de carburant devrait équivaloir à celle d'une tôle d'acier de 5/16 de pouce à une limite conventionnelle d'élasticité de 25 000 lb/po² [...] Le tiers inférieur des tôles de bout doit présenter une résistance à la pénétration équivalente, calculée selon la méthode décrite ci-dessus, à celle d'une tôle d'acier de 3/4 de pouce à une limite conventionnelle d'élasticité de 25 000 lb/po². Pour obtenir cette résistance, on peut employer n'importe quelle combinaison de matériaux ou d'autres moyens de protection mécaniques.

1.25 Normes de l'American Public Transit Association

Les exigences de l'APTA pour les locomotives ne transportant pas de voyageurs Note de bas de page 13 ont été remplacées par la règle finale de la FRA, qui comprend aussi la dernière révision de la norme S580 de l'AAR. Toutefois, à titre de comparaison, la norme de l'APTA contient des critères de conception de la performance pour les dispositifs antichevauchement à l'avant, les montants anticollision et les attaches de bogie qui respectent ou dépassent la norme S-580 de l'AAR. Elle comprend également les critères de conception supplémentaires ci-après pour les montants de coin de la cabine des locomotives et la protection en cas de renversement de la cabine, caractéristiques qui ne sont pas exigées par la norme S-580 de l'AAR pour les locomotives à nez large.

1.25.1 Montants de coin de la cabine des locomotives

Les locomotives doivent avoir des montants de coin structuraux. Ces montants doivent s'étendre du bas de la charpente du châssis au bas de la charpente du toit. Les exigences de cette norme visent à produire une charpente de bout amortissante au-dessus du châssis. Les exigences relatives aux montants de coin incluent la capacité du montant à absorber une quantité importante d'énergie en subissant une déformation considérable sans qu'il y ait défaillance de ce poteau ou de ses raccordements dans une situation de surcharge.

Le montant de coin, qui supporte la charpente de la caisse et tous les raccordements intermédiaires, doit résister à chacune des charges horizontales ci-après appliquées individuellement vers l'intérieur du véhicule dans n'importe quelle direction, longitudinale ou transversale :

  1. un minimum de 300 000 lbf [livres-force ou livres] (1334 kN) appliquées en un point à égalité avec le dessus du châssis, sans dépasser la résistance à la rupture du montant (selon la zone de cisaillement du montant, qui correspond à sa profondeur multipliée par l'épaisseur des âmes).

  2. un minimum de 100 000 lbf (445 kN) appliquées à une hauteur de 18 pouces (457 mm) au-dessus du sommet du châssis, sans déformation permanente.

  3. un minimum de 45 000 lbf (200 kN) appliquées n'importe où entre le haut du montant à son point de raccordement avec la charpente du toit et le dessus du châssis, sans dépasser la valeur de déformation permanente du montant ou de la charpente de support.

  4. Le raccordement du montant de coin à la charpente du toit doit être conçu pour résister à chacune des charges ultimes ci-après, appliquées individuellement :

    • charge de cisaillement longitudinale de 45 000 lbf (200 kN)
    • charge verticale descendante de 22 500 livres (100 kN)

Les propriétés de zone du montant de coin, y compris tout renfort nécessaire pour assurer la résistance au cisaillement spécifiée de 300 000 livres au sommet du châssis, doivent s'étendre depuis le bas de la traverse extrême jusqu'à au moins 30 pouces au-dessus du sommet du châssis. Chaque montant de coin et tout renfort de cisaillement, le cas échéant, doivent être soudés aux semelles inférieure et supérieure de la traverse extrême avec des joints équivalents aux joints soudés préqualifiés de l'American Welding Society.

1.25.2 Exigences de l'American Public Transit Association pour la protection en cas de renversement de la cabine des locomotives

Les locomotives munies de capots non structuraux doivent être conçues de manière qu'en cas de renversement, la cabine de conduite conservera un espace de survie. Le constructeur devra démontrer, par des schémas et des calculs, que la locomotive est apte à se renverser sur le dos en au moins 2 points de contact tout en maintenant un espace de survie à l'intérieur de la cabine de conduite.

1.26 Évaluation de la résistance à l'impact de la locomotive VIA 6444

Le BST a évalué la résistance à l'impact de la locomotive VIA 6444. Note de bas de page 14 L'évaluation a révélé ce qui suit :

1.26.1 VIA 6444 – Montants de coin de la cabine

Les montants de coin de la cabine sont des renforts structuraux formant une charpente amortissante en bout qui peut subir une déformation grave sans défaillance. Les montants de coin devraient être situés de manière à protéger la cabine en cas de collision de coin ou de renversement et devraient s'étendre du châssis au toit de la cabine.

L'examen de l'épave n'a pas permis de découvrir la présence de montants de coin. Comme la collision s'est concentrée sur un côté, la présence d'un montant de coin s'élevant jusqu'au toit de la cabine aurait assuré une protection supplémentaire. La norme S-580 de l'AAR n'exige pas la présence de montants de coin dans les locomotives à nez large.

1.26.2 VIA 6444 – Protection en cas de renversement de la cabine

La protection en cas de renversement consiste en renforts structuraux appliqués aux côtés et au toit de la cabine de la locomotive. Ces renforts visent à rendre la cabine de la locomotive moins sujette à l'écrasement en cas de renversement ou d'impact.

Dans le cas des côtés et du toit, l'examen de l'épave n'a donné aucune indication de cette charpente robuste qui indiquerait normalement la présence d'une protection en cas de renversement. Des spécimens de tubulure structurale et de revêtement ont été obtenus sur une autre locomotive F40PH-2D de VIA. Une mesure de ces spécimens a révélé des épaisseurs de calibre 10 et 11 (c'est-à-dire, 0,135 pouce et 0,120 pouce), ce qui est plus mince que le calibre d'épaisseur des matériaux qu'on s'attendrait normalement de trouver dans une construction qui procure une protection en cas de renversement. Pour les locomotives à nez large, la norme S-580 de l'AAR ne comporte pas d'exigences spécifiques pour la protection en cas de renversement.

1.26.3 VIA 6444 – Réservoir de carburant

La norme S-5506 du MSRP de l'AAR exige que les réservoirs de carburant soient d'une conception résistante aux impacts élevés. Elle stipule que les côtés ainsi que les tôles inférieure et de bout du réservoir de carburant soient construits avec une épaisseur minimale d'acier de 5/16 de pouce, et le tiers inférieur des tôles de bout, avec une épaisseur minimale d'acier de 3/4 de pouce. La tôle d'acier doit avoir une limite conventionnelle d'élasticité minimale de 25 000 lb/po².

L'examen visuel du réservoir de carburant a révélé qu'il était d'origine; il avait été peinturé, mais non modifié. Au cours du déraillement, le réservoir de carburant s'est perforé et a laissé fuir la totalité de son contenu.

1.26.4 VIA 6444 – Fixation des bogies

Les normes de conception des locomotives précisent la résistance que doit avoir le système d'attache des bogies de façon à réduire au minimum le risque d'un détachement des bogies durant un déraillement ou une collision. Il n'existait aucun dossier pour indiquer comment la norme de construction de la VIA 6444 se comparait à celle de la norme actuelle.

Dans le présent accident, les deux bogies se sont détachés de la locomotive : le bogie avant s'est immobilisé à une courte distance de la locomotive, certains câbles y restant attachés; le bogie arrière a déraillé et s'est immobilisé à quelque 1040 pieds à l'est de la locomotive.

1.26.5 VIA 6444 – Dispositifs de retenue pour les équipes

Rien n'indiquait que des sièges de locomotive s'étaient détachés au cours de l'événement. Les normes de conception actuelle n'exigent pas que les sièges des membres de l'équipe soient munis d'une ceinture de sécurité, et aucune n'était fournie.

1.27 Exigences réglementaires pour la résistance à l'impact des voitures à voyageurs

La construction des voitures à voyageurs est régie par le Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des voitures voyageurs (Règlement de sécurité relatif aux voitures voyageurs) approuvé par TC et en date du 8 novembre 2001 (TC O-0-26). La partie III, Dispositifs de sécurité, article 16, Généralités, stipule en partie ce qui suit :

Article 16 – Généralités

  1. 16.1

    Toute voiture voyageurs qui traverse des passages à niveau publics et emprunte des voies où circulent des trains de marchandises doit être conçue et construite en conformité avec le Manual of Standards and Recommended Practices publié par l'Association of American Railroads, ou une norme équivalente, pour garantir la sécurité de la marche des trains ainsi que la protection des voyageurs, du personnel d'exploitation et des diverses propriétés, contre les accidents dus à une défaillance fonctionnelle des composants de la voiture.

    Sauf indication contraire dans le présent règlement, les nouveaux équipements commandés après le 1er avril 2001 seront conçus et construits conformément à la toute dernière édition des normes de sécurité de « l'American Public Transit Association (APTA) Manual of Standards and Recommended Practices for Passenger Rail Equipment » en vigueur au moment de la commande, ou d'une norme équivalente.

L'article 20, Portes et fenêtres, précise en partie que :

  1. 20.2

    Chaque voiture voyageurs doit avoir au moins deux fenêtres de sortie de secours, accessibles et dégagées, de chaque côté de la voiture près de chaque extrémité, c'est-à-dire un total de quatre (4) fenêtres de sortie de secours par voiture.

1.28 Évaluation de la résistance à l'impact des voitures à voyageurs légères, rapides, confortables de VIA

Le BST a évalué la résistance à l'impact des voitures à voyageurs LRC de VIA. L'évaluation a révélé ce qui suit :

1.28.1 Montants anticollision des voitures à voyageurs légères, rapides, confortables de VIA

La norme de l'APTA Note de bas de page 15 exige la présence de 2 montants anticollision de pleine hauteur à chaque extrémité de la voiture, placés sur la largeur de la voiture en des points espacés d'environ le tiers de cette largeur et s'élevant du châssis jusqu'au toit.

Les voitures en cause dans l'accident avaient des montants anticollision en place sur chaque côté des portes de bout. Bien que les 2 premières voitures aient subi des dommages considérables, leurs montants anticollision n'arboraient aucun dommage visible.

1.28.2 Montants de coin des voitures à voyageurs légères, rapides, confortables de VIA

La norme de conception de l'APTANote de bas de page 16 exige la présence de 2 montants de coin structuraux à chaque extrémité de la voiture (c'est-à-dire à chaque coin extrême de la caisse) s'élevant du châssis jusqu'au toit.

Comme les voitures en cause dans l'accident avaient été construites avant l'entrée en vigueur de l'exigence relative aux montants de coin, elles n'étaient pas équipées de montants de coin. Bien que certains coins des 2 premières voitures aient subi des dommages structuraux localisés, l'espace de cabine propice à la survie n'a subi aucune perte importante.

1.28.3 Protection en cas de renversement des voitures à voyageurs légères, rapides, confortables de VIA

La norme de l'APTA Note de bas de page 17 exige que les voitures à voyageurs soient conçues pour reposer sur leur toit, tout en limitant les dommages structuraux à son revêtement et à son ossature. Elle exige aussi que ces voitures puissent reposer sur leur côté sans que leur caisse se déforme ou cède. Note de bas de page 18

Au cours du présent événement, seule la première voiture s'est immobilisée sur son côté; elle ne s'est pas effondrée et son volume occupé n'a pas été réduit.

1.28.4 Sorties de secours par le toit des voitures à voyageurs légères, rapides, confortables de VIA

La norme de l'APTA Note de bas de page 19 exige que chaque voiture à voyageurs comporte au moins 2 sorties de secours par le toit. Il peut s'agir d'une ouverture intégrée avec trappe ou d'une zone identifiée du toit où les éléments structuraux lourds, le câblage, les conduits, la tuyauterie et les appareils d'éclairage n'empêchent pas de découper des orifices d'accès avec des outils couramment transportés dans les véhicules de sauvetage des services d'incendie.

Dans le cas des voitures en cause dans l'accident, on a fait appel à cette dernière option; chaque voiture présentait 2 de ces sorties. Cependant, le toit de la première voiture, qui s'est renversée, reposait contre des débris provenant du bâtiment. Sur cette voiture, les sorties de secours par le toit n'étaient pas accessibles.

1.28.5 Fenêtres de sortie de secours et portes de bout latérales sur les voitures à voyageurs légères, rapides, confortables de VIA

Le Règlement de sécurité relatif aux voitures voyageurs approuvé par TC exige que chaque voiture à voyageurs comporte au moins 2 fenêtres de sortie de secours sur chaque côté; c'était le cas des voitures en cause dans l'accident.

Les fenêtres de sortie de secours étaient constituées de verre cassable qui pouvait être brisé au moyen d'un outil brise-verre rangé à chacune de ces fenêtres. Dans la première voiture (VIA 3454), les 2 fenêtres de sortie de secours sur le côté sud se sont brisées alors que la voiture était encore en mouvement par suite du contact avec le sol et le bâtiment. Les voyageurs assis à côté de ces fenêtres ont été blessés par les éclats de verre.

Étant donné que la première voiture gisait sur son côté, la seule fenêtre de sortie de secours utilisée pour l'évacuation se trouvait dans le haut, à quelque 10 pieds de hauteur, ce qui en rendait difficile l'accès depuis l'intérieur de l'habitacle. Les panneaux utilisés pour repérer les fenêtres de sortie de secours étaient relativement petits, discrets et, la voiture étant couchée sur son côté, non visibles depuis le sol (voir la photo 11).

Photo 11. Marquage extérieur sur une fenêtre de sortie de secours (source : TSB)
Photo 11. Marquage extérieur sur une fenêtre de sortie de secours (source : TSB)

À chaque extrémité de la voiture se trouvent des portes latérales et des escaliers rétractables utilisés pour l'embarquement aux quais des gares. Dans les situations d'urgence, les portes peuvent être ouvertes depuis l'extérieur par les intervenants d'urgence. Les instructions à ce sujet figurent sur un petit pictogramme discret situé juste à la droite du bas de la porte.

1.28.6 Dispositifs de retenue pour les voyageurs des voitures à voyageurs légères, rapides, confortables de VIA

Rien n'indiquait que des sièges dans les voitures à voyageurs s'étaient détachés au cours de l'accident. Les normes de conception n'exigent pas que les sièges des voyageurs soient munis d'une ceinture de sécurité, et aucune n'était fournie. Au moment de l'accident, un certain nombre d'occupants ont subi des blessures en tombant de leur siège.

Un espace pour fauteuil roulant, aménagé à l'arrière de la première voiture, était occupé au cours du trajet. Le dispositif d'immobilisation disponible a retenu le fauteuil roulant, mais l'occupant de celui-ci n'y était pas attaché. Au moment de l'accident, quand la voiture s'est renversée sur le côté, ce voyageur en fauteuil roulant est tombé et s'est retrouvé de l'autre côté de l'habitacle.

1.29 Enregistreurs vidéo dans les locomotives

Aucun règlement n'exige d'équiper les locomotives d'enregistreurs vidéo orientés vers l'avant. Cependant, au moment de l'accident, 41 des locomotives F40PH-2D GM de VIA avaient été remises à neuf et retournées en service. Parmi elles, 32 étaient équipées de ces enregistreurs, tandis que les 9 autres locomotives remises à neuf, dont la locomotive VIA 6444, avaient repris leur service sans être munies d'enregistreurs vidéo orientés vers l'avant. À la suite de l'accident, VIA a équipé le reste de son parc de locomotives F40PH-2D de GM d'enregistreurs vidéo couleur orientés vers l'avant.

Le tableau 5 ci-après présente un sommaire des locomotives exploitées par VIA, le CN et le CFCP qui, en février 2013, étaient équipées d'enregistreurs vidéo couleur :

Tableau 5. Nombre de locomotives équipées de caméras vidéo
Compagnie ferroviaire Nombre de locomotives de ligne Nombre de locomotives équipées de caméras vidéo orientées vers l'avant Nombre de locomotives équipées de caméras vidéo dans la cabine
VIA 74 53 0
CN 1347 (Amérique du Nord) 739 0
CFCP 1539 (Amérique du Nord) 714 0

1.30 Renseignements sur l'état médical et toxicologique des membres de l'équipe

Le mécanicien aux commandes et le stagiaire à bord du VIA 92 étaient tous les deux aptes au travail.

Le mécanicien responsable souffrait d'un trouble de l'humeur et, depuis plus de 10 ans, avait de la difficulté à gérer sa consommation d'alcool. Il était suivi par son médecin de famille et prenait depuis longtemps des médicaments psychiatriques (c'est-à-dire, bupropion et quétiapine) pour soigner son trouble de l'humeur. Les résultats toxicologiques à son sujet ont montré la présence de ces médicaments et d'oxycodone dans le sang, ainsi que d'alcool dans l'urine. La quétiapine peut provoquer de la somnolence, tout comme peut le faire l'oxycodone, un opiacé. La présence d'alcool dans l'urine, sans qu'elle soit détectée dans le sang, indique que de l'alcool a sans doute été consommé sur une période de 12 heures avant la blessure mortelle subie par le mécanicien responsable. L'alcool et les opiacés sont reconnus pour fragmenter le sommeil, réduire le sommeil paradoxal et perturber le cycle normal de sommeil. Note de bas de page 20

Malgré la surveillance des symptômes du trouble de l'humeur exercée par le médecin de famille, aucun rapport psychiatrique qui aurait fourni un diagnostic plus précis n'avait été demandé récemment. Par conséquent, il n'a pas été possible de déterminer la nature exacte du trouble de l'humeur et/ou du trouble potentiel lié à l'utilisation de substances. Les personnes travaillant dans des postes essentiels à la sécurité, tel le membre d'une équipe d'exploitation, et présentant de tels problèmes de santé doivent être soigneusement évaluées et suivies régulièrement si elles continuent de travailler. Les médicaments utilisés pour traiter ces problèmes, comme la quétiapine, peuvent amener une personne à être exclue d'un poste essentiel à la sécurité. Note de bas de page 21

Après avoir pris des mesures raisonnables pour informer l'employé en premier, les médecins, en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire, sont tenus de faire rapport aux compagnies ferroviaires quand, à leur avis, une personne occupant un poste essentiel à la sécurité présente un problème de santé de nature à compromettre la sécurité de l'exploitation ferroviaire. À titre de guide, l'Association des chemins de fer du Canada (ACFC) a publié à l'intention des médecins praticiens un dépliant d'information Note de bas de page 22 décrivant leurs responsabilités en matière de déclaration. Dans le cas présent, aucun des deux problèmes n'avait été déclaré à VIA par le médecin de famille, qui les jugeait stables. Ce médecin n'a pas reconnu que l'évaluation médicale exigeait d'identifier les problèmes actuels et les problèmes antérieurs.

Les employés partagent aussi les responsabilités en matière de déclaration. De même, avant tout examen médical, les employés doivent informer leur médecin qu'ils occupent un poste essentiel à la sécurité ferroviaire au sein d'une compagnie ferroviaire. Les responsabilités des employés comprennent aussi l'obligation d'être aptes au travail, de passer des tests de diagnostic, de suivre des traitements et de déclarer adéquatement leurs problèmes de santé aux médecins et aux compagnies. Plusieurs rapports du BST Note de bas de page 23 ont reconnu des cas où des personnes occupant des postes essentiels à la sécurité n'ont pas déclaré des renseignements importants à leur employeur ou au cours d'une évaluation médicale périodique.

Dans les modes de transport aéronautique et maritime, des évaluations médicales périodiques sont confiées à des médecins approuvés par TC et ayant de l'expérience en médecine du travail. Ces médecins suivent aussi une formation dans l'évaluation des questions de sécurité au travail liées à la santé médicale du candidat. Les résultats de ces évaluations sont soumis à l'examen de TC. Par comparaison, dans le mode ferroviaire, les évaluations sont confiées à des médecins dont le rôle est de consigner les problèmes de santé sur un formulaire qu'ils soumettent ensuite à l'évaluation de la compagnie. Le médecin qui a évalué le mécanicien responsable n'avait pas de compétences en médecine de la santé au travail. Bien qu'ils aient été tenus de le faire, ni le mécanicien responsable ni le médecin n'ont déclaré les problèmes de santé à VIA après l'évaluation médicale périodique.

Afin d'améliorer la gestion des questions médicales liées à la sécurité par la suite du déraillement en 2011 du train no 15 de VIA à Saint-Charles-de-Bellechasse (Québec) et de la publication du rapport d'enquête R10Q0011 du BST Note de bas de page 24, VIA et le CN ont accordé une attention accrue au transfert des dossiers médicaux entre les compagnies dans le cas d'employés changeant d'employeur. Par la suite, VIA a modifié sa pratique de s'en remettre à l'évaluation médicale précédente de l'employeur jusqu'à la prochaine évaluation médicale périodique. Il exige maintenant que les nouveaux employés d'exploitation passent une évaluation médicale de préemploi à VIA.

Cependant, dans le présent événement, une telle pratique n'était pas en place quand le mécanicien responsable a été transféré à VIA en 2009. En conséquence, le personnel médical de VIA n'était pas au courant des problèmes consignés dans les dossiers médicaux du CN à propos du mécanicien responsable et n'en avait pas été informé par le médecin ni par le mécanicien responsable. En outre, le médecin de compagnie de VIA n'a pas demandé à examiner le dossier médical historique du mécanicien responsable.

1.31 Exigences réglementaires concernant la sécurité des voyageurs

La sécurité ferroviaire des voyageurs est régie par le Règlement relatif à la sécurité des voyageurs approuvé par TC et en date du 31 mars 2000 (TC O-0-16). L'article 4, Plans relatifs à la sécurité des voyageurs, de ce règlement stipule en partie :

  1. 4.1

    Toute compagnie de chemin de fer qui exploite un service de trains de voyageurs ou de trains mixtes ou qui en accueille l'exploitant sur ses voies est tenue d'avoir un plan écrit relatif à la sécurité des voyageurs renfermant, au moins, les mesures suivantes, qui sont applicables au genre de matériel et au mode d'exploitation :

    1. volet médical;
    2. incendie à bord;
    3. déraillement ou collision;
    4. procédures d'évacuation des voyageurs;
    5. enregistrement et signalement des incidents;
    6. procédures de sensibilisation des voyageurs à l'aspect sécurité;
    7. formation;
    8. communications;
    9. vérifications de sécurité;

    [...]

  2. 4.4

    Tout plan de sécurité des voyageurs doit inclure, soit directement, soit par voie de référence, les procédures d'intervention d'urgence de la compagnie de chemin de fer, et prévoir des exercices périodiques.

L'article 5, Formation, du Règlement relatif à la sécurité des voyageurs précise en partie :

  1. 5.1

    Toute compagnie de chemin de fer qui exploite un service de trains de voyageurs ou qui en accueille l'exploitant sur ses voies est tenue de veiller à ce qu'un nombre suffisant de membres de son personnel à bord, selon la définition donnée dans le plan de sécurité de la compagnie, [...] aient reçu une formation visant, au minimum :

    1. à se familiariser avec le plan relatif à la sécurité des voyageurs;
    2. à se familiariser avec les procédures d'intervention d'urgence de la compagnie;
    3. à se familiariser avec les caractéristiques de sécurité des voitures voyageurs;
    4. à se familiariser avec les procédures de communication en situation normale et en cas d'urgence;
    5. à se familiariser avec l'utilisation des outils d'intervention d'urgence à bord;
    6. à se qualifier en vue de l'administration des premiers soins et de la RCR;
    7. à se qualifier en vue de fournir de l'aide aux voyageurs souffrant d'incapacités en situation normale et en cas d'urgence;
    8. à se qualifier en vue de superviser les procédures d'évacuation d'urgence ou d'y prendre part.

L'article 6, Inspections relatives à la sécurité des voyageurs, du même règlement précise que :

  1. 6.1

    La personne responsable, ou toute autre personne qualifiée, est tenue de veiller à ce qu'une vérification de sécurité ait été effectuée avant le départ (à partir d'un lieu de départ d'inspection de la sécurité ou d'un lieu d'inspection avant le départ) ou à des intervalles autrement définis dans le plan de sécurité des voyageurs
    [...]

Le Règlement relatif à la sécurité des voyageurs n'établit aucun rapport minimum entre le personnel des services de bord et le nombre de voyageurs.

Par comparaison, dans l'industrie de l'aviation, la sécurité des passagers est régie par le Règlement de l'aviation canadien. La partie VII, Services aériens commerciaux, sous-partie 5, Exploitation d'une entreprise de transport aérien, section VII, Exigences relatives au personnel, paragraphe 705.104 (1), Exigences relatives aux agents de bord, stipule ce qui suit :

1.32 Billetterie de VIA et manifeste de voyageurs

Il faut un titre de transport pour monter à bord de chaque train de voyageurs de VIA. Dans les principaux terminaux, les voyageurs se procurent leur titre de transport au comptoir d'enregistrement et le billet est inscrit sur le manifeste de voyageurs. Dans les terminaux moins importants, les voyageurs peuvent monter à bord du train sans titre de transport. Ils achètent alors leur billet au personnel de VIA à bord. Après que le train a quitté la gare, le personnel des services de bord de VIA recueille auprès de chaque voyageur le talon de son billet et tous les talons sont rangés dans une pochette ignifuge. Par la suite, les talons sont comparés manuellement au manifeste de voyageurs pour déterminer qui se trouve à bord. Au moment de l'accident, il n'y avait pas de système en place pour surveiller en temps réel les manifestes des voyageurs de VIA.

1.33 Plan de sécurité des voyageurs de VIA

En conformité avec le Règlement relatif à la sécurité des voyageurs approuvé par TC, VIA s'est doté d'un plan de sécurité des voyageurs qui incorpore ses procédures d'intervention d'urgence. Le plan a d'abord été rédigé en 2000, puis révisé dans sa plus récente version en octobre 2010 et déposé auprès de TC en juillet 2011. Le plan indique que :

Le plan ne prévoit pas de mesures précises d'intervention en cas d'accident catastrophique, tel un déraillement ou une collision, ni de rapport minimum entre le personnel des services de bord et le nombre de voyageurs.

1.34 Étude des dispositifs de retenue pour voyageurs

En 2007, le Rail Safety and Standards Board (RSSB) du Royaume-Uni a publié une étude sur les dispositifs de retenue des voyageurs. Note de bas de page 25 L'étude, une sorte de synthèse des recherches sur la résistance à l'impact des véhicules ferroviaires, a été réalisée au nom de l'industrie ferroviaire avec pour objectif d'améliorer la prévention des accidents ferroviaires et la protection des voyageurs. L'étude en question visait à :

Du fait que les équipes d'exploitation font face à des risques similaires en cas de collision ou de déraillement, bon nombre des conclusions de l'étude du RSSB peuvent s'appliquer aux dispositifs de retenue pour les membres des équipes.

Les données sur les accidents indiquaient que le niveau global de blessures avait diminué et que le type de blessures avait changé, en raison surtout de la conception améliorée des véhicules ferroviaires. Cependant, les blessures avaient de plus en plus pour cause les sorties involontaires résultant de l'éjection de membres de l'équipe ou de voyageurs par les fenêtres au cours de déraillements causés par une mise en portefeuille ou un renversement. Au lendemain de plusieurs accidents importants au Royaume-Uni, on a réclamé que le matériel ferroviaire voyageurs soit muni de ceintures de sécurité.

L'étude a évalué les ceintures de sécurité à 2 et 3 points d'ancrage au moyen de mannequins d'essais de choc représentant des gens de toutes tailles. Divers espacements de sièges représentatifs de ceux utilisés dans les véhicules ferroviaires actuels ont été évalués. Il a été déterminé que :

À l'heure actuelle, en Europe et en Amérique du Nord, aucune réglementation n'exige l'installation de ceintures de sécurité pour les membres des équipes ou les voyageurs à bord d'un matériel roulant ferroviaire, y compris les trains à grande vitesse.

1.35 Incidents et accidents de VIA causés par une vitesse excessive (2005 à 2012)

Le tableau 6 ci-après présente un sommaire des incidents et accidents avec vitesse excessive survenus à des trains de voyageurs de VIA de 2005 à 2012.

Tableau 6. Événements de VIA avec vitesse excessive (2005 à 2012)
no d'événement du BST Date de l'événement Description de l'événement Vitesse autorisée en voie (mi/h) Vitesse approx. du train (mi/h)
R05T0053 04-03-2005 Vitesse excessive du train 87; la locomotive et les 5 voitures à voyageurs (pas de voyageurs) ont déraillé sur la liaison à Burlington, en Ontario (point milliaire 30,50) 15,0 65,0
R07H0209 24-10-2007 Vitesse excessive du train 30 à son entrée dans la voie d'évitement à Glen Robertson (Ontario) 30,0 59,0
R08T0118 24-04-2008 Vitesse excessive du train 60 au franchissement de la liaison à Pickering (Ontario) 45,0 70,8
R08T0356 11-06-2008 Vitesse excessive du train 48 au franchissement de la liaison à Moira (Ontario) 45,0 70,0
R08T0357 19-06-2008 Vitesse excessive du train 73 au franchissement de la liaison à Bayview (Ontario) 15,0 28,0
R09T0242 03-09-2009 Vitesse excessive du train 60 au franchissement de la liaison à Mallorytown (Ontario) 45,0 65,0
R10Q0011 25-02-2010 Vitesse excessive du train 15; 2 locomotives et 6 voitures à voyageurs ont déraillé sur le branchement de la voie d'évitement à Saint-Charles-de-Bellechasse (Québec) 15,0 64,0
R11T0303 30-10-2011 Vitesse excessive du train 61 au franchissement de la liaison à Danforth (Ontario) 45,0 73,0
R11D0107 23-11-2011 Vitesse excessive du train 22 au franchissement de l'aiguillage de la voie d'évitement à Saint-Cyrille (Québec) 15,0 42,0
R12T0202 04-02-2012 Vitesse excessive du train 62 au franchissement de la liaison au point milliaire 209 de la subdivision de Kingston à Marysville (Ontario) 45,0 62,0

1.36 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST agit comme plan directeur du changement dans les transports en suscitant des discussions et un engagement auprès des intervenants-clés. Elle met en évidence les problèmes de sécurité dans les transports qui posent le plus grand risque aux Canadiens. Se basant sur les rapports d'enquête, les préoccupations en matière de sécurité et les recommandations du Bureau, la première Liste de surveillance a été publiée en 2010, puis mise à jour en juin 2012. La Liste de surveillance de 2012 porte entre autres sur les deux problèmes de sécurité ferroviaire suivants :

1.36.1 Respecter les indications des signaux

Depuis 2002, chaque année en moyenne 11 Note de bas de page 26 événements se produisent où une indication de signal a été mal identifiée, mal interprétée ou n'a pas été reconnue immédiatement. Ce type d'événement peut entraîner une collision ou un déraillement de train et, par conséquent, faire courir un risque important au public et à l'environnement.

Depuis 1911, l'industrie ferroviaire au Canada s'en remet à la commande centralisée de la circulation (CCC), un système de signaux visuels, pour contrôler le trafic sur une portion importante de son réseau — actuellement plus de 44 000 km de voie. Note de bas de page 27 La CCC permet de présenter aux équipes de train une série d'indications de signaux auxquelles elles doivent réagir. Si les indications des signaux ne sont pas respectées, la CCC ne peut garantir un espacement approprié des trains circulant sur la même ligne. La CCC ne donne aucun avertissement qu'un train s'apprête à franchir un point de restriction, ni ne permet automatiquement de ralentir ou d'arrêter un train avant qu'il franchisse un signal d'arrêt absolu ou tout autre point de restriction.

Pour accroître les mesures de sécurité de la CCC, les compagnies ferroviaires ont adopté divers autres mécanismes de défense pour aider à prévenir les accidents, comme les équipes de deux personnes, le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada et les Instructions générales d'exploitation. Cependant, ces moyens de défense se sont révélés insuffisants dans les situations où l'équipe de train interprète mal l'indication d'un signal et/ou n'applique pas ou applique incorrectement une règle d'exploitation.

1.36.2 Enregistreurs vidéo et de la parole

Les données objectives sont extrêmement utiles pour les enquêteurs afin de comprendre la séquence des événements menant à un accident et de cerner les problèmes opérationnels où interviennent des facteurs humains et le rendement de l'équipe. Les enregistreurs de la parole permettraient aux enquêteurs du BST de confirmer les communications entre les membres de l'équipe ainsi que leurs actions et interactions. Grâce à cette information, les enquêteurs d'accidents pourraient éliminer plus rapidement les facteurs non pertinents qui n'ont joué aucun rôle dans l'accident. La technologie est omniprésente dans le domaine de l'information enregistrée, et ce, depuis quelque temps. D'ailleurs, l'industrie aéronautique utilise depuis plus de 30 ans des enregistrements de la parole dans les postes de pilotage.

Un certain nombre d'enquêtes sur des accidents ferroviaires en Amérique du Nord ont mené à des conclusions, à des recommandations et à d'autres communications de sécurité où on a établi que des facteurs humains constituaient une condition sous-jacente. Bon nombre de ces enquêtes auraient profité d'un enregistrement des communications d'équipe immédiatement avant l'accident.

Le Règlement sur le système de gestion de la sécurité de Transports Canada stipule qu'à partir du 31 mars 2001, toutes les compagnies ferroviaires utilisant des voies ferrées de réglementation fédérale doivent mettre en œuvre et maintenir un système de gestion de la sécurité (SGS). Le règlement est accompagné d'un guide de mise en œuvre afin d'aider les compagnies ferroviaires dans la conception de leur SGS et dans l'atteinte des exigences minimales du règlement. Le guide suggère aussi des façons d'incorporer d'autres procédés et systèmes liés à la sécurité sous le régime du SGS pour assurer une approche exhaustive de la gestion de la sécurité.

Le Règlement sur le système de gestion de la sécurité exige que les compagnies ferroviaires mettent en place un cadre formel pour intégrer la sécurité dans les activités quotidiennes. Cela comprend des cibles en matière de sécurité et de rendement, des évaluations des risques, des responsabilités, des autorisations, des règles, des procédures et des procédés de surveillance et d'évaluation pour tous les aspects des activités. Dans le cadre de ces processus de surveillance et d'évaluation, les compagnies ferroviaires utilisent actuellement des renseignements consignés, comme les données fournies par le consignateur d'événements de locomotive. Bien que certaines compagnies ferroviaires envisagent d'installer dans les cabines des enregistreurs vidéo et de la parole en vue d'une utilisation de tous les jours dans leur SGS, la loi canadienne, en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (BCEATST) protège ces enregistrements et n'en permet pas actuellement l'utilisation, sauf dans le cadre d'une enquête du BST.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

2.0 Analyse

Le REF précise que la responsabilité de la conformité aux règles, y compris la reconnaissance et la confirmation des signaux, est également partagée entre tous les membres de l'équipe présents dans la cabine. S'il y a erreur de reconnaissance des signaux, cette erreur est faite par tous les membres de l'équipe et ne peut être imputée à un seul de ses membres.

Dans le présent événement, aucun défaut du matériel ou de la voie n'était considéré comme un facteur causal. Le mécanicien aux commandes et le mécanicien responsable du VIA 92 connaissaient bien le territoire, tandis que tous les membres de l'équipe d'exploitation satisfaisaient aux exigences de repos et étaient qualifiés pour leurs postes respectifs. Il n'y a eu aucune preuve que l'équipe utilisait des dispositifs électroniques qui auraient pu gêner son rendement.

L'analyse portera surtout sur les signaux ferroviaires, l'exploitation du train, la performance humaine et la conscience de la situation, les moyens de défense de sécurité en territoire de CCC, les autres formes de contrôle des trains, la résistance à l'impact du matériel roulant, les évaluations médicales des mécaniciens de locomotive par les chemins de fer, l'évacuation des voyageurs et l'intervention d'urgence, ainsi que sur la sécurité des voyageurs et l'utilisation de ceintures de sécurité.

2.1 Vérification du système de signalisation

La progression des signaux rencontrés par le VIA 92 à son approche du point de l'accident à Aldershot East (point milliaire 33,30) a été déterminante pour l'enquête, même s'il n'a pas été possible de la déterminer sur-le-champ. L'absence de caméras vidéo orientées vers l'avant et d'enregistreurs vidéo et de la parole dans la cabine a compliqué la tâche de l'équipe d'enquête lorsqu'il s'est agi de déterminer les aspects présentés par les signaux ainsi que les perceptions et les réactions de l'équipe. En conséquence, il a fallu procéder à des vérifications détaillées du système de signalisation du CN. Ces vérifications indépendantes ont permis de conclure que, juste avant l'accident, la liaison no 5 au point milliaire 33,23 étant orientée pour faire passer le VIA 92 de la voie 2 à la voie 3, le système de signalisation fonctionnait comme prévu et ses signaux présentaient la progression suivante :

2.2 L'accident

À son approche de la gare d'Aldershot (point milliaire 34,60), le VIA 92 a d'abord rencontré le signal contrôlé 364T2 à Snake qui présentait une indication de vitesse normale à vitesse limitée, ce qui signifiait que le train pouvait avancer à la vitesse en voie et approcher du signal suivant à la vitesse limitée, sans dépasser 45 mi/h. Le prochain signal rencontré par le VIA 92 était le signal avancé 348T2 à Waterdown qui présentait une indication de vitesse normale à petite vitesse, ce qui signifiait que le VIA 92 pouvait avancer à la vitesse en voie et approcher du signal 334T2 (Aldershot East) à la petite vitesse, sans dépasser 15 mi/h. Cependant, avant que le VIA 92 rencontre le signal 334T2, il a fait un arrêt régulier à la gare d'Aldershot.

Normalement, après l'arrêt à la gare d'Aldershot, le VIA 92 serait orienté directement pour la voie 2. Toutefois, cette fois-là, conformément aux pratiques d'exploitation courantes des chemins de fer, et à l'insu de l'équipe d'exploitation, le CCF a prévu modifier l'itinéraire du VIA 92 pour que celui-ci puisse contourner la zone d'application du POV de l'agent d'entretien des signaux sur la voie 2. Les aiguillages de la voie ont donc été orientés de manière à rediriger le VIA 92 de la voie 2 vers la voie 3 par la liaison no 5 au point milliaire 33,23, où la vitesse autorisée était de 15 mi/h.

À 15 h 23 min 26 s, le VIA 92 a quitté la gare d'Aldershot sur la voie 2. Le manipulateur a été avancé lentement jusqu'à la position 8. À 15 h 25 min 33 s, roulant à environ 65 mi/h, le VIA 92 a franchi le signal contrôlé 334T2 qui présentait une indication de petite vitesse à vitesse limitée. Cette indication signifiait que le VIA 92 était tenu d'avancer à la petite vitesse, sans dépasser 15 mi/h, jusqu'au-delà du signal par la liaison no 5, puis d'approcher du signal suivant à la vitesse limitée, sans dépasser 45 mi/h. Cependant, le VIA 92 a continué d'accélérer à l'approche de la liaison no 5.

Bien que le secteur ait été désigné comme zone d'interdiction de siffler, à 15 h 25 mi 26 s le VIA 92 a commencé à klaxonner de façon répétée. À 15 h 25 min 39 s, le manipulateur a été rétrogradé à la position 6 et, 1 seconde plus tard, à la position 3. À 15 h 25 min 44 s, le manipulateur a été placé à la position de ralenti juste après que le VIA 92 ait franchi la liaison no 5 à une vitesse de 67 mi/h. Alors que la locomotive franchissait la liaison à une vitesse excessive, en diagonale, elle a déraillé, s'est renversée sur le côté, a glissé en bas du talus et a percuté les fondations du bâtiment; le tout s'est déroulé en quelque 2 secondes. Aucun des membres de l'équipe n'a eu le temps de se mettre à l'abri. L'inertie provenant du renversement rapide a projeté les membres de l'équipe vers le côté de la cabine occupé par le mécanicien de locomotive dans une zone qui s'est trouvée compromise par l'effondrement de la charpente de toit de cabine construite avec des matériaux relativement de faible épaisseur. Par la suite, les 5 voitures ont aussi déraillé. Au moment de l'accident, aucun freinage d'urgence n'a été déclenché ni par le train ni par le mécanicien.

En réponse à l'indication donnée par le signal 334T2, la vitesse du VIA 92 aurait dû être réduite à 15 mi/h. L'absence de toute tentative de ralentir le train indique que l'équipe du VIA 92 prévoyait avancer à la vitesse en voie. Compte tenu de ces circonstances, il est probable que l'équipe ait mal interprété l'indication du signal 334T2, soit comme un signal de vitesse normale (règle 405) présentant les aspects V/R/R, soit comme un signal de vitesse normale à vitesse limitée différée (règle 412) présentant les aspects JC/VC/R. Dans l'un ou l'autre cas, la conduite du train et sa vitesse de 67 mi/h à la hauteur de la liaison étaient compatibles avec les actions d'une équipe qui avait mal perçu ou interprété l'indication du signal 334T2, qui limitait le VIA 92 à une vitesse de 15 mi/h au franchissement de la liaison, comme étant plus permissive, l'autorisant ainsi à avancer à la vitesse en voie.

L'enquête a examiné la possibilité que l'équipe n'aurait pas observé le signal 334T2, mais cette possibilité a été mise à l'écart pour les raisons qui suivent. Il y avait 3 personnes dans la cabine. Chaque personne aurait complètement raté le signal. Les membres de l'équipe de VIA étaient bien reposés, connaissaient bien le territoire et n'avaient travaillé qu'un peu plus de 2 heures sur ce trajet. Lorsqu'ils se sont arrêtés à la gare d'Aldershot, la structure des signaux était directement devant eux, sans obstruction. Après que le train est parti de la gare d'Aldershot, à l'approche du signal 334T2 les indications des signaux étaient apparentes pendant au moins 2 minutes et les feux clignotants auraient été difficiles à rater ou ignorer en raison de leur évidence. Enfin, en raison de l'interruption juste avant l'accident—l'arrêt à la gare—l'équipe n'aurait pas eu le temps de s'endormir. Donc, il est invraisemblable que la vigilance ait été considérablement réduite immédiatement avant l'accident. Par conséquent, il est beaucoup plus possible que le signal a été observé mais mal interprété.

2.3 Facteurs contribuant à la mauvaise interprétation des signaux

Vu la très grande expérience de l'équipe d'exploitation, la question à se poser est la suivante : comment une telle équipe a-t-elle pu mal percevoir ou interpréter une indication de signal visible? Sans enregistrements de la parole dans la cabine, il est impossible de déterminer avec certitude la cause précise. Cependant, un certain nombre de facteurs, pris isolément ou en combinaison, ont pu avoir renforcé chez l'équipe d'exploitation la mauvaise interprétation selon laquelle le signal 334T2 présentait une indication plus permissive.

2.3.1 Arrêt à la gare d'Aldershot

En approchant de la gare d'Aldershot, le VIA 92 a rencontré le signal 364T2, qui présentait une indication de vitesse normale à vitesse limitée (J/VC/R) et le signal 348T2, qui présentait une indication de vitesse normale à petite vitesse (J/J). Cette série de signaux indiquait à l'équipe d'avancer et d'approcher du signal 334T2, situé à environ 1 mille à l'est de la gare d'Aldershot, à une vitesse de 15 mi/h. Les indications présentées faisaient partie chacune d'une progression des signaux qui réglaient la marche du VIA 92. L'arrêt à la gare d'Aldershot constituait un événement séparé qui venait interrompre cette progression.

L'attention de l'équipe au cours de son approche de la gare se portait surtout sur l'arrêt qu'elle s'apprêtait à y faire et non sur le prochain signal (334T2). L'arrêt de plusieurs minutes à Aldershot a créé une condition propice à l'oubli de l'indication donnée par le signal précédent. Au moment de l'événement, il n'y avait rien à la gare ou dans la cabine pour rappeler à l'équipe l'indication présentée au signal précédent, le signal 348T2, ni de procédure administrative prévoyant que l'équipe confirme à nouveau l'indication du signal précédent avant son départ. L'arrêt à la gare d'Aldershot a interrompu la progression continue des signaux, ce qui a pu contribuer à ce que les membres de l'équipe à bord de la locomotive oublient que le précédent signal avancé 348T2 présentait une indication de vitesse normale à petite vitesse (J/J) et comment elle devait régler sa marche après s'être remise en route. Lorsque la progression des signaux est interrompue (par exemple, par un arrêt), l'absence d'un signal répéteur ou d'une procédure pour confirmer de nouveau l'indication donnée par le signal précédent augmente le risque d'une mauvaise interprétation du signal suivant.

2.3.2 Utilisation peu fréquente de la liaison no 5 au point milliaire 33,23

Dans ce secteur, les trains de VIA vers l'est utilisent régulièrement la voie 2. Presque toujours, les trains de VIA se voient présenter une indication de vitesse normale (V/R/R) au signal 334T2, ce qui permet à leur équipe d'accélérer jusqu'à la vitesse en voie et de rester sur la voie 2 au-delà du signal et de la liaison. Une telle situation est reconnue pour favoriser avec le temps une accoutumance ou un conditionnement. En pareils cas, les équipes d'exploitation affectées continuellement au même itinéraire peuvent développer une tendance à anticiper que le train suivra l'itinéraire habituel. L'utilisation fréquente de la voie 2 peut avoir influencé la mauvaise perception que le signal 334T2 était plus permissif, ce qui a amené l'équipe du train à ne pas régler la marche de son train selon l'indication restrictive présentée par le signal.

2.3.3 Mauvaise interprétation du signal 334T2 comme signal de vitesse normale à vitesse limitée différée (règle 412)

Au moment de l'accident, le signal 334T2 présentait une indication de petite vitesse à vitesse limitée (règle 432) avec les aspects R/JC/VC. Alors que le soleil brillait en direction du signal 334T2, les longues visières des signaux empêchaient la lumière de frapper directement les aspects présentés, empêchant ainsi de « noyer » l'indication. Bien que l'indication du signal ait sans doute été visible depuis l'extrémité est de la gare d'Aldershot, elle pourrait ne pas avoir été facilement reconnaissable depuis une distance de plus d'un mille. En raison de la luminosité diurne ambiante, et à cette distance, l'aspect rouge fixe du haut du signal aurait été moins visible que les aspects JC/VC. Le feu rouge fixe en haut du signal aurait dû signifier une limitation de vitesse pour l'équipe, mais les feux clignotants, du fait qu'ils ressortaient davantage, auraient été plus faciles à remarquer et auraient capté l'attention des gens. Au moment de l'approche du signal 334T2 par le VIA 92, il est possible que ce contexte ait amené l'équipe à regrouper les aspects JC/VC, sans y inclure le feu rouge du haut du signal 334T2, avec les indications données par les feux rouges des signaux adjacents 334T1 et 334T3.Note de bas de page 28

L'indication de petite vitesse à vitesse limitée (règle 432) présentant les aspects R/JC/VC limite la vitesse du train à 15 mi/h au franchissement du signal. Une autre indication de signal présentant la combinaison JC/VC est celle de vitesse normale à vitesse limitée différée (règle 412) présentant les aspects JC/VC/R. La règle 412 permet au train d'avancer au-delà du signal à la vitesse en voie.

La nuance entre les règles 412 et 432 réside dans la position du feu rouge. Cette différence, petite mais déterminante, peut être surmontée grâce à la progression des signaux. Cependant, une fois cette progression interrompue, comme cela a été le cas avec l'arrêt du VIA 92 à la gare d'Aldershot, la discontinuité dans la progression peut ne pas avoir été manifeste. En conséquence, l'équipe du VIA 92 en est peut-être venue à se concentrer sur les aspects JC/VC, qui ressortaient davantage, et a mal interprété le signal 334T2 comme donnant l'indication de vitesse normale à vitesse limitée différée (règle 412), qui lui permettait d'avancer à la vitesse en voie, plutôt que celle de petite vitesse à vitesse limitée (règle 432), qui aurait limité le VIA 92 à une vitesse de 15 mi/h.

2.3.4 Itinéraire du train VIA 92 à l'est de la gare d'Aldershot

Malgré le caractère inhabituel de l'itinéraire prévu par le CCF pour le VIA 92, qui amenait celuici à contourner la zone d'application du POV de l'équipe de travaux en signalisation à l'est de la gare d'Aldershot, le CCF n'a pas communiqué avec l'équipe du VIA 92 pour l'informer de la zone de POV en aval sur la voie 2, et il n'était pas tenu de le faire. Dans l'industrie ferroviaire, les CCF réduisent au minimum la quantité d'information transmise aux équipes de train afin de diminuer chez elles le risque d'anticipation, qui pourrait entraîner une mauvaise perception Note de bas de page 29 des signaux devant le train.

Le principe de la progression d'une série de signaux est fortement ancré chez les équipes de train expérimentées. Elles sont formées pour réagir aux indications des signaux en voie au fur et à mesure de leur présentation le long d'un itinéraire et on s'attend à ce qu'elles y réagissent; il s'agit là d'une attente raisonnable dans la plupart des situations. Cependant, dans certaines situations, une information supplémentaire pourrait aider à la prise de décisions et la renforcer, surtout dans les situations qui diffèrent de celles vécues couramment par l'équipe. Par exemple, si l'équipe du VIA 92 avait été informée de la zone d'application d'un POV devant eux sur la voie 2, elle aurait pu remettre en question sa perception que le signal 334T2 était permissif. Par contre, une information supplémentaire aurait pu créer chez l'équipe des attentes qui pouvaient influer négativement sur la prise de décisions, ce qui a été relevé dans d'autres enquêtes du BST comme l'enquête R10Q0011.

Avant son départ de Niagara Falls, l'équipe d'exploitation du VIA 92 a été informée qu'un voyageur en fauteuil roulant descendrait à Oakville. Vu son expérience de la subdivision d'Oakville, l'équipe du VIA 92 aurait su que, pour la commodité, les voyageurs en fauteuil roulant quittent normalement le train sur le quai de la voie 1 à la gare d'Oakville. Comme le VIA 92 était d'habitude orienté directement pour la voie 2, cette information a sans doute créé chez l'équipe l'attente qu'elle passerait sur la voie 1 avant Oakville. Étant donné que les trains de VIA sont habituellement dirigés sur les liaisons à 45 km près de Burlington, le fait de passer de la voie 2 à la voie 3 sur une liaison à 15 mi/h pour atteindre la voie 1 aurait constitué un itinéraire inhabituel rarement utilisé, quoique conforme à la pratique d'exploitation (voir la figure 6).

Figure 6. Itinéraire établi par le CCF contre l'attente probable de l'équipe du VIA 92
Figure 6. Itinéraire établi par le CCF contre l'attente probable de l'équipe du VIA 92

Le fait pour l'équipe de savoir d'avance qu'un voyageur en fauteuil roulant descendrait à Oakville peut avoir créé chez elle l'attente que son train demeurerait sur la voie 2 et passerait de la voie 2 à la voie 1 près d'Oakville, ce qui a renforcé le biais de perception à l'égard d'une indication de signal permissive.

2.3.5 Présence d'une équipe de travaux en signalisation

L'équipe de travaux n'était pas visible depuis la gare d'Aldershot. Environ 20 secondes avant le déraillement, alors que le VIA 92 se trouvait à quelque 1000 pieds avant le signal 334T2, l'équipe a actionné le klaxon du train dans une zone d'interdiction de siffler. Cette action donne à penser que l'équipe a remarqué la présence de l'équipe de travaux en signalisation sur la voie 2, près du DBC, à une distance d'environ 2500 pieds.

La présence de l'équipe de travaux en signalisation sur la voie 2 aurait dû constituer pour l'équipe du VIA 92 un indice de remettre en question son interprétation du signal 334T2. Cependant, une fois que l'équipe a mal interprété l'indication donnée par le signal 334T2 comme étant permissive, il aurait été difficile pour elle de modifier son modèle mental.

La manœuvre du manipulateur, l'absence de freinage d'urgence déclenché par le mécanicien et l'actionnement répété du klaxon du train dans une zone d'interdiction de siffler sont autant d'indices que l'équipe s'attendait à poursuivre sa route sur la voie 2. En particulier, l'actionnement du klaxon indique que l'équipe du train en est venue à se concentrer sur la sécurité de l'équipe de travaux en signalisation, convaincue que celle-ci n'aurait pas dû se trouver sur la voie 2.

De plus, le véhicule de l'équipe de travaux en signalisation, qui pouvait être vu depuis la cabine de la locomotive, se trouvait au nord et près de la voie 1, plutôt que d'occuper la voie 2, comme cela arrive souvent quand des travaux en voie sont effectués sous la protection d'un POV. La position du véhicule aurait aussi été compatible avec le fait pour les travailleurs de la voie de s'acquitter de leurs tâches sous la protection d'une sentinelle, ce qui n'était plus permis dans ce secteur. Cependant, les équipes d'exploitation de VIA n'auraient pas été au courant que le CN avait annulé en décembre 2011 la surveillance par sentinelle comme mesure de protection sur tous les territoires en double voie principale de catégorie 5. Étant donné ces circonstances, et comme elle n'était pas au courant que la voie 2 était protégée par un POV, l'équipe du VIA 92 a sans doute cru que l'équipe de travaux en signalisation travaillait sous la protection d'une sentinelle ou s'était éloignée d'une voie adjacente et n'aurait pas dû se trouver sur la voie.

Pour maintenir sa conscience de la situation, il est souvent nécessaire de tourner son attention d'une source d'information à une autre. Dans ce genre de situation, les gens tombent souvent dans le piège d'un phénomène appelé rétrécissement ou focalisation de l'attention; ce faisant, ils ont tendance à se caler sur certains aspects ou certaines caractéristiques de l'environnement qu'ils essaient de gérer et peuvent, délibérément ou non, perdre leur principal point d'attention. Dans le présent événement, la conscience de la situation de l'équipe se concentrait probablement à résoudre un conflit apparent d'occupation de la voie avec l'équipe de travaux en signalisation qui travaillait en avant sur la voie 2, plutôt qu'à bien reconnaître l'indication du signal 334T2 et à se conformer à l'exigence de ralentir le train.

2.3.6 Membre d'équipe supplémentaire dans la cabine de la locomotive

Fonctionner avec un 3e membre d'équipe est une pratique de longue date dans l'industrie et qui s'est révélée un outil de formation efficace, surtout pour familiariser et qualifier les équipes d'exploitation et les soumettre à des contrôles d'exécution de leurs tâches. Dans ces situations, la responsabilité de la conformité aux règles est partagée également entre tous les membres de l'équipe dans la cabine.

En CCC, les membres d'équipe qui sont à portée de voix les uns des autres doivent se communiquer d'une manière claire et audible les indications des signaux en les nommant. Si la réaction à un signal influant sur leur mouvement tarde à venir, les membres de l'équipe doivent se rappeler les uns aux autres l'action prescrite par ce signal. Si cette démarche n'a pas de suite, les autres membres de l'équipe doivent prendre des mesures immédiates pour assurer la sécurité du mouvement, en allant jusqu'à déclencher un arrêt d'urgence si la situation l'exige. Ce moyen de défense d'ordre administratif a pour but d'atténuer le risque qu'une équipe d'exploitation manque un signal ou interprète mal son indication.

Bien qu'on puisse s'attendre à ce que la présence d'un 3e membre d'équipe dans la cabine réduise ce risque, il est possible que ce ne soit pas le cas. Si ce 3e membre est assis sur le strapontin du milieu, sa vision vers l'avant (c'est-à-dire, la vue des signaux en avant) peut se trouver gênée par le montant entre les 2 fenêtres à l'avant de la cabine de la locomotive. En outre, la présence d'un 3e membre d'équipe peut créer une propension à converser davantage, avec le risque de distraction qui s'ensuit, et une tendance à compter sur les autres membres de l'équipe pour assurer la conformité aux règles. De plus, au moment de l'accident, VIA n'avait pas donné de formation sur la façon d'atténuer les risques associés à une 3e personne dans la cabine d'une locomotive. En l'absence de formation et de procédures régissant les situations où 3 membres d'une équipe d'exploitation sont présents dans la cabine, il y a un risque accru de distraction.

2.4 Respecter les indications des signaux

Il existe dans le corridor Québec–Windsor un certain nombre de moyens de défense de sécurité pour empêcher les accidents de ce genre. Certains de ces moyens de défense sont associés au système de contrôle de la marche des trains en CCC, et d'autres, à des règles et à des protocoles administratifs, tels que le REF et les IGE des compagnies ferroviaires.

Les signaux en voie comprennent une installation de signal physique combinée à une exigence administrative de respecter l'indication du signal. Ce moyen de défense est fondé sur le respect de l'indication du signal, la reconnaissance de son intention et la prise de mesures appropriées par l'équipe du train. Les règles d'exploitation et les IGE des compagnies exigent que tous les signaux soient identifiés et annoncés à l'intérieur de la cabine et que certains le soient sur le système radio du chemin de fer. Ces moyens de défense, bien que valables, sont inappropriés dans les situations où l'équipe du train perçoit ou interprète mal une indication de signal, ou ne la respecte pas.

Même si le recours à une stricte conformité aux règles est depuis plus de 100 ans une des pierres angulaires de la philosophie en matière de sécurité ferroviaire au Canada, il n'est pas infaillible et comporte des limites. Le présent accident en est un où l'exigence en matière de respect des règles n'a pas réussi à compenser une erreur humaine. Les erreurs humaines doivent être anticipées car même les employés les mieux formés et intentionnés commettront des erreurs à l'occasion. Dans la conception d'un système crucial de sécurité, telle l'exploitation ferroviaire en territoire signalisé, l'absence d'anticipation et de planification à l'égard de l'erreur prédispose le système à connaître des défaillances.

Depuis plus d'une décennie, le Bureau a une recommandation en suspens exigeant la mise en œuvre de moyens de défense additionnels en territoire signalisé pour s'assurer que les membres des équipes reconnaissent bien les indications des signaux et s'y conforment de façon uniforme. Dans le présent événement, les indications des signaux étaient appropriées, mais n'ont pas été correctement reconnues ni respectées. En outre, les décisions que l'équipe a prises par la suite pour la conduite du train et qui ont mené à l'accident n'étaient pas appropriées. Cela est vrai aussi pour d'autres accidents sur lesquels le BST a enquêté et démontre qu'en l'absence d'autres moyens de défense physiques à sécurité intrinsèque pour le contrôle des trains en territoire signalisé, les moyens de défense actuels se sont avérés insuffisants pour réduire les risques de collision et de déraillement quand les indications des signaux ne sont pas correctement reconnues ou respectées.

2.5 Autres moyens de défense pour le contrôle des trains en commande centralisée de la circulation

En CCC, les moyens de défense d'ordre administratif contenus dans le REF et les IGE des compagnies ferroviaires obligent les équipes d'exploitation à réagir aux indications données par les signaux en voie. Cependant, la CCC n'assure pas une séparation intégrale des trains. La CCC ne donne aucun avertissement qu'un train puisse être sur le point de franchir un point de restriction, ni ne permet automatiquement de ralentir ou d'arrêter un train avant qu'il franchisse un signal d'arrêt absolu ou tout autre point de restriction. La CCC n'affiche pas la position exacte d'un train à l'intérieur d'un canton ni sa vitesse.

Depuis 2005 et avant le présent événement, VIA a signalé 10 occasions où un de ses trains est entré sur une liaison ou une voie d'évitement à une vitesse excessive. En 2 de ces 10 occasions, le train de VIA roulait à 4 fois la vitesse autorisée pour le franchissement de la liaison ou de l'aiguillage; dans chaque cas, il a déraillé.

Le BST a mené 5 enquêtes (intéressant des compagnies ferroviaires de transport de voyageurs et de marchandises) où la mauvaise perception ou interprétation des indications des signaux en voie par les équipes d'exploitation a été une cause ou un facteur contributif. Bien que la vitesse excessive puisse résulter de ce qu'une équipe d'exploitation oublie ou ne reconnaît pas qu'elle se trouve dans une zone protégée par un ordre de limitation de vitesse, elle peut aussi être causée par la mauvaise interprétation d'un signal limitant la vitesse du train.

Le concept de « défense en profondeur » est connu dans certaines industries depuis de nombreuses années. La mise en œuvre de moyens de défense ou de redondance constitue une approche éprouvée afin d'éviter que la défaillance d'un seul système ait des conséquences catastrophiques. Le problème du respect des indications des signaux constitue un bon exemple d'une situation dans laquelle des moyens de défense inadéquats peuvent révéler une défaillance ponctuelle Note de bas de page 30 au cours de laquelle une réponse inappropriée à une indication de signal peut mener à un accident grave. Le présent accident a mis en cause un train de voyageurs qui présentait un danger imminent pour son équipe et les voyageurs, ainsi que pour les entreprises et les résidents au voisinage de la voie ferrée. N'importe quel d'un certain nombre de moyens de défense pour le contrôle des trains, tels que la signalisation en cabine, l'ATC, l'ACSES, l'I-ETMS ou autre forme de PTC aurait pu empêcher cet accident. Bien que le besoin de moyens de défense physiques supplémentaires à sécurité intrinsèque visant à réduire les conséquences d'erreurs humaines inévitables en territoire signalisé soit considéré depuis de nombreuses années, l'industrie ferroviaire et l'organisme de réglementation du Canada n'ont pas encore pris les mesures nécessaires pour réduire le risque correspondant.

2.6 Reconstitution des événements au moyen du simulateur de train d'Amtrak

Le VIA 92 s'est approché du signal contrôlé 334T2 d'une manière qui indiquait que son équipe s'attendait à poursuivre sa marche à la vitesse en voie et non à réduire sa vitesse comme l'exigeait l'indication du signal. Bien que les compagnies ferroviaires aient des mécanismes de défense en place pour prévenir ce genre de situation ou en atténuer les conséquences, de tels mécanismes ne constituent pas toujours une barrière de sécurité fiable.

Par comparaison, d'autres moyens de défense sont en mesure d'alerter l'équipe si elle ne réagit pas de façon appropriée à un signal ou à toute autre restriction; certains de ces moyens peuvent intervenir pour ralentir le train ou l'arrêter en serrant les freins. Le BST a discuté des avantages de ces autres moyens de défense dans un certain nombre de rapports d'enquête et constaté qu'ils avaient le potentiel de réduire sensiblement le risque de vitesse excessive, de collision ferroviaire et/ou de mauvaise interprétation d'un signal.

Diverses technologies visant à réduire les risques et à empêcher ces types d'accidents ont été mises au point et utilisées aux États-Unis depuis plus de 60 ans. Par exemple, depuis 1938, les locomotives de voyageurs utilisées dans le corridor nord-est sont équipées de la signalisation en cabine, qui affiche les signaux en voie à l'intention du mécanicien de locomotive. Depuis 1947, pour toute ligne ferroviaire aux États-Unis où la vitesse des trains est supérieure à 79 mi/h, l'exploitant du chemin de fer est tenu de s'équiper de la signalisation en cabine, de l'arrêt automatique des trains ou de l'ATC.

Depuis 1952, les locomotives de voyageurs utilisées dans le corridor nord-est doivent aussi être équipées d'un système ATC pleinement fonctionnel où la signalisation en cabine et le contrôle de la vitesse sont combinés à un freinage automatique. Si le mécanicien d'un train ne réagit pas au signal affiché dans la cabine, le système déclenche automatiquement un freinage compensateur pour contrôler la vitesse du train en fonction de l'indication présentée par le signal. Depuis 2000, l'ATC d'Amtrak est complété par l'ACSES, qui assure un contrôle amélioré des trains à grande vitesse roulant à des vitesses pouvant atteindre 150 mi/h.

Dans le cadre d'une reconstitution des événements, un simulateur de train en usage chez Amtrak et muni de la signalisation en cabine et de l'ATC a été programmé avec une progression de signaux similaire à celle des signaux présentés au VIA 92. La simulation a permis de déterminer qu'après l'arrêt du VIA 92 à la gare d'Aldershot, sa vitesse aurait été limitée à 20 à 30 mi/h depuis son départ de la gare jusqu'au signal 334T2, juste avant la liaison no 5. Si l'équipe ne prenait aucune autre mesure pour réduire sa vitesse à l'approche du signal, l'ATC réduisait automatiquement davantage la vitesse après le franchissement du signal 334T2. On a ainsi fait la preuve que des locomotives équipées de la signalisation en cabine et de l'ATC permettent de réduire grandement les risques associés à une mauvaise interprétation des signaux et à une vitesse excessive.

2.7 Résistance à l'impact du matériel roulant

Au cours d'une collision, la déformation de la charpente du matériel roulant peut être bénéfique, puisque l'énergie est absorbée et dissipée plutôt que d'être transmise directement aux occupants. Le principe de base de la gestion de l'énergie en cas de collision est de faire en sorte qu'au cours d'une collision, les espaces inoccupés se déforment avant les espaces occupés. Les chances de survie dépendent de l'efficacité avec laquelle les chocs sont absorbés par les caractéristiques du véhicule et éloignés des occupants. Aucun dommage à la charpente de l'habitacle ne devrait réduire l'espace de survie ou l'exposer aux éléments au point de compromettre les chances de survie des occupants.

2.7.1 Résistance à l'impact des locomotives

Le nez avant de la locomotive F40PH-2D de GM renferme 2 montants anticollision qui la protègent en cas de collision frontale. Cependant, la charpente de toit et les parois de la cabine étaient faites de diverses configurations d'acier de faible épaisseur. Il n'y avait aucune structure importante de montants de coin ni aucune protection en cas renversement. Le programme de remise à neuf des locomotives de VIA n'a donné lieu à aucune amélioration structurale dans la zone de la cabine pour assurer la protection en cas de renversement ou d'impact, et une telle amélioration n'était pas exigée.

Le Règlement de sécurité des locomotives approuvé par TC exige que les nouvelles locomotives de marchandises soient conçues et construites en conformité avec la dernière édition de la norme S-580 de l'AAR sur la résistance à l'impact des locomotives ou avec une norme équivalente. Elle exige aussi que les nouvelles locomotives de voyageurs soient conçues et construites en conformité avec la dernière édition de la norme S-580 de l'AAR, de la norme de l'APTA ou d'une norme équivalente. La norme S-580 de l'AAR n'exige pas, pour les nouvelles locomotives à nez large, la présence de montants de coin de cabine s'élevant au-dessus de la charpente de capot court, ni de protection en cas de renversement de la cabine; aucune protection en cas de renversement de la cabine n'est exigée non plus pour les locomotives à nez étroit en service marchandises ou voyageurs. Par comparaison, la norme de l'APTA exige pour les locomotives de voyageurs aussi bien des montants de coin de cabine qu'une protection en cas de renversement et comporte des critères de performance technique pour ces deux éléments. Le manque de critères de conception au sein de l'AAR pour les montants de coin de cabine des nouvelles locomotives à nez large, ainsi que pour la protection en cas de renversement des locomotives à nez large ou étroit, augmente le risque que les nouvelles locomotives puissent être sujettes à une défaillance structurale de leur cabine au cours de déraillements par renversement, entraînant une perte d'espace de survie.

Dans le présent événement, la locomotive VIA 6444, après avoir déraillé, s'est renversée et a heurté les fondations en béton d'un bâtiment. L'avant et la zone du nez ont été en grande partie épargnés, tandis que la zone du toit de la cabine a été écrasée, ce qui a réduit l'espace de survie. En raison de la nature de l'accident, on n'a pu déterminer avec certitude si l'équipe avait survécu même avec une protection améliorée en cas de renversement. Bien que l'on reconnaisse qu'il pourrait être impossible de concevoir un véhicule dont les occupants survivraient à tous les scénarios de collision, une conception plus robuste tend à augmenter les chances de survie.

Pour les locomotives construites après le 1er juillet 1995, la norme S-5506 de l'AAR exige, pour les réservoirs de carburant de locomotive, des propriétés structurales et de résistance à la perforation améliorées visant à réduire le risque de déversement de carburant à la suite d'un déraillement et/ou d'une collision. Comme la locomotive VIA 6444 a été construite avant 1995, l'installation d'un réservoir de carburant résistant à la perforation n'était pas exigée. Au moment de l'accident, le réservoir de carburant s'est perforé et a déversé quelque 4300 litres de carburant diesel. Il a été endommagé dans une zone pour laquelle la norme S-5506 de l'AAR exige une construction plus robuste et plus résistante à l'impact. Le programme de remise à neuf de VIA aurait été une occasion d'améliorer le réservoir de carburant, mais comme aucun règlement n'en exigeait le remplacement, le réservoir d'origine a été réinstallé, puis a cédé au moment de l'accident.

La norme S-580 de l'AAR exige qu'un système d'attache des bogies, qui fixe chaque bogie au châssis de la locomotive, puisse résister à une contrainte de cisaillement ultime équivalente de 250 000 livres du plan longitudinal au plan latéral, inclusivement. Dans le présent accident, les deux bogies se sont détachés de la locomotive. En particulier, le bogie arrière s'est détaché, a déraillé et s'est immobilisé à quelque 1000 pieds à l'est de la locomotive, près des agents d'entretien des signaux. La défaillance du système d'attache des bogies donne à penser que sa conception d'origine était inadéquate pour les conditions de l'accident. Le programme de remise à neuf de VIA aurait été une occasion de faire les améliorations nécessaires au système d'attache des bogies, mais, en l'absence d'exigence réglementaire en la matière, le système d'attache d'origine des bogies a été conservé, puis a cédé au moment de l'accident.

Les locomotives F40PH-2D de GM ont été construites avant l'établissement de normes de résistance à l'impact et, après leur remise à neuf, leur durée de vie utile peut atteindre 40 ans ou davantage si une autre remise à neuf est effectuée plus tard. Cependant, puisque le Règlement de sécurité des locomotives et les normes associées s'appliquent seulement aux nouvelles locomotives, aucune exigence réglementaire n'oblige à améliorer la charpente de la cabine, les réservoirs de carburant et le système d'attache des bogies des locomotives remises à neuf. En outre, plus de 90 % des locomotives de ligne exploitées par les grandes compagnies ferroviaires canadiennes ont été construites avant l'établissement des normes actuelles de résistance à l'impact et, conformément au Règlement de sécurité des locomotives actuel, aucune de ces locomotives ne serait tenue de répondre aux normes de résistance à l'impact si elles étaient remises à neuf au Canada. Par contraste, aux États-Unis, l'article 229.203 du titre 49 du Code of Federal Regulations de la FRA exige que les locomotives construites ou reconstruites le ou après le 1er janvier 2009 satisfassent aux normes de résistance à l'impact.

Dans le cadre d'un programme de remise à neuf de locomotives, rien n'empêche une compagnie d'incorporer une charpente de cabine plus robuste et d'améliorer les réservoirs de carburant et le système d'attache des bogies de façon à accroître la résistance à l'impact. En dépit des occasions qu'il offrait de faire ces améliorations, autres que des modifications visant à améliorer les efficiences d'exploitation, le programme de remise à neuf des locomotives de VIA a été réalisé en conformité avec les exigences minimales du Règlement de sécurité des locomotives. L'absence de règlement exigeant l'amélioration de la résistance à l'impact des locomotives au cours d'une remise à neuf importante fait augmenter le risque que les locomotives remises à neuf puissent, au moment d'un déraillement, continuer d'être sujettes à une défaillance de la charpente de leur cabine, du réservoir de carburant et du système d'attache des bogies.

2.7.2 Résistance à l'impact des voitures à voyageurs

Au moment de l'accident, les voitures à voyageurs LRC ont conservé leur intégrité structurale, sans dislocations ni perte de rigidité, et tous les bogies sont demeurés attachés à leurs voitures. Les 2 premières voitures ont subi la plus grande partie des dommages, mais les montants anticollision sont restés intacts. Bien que la première voiture se soit renversée sur le côté et que certains coins des 2 premières voitures aient subi des dommages structuraux localisés, aucune des deux voitures n'a connu une perte importante de son espace de survie. Les voitures à voyageurs LRC de VIA ont conservé leur intégrité structurale dans l'accident et protégé les voyageurs contre des blessures plus graves.

Chaque voiture LRC était équipée sur chaque côté de 2 fenêtres de sortie de secours. Ces sorties de secours étaient constituées de verre cassable qui pouvait être fracassé au moyen d'un outil brise-verre rangé à chacune des fenêtres de sortie. Étant donné que la première voiture gisait sur son côté, la seule fenêtre de sortie de secours utilisée pour l'évacuation se trouvait dans le haut, à quelque 10 pieds de hauteur. Sur l'extérieur de la voiture, les panneaux identifiant les fenêtres de sortie de secours et le fonctionnement d'urgence des portes de bout latérales étaient relativement petits, discrets et pas clairement identifiables. Bien que cette situation n'ait pas posé problème dans le présent accident, les intervenants d'urgence risquent de ne pas trouver facilement l'emplacement des accès quand ceux-ci ne sont pas clairement identifiés sur l'extérieur du matériel roulant.

2.8 Enregistreurs vidéo et de la parole dans la cabine et caméras orientées vers l'avant

En l'absence d'un enregistrement de la parole dans la cabine, il n'a pas été possible de déterminer la dynamique et les interactions qui régnaient entre les 3 membres de l'équipe de VIA. L'absence de cette précieuse information a laissé sans réponse un certain nombre de questions :

De plus, comme la locomotive VIA 6444 n'était pas équipée d'une caméra vidéo couleur orientée vers l'avant, on n'a pu vérifier immédiatement le bon fonctionnement du système de signalisation.

L'information tirée des enregistreurs vidéo et de la parole dans la cabine ainsi que des caméras vidéo orientées vers l'avant peut rapidement diriger l'attention des enquêteurs en montrant les dangers évidents ou les éléments causaux et éliminer les facteurs non pertinents qui se révèlent comme n'étant pas en cause dans l'accident. La technologie est omniprésente dans le domaine de l'information enregistrée, et ce, depuis un certain temps. Par exemple, l'industrie aéronautique utilise depuis plus de 30 ans des enregistrements de la parole dans le poste de pilotage.

Aux États-Unis, les locomotives Acela d'Amtrak sont équipées d'enregistrements de la parole dans la cabine reliés au consignateur d'événements de locomotive. Par comparaison, aucune compagnie ferroviaire au Canada n'utilise actuellement une telle technologie. La recommandation R03-02 du Bureau, faite en juillet 2003, traitait du besoin d'enregistrements de la parole dans la cabine et constatait que les données objectives sont cruciales pour aider les enquêteurs à comprendre la séquence des événements et à cerner les problèmes opérationnels et les facteurs humains qui peuvent influer sur le rendement des équipes. La question a été davantage mise en lumière dans la Liste de surveillance du BST.

Les organismes d'enquête sur les accidents tirent profit d'une collecte, d'une assimilation et d'une analyse plus efficientes, plus opportunes et plus précises des renseignements ainsi que de la communication plus ponctuelle des lacunes de sécurité et des rapports d'accident à l'industrie, aux organismes de réglementation et au public. Malgré ces avantages importants pour la sécurité, il n'existe aucune exigence pour des enregistreurs vidéo ou de la parole dans la cabine. Bien que certaines compagnies ferroviaires aient installé des caméras vidéo orientées vers l'avant, il n'y a pas eu de mise en place systématique. L'absence d'enregistreurs vidéo et de la parole dans la cabine des locomotives et de caméras vidéo orientées vers l'avant prive les enquêteurs d'accidents de sources précieuses de renseignements qui peuvent améliorer la sécurité.

Dans d'autres modes de transport, on envisage de recourir à des enregistreurs vidéo et de la parole pour les analyses effectuées dans le cadre d'un SGS. L'information tirée de ces enregistreurs est protégée actuellement en vertu de la Loi sur le BCEATST et ne peut être utilisée à d'autres fins que pour les besoins d'une enquête du BST. Il est essentiel de discerner les facteurs humains pour comprendre pourquoi des accidents se produisent. Quand des compagnies ne peuvent utiliser proactivement des enregistrements vidéo et de la parole dans un SMS non punitif, on les prive d'une occasion de réduire les risques et d'améliorer la sécurité avant qu'un accident ne survienne. Cette situation pourrait bien plaider en faveur d'un réexamen des dispositions légales à ce chapitre.

2.9 Évaluations médicales par les compagnies ferroviaires

Pour assurer la sécurité de l'exploitation des trains, il est important que les employés qui travaillent dans des postes essentiels à la sécurité soient régulièrement évalués et, au besoin, soumis à une surveillance lorsqu'ils ont un problème de santé pouvant gêner leur capacité de s'acquitter de leurs tâches. Le mécanicien responsable avait pris une combinaison de médicaments pour traiter un trouble de l'humeur, ingéré de l'oxycodone et, probablement, consommé de l'alcool au moins 12 heures avant de subir des blessures mortelles. Compte tenu de cette combinaison, il est possible aussi que le mécanicien responsable ait souffert de fatigue en raison d'un sommeil perturbé et éprouvé une certaine somnolence et une diminution du rendement. Bien qu'on n'ait pu mesurer le degré de présence des symptômes chez le mécanicien responsable ni leur effet sur son rendement, autant le problème de santé mentale que les médicaments prescrits du mécanicien responsable auraient gagné à être surveillés étroitement par la compagnie en raison du caractère essentiel à la sécurité du poste qu'il occupait. Cependant, ni le traitement ni le problème de santé n'ont été suivis par VIA parce qu'ils n'avaient pas été déclarés à la compagnie ni déclarés au cours des examens médicaux périodiques.

Plusieurs rapports d'enquête du BST ont relevé des situations où le conducteur d'un véhicule n'avait pas signalé un problème de santé particulier au cours d'une évaluation médicale périodique. Bien qu'un examen physique fasse partie de cette évaluation, une grande partie de celle-ci repose sur la validité et l'exhaustivité de l'information qu'elle permet de documenter. Sans une indication de la présence possible d'un problème de santé particulier, il est peu probable qu'un médecin de compagnie cherchera à en savoir davantage auprès d'un médecin de famille. Pour s'assurer qu'une évaluation complète est faite de la santé d'un conducteur et du risque potentiel que celui-ci présente s'il travaille dans un poste essentiel à la sécurité, il est impératif que les médecins responsables de l'évaluation de l'aptitude médicale aient à leur disposition les antécédents médicaux complets et précis des employés. L'absence d'information médicale complète sur les employés augmente le risque que des problèmes médicaux importants nuisant au rendement au travail dans des postes essentiels à la sécurité passent inaperçus.

2.10 Intervention d'urgence et évacuation

Le directeur des services a réagi en conformité avec le plan de VIA en matière de sécurité des voyageurs. Après avoir constaté l'ampleur de l'accident, le directeur des services a pris les choses en main et a procédé aux vérifications visuelles et verbales nécessaires auprès des voyageurs, diffusé un message radio d'urgence et lancé sur le cellulaire un appel d'urgence au CCF. Ensuite, le directeur des services a immédiatement entrepris de prêter assistance aux voyageurs blessés et de se coordonner avec le personnel d'intervention d'urgence à son arrivée sur les lieux.

En raison de l'emplacement urbain de l'accident et de la proximité du passage à niveau de King Road, le lieu était facilement accessible aux intervenants d'urgence, qui sont arrivés sur les lieux dans les minutes qui ont suivi. Un poste de commandement en cas d'incident et une structure de commande unifiée ont été mis en place. Le personnel de VIA, d'autres voyageurs et des employés du CN ont également participé aux efforts de sauvetage et de récupération. L'intervention a été bien coordonnée avec les organismes d'assistance, des mesures appropriées et efficaces étant prises pour protéger les lieux et assurer la sécurité des voyageurs et du public.

Il n'y avait aucun système en place pour surveiller en temps réel le manifeste des voyageurs de VIA. Dans le présent événement, le directeur des services voulait recueillir les titres de transport auprès des voyageurs qui étaient montés à la gare d'Aldershot, mais l'accident l'a empêché de terminer ce travail. Bien que l'on ait éventuellement retrouvé tous les voyageurs, il a été difficile au départ de déterminer le nombre de gens à bord parce que les talons n'avaient pas encore été tous recueillis et que certains voyageurs indemnes avaient déjà quitté les lieux. L'absence de manifeste de voyageurs précis en temps réel augmente les risques que les voyageurs ne soient pas tous retrouvés, surtout au cours des premières étapes d'une intervention d'urgence.

2.11 Sécurité des voyageurs

En conformité avec les exigences réglementaires, VIA dispose d'un plan de sécurité des voyageurs qui comprend les procédures à respecter en cas d'intervention d'urgence. Le plan indique que le mécanicien responsable est chargé de l'ensemble de l'intervention d'urgence, y compris de l'évacuation, tandis que le directeur des services est responsable du personnel des services de bord, sous la direction du mécanicien responsable. Le plan décrit les tâches spécifiques assignées à des employés désignés, en prévoyant que le mécanicien responsable coordonne l'intervention d'urgence. Il indique aussi qu'en cas de blessures ou de circonstances atténuantes, il pourrait être nécessaire pour d'autres employés d'assumer ces fonctions, dont la coordination d'une évacuation. Cependant, le plan ne prescrit aucun rapport minimum entre le personnel des services de bord et le nombre de voyageurs, et le Règlement relatif à la sécurité des voyageurs de TC ne l'exige pas.

Par comparaison, le Règlement de l'aviation canadien stipule qu'aucun exploitant aérien ne peut exploiter un aéronef avec passagers à bord, sauf si l'équipage comporte au moins 1 agent de bord pour chaque unité de 40 passagers ou fraction de ce nombre. Cela signifie que pour un effectif de 70 passagers, comparable à celui du VIA 92, il faudrait 2 agents de bord. Bien qu'il ait été signalé que le VIA 92 comptait habituellement 2 employés des services de bord, aucun personnel supplémentaire n'était disponible ce jour-là et le train est parti avec seulement le directeur des services en fonction. En raison des blessures mortelles subies par l'équipe d'exploitation, le directeur des services de VIA est devenu le seul employé de VIA en service responsable de l'assistance aux voyageurs blessés et de leur évacuation, ainsi que de la coordination avec les intervenants d'urgence. La réussite de l'intervention d'urgence dépendait à certains égards de l'endroit où l'accident s'est produit. Le poste d'incendie local était proche et le lieu facilement accessible. Le directeur des services s'est admirablement comporté dans cette situation d'urgence. Cependant, un personnel supplémentaire des services de bord aurait été d'une grande utilité. L'absence d'exigence réglementaire relative à un rapport minimum entre le personnel des services de bord et le nombre de voyageurs présente le risque que, dans certaines circonstances, la sécurité des voyageurs s'en trouve compromise.

2.12 Ceintures de sécurité

Aucun règlement n'exige l'installation de dispositifs de retenue pour les voyageurs ou les membres de l'équipe d'exploitation. Bien que personne n'ait été blessé par suite d'une sortie involontaire Note de bas de page 31 dans le présent accident, de nombreuses blessures ont été subies par des gens éjectés ou tombés de leur siège, heurtés par une autre personne ou par un objet qui s'est détaché et déplacé librement à l'intérieur de la voiture. Les types de blessures subies ont soulevé la question de la retenue des voyageurs par l'utilisation de ceintures de sécurité.

L'étude du RSSB a évalué les ceintures de sécurité à 2 et 3 points d'ancrage au moyen de mannequins d'essais de choc représentant des gens de toutes tailles. Les résultats de l'étude ont révélé que l'utilisation de ceintures de sécurité à 2 points d'ancrage risquait d'aggraver les blessures d'une manière inacceptable, tandis que la gravité des blessures subies par des voyageurs non retenus occupant des sièges conformes aux normes les plus récentes de résistance à l'impact se situait dans des limites acceptables. Des résultats similaires ont été obtenus avec des ceintures de sécurité à 3 points d'ancrage : la gravité des blessures avait diminué à un niveau inférieur à celui des blessures subies par les voyageurs non retenus occupant des sièges résistant à l'impact, mais les deux niveaux de gravité se situaient dans des limites acceptables. Cependant, pour pouvoir supporter les charges accrues imposées par l'utilisation de ceintures de sécurité à 3 points d'ancrage, les sièges avaient dû être redessinés et renforcés, ce qui a neutralisé leur résistance à l'impact et augmenté les blessures au cou subies par les voyageurs non retenus.

L'étude du RSSB a conclu qu'en cas de déraillement au cours duquel il y a une mise en portefeuille et/ou un renversement de véhicules faisant intervenir une composante de force latérale, on ne peut se fier systématiquement à l'efficacité des ceintures de sécurité pour les voyageurs. Bien qu'il n'en soit pas fait mention directement dans le rapport, la même logique et les mêmes constatations s'appliqueraient aux dispositifs de retenue des membres de l'équipe. L'étude a également montré que, pour chaque vie qui aurait pu être sauvée grâce à l'utilisation d'une ceinture de sécurité, 8 personnes auraient pu perdre la vie en étant retenues dans des zones où s'est produite une perte d'espace de survie. En Europe et en Amérique du Nord, aucune exigence n'impose l'installation de ceintures de sécurité pour les membres de l'équipe ou les voyageurs, peu importe le matériel roulant, y compris les trains à grande vitesse. Des études ont démontré que, dans le cas d'accidents ferroviaires, l'utilisation d'une ceinture de sécurité pouvait augmenter le risque de blessures dans certaines circonstances.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le VIA 92 a franchi la liaison no 5, où la vitesse autorisée était de 15 mi/h, à une vitesse de 67 mi/h. En raison de la vitesse excessive, la locomotive et les 5 voitures à voyageurs ont déraillé.

  2. La conduite du train et sa vitesse de 67 mi/h à la hauteur de la liaison étaient compatibles avec les actions d'une équipe qui avait mal perçu ou interprété l'indication du signal 334T2 comme étant plus permissive, l'autorisant ainsi à avancer à la vitesse en voie.

  3. L'arrêt à la gare d'Aldershot a interrompu la progression continue des signaux, ce qui a pu contribuer à ce que les membres de l'équipe à bord de la locomotive oublient que le précédent signal avancé 348T2 présentait une indication de vitesse normale à petite vitesse (J/J).

  4. L'utilisation fréquente de la voie 2 peut avoir influencé la mauvaise perception que le signal 334T2 était plus permissif, ce qui a amené l'équipe du train à ne pas régler la marche de son train selon l'indication restrictive présentée par le signal.

  5. L'équipe du VIA 92 en est peut-être venue à se concentrer sur les aspects JC/VC, qui ressortaient davantage, et a mal interprété le signal 334T2 comme donnant l'indication de vitesse normale à vitesse limitée différée (règle 412), qui lui permettait d'avancer à la vitesse en voie, plutôt que celle de petite vitesse à vitesse limitée (règle 432), qui aurait limité le VIA 92 à une vitesse de 15 mi/h.

  6. Le fait pour l'équipe de savoir d'avance qu'un voyageur en fauteuil roulant descendrait à Oakville peut avoir créé chez elle l'attente que son train demeurerait sur la voie 2 et passerait de la voie 2 à la voie 1 près d'Oakville, ce qui a renforcé le biais de perception à l'égard d'une indication de signal permissive.

  7. La conscience de la situation de l'équipe se concentrait probablement à résoudre un conflit apparent d'occupation de la voie avec l'équipe de travaux en signalisation qui travaillait en avant sur la voie 2, plutôt qu'à bien reconnaître l'indication du signal 334T2 et à se conformer à l'exigence de ralentir le train.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Lorsque la progression des signaux est interrompue (par exemple, par un arrêt), l'absence d'un signal répéteur ou d'une procédure pour confirmer de nouveau l'indication donnée par le signal précédent augmente le risque d'une mauvaise interprétation du signal suivant.

  2. En l'absence de formation et de procédures régissant les situations où 3 membres d'une équipe d'exploitation sont présents dans la cabine, il y a un risque accru de distraction.

  3. En l'absence d'autres moyens de défense physiques à sécurité intrinsèque afin de réduire les conséquences d'erreurs humaines inévitables en territoire signalisé, les risques de collision et de déraillement sont toujours présents.

  4. Le manque de critères de conception au sein de l'Association of American Railroads (AAR) pour les montants de coin de cabine des nouvelles locomotives à nez large, ainsi que pour la protection en cas de renversement des locomotives à nez large ou étroit, augmente le risque que les nouvelles locomotives puissent être sujettes à une défaillance structurale de leur cabine au cours de déraillements par renversement, entraînant une perte d'espace de survie.

  5. L'absence de règlement exigeant l'amélioration de la résistance à l'impact des locomotives au cours d'une remise à neuf importante fait augmenter le risque que les locomotives remises à neuf puissent, au moment d'un déraillement, continuer d'être sujettes à une défaillance de la charpente de leur cabine, du réservoir de carburant et du système d'attache des bogies.

  6. Les intervenants d'urgence risquent de ne pas trouver facilement l'emplacement des accès quand ceux-ci ne sont pas clairement identifiés sur l'extérieur du matériel roulant.

  7. L'absence d'enregistreurs vidéo et de la parole dans la cabine des locomotives et de caméras vidéo orientées vers l'avant prive les enquêteurs d'accidents de sources précieuses de renseignements qui peuvent améliorer la sécurité.

  8. Il est essentiel de discerner les facteurs humains pour comprendre pourquoi des accidents se produisent. Quand des compagnies ne peuvent utiliser proactivement des enregistrements vidéo et de la parole dans un système de gestion de la sécurité (SGS) non punitif, on les prive d'une occasion de réduire les risques et d'améliorer la sécurité avant qu'un accident ne survienne.

  9. L'absence d'information médicale complète sur les employés augmente le risque que des problèmes médicaux importants nuisant au rendement au travail dans des postes essentiels à la sécurité passent inaperçus.

  10. L'absence de manifeste de voyageurs précis en temps réel augmente les risques que les voyageurs ne soient pas tous retrouvés, surtout au cours des premières étapes d'une intervention d'urgence.

  11. L'absence d'exigence réglementaire relative à un rapport minimum entre le personnel des services de bord et le nombre de voyageurs présente le risque que, dans certaines circonstances, la sécurité des voyageurs s'en trouve compromise.

3.3 Autres faits établis

  1. La liaison no 5 au point milliaire 33,23 étant orientée pour faire passer le VIA 92 de la voie 2 à la voie 3, le système de signalisation fonctionnait comme prévu et les signaux suivants étaient présentés :
    • signal 364T2 – signal de vitesse normale à vitesse limitée (règle 406) présentant les aspects J/VC/R;
    • signal 348T2 – signal de vitesse normale à petite vitesse (règle 409) présentant les aspects J/J.
    • signal 334T2 – signal de petite vitesse à vitesse limitée (règle 432) présentant les aspects R/JC/VC.
  2. Les voitures à voyageurs légères, rapides, confortables (LRC) de VIA ont conservé leur intégrité structurale dans l'accident et protégé les voyageurs contre des blessures plus graves.

  3. L'intervention d'urgence a été bien coordonnée avec les organismes d'assistance, des mesures appropriées et efficaces étant prises pour protéger les lieux et assurer la sécurité des voyageurs et du public.

  4. Des études ont démontré que, dans le cas d'accidents ferroviaires, l'utilisation d'une ceinture de sécurité pouvait augmenter le risque de blessures dans certaines circonstances.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Avis de sécurité ferroviaire du BST

4.1.1.1 Aiguillage de trains de voyageurs à grande vitesse sur des liaisons à petite vitesse

Le 18 avril 2012, le BST a envoyé l'avis de sécurité ferroviaire 02/12 à Transports Canada (TC). Cet avis indiquait qu'étant donné la gravité des conséquences d'un déraillement de train de voyageurs, il serait souhaitable que TC revoie les procédures d'exploitation et les situations dans lesquelles des trains de voyageurs à plus grande vitesse sont dirigés sur des liaisons équipées de branchements no 12, où la vitesse autorisée est plus faible.

Le 30 mai 2012, TC a répondu qu'il incombait à l'employé de reconnaître les indications des signaux et de s'y conformer. Les compagnies ferroviaires donnent à leurs employés une formation sur le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) dans lequel il est suffisamment question de l'observation de la vitesse. La règle 34 du REF précise les conditions dans lesquelles les employés doivent reconnaître les indications des signaux fixes et les annoncer avant le franchissement du signal. On a ajouté la règle 33 du REF (TC O-0-93, publié le 19 mars 2008) pour indiquer aux membres des équipes leurs responsabilités conjointes et les mesures qu'ils doivent prendre pour assurer l'observation de la vitesse. Il incombe à la compagnie ferroviaire, par une supervision, une éducation et une formation visant à assurer la conformité au REF, de veiller à ce que les employés sachent, comprennent et respectent la marche à suivre dictée par les indications des signaux.

La réduction de la vitesse, telle qu'exigée par l'indication d'un signal, constitue un élément de l'exploitation ferroviaire normale. Le fait de limiter l'indication d'un signal pour contrôler la vitesse de marche limiterait aussi l'aptitude du chemin de fer à réagir à des conditions variables qui sont des réalités du milieu ferroviaire. L'élimination des liaisons à 15 mi/h n'empêcherait pas un événement similaire de se produire en cas d'une vitesse excessive survenant alors qu'un train qui roule jusqu'à 100 mi/h est dirigé sur une liaison à 45 mi/h.

4.1.1.2 Résistance à l'impact des locomotives

Le 16 octobre 2012, le BST a envoyé à TC l'avis de sécurité ferroviaire 04/12 qui indiquait qu'au cours de l'accident, la locomotive VIA 6444 et la 1re voiture à voyageurs ont glissé en bas d'un talus, se sont renversées et se sont immobilisées sur le côté. La partie de la cabine de la locomotive située tout juste au-dessus du nez a percuté la fondation d'un bâtiment situé à côté de la voie ferrée. Le toit de la cabine s'est effondré, ce qui a causé des dommages importants à l'intérieur de la cabine et des blessures mortelles à l'équipe d'exploitation.

Une enquête subséquente a montré que la charpente originale du toit de la cabine et les parois latérales de la cabine avaient été construites selon diverses configurations d'acier de faible épaisseur. Bien que la locomotive VIA 6444 ait récemment fait l'objet d'une importante remise à neuf, aucune amélioration structurale n'a été apportée à la cabine au cours de la remise à neuf afin de la protéger en cas de renversement ou d'impact. Comme ces locomotives F40PH-2D de General Motors (GM) ont été construites avant l'établissement de normes de résistance à l'impact et comme le Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer (Règlement de sécurité des locomotives) ne s'applique qu'aux nouvelles locomotives, aucune exigence réglementaire n'oblige à améliorer la charpente de la cabine de ces locomotives. Étant donné qu'un programme important de remise à neuf offre des occasions de renforcer la charpente de la cabine des locomotives afin d'améliorer la résistance à l'impact, l'avis de sécurité ferroviaire suggérait à TC de réviser le Règlement de sécurité des locomotives afin de s'assurer qu'il comporte des critères clairs et cohérents de résistance à l'impact pour les locomotives neuves et remises à neuf.

Dans sa réponse du 21 novembre 2012, TC a répondu que les normes actuelles de résistance à l'impact, telle la norme S-580 de l'Association of American Railroads (AAR) sur les exigences de résistance à l'impact des locomotives, avaient été établies après des années de recherche et de peaufinement, et avaient prouvé leur très grande efficacité avec le temps. Cependant, la Direction de la sécurité ferroviaire de TC reverra les critères de résistance à l'impact des locomotives contenus dans l'actuel Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer (TC O-0-112) du 4 février 2010.

4.1.2 Transports Canada

En vertu de la partie II du Code canadien du travail et en réponse aux blessures mortelles subies par les membres de l'équipe d'exploitation, TC a tenu une enquête parallèle relative à la santé et à la sécurité au travail (rapport d'enquête 3520-6-2 de TC sur la partie II du Code canadien du travail). Le rapport concluait que la locomotive avait quitté la voie à une vitesse élevée, s'était renversée et avait percuté les fondations d'un bâtiment, blessant mortellement les membres de l'équipe d'exploitation. Le rapport demandait que VIA Rail Canada Inc. (VIA) élabore un plan d'action visant les objectifs suivants :

TC a communiqué avec VIA, qui l'a informé d'un certain nombre de mesures de sécurité avaient été prises pour sensibiliser les employés à la présence de liaisons à petite vitesse.

TC a discuté avec l'industrie de la possibilité d'adapter les systèmes informatiques de bord actuels de façon qu'ils puissent aider au contrôle de la marche des trains. Le Canadien National (CN) a fait savoir à TC que le système Trip Optimizer de la General Electric (GE), utilisé actuellement pour la gestion du carburant, incorpore les ordres de limitation de vitesse des bulletins de marche (BM) et les liaisons à venir dont il télécharge les schémas de voie dans le système informatique. À l'approche d'une liaison, le Trip Optimizer demandera au mécanicien d'indiquer quelle voie son mouvement est censé emprunter. Si l'aiguillage d'une liaison bouge ou s'il n'y a pas de réaction de la part de l'équipe, le système peut mettre en place une limitation de vitesse à 15 mi/h selon la vitesse autorisée sur la liaison. À ce jour, le Trip Optimizer ne peut serrer les freins du train, mais il est en mesure de maintenir la vitesse par l'entremise du manipulateur et du freinage rhéostatique.

4.1.3 VIA Rail Canada Inc.

Le 12 mars 2012, VIA a émis le bulletin HQOP12-04 qui stipule qu'à partir du 19 mars 2012, lorsqu'un train est arrêté à une gare ou dans un canton contrôlé, le mécanicien responsable doit enregistrer l'indication du dernier signal reçu avant l'arrêt. Le mécanicien aux commandes doit placer l'interrupteur d'excitation de la génératrice en position OFF lorsque le train est arrêté. Avant de reprendre la marche, tous les employés dans la cabine doivent se confirmer les uns aux autres l'indication du dernier signal dans la direction de leur mouvement. Lorsque le mouvement a commencé, la zone de vigilance absolue (ZVA) doit être appliquée jusqu'au prochain signal.

Un second bulletin de VIA sur cette procédure est entré en vigueur le 9 juillet 2012 (HQOP12-10). Ce bulletin donnait au mécanicien aux commandes le choix de compléter la procédure de l'interrupteur d'excitation de la génératrice en retirant la manette de l'inverseur du poste de conduite. Ce bulletin rendait aussi les exigences des deux bulletins obligatoires lorsqu'un train s'arrête à l'intérieur de la zone d'application d'une feuille de libération en régulation de l'occupation de la voie (ROV).

Ces instructions s'ajoutent aux exigences des règles 142(b) et 34 du REF. Toute communication dans la cabine de locomotive doit être réalisée de façon à être bien comprise et qu'on puisse y donner suite. Ces exigences ont été intégrées à l'initiative de ZVA, qui définit les tâches essentielles accomplies par les mécaniciens de locomotive ainsi que les comportements à observer dans l'exécution de ces tâches par les mécaniciens et le personnel de bord.

Après l'accident, VIA a modifié encore davantage le contenu de sa formation pour sensibiliser davantage les équipes au risque potentiel de distraction auquel elles peuvent être confrontées pendant qu'un mécanicien de locomotive qualifié ou un stagiaire est présent dans la cabine durant un parcours de familiarisation. Les modifications liées à la présence d'une 3e personne dans la cabine et les changements apportés aux exigences de la ZVA ont été intégrés à la trousse de formation fournie aux mécaniciens de locomotive.

La direction de VIA a procédé à des contrôles de la conformité aux exigences de ce bulletin et passe en revue ces contrôles pour s'assurer que les équipes adoptent des comportements uniformes en la matière.

Après l'accident, des superviseurs de VIA ont discuté de sécurité pendant 7 jours avec les mécaniciens de locomotive aux points de prise de service. Il a alors été question auprès de la majorité des employés de l'emplacement des liaisons à petite vitesse et de la prise de conscience des signaux, discussions qui ont confirmé que les mécaniciens de locomotive étaient au courant de l'emplacement des liaisons à petite vitesse.

À l'heure actuelle, VIA a 74 locomotives de ligne en service. En avril 2012, les 53 locomotives F40PH-2D de GM étaient équipées de caméras vidéo orientées vers l'avant; les 21 autres locomotives de ligne devraient en être équipées d'ici juillet 2013.

En ce qui concerne les enregistreurs de la parole et les caméras vidéo orientées vers l'intérieur de la cabine, VIA estime qu'il existe des possibilités importantes de surveiller plus efficacement la conformité grâce à des règles, à des règlements et à des politiques internes qui aideraient à promouvoir une culture de la sécurité et à accroître le potentiel de prévention des accidents avant qu'ils ne surviennent. À cet égard, VIA appuie l'utilisation d'enregistreurs vidéo et de la parole dans la cabine en tant que processus intégré de son SGS. D'ailleurs, VIA va de l'avant de sa propre initiative pour implanter les enregistrements de la parole. Les premiers prototypes ont été installés et mis à l'essai dans les locomotives P42 et F40PH-2D de GM. VIA est à temps dans son projet de terminer l'installation d'enregistreurs de la parole dans son parc de locomotives d'ici juin 2014.

VIA a élaboré et mis en place un système électronique de billetterie qui permet à son personnel des services de bord de balayer le code à barres sur un titre de transport, un imprimé en ligne ou un code à barres sur un appareil mobile afin de confirmer quels voyageurs se trouvent à bord. Ce nouveau système est en place à l'échelle du Canada depuis 2012. L'information est également disponible à bord du train à partir du dispositif portable sans fil qui fournit presque en temps réel un manifeste numérique des voyageurs.

4.2 Recommandations en suspens du Bureau

Le présent accident met en lumière 2 aspects sur lesquels le Bureau a déjà fait des recommandations visant à réduire les risques pour la sécurité ferroviaire.

4.2.1 Autres moyens de défense – Indications des signaux

En 2001, le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports et l'industrie ferroviaire mettent en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires afin de s'assurer que les membres des équipes identifient les signaux et s'y conforment de façon uniforme.
Recommandation R00-04 du BST (publiée en février 2001)

TC a donné son appui à l'intention de cette recommandation et a accru sa surveillance de la conformité des activités relatives à la reconnaissance de signaux. Même si aucun autre moyen de défense physique en matière de sécurité n'a été intégré à la commande centralisée de la circulation (CCC) pour assurer systématiquement la reconnaissance des indications des signaux et la réaction à celles-ci, certaines modifications administratives ont été faites par le Chemin de fer Canadien Pacificique (CFCP) après un accident survenu à Redgrave (Colombie-Britannique), en 2009 (rapport d'enquête R09V0230 du BST). TC et les compagnies ferroviaires examinent la possibilité de doter de capacités de reconnaissance des signaux et de commande de frein à air les systèmes informatiques actuels du parc de locomotives. Toutefois, aucune stratégie officielle n'a encore été élaborée pour adapter soit les technologies émergentes, soit les systèmes informatiques de bord existants, en vue de la mise en œuvre de moyens de défense physiques pour le contrôle des trains à sécurité intrinsèque. Par conséquent, le Bureau a réévalué la réponse à la recommandation R00-04 comme demeurant en partie satisfaisante.

Bien que les compagnies ferroviaires possèdent certains mécanismes de défense pour empêcher les accidents (par exemple, équipes composées de deux personnes, le REF, les Instructions générales d'exploitation et la CCC), aucun de ces mécanismes n'assure que les indications des signaux seront toujours suivies. Dans le présent événement, le train de voyageurs de VIA est entré sur la liaison no 5 à une vitesse excessive et a déraillé. La conduite du train et sa vitesse de 67 mi/h à la hauteur de la liaison étaient compatibles avec les actions d'une équipe qui avait mal perçu ou interprété l'indication du signal 334T2, qui limitait la vitesse du VIA 92 à 15 mi/h au franchissement de la liaison, comme étant plus permissive et l'autorisant ainsi à avancer à la vitesse en voie.

L'accident aurait pu être éviter par d'autres moyens de défense déjà développés, tels que la signalisation en cabine avec un contrôle automatique des trains (ATC) et les systèmes avancés d'application forcée des limitations de vitesse (ACSES) ou encore des technologies émergentes comme le système interfonctionnel de gestion électronique des trains (I-ETMS) ou le système de commande intégrale des trains (PTC). Depuis 2007, le BST a mené un certain nombre d'enquêtes où il a déterminé que la reconnaissance des indications des signaux et la réaction à celles-ci avaient été des facteurs contributifs dans l'accident. En conséquence, le Bureau demeure préoccupé que, sans d'autres moyens de défense d'appoint à sécurité intrinsèque pour aider à la reconnaissance et à l'observation uniformes des indications des signaux, il y a toujours un risque d'une autre collision ou d'un autre déraillement grave.

4.2.2 Enregistrements de la parole dans les locomotives

Le Bureau a déjà fait des recommandations sur la question des enregistrements des conversations de bord. Dans son rapport d'enquête R99T0017, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie ferroviaire, établisse des normes nationales exhaustives en matière des enregistreurs de données de locomotive qui comprennent un dispositif d'enregistrement des conversations de cabine combiné aux systèmes de communication de bord.
Recommandation R03-02 du BST (publiée en juillet 2003)

En tenant compte que TC avait mis en œuvre certaines exigences de performance pour la collecte de données, le Bureau a évalué la réponse de TC comme étant en partie satisfaisante.

Si le consignateur d'événements de locomotive dans la cabine de la locomotive de commande avait été équipé d'une capacité d'enregistrement de la parole, on aurait pu déterminer de façon plus certaine la séquence des événements à l'approche du point de l'événement. Le fait de connaître les communications entre les membres de l'équipe et les gestes qui ont été posés dans la cabine permettrait de mieux comprendre ce qui est arrivé et comment cela est arrivé. Cela permettrait d'analyser en profondeur les moyens de défense présents dans le système et de déterminer les raisons pour lesquelles ils n'ont pas fonctionné le jour de l'accident. Par conséquent, le Bureau demeure préoccupé que l'utilisation d'enregistrements de la parole comme précieux outil de sécurité n'ait pas été mise en application.

4.3 Mesures de sécurité requises

4.3.1 Respecter les indications des signaux

Afin de garantir la sécurité, les systèmes de transport modernes doivent être pourvus de solides moyens de défense en vue de la prévention efficace des accidents. De tels moyens de défense peuvent être de nature administrative ou physique. Les moyens de défense d'ordre administratif comprennent, par exemple, la réglementation, les procédures d'exploitation, la supervision et la formation. Les moyens de défense physiques peuvent inclure la présence de dispositifs d'avertissement et d'alarme dans la cabine, ou un moyen physique d'arrêter le train.

L'industrie ferroviaire a mis en place un certain nombre de moyens de défense d'ordre administratif visant à garantir que les équipes observeront les signaux. En territoire CCC, les moyens de défense d'ordre administratif énoncés dans le REF et dans les Instructions générales d'exploitation (IGE) du chemin de fer exigent que les équipes d'exploitation prennent les mesures qui s'imposent relativement aux indications présentées par les signaux en bordure de la voie. Ces moyens de défense dépendent de l'équipe qui observe le signal, l'interprète correctement et prenne les mesures appropriées. Le REF et les IGE de la compagnie exigent aussi que tous les signaux soient identifiés, annoncés et répétés à l'intérieur de la cabine et que certains signaux soient annoncés sur le système radio du chemin de fer. Au Canada, ces moyens de défense d'ordre administratif n'ont pas toujours permis d'assurer une protection intégrale contre les accidents. De manière plus précise, le présent accident ainsi qu'un certain nombre d'accidents semblables sur lesquels le BST a enquêté démontrent que ces moyens de défense sont insuffisants dans les situations où l'équipe de train perçoit ou interprète mal l'indication d'un signal, ou ne l'observe pas.

La plupart du temps, ces accidents peuvent être qualifiés d'accidents causés par la défaillance d'un seul système; dans de tels cas, un simple défaut dans la conception, la mise en œuvre ou la configuration du système peut entraîner la défaillance de tout le système. Dans le contexte des signaux ferroviaires, le système se fie complètement au fait que les équipes se conformeront à chacun des signaux. Si elles ne le font pas, aucun moyen de défense supplémentaire ni dispositif de secours physique ne permet de garantir que la défaillance ponctuelle ne mènera pas à un accident.

Cet accident a entraîné la mort des membres de l'équipe d'exploitation, a causé des blessures à un employé de VIA et à des voyageurs et a également présenté un danger imminent pour les entreprises et les résidents au voisinage de la voie ferrée. De plus, l'accident est survenu dans un lieu se trouvant à l'intérieur d'un corridor ferroviaire CCC à grande vitesse qui représente l'un des corridors ferroviaires les plus achalandés au Canada, le trafic y atteignant jusqu'à 100 trains par jour. Les risques liés à ce type d'accident ne touchent pas que les trains de voyageurs puisqu'un grand nombre de trains de marchandises transportent des marchandises dangereuses de tous genres et si de tels trains sont en cause dans un accident, cela pose un risque important pour le public et l'environnement.

Depuis 2002, l'indication d'un signal a été mal identifiée, mal interprétée ou détectée tardivement en moyenne 11 fois par année. L'incidence ou la probabilité d'un accident est peut-être faible, mais les conséquences d'un tel accident pour le public ou l'environnement peuvent s'avérer extrêmement graves. Compte tenu de la possibilité, même faible, que surviennent des accidents aux conséquences graves, il faut prévoir l'ajout de moyens de défense au système ferroviaire pour éviter les accidents pouvant survenir lorsque l'équipe ne réagit pas aux signaux présentés.

Le concept de « défense en profondeur » est bien connu dans le monde de la sécurité depuis de nombreuses années. La mise en œuvre de moyens de défense ou de redondance constitue une approche éprouvée dans un grand nombre d'industries, notamment l'industrie nucléaire, afin d'éviter que la défaillance d'un seul système ait des conséquences catastrophiques. Dans l'industrie ferroviaire, en plus des moyens de défense d'ordre administratif et des signaux en voie en territoire CCC, certaines compagnies ferroviaires sont depuis longtemps dotées de moyens de défense physiques pour le contrôle des trains à sécurité intrinsèque supplémentaires. Ces moyens de défense supplémentaires peuvent alerter les membres de l'équipe d'exploitation s'ils n'interprètent pas correctement un signal ou une autre restriction ou encore s'ils n'y réagissent pas de manière appropriée; certains de ces moyens peuvent intervenir pour ralentir le train ou l'arrêter.

Dans des pays où les opérations ferroviaires menées par une seule personne sont monnaie courante, les technologies employées en cabine comportent un moyen de défense contre les erreurs des équipes. En Grande-Bretagne, un système d'avertissement automatique (AWS) avertit le conducteur de l'indication du signal et freine automatiquement le train lorsque l'on n'accuse pas réception d'un signal présentant une indication restrictive. En France, en Allemagne et en Italie, on a implanté un système complet de protection automatique des trains (ATP), semblable au contrôle automatique des trains (ATC), pour les lignes ferroviaires à grande vitesse réservées. À l'heure actuelle, l'Europe passe à une norme en matière d'ATP appelée système européen de surveillance du trafic ferroviaire (de l'anglais, European Rail Traffic Management System ou ERTMS). Les chemins de fer danois et suédois utilisent des technologies ATC sophistiquées pour assurer la conformité aux indications des signaux et aux limitations de vitesse, tandis que la compagnie néo-zélandaise Tranzrail emploie un dispositif de vigilance qui fait retentir une alarme et arrête le train si le conducteur ne réagit pas aux indications données par les signaux. Certaines compagnies ferroviaires dans d'autres pays non européens tels que l'Australie, l'Inde et la Chine sont exploitées avec des systèmes ATC fonctionnels. Notamment, les lignes ferroviaires à grande vitesse en République populaire de Chine sont exploitées à l'aide du système chinois de contrôle des trains, qui est semblable à l'ERTMS. Aux États-Unis, les trains circulant dans le corridor nord-est d'Amtrak sont pourvus d'un système ATC qui intègre la signalisation en cabine et le contrôle de la vitesse à un freinage automatique. Si le conducteur d'un train ne réagit pas au signal affiché, le système intervient en déclenchant automatiquement un freinage compensateur pour contrôler la vitesse du train en fonction de l'indication présentée par le signal.

La mise en œuvre du PTC aux États-Unis s'est accompagnée de difficultés et de retards. C'est pourquoi TC et les compagnies ferroviaires, lorsqu'ils étudient des solutions, ne devraient pas s'en tenir qu'au système PTC comme option de conception. L'un ou l'autre des moyens de défense physiques pour le contrôle des trains à sécurité intrinsèque utilisés internationalement, comme l'ATC, l'ACSES, l'I-ETMS ou d'autres formes de PTC, empêchera les accidents de ce type. La possibilité d'utiliser ces systèmes ou d'autres technologies émergentes susceptibles de procurer une protection semblable ne doit pas être écartée.

TC et l'industrie doivent plutôt miser sur une stratégie qui évitera les accidents comme celui survenu à Aldershot (Ontario), en s'assurant que les signaux, les vitesses de marche et les limites d'exploitation soient toujours observés. Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports exige que les grands transporteurs ferroviaires canadiens de voyageurs et de marchandises mettent en œuvre des méthodes de contrôle des trains à sécurité intrinsèque, en commençant par les corridors ferroviaires à grande vitesse du Canada.
Recommandation R13-01 du BST

4.3.2 Caméras vidéo dans la cabine

En l'absence d'un système de contrôle automatique des trains, le besoin de comprendre la dynamique régnant entre les membres de l'équipe de cabine devient plus marqué. Il faut dès maintenant faire le nécessaire en vue de l'implantation d'enregistreurs de la parole, mais il est également nécessaire d'installer des caméras vidéo orientées vers l'avant et dans la cabine. En l'absence d'enregistrements vidéo et de la parole, l'équipe d'enquête a été confrontée à d'importantes difficultés lorsqu'il s'est agi de confirmer les indications présentées par les signaux à l'équipe. Il a également été difficile de déterminer chacun des facteurs humains qui ont pu contribuer à la réaction inappropriée de l'équipe aux indications présentées par les signaux.

Comme la locomotive VIA 6444 n'était pas dotée d'une caméra vidéo couleur orientée vers l'avant, il n'a pas été possible de vérifier immédiatement si le système de signalisation avait bien fonctionné et il a fallu procéder à de nombreux essais après l'accident. Les compagnies ferroviaires canadiennes ont installé, de leur propre initiative, des caméras vidéo orientées vers l'avant sur leurs locomotives. Bien que ces caméras soient installées principalement en cas de litige, elles se sont avérées utiles dans le cadre d'enquêtes sur des accidents. À l'heure actuelle, environ la moitié des parcs de locomotives canadiens sont dotés de telles caméras, et on prévoit en intensifier l'utilisation. Le Bureau encourage l'industrie ferroviaire à mettre en branle cette initiative afin que, dans un proche avenir, toutes les locomotives de tête utilisées dans le cadre des activités sur lignes principales soient pourvues de caméras vidéo orientées vers l'avant.

En l'absence d'enregistrements vidéo ou de la parole dans la cabine, il n'a pas été possible de déterminer la dynamique et les interactions qui régnaient entre les 3 membres de l'équipe de VIA. Si cette information avait été disponible, elle aurait permis de déterminer de manière plus précise les facteurs de cause de l'accident, ce qui aurait permis aux enquêteurs de cerner plus rapidement les problèmes-clés de sécurité et d'éliminer plus rapidement les facteurs non pertinents qui n'ont joué aucun rôle dans l'accident. L'absence de cette information utile a laissé sans réponse un certain nombre de questions et représente une occasion perdue d'atténuer certains problèmes potentiellement graves en matière de gestion des ressources des équipes qui sont présents dans l'industrie. Un certain nombre d'enquêtes sur des accidents ferroviaires en Amérique du Nord ont mené à des constatations et à d'autres communications dans lesquelles il a été établi que des facteurs humains constituaient une condition sous-jacente. Toutefois, bon nombre de ces enquêtes auraient profité d'enregistrements vidéo supplémentaires captés dans la locomotive de tête immédiatement avant l'accident.

Même si des progrès ont été réalisés dans l'adoption des caméras vidéo orientées vers l'avant, aucune compagnie ferroviaire canadienne n'a installé de caméras vidéo pour enregistrer les gestes des équipes dans la cabine. Les avantages des enregistrements de la parole pour les enquêtes sur la sécurité sont démontrés depuis longtemps. L'ajout d'enregistreurs vidéo constitue la prochaine étape logique. Ensemble, ces technologies permettront de mieux comprendre les éléments ayant mené à un accident, y compris la manière dont les membres de l'équipe ont communiqué entre eux, ce qui s'est passé dans la cabine et si les moyens de défense en place sont assez solides.

Afin d'améliorer la sécurité, les organismes d'enquête sur les accidents se fient sur une collecte, une assimilation et une analyse plus efficientes, plus opportunes et plus précises des renseignements afin de communiquer plus rapidement les lacunes de sécurité et les rapports d'enquête à l'industrie, aux organismes de réglementation et au public. En outre, les compagnies pourraient possiblement utiliser les enregistrements vidéo et de la parole proactivement, de manière non punitive, afin d'améliorer leurs systèmes de gestion de la sécurité, ce qui pourrait réduire les risques et améliorer la sécurité pour éviter les accidents. Cela revêt une importance particulière dans un environnement qui est tributaire exclusivement de moyens de défense d'ordre administratif pour assurer la sécurité et dans lequel il n'existe pas de moyens de défense physiques à sécurité intrinsèque pour le contrôle des trains. Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports exige que toutes les locomotives de commande utilisées en voie principale soient pourvues de caméras vidéo dans la cabine.
Recommandation R13-02 du BST

4.3.3 Résistance à l'impact des locomotives

Au Canada, il n'existe pas de normes en matière de résistance à l'impact des locomotives. Les normes actuelles de l'industrie relèvent de la Federal Railroad Administration (FRA) et de l'Association of American Railroads (AAR).

Aux États-Unis, les parties 229 et 238 du titre 49 du Code of Federal Regulations de la FRA – règle finale sur la résistance à l'impact des locomotives (2006) exigent que les locomotives construites ou reconstruites (remises à neuf) le ou après le 1er janvier 2009 satisfassent aux normes de résistance à l'impact. Toutefois, il n'existe pas d'exigence semblable dans le Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer (Règlement de sécurité des locomotives) approuvé par TC.

Les locomotives F40PH-2D GM de VIA ont été initialement construites avant l'établissement des normes en matière de résistance à l'impact des locomotives et du Règlement de sécurité des locomotives. Comme le Règlement de sécurité des locomotives ne s'applique qu'aux nouvelles locomotives, la réglementation n'exigeait pas que VIA remette à neuf les locomotives conformément aux normes actuelles en matière de résistance à l'impact. Par conséquent, malgré les occasions d'améliorer la charpente des cabines, les réservoirs de carburant et les systèmes d'attache des bogies durant le programme de remise à neuf, les locomotives ont été remises à neuf conformément aux exigences minimales du Règlement de sécurité des locomotives.

La remise à neuf des locomotives peut prolonger leur durée de vie de 40 ans ou plus et, à l'heure actuelle, plus de 90 % des locomotives de ligne exploitées par les grands chemins de fer canadiens ont été construites avant l'établissement des normes actuelles en matière de résistance à l'impact, plus exhaustives. Si de telles locomotives devaient être remises à neuf au Canada dans l'avenir, en vertu du Règlement de sécurité des locomotives actuel, aucune d'elles ne serait tenue de satisfaire aux normes actuelles en matière de résistance à l'impact.

Dans l'événement à l'étude, l'absence de règlements exigeant l'amélioration de la résistance à l'impact des locomotives au cours d'une remise à neuf importante a accru le risque que les locomotives ainsi remises à neuf puissent, au moment d'un déraillement, être sujettes à une défaillance de la charpente de leur cabine, du réservoir de carburant et du système d'attache des bogies, chaque défaillance étant survenue durant l'accident en question. Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports exige que les normes en matière de résistance à l'impact visant les nouvelles locomotives s'appliquent également aux locomotives de voyageurs et de marchandises remises à neuf.
Recommandation R13-03 du BST

4.4 Préoccupations liées à la sécurité

4.4.1 Protection en cas de renversement de la cabine des locomotives

La règle finale de la FRA sur la résistance à l'impact des locomotives comprend par référence la norme S-580 du Manual of Standards and Recommended Practices (MSRP) de l'AAR sur les exigences en matière de résistance à l'impact des locomotives. Toutefois, aucune de ces normes ne comprend des critères particuliers en matière de conception visant les montants de coin des cabines des locomotives ou la protection en cas de renversement qui permettraient de renforcer la charpente de la cabine des locomotives de voyageurs et de marchandises à nez large.

Dans l'accident à l'étude, alors que la locomotive franchissait la liaison à une vitesse excessive, en diagonale, elle a déraillé, s'est renversée sur le côté, a glissé en bas du talus et a percuté les fondations du bâtiment; le tout s'est déroulé en environ 2 secondes. L'inertie provenant du renversement rapide a projeté les membres de l'équipe vers le côté de la cabine occupé par le mécanicien de locomotive dans une zone qui s'est trouvée compromise par l'effondrement de la charpente de toit de cabine construite avec des matériaux relativement de faible épaisseur.

Compte tenu du nombre d'hypothèses qu'il faudrait élaborer dans le cadre d'une quelconque modélisation de l'impact, il n'a pas été possible de déterminer avec certitude si l'équipe aurait survécu à cet accident si la charpente de la cabine de la locomotive avait été renforcée au cours de la remise à neuf. Cependant, un des principes de base de la résistance à l'impact est que la survie tend à augmenter lorsque la conception est plus robuste. Ce principe s'est avéré efficace avec l'application de critères de conception établis en fonction de la résistance à l'impact des locomotives pour les montants anticollision, les réservoirs de carburant et les systèmes d'attache des bogies.

Le Bureau est préoccupé par le fait que les normes de la FRA et de l'AAR en matière de résistance à l'impact des locomotives ne comprennent pas de critères en matière de conception des cabines visant les montants de coin et la protection en cas de renversement pour les locomotives de voyageurs et de marchandises à nez large.

4.4.2 Évaluations médicales par les compagnies ferroviaires

Pour assurer la sécurité de l'exploitation des trains, il est important que les employés qui travaillent dans des postes essentiels à la sécurité soient régulièrement évalués et, au besoin, soumis à une surveillance des problèmes de santé pouvant gêner leur capacité à s'acquitter de leurs tâches. Cependant, la présente enquête a permis de mettre en lumière des lacunes dans le processus actuel.

Le mécanicien responsable souffrait d'un trouble de l'humeur et avait de la difficulté à gérer sa consommation d'alcool depuis plus de 10 ans. Il était traité et suivi par son médecin de famille pour ces problèmes. En vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire, les médecins sont tenus de faire rapport aux compagnies ferroviaires quand, à leur avis, une personne occupant un poste essentiel à la sécurité présente un problème de santé de nature à compromettre la sécurité de l'exploitation ferroviaire. Dans l'accident à l'étude, aucun des deux problèmes n'avait été déclaré à VIA par le médecin de famille, qui les jugeait stables. Malgré l'existence d'un guide publié par l'Association des chemins de fer du Canada (ACFC) à l'intention des médecins praticiens qui décrit leurs responsabilités en matière de déclaration, le médecin de famille n'a pas reconnu que l'évaluation médicale exigeait d'identifier les problèmes actuels et les problèmes antérieurs. Par contraste, dans les modes de transport aéronautique et maritime, des évaluations médicales périodiques sont confiées à des médecins approuvés par TC et ayant de l'expérience en médecine du travail. Ces médecins suivent aussi une formation dans l'évaluation des questions de sécurité au travail liées à la santé médicale du candidat. Les résultats de ces évaluations sont soumis à l'examen de TC.

Les membres de l'équipe d'exploitation ont également la responsabilité de déclarer de tels problèmes de santé à la compagnie. Les personnes présentant de tels problèmes de santé doivent être soigneusement évaluées et suivies régulièrement par la compagnie si elles continuent de travailler. Toutefois, les médicaments utilisés pour traiter ces problèmes, ou les problèmes de santé eux-mêmes, peuvent amener une personne à être exclue d'un poste essentiel à la sécurité. Par conséquent, il existe un risque que les employés ne déclarent pas leurs problèmes de santé durant une évaluation faite par la compagnie. Dans une telle situation, le résultat final a été que ni le traitement, ni les problèmes de santé n'ont été suivis par VIA parce qu'ils n'avaient pas été déclarés par le médecin de famille ou par l'employé au cours des examens médicaux périodiques. Ainsi, rien n'a incité le médecin de compagnie de VIA à demander à voir le dossier médical historique. Compte tenu des risques, il est impératif que les médecins responsables de l'évaluation de l'aptitude médicale aient à leur disposition les antécédents médicaux complets et précis des employés.

Comme plusieurs rapports du BST, y compris celui-ci, ont relevé des lacunes dans le système, le Bureau est préoccupé par le fait que les pratiques et exigences actuelles ne garantissent pas toujours que l'évaluation de l'aptitude médicale des employés occupant des postes essentiels à la sécurité soit adéquate.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le 11 juin 2013.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur le BST, ses services et ses produits, visitez son site Web (www.bst-tsb.gc.ca). Vous y trouverez également la Liste de surveillance qui décrit les problèmes de sécurité dans les transports présentant les plus grands risques pour les Canadiens. Dans chaque cas, le BST a établi que les mesures prises jusqu'à présent sont inadéquates, et que tant l'industrie que les organismes de réglementation doivent prendre de nouvelles mesures concrètes pour éliminer ces risques.

Annexes

Annexe A – Sigles et abréviations

ACFC
Association des chemins de fer du Canada
ACSES
système avancé d'application force des limitations de vitesse (de l'anglais, Advanced Civil Speed Enforcement System)
Amtrak
National Railroad Passenger Corporation (États-Unis)
APTA
American Public Transit Association (États-Unis)
ATC
contrôle automatique des trains (de l'anglais, automatic train control)
ATP
protection automatique des trains (de l'anglais, automatic train protection)
AWS
système d'avertissement automatique (de l'anglais, automatic warning system)
BCEATST
Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports
BM
bulletin de marche
BMT
bulletin de marche tabulaire
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CCC
commande centralisée de la circulation
CCF
contrôleur de la circulation ferroviaire
CFCP
Chemin de fer Canadien Pacifique
CN
Canadian National
Conrail
Consolidated Rail Corporation (États-Unis)
DBC
détecteur de boîtes chaudes
DDR
détecteur de défauts de roue
DOT
Department of Transportation (États-Unis)
ERTMS
système européen de gestion du trafic ferroviaire (de l'anglais, European Rail Traffic Management System)
FRA
Federal Railroad Administration
G
force de gravité
GE
General Electric
GEO
système de signalisation géographique
GM
General Motors
h
heures
IAE
identification automatique des équipements
ICC
Interstate Commerce Commission (États-Unis)
I-ETMS
système interfonctionnel de gestion électronique des trains (de l'anglais, Interoperable Electronic Train Management System)
IGE
Instructions générales d'exploitation
J
jaune (feu d'un signal)
JC
jaune clignotant (feu d'un signal)
km
kilomètres
km/h
kilomètres à l'heure
kN
kilonewtons
lbf.
livres-force (ou livres)
lb/po²
livres au pouce carré
LRC
léger, rapide, confortable
mi/h
milles à l'heure
min
minutes
mm
millimètres
MSRP
Manual of Standards and Recommended Practices
NTSB
National Transportation Safety Board (États-Unis)
P.M.
point milliaire
POV
permis d'occuper la voie
PTC
commande intégrale des trains (de l'anglais, positive train control)
R
rouge (feu d'un signal)
REF
Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
Règlement de sécurité des locomotives
Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer
Règlement de sécurité relatif aux voitures voyageurs
Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des voitures voyageurs
ROV
régulation de l'occupation de la voie
RSSB
Rail Safety and Standards Board (Royaume-Uni)
s
secondes
SGS
système de gestion de la sécurité
SMU
services médicaux d'urgence
TC
Transports Canada
TPWS
système d'avertissement et de protection des trains (de l'anglais, train protection and warning system)
TTC
Toronto Transit Commission
V
vert (feu d'un signal)
VC
vert clignotant (feu d'un signal)
VIA
VIA Rail Canada Inc.
ZVA
zone de vigilance absolue
°
degrés
°C
degrés Celsius
%
pour cent