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Rapport d'enquête ferroviaire R13E0015

Collision à un passage à niveau
Train L51141 23 du Canadien National
Point milliaire 33,70, subdivision Blackfoot
Paynton (Saskatchewan)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 24 janvier 2013, à 8 h 56, heure normale du Centre, le train L51141 23 du Canadien National roule vers l’est lorsqu’il heurte une niveleuse qui s’était arrêtée au passage à niveau public au point milliaire 33,70 de la subdivision Blackfoot; la niveleuse a été lourdement endommagée et son conducteur a subi des blessures mortelles. Aucun membre de l’équipe de train n’a été blessé. La locomotive et 16 wagons citernes transportant des marchandises dangereuses ont déraillé. Quelque 106 000 litres de pétrole brut se sont échappés de 4 wagons.

Renseignements de base

L'accident

Le 24 janvier 2013, vers 8 h 56Note de bas de page 1, le train L51141 23 du Canadien National (CN) (le train) roulait vers l’est dans la subdivision Blackfoot à une vitesse d’environ 37 mi/h, avec le manipulateur au cran de marche 8. À l’approche du passage à niveau public du point milliaire 33,70 à Paynton (Saskatchewan), l’équipe de train aperçoit une niveleuse en recul (du sud au nord) qui s’arrête sur le passage (figure 1). La niveleuse était utilisée pour le déneigement de la route 674 après la chute de neige de la nuit précédente.

À l’approche du passage, l’équipe de train a actionné le klaxon et la cloche de la locomotive et répété les coups de klaxon plusieurs fois par la suite. La niveleuse est demeurée stationnaire sur le passage à niveau. Le mécanicien de locomotive a alors rétrogradé son manipulateur à la position de ralenti et mis le train en freinage d’urgence.

Figure 1. Lieu de l’accident (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)
Photo du lieu de l’accident (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)

Incapable de s’arrêter à temps, le train est entré en collision avec la niveleuse stationnaire. La force de la collision a projeté cette dernière vers l’est sur une distance d’environ 519 pieds, où elle s’est immobilisée sur le côté nord de la voie. Le conducteur de la niveleuse a été mortellement blessé. La locomotive de tête (CN 2604) a poursuivi sa route vers l’est et déraillé à quelque 715 pieds au delà du passage à niveau. De plus, 16 wagons de marchandises dangereuses chargés de pétrole brut (UN 1993) ont quitté les rails (figure 2). Quatre wagons DOT 111 ont subi des perforations et déversé 106 000 L de pétrole brut. Par suite de la collision et du déraillement, la locomotive a subi des dommages à son capot long et à ses organes de roulement. L’équipe n’a pas été blessée.

Lors de l’événement en cause, le site était baigné par la lumière du matin. Il faisait -17 °C et le ciel était couvert. La visibilité était bonne.

Figure 2. Croquis du site de l’accident
Image du croquis du site de l’accident

Renseignements sur l’équipe et le train

L’équipe de train comptait un mécanicien de locomotive, un chef de train et un agent de train. Les membres de l’équipe étaient qualifiés pour leurs postes respectifs et satisfaisaient aux normes en matière de condition physique et de repos. L’équipe de train avait déjà travaillé sur ce territoire. D’abord appelée pour travailler au triage de North Battleford, l’équipe a été réaffectée au train L51141 23 quand elle s’est présentée au travail à 22 h 15 (le 23 janvier 2013). L’équipe prévue à l’origine pour ce train avait atteint la limite de ses heures de service.

Le train comptait 1 locomotive et 44 wagons citernes chargés de marchandises dangereuses. Le train mesurait environ 2580 pieds de long et pesait approximativement 5670 tonnes. Les wagons citernes avaient été attelés plus tôt à une installation de chargement de pétrole brut à Lashburn (Saskatchewan). Le train revenait au triage de North Battleford. Comme il n’y avait aucun endroit pour faire tourner la locomotive au cours du trajet de retour (par ex., un triangle de virage), la locomotive était conduite capot long en tête (c. à d. en configuration inversée).

Selon les dossiers d’inspection et de réparation mécaniques de la locomotive et des wagons citernes, tout le matériel roulant était en bon état d’utilisation avant l’accident. L’équipe avait soumis le train à un essai de frein à air 1ANote de bas de page 2 avant le départ de Lashburn.

Renseignements sur la subdivision Blackfoot et sa voie

La subdivision Blackfoot commence à North Battleford en Saskatchewan (point milliaire 0) et s’étend vers l’ouest jusqu’à Vermilion, en Alberta (point milliaire 124,4) (figure 1). La subdivision est exploitée selon le système de régulation de l’occupation de la voie (ROV) autorisé par le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) et supervisé par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) en poste à Edmonton (Alberta).

La voie dans le secteur du passage à niveau était armée en rails Dominion de 100 lb fabriqués en 1959. La voie comportait des rails éclissés en sections de 39 pieds, maintenus en place par des selles à double épaulement de 11 pouces. Les rails étaient fixés à un mélange de traverses en bois dur et en bois mou à l’aide de 2 crampons par selle (trous en opposition). Le ballast était fait de roche concassée.

Dans le voisinage du passage à niveau, la voie était en alignement droit, avec une légère rampe à l’est. La vitesse autorisée par l’indicateur à cet endroit était de 40 mi/h. La voie appartenait à la catégorie 3, conformément au Règlement sur la sécurité de la voie de Transports Canada (TC).

Renseignements consignés

Les données provenant du consignateur d’événements de la locomotive (CEL) ont fourni l’information suivante :

Bien que non enregistrées par le CEL, des observations faites après l’accident ont déterminé que le phare avant était allumé à sa pleine intensité et que les phares de fossé étaient allumés, en conformité avec le REF.Note de bas de page 3

Renseignements sur la niveleuse

La niveleuse était un modèle Volvo G970 de 2009 appartenant à la municipalité rurale (MR) de Paynton. Après l’accident, on a récupéré 4 composants électroniques sur la niveleuse lourdement endommagée. Ces composants ont été envoyés pour examen au Laboratoire d’ingénierie du BST.

L’examen a permis de faire les constatations suivantes :

À partir de l’année modèle 2014, le constructeur installera une unité de contrôle électronique (UCE) à mémoire rémanente à bord de ses niveleuses afin de capter des données sur la performance des véhicules.

Renseignements sur le conducteur de la niveleuse

L’employé aux commandes de la niveleuse était un conducteur de matériel lourd expérimenté qui travaillait pour la MR de Paynton depuis juillet 2012. Auparavant, il avait travaillé comme contremaître et contremaître adjoint pour plusieurs autres municipalités.

Le passage à niveau de l’événement en cause est situé à moins de 1,5 km de l’installation municipale où les niveleuses sont garées. Le déneigement faisait partie des fonctions courantes du conducteur, qui par ailleurs connaissait bien le passage à niveau. Il n’avait jamais été impliqué dans des accidents à un passage à niveau. Lors de l’événement en cause, il ne portait aucun protecteur auditif ni n’utilisait d’appareil électronique personnel. De plus, rien n’indique que son aptitude à utiliser la niveleuse ait été compromise par de quelconques conditions physiologiques.

Certains conducteurs de niveleuses dans la MR de Paynton ouvraient partiellement une fenêtre pendant qu’ils travaillaient dans le voisinage de passages à niveau. Ce n’était pas là une exigence de sécurité obligatoire, mais une telle pratique permettait au conducteur de la niveleuse de mieux entendre les trains en approche. On n’a pu déterminer si le conducteur dans l’événement en cause procédait régulièrement de cette façon.

Le déneigement de la chaussée aux passages à niveau et aux alentours de ces derniers impose diverses obligations à un conducteur de niveleuse :

Au moment de l’accident, il n’existait aucune exigence préétablie relative aux communications entre le chemin de fer et la municipalité avant l’exécution de travaux de déneigement dans le voisinage des passages à niveau. Bien qu’il y ait eu des discussions sur la sécurité du travail autour des passages à niveau, y compris un séminaire sur la gestion des risques en 2003 offert par l’Association des municipalités rurales de la Saskatchewan, aucune formation plus récente n’avait été fournie par la municipalité pour mettre l’accent sur les pratiques de sécurité au travail à observer durant des activités d’entretien, tel le déneigement, à proximité immédiate de voies ferroviaires en activité.

Lettre d’information du BST sur la sécurité ferroviaire au sujet du déneigement municipal aux passages à niveau

Le 23 décembre 2013, à 3 h 28, le train de marchandises 132 22 (le train) du Canadien Pacifique (CP) roulait vers l’est à 50 mi/h dans la ville de Perth (Ontario) quand il a percuté un camion à benne basculante qui occupait le passage à niveau de la rue Wilson au point milliaire 12,44 de la subdivision de Belleville. Le passage à niveau était équipé d’un système de signalisation automatique (AWS) comprenant des signaux à feux clignotants, une sonnerie et des barrières. Après la collision, le camion a été traîné sur quelque 2300 pieds avant de s’immobiliser aux environs du point milliaire 12,0. Le camion a été détruit et la locomotive, endommagée. Les systèmes de protection du passage à niveau au carrefour des rues Wilson et Drummond (point milliaire 12,20) ont également été endommagés. Le conducteur du véhicule a subi des blessures graves, mais qui ne mettaient pas sa vie en danger (rapport d’événement R13T0287 du BST).

Le 6 février 2013, la Lettre d’information sur la sécurité ferroviaire 624 01/14 du BST a été envoyée à l’autorité municipale compétente pour souligner le problème de sécurité suivant [traduction] :

Dans bien des industries, il est de pratique courante de tenir une réunion préparatoire sur la sécurité avant d’entreprendre des travaux. La réunion préparatoire sert habituellement à décrire les objectifs de la tâche à accomplir, à souligner les risques potentiels dans le voisinage du chantier et à établir des stratégies pour atténuer les risques. Les réunions préparatoires sur la sécurité sont particulièrement importantes quand on travaille avec du matériel lourd ou qu’on en utilise un dans des endroits où le bruit ambiant peut voiler des avertissements sonores, tels que les sonneries de passage à niveau et le klaxon des locomotives.

Dans le présent événement, le conducteur du camion n’était pas spécialement sensibilisé aux risques que présentaient des travaux effectués à proximité d’une infrastructure ferroviaire. Si on avait tenu une réunion préparatoire sur la sécurité et discuté de stratégies d’atténuation des risques, on aurait probablement prévu un autre plan de travail dans le voisinage du passage à niveau.

Normes techniques pour les passages à niveau

TC a publié en 2002 un projet de normes techniques intitulé Normes techniques et exigences concernant l’inspection, les essais et l’entretien des passages à niveau rail route (RTD 10). On y définissait les critères de sécurité de base pour la construction, la modification et l’entretien (y compris l’inspection et l’essai) des passages à niveau et de leurs approches routières. Les normes RTD 10 n’ont pas force exécutoire, mais TC, l’industrie ferroviaire et les autorités routières les utilisent comme lignes directrices lors des examens de sécurité aux passages à niveau.

Le projet RTD 10 comprend les indications suivantes :

Le projet de normes de TC relatives aux passages à niveau (février 2014) stipule maintenant qu’un produit vectoriel de 2000 justifie l’installation d’un système de signalisation automatique.

Renseignements sur le passage à niveau

Le passage à niveau de l’événement en cause (point milliaire 33,70 de la subdivision Blackfoot du CN) est un passage passif public qui croise la route 674. Le système d’avertissement passif consiste en des panneaux indicateurs réflectorisés standards de passage à niveau appelés couramment croix de Saint André, positionnés aux 2 approches routières (c. à d. au sud et au nord) et en un panneau d’arrêt sur le côté sud du passage. Les véhicules utilisant le passage sont d’abord et avant tout des automobiles et des camions légers. La vitesse limite affichée pour la circulation routière est de 50 km/h.

Photo 1. Emplacement de l’accident au passage à niveau (source : Google Earth, avec annotations du BST)
Photo de l'emplacement de l’accident au passage à niveau (source : Google Earth, avec annotations du BST)

La plus récente inspection du passage à niveau par Transports Canada, telle que consignée dans le système intégré d'information ferroviaire de Transports Canada pour cet endroit, a eu lieu le 1er mai 2002. À cette époque, le relevé de trafic journalier pour le passage était de 250 véhicules automobiles et de 3 trains, d’où un produit vectoriel de 750. Un relevé de trafic en 2009 par le ministère de la Voirie et de l’Infrastructure de la Saskatchewan avait indiqué un trafic journalier moyen au passage à niveau de 380 véhicules automobiles et de 4 trains, pour un produit vectoriel de 1520. Le prochain relevé par les autorités provinciales est prévu pour 2014.

Pour le trafic véhiculaire se déplaçant vers le sud, les lignes de visibilité au passage dans les 2 directions étaient dégagées (c. à d. en conformité avec les lignes directrices à ce sujet dans le RTD 10). Cependant, pour les véhicules se déplaçant vers le nord, la ligne de visibilité à l’est était partiellement obstruée par des arbres et des bâtiments, ce qui nécessitait l’installation d’un panneau d’arrêt (photo 1).

Évaluations réglementaires de la sécurité des passages à niveau

Selon Transports Canada, il incombe aux compagnies ferroviaires et aux administrations routières d’effectuer des évaluations de sécurité à leurs passages à niveau. Un projet de règlement sur les passages à niveau (RPN) publié dans la Partie 1 de la Gazette du Canada le 8 février 2014 exigerait que les chemins de fer et les autorités routières se communiquent par écrit de l'information détaillée sur chaque passage à niveau avant l’expiration des 5 ans suivant la date d’entrée en vigueur du règlement. Le RPN n’exigerait pas d’évaluations de la sécurité des passages à niveau, mais Transports Canada prévoit que ces communications détaillées permettraient aux chemins de fer et aux autorités routières d’effectuer de telles évaluations plus facilement sur une base volontaire.

Transports Canada a publié le Guide pratique canadien pour l’évaluation détaillée de la sécurité des passages rail-route en avril 2005Note de bas de page 6 pour aider les compagnies de chemin de fer et les autorités routières avec leurs évaluations de la sécurité; le document comprend les instructions suivantes :

En vertu du projet de règlement, les renseignements à communiquer incluent le relevé du trafic journalier moyen, la moyenne annuelle des mouvements ferroviaires quotidiens et l’interconnexion entre les feux de circulation et les systèmes d’avertissement.

En outre, les compagnies de chemin de fer et les autorités responsables du service de voirie devraient s’échanger des renseignements sur les passages à niveau lorsqu’un nouveau passage à niveau est construit ou qu’un passage à niveau existant fait l’objet d’une modification ou d’un changement opérationnel. Les compagnies de chemin de fer devraient conserver les plus récents renseignements qui ont été échangés.

Charge cognitive du conducteur de niveleuse

Au moment de l’événement en cause, la niveleuse était affectée au déneigement de la route 674 après la chute de neige de la nuit précédente. Le conducteur avait dégagé une partie de la chaussée au sud du passage à niveau, puis avait fait marche arrière vers le passage pour déneiger le reste de la chaussée. La collision s’est produite au moment où le conducteur positionnait sa niveleuse et s’affairait probablement à régler la lame avant de se diriger vers le sud pour exécuter une autre passe.

La charge cognitive d’un conducteur de niveleuse est similaire à celle d’un conducteur de véhicule. Tous deux ont besoin d’avoir conscience des véhicules en déplacement dans le voisinage et de leur position par rapport à la leur. Cependant, l’utilisation d’une niveleuse impose des tâches supplémentaires au cours de certaines activités (p. ex., régler la lame de la niveleuse, ce qui nécessite de manœuvrer plusieurs manettes commandant les mouvements verticaux et horizontaux de la lame).

Comportement des conducteurs aux passages à niveau

Quand des panneaux d’arrêt sont installés à des passages à niveau, les véhicules routiers doivent s’immobiliser complètement avant les voies. Les conducteurs doivent normalement, depuis leur position arrêtée, regarder de chaque côté pour s’assurer que la voie est libre (aucun train en approche) avant de poursuivre leur route. Un certain nombre d’études sur le comportement des conducteurs a permis de démontrer qu’ils font preuve de divers degrés de conformité à un panneau d’arrêt. Bien que la plupart des conducteurs s’immobilisent complètement et regardent des deux côtés (degré élevé de conformité), certains ne ralentissent pas et négligent parfois de regarder l’intersection pour voir si un train approche (faible degré de conformité).Note de bas de page 7,Note de bas de page 8,Note de bas de page 9

Un rapport de TCNote de bas de page 10 et une étude connexeNote de bas de page 11 sur les accidents aux passages à niveau font les constatations suivantes :

Se fondant sur la base de donnéesNote de bas de page 12 recueillies sur la période de 10 ans allant de 2001 à 2010, on a déterminé que la fréquence des collisions train véhicule était 6 fois plus grande aux passages à niveau équipés de systèmes d’avertissement passifs (panneaux indicateurs réflectorisés standards de passage à niveau et/ou panneaux d’arrêt), comparativement aux passages équipés de systèmes d’avertissement actifs (feux clignotants et cloche, avec ou sans barrières).

Le document « Conseils pour les opérateurs de chasse neige »Note de bas de page 13 d’Opération Gareautrain enjoint les conducteurs à être spécialement prudents aux passages à niveau dépourvus de barrières, de feux clignotants ou de cloche. La MR de Paynton n’avait reçu aucun exemplaire de ce document de formation.

Klaxons de locomotive

Les klaxons de locomotive sont conçus pour avertir les conducteurs et les piétons qu’un train approche d’un passage à niveau. Aux passages à niveau sans système d’avertissement actif, la présence visuelle du train, son klaxon ou sa cloche et ses feux peuvent être les seuls avertissements offerts à un conducteur de véhicule.

Il est stipulé à l’alinéa 14 (l) (i) du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) :

Aux passages à niveau publics :

Les trains circulant à plus de 44 mi/h doivent actionner le sifflet de locomotive à ¼ de mille avant le passage à niveau, et prolonger ou répéter ce signal jusqu’à ce que le passage à niveau soit entièrement occupé.

Nota : Là où il est nécessaire, un poteau ou panneau indicateur commandant de siffler sera situé à ¼ de mille avant chaque passage à niveau public.

Les mouvements circulant à une vitesse de 44 mi/h ou moins doivent actionner le klaxon d’avertissement de locomotive 20 secondes avant d’engager le passage à niveau et le prolonger jusqu’à ce que le passage à niveau soit entièrement occupé.

En dépit de l’exigence du REF d’actionner le klaxon de locomotive, l’atténuation des niveaux de pression sonore peut réduire l’efficacité de ce klaxon comme dispositif d’avertissement. Les facteurs ci après réduisent les niveaux de pression sonore qui se propagent vers l’avant :

De plus, l’efficacité du klaxon de locomotive peut être compromise par certaines conditions régnant à l’intérieur du véhicule routier (p. ex., fenêtres fermées et divers bruits comme ceux du moteur, de la route, de la radio et du ventilateur). Néanmoins, certaines fréquences du klaxon peuvent être perçues par l’oreille humaine à l’intérieur d’un véhicule si elles ne sont pas masquées par d’autres sons de la même fréquence et des niveaux de pression sonore plus élevés. L’oreille humaine peut détecter un signal dans la gamme des fréquences 2,5 à 3 kHz avec un rapport signal bruit (RSB) de 6,5 dB. Cela signifie qu’à ces fréquences, le seuil de détection minimal est de 6,5 dB plus élevé que le bruit ambiant.Note de bas de page 14 Une alerte optimale à un signal exige un RSB de 9 à 10 dB au dessus du seuil de détection.

En février 2010, TC a publié une révision du Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer qui stipulait l’installation d’un deuxième avertisseur (klaxon) d’ici le 1er janvier 2012 sur les locomotives de tête utilisées en service voyageurs et roulant à plus de 65 mi/h. La conception de ce nouveau klaxon (c. à d. le second) comprend notamment les caractéristiques suivantes :

Ce nouveau klaxon n’est pas exigé sur les locomotives en service marchandises. Sur la locomotive de l’événement en cause, le klaxon était placé au milieu du toit, dans un renfoncement. À cet endroit, le klaxon se trouve plus bas que le haut de la cloison de la cabine de la locomotive. Quand la locomotive est utilisée capot long en tête, les cornets de son klaxon sont orientés à l’opposé du sens du mouvement (photo 2).

Photo 2. Localisation et orientation du klaxon sur la locomotive
Photo de localisation et orientation du klaxon sur la locomotive

Selon le paragraphe 11.2 du Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer, les locomotives doivent être équipées d’un « avertisseur capable de produire un niveau sonore minimal de 96 dB(A) en tout point d’un arc de 30 mètres (100 pieds) de rayon sous tendu devant la locomotive par des angles de 45 degrés à gauche et à droite de l’axe de la voie dans le sens du déplacement ».

Le Laboratoire d’ingénierie du BST a effectué des essais d’audibilité du klaxon des trains à l’aide de la locomotive de l’événement en cause (CN 2604) et d’une niveleuse de la même marque et du même modèle que celle de l’événement en cause.Note de bas de page 15 Ces essais et leurs résultats ont permis de faire les constatations suivantes :

Une fois que les niveaux sonores sont connus, il faut prendre en compte le temps de réaction du conducteur du véhicule. Le délai moyen requis entre l’activation du klaxon du train et la reconnaissance du son par le conducteur d’un véhicule et sa réaction en conséquence est fondé sur les normes de conception des routes communément utilisées dont il est question dans l’étude sur l’évaluation des klaxons de locomotive (TP14103F); ce délai moyen, évalué à 4 secondes environ, comprend un temps de réponse et un délai de confirmation visuelle conjugués au temps d’alerte et au retard sonore dû à la distance et à la vitesse du son. Par conséquent, le délai d’alerte du klaxon du train devrait être d’au moins 4 secondes avant l’entrée de la locomotive sur le passage à niveau. Les mesures ont été prises pendant que la locomotive était stationnaire. En pratique, quand la niveleuse est en mouvement, le bruit ambiant dans la cabine devrait augmenter.

Autres événements connexes

Depuis 2002, le BST a fait enquête sur un certain nombre d’autres accidents aux passages à niveau, pour lesquels on a examiné l’audibilité du klaxon de la locomotive :

Nettoyage du site

Dans l’événement en cause, 16 wagons citernes contenant du pétrole brut (UN 1993) ont déraillé. Des 16 wagons citernes touchés, 9 étaient des DOT 111, 6 des AAR 211 et 1 appartenait à la catégorie DOS 111 S (bouclier protecteur). Tous les wagons citernes déraillés étaient à ce point endommagés qu’il n’était pas économique de les réparer. Quatre wagons ont laissé échapper leur contenu (3 ont été perforés et 1 fuyait par un robinet de vidange inférieur endommagé). Les 16 wagons citernes transportaient environ 1 338 300 L de pétrole brut.

Après l’accident, quelque 98 % du pétrole brut a été récupéré comme suit :

L’enlèvement des débris et du pétrole brut sur le site s’est terminé le 1er février 2013.

Rapports de laboratoire du BST

L’enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivant :

Ces rapports peuvent être obtenus du BST sur demande.

Analyse

Ni l’état de la voie ni la conduite du train ne sont considérés comme des causes ou des facteurs contributifs de l’accident. L’analyse portera sur le comportement du conducteur, l’efficacité du klaxon de la locomotive et les évaluations de sécurité des passages à niveau passifs.

L’accident

L’accident s’est produit quand le train L51141 23 est entré en collision avec la niveleuse stationnaire qui occupait le passage à niveau public au point milliaire 33,70 de la subdivision Blackfoot. La collision a projeté la niveleuse vers l’est sur une distance d’environ 519 pieds et causé des blessures mortelles au conducteur. La locomotive et 16 wagons citernes chargés de pétrole brut (UN 1993) ont quitté les rails.

Charge cognitive

La charge cognitive d’un conducteur de niveleuse est similaire à celle d’un conducteur de véhicule. Cependant, pour certaines activités, les conducteurs de niveleuses accomplissent des tâches supplémentaires, comme celle de régler les lames de l’engin. Par conséquent, comme le conducteur de la niveleuse était probablement concentré sur le réglage des lames de sa machine en vue d’activités de déneigement dans le voisinage du passage à niveau, il n’a pas détecté le train qui approchait de l’ouest.

Comportement du conducteur

Les panneaux d’avertissement avancé et les dispositifs d’avertissement passifs aux passages à niveau informent les conducteurs de la présence d’un tel passage. La familiarité avec un passage à niveau particulier peut amener un conducteur à prendre des risques plus grands, surtout quand il ne subit aucune conséquence négative. Dans l’événement en cause, le conducteur de la niveleuse connaissait bien le passage à niveau en raison de sa proximité avec l’installation municipale utilisée pour le remisage des niveleuses; de plus, il avait déjà travaillé dans les environs du passage et n’avait jamais été impliqué auparavant dans un accident à un passage à niveau. Si les conducteurs ne subissent pas de conséquences négatives quand ils sont exposés à des risques, leur conscience de la situation aux passages à niveau peut passer, avec le temps, d’un état de grande vigilance à un état plus insouciant, ce qui augmente le risque d’accident à ces endroits.

L’exécution de tâches comme le déneigement sur des voies ferrées en activité fait en sorte que la concentration du conducteur d’une niveleuse est tiraillée entre diverses tâches. Au moment où le conducteur d’une niveleuse a besoin de regarder des 2 côtés pour voir si un train approche, il doit aussi se soucier du positionnement de la lame, des dégagements latéraux et des véhicules routiers en sens contraire. Le risque est plus grand aux passages à niveau à protection passive. Bien que certains conducteurs de niveleuse aient travaillé dans le voisinage de passages à niveau avec leurs fenêtres ouvertes complètement ou en partie, une telle pratique ne s’inscrivait pas dans une politique de sécurité obligatoire. Il n’a pas été possible de savoir si le conducteur dans l’événement en cause a suivi cette pratique.

La municipalité n’avait pas déterminé les risques ni établi des politiques de sécurité au travail pour ses employés engagés dans du déneigement (ou d’autres activités d’entretien) près de voies ferrées en activité. Le conducteur de niveleuse n’avait pas été formé à déceler les dangers potentiels et à se prémunir contre de tels dangers. Il n’y avait aucun processus de réunion préparatoire en place pour aider le conducteur de niveleuse à déterminer et à atténuer les risques avant d’entreprendre des activités de déneigement au passage à niveau en cause. Si on ne prend aucune mesure pour assurer la protection complète des interventions municipales d’entretien près de voies ferrées en activité, il y a un risque accru que des collisions surviennent aux passages à niveau au cours de telles interventions.

Niveaux sonores des klaxons de locomotive

Les klaxons de locomotive sont conçus pour avertir les conducteurs de véhicules et les piétons qu’un train approche d’un passage à niveau. Aux passages à niveau sans système d’avertissement actif, la présence visuelle du train, son klaxon ou sa cloche et ses feux peuvent être les seuls avertissements offerts à un conducteur de véhicule. Selon le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, les trains doivent actionner leur klaxon pour donner un avertissement sonore de 20 secondes quand ils roulent à moins de 44 milles à l’heure et le maintenir jusqu’à l’occupation complète du passage à niveau.

Plusieurs facteurs, dont la vitesse du train ainsi que la position et l’orientation du klaxon sur la locomotive, peuvent nuire à l’efficacité du klaxon. Dans l’événement en cause, la locomotive était conduite capot long en tête (c. à d. en configuration inversée) et les cornets de l’avertisseur étaient orientés à l’opposé du sens de déplacement. Le klaxon de la locomotive était positionné sur le toit et au milieu, plus bas que le haut de la cloison de la cabine.

Les mesures prises à l’état stationnaire montrent qu’en modifiant l’orientation de la locomotive pour placer le capot long en tête plutôt que le capot court, on réduit d’environ 9 dB les niveaux sonores du klaxon de la locomotive. Cette réduction s’accentuait une fois la locomotive en mouvement. Avec le mouvement (c. à d. à 37 mi/h), la différence dans les niveaux sonores selon que la locomotive est orientée capot court ou capot long en tête est de 15 à 20 dB.

On a démontré que plus le train est éloigné du passage à niveau, plus les niveaux sonores du klaxon de la locomotive baissaient. Quand une locomotive à configuration capot court en tête entre sur le passage à niveau, les niveaux de pression sonore de crête du klaxon dépassent d’au moins 30 dB le bruit de fond d’une niveleuse tournant au ralenti; seulement 5 secondes avant, ces niveaux ne dépassent plus le bruit de fond que de 6 dB au maximum. Quand une locomotive à configuration capot long en tête entre sur le passage à niveau, les niveaux de crête du klaxon dépassent de 10 à 22 dB le bruit de fond d’une niveleuse tournant au ralenti; 2 secondes avant, ces niveaux ne dépassent plus le bruit de fond.

L’oreille humaine peut détecter un signal dans la gamme des fréquences 2,5 à 3 kHz avec un rapport signal bruit (RSB) de 6,5 dB. Cela signifie qu’à ces fréquences, le seuil de détection minimal est de 6,5 dB plus élevé que le bruit ambiant. Une alerte optimale à un signal exige un RSB de 9 à 10 dB au dessus du seuil de détection.Note de bas de page 16

Cela signifie que l’avertisseur d’un train peut ne pas être reconnu si le train se trouve à plus de 3 secondes environ du passage à niveau dans la configuration capot court en tête, à plus de 1 seconde dans le cas d’une configuration capot long en tête ou, à 37 mi/h, à une distance de 162 et 54 pieds du passage selon respectivement que le capot court ou le capot long est en tête. De plus, comme le délai de réaction prévu du conducteur de la niveleuse était d’environ 4 secondes, il est probable qu’il n’a pas eu le temps de s’éloigner de la trajectoire du train, peu importe l’orientation de la locomotive.

Si l’orientation et la position du klaxon de la locomotive ne sont pas optimisées de façon à procurer une propagation maximale de la pression sonore vers l’avant, l’efficacité du klaxon comme avertissement auditif peut s’en trouver réduite, augmentant ainsi le risque d’un accident au passage à niveau.

Évaluations de la sécurité des passages à niveau

Le trafic ferroviaire et routier au passage à niveau de l’événement en cause a augmenté au fil des ans. En plus de ce trafic, le niveau de risque à un passage à niveau est déterminé par un certain nombre d’autres facteurs, tels que le nombre de voies ferrées, la vitesse des trains et la probabilité de rencontrer un train.

Il est possible d’établir la priorité des passages à niveau selon leur historique de sécurité (c. à d. la tendance aux accidents) et d’autres problèmes connus, comme les incidents récurrents de véhicules immobilisés au passage à niveau. Au passage à niveau de l’événement en cause, le relevé du trafic journalier moyen en 2002 était de 250; il avait augmenté à 380 en 2009. Le nombre total de trains était de 3 par jour en 2002, et de 4 en 2009. Le produit vectoriel, qui était de 750 en 2002, est passé à 1520 en 2009; la prochaine mise à jour est prévue pour 2014. Un produit vectoriel de 2000 selon les critères susmentionnés pourrait justifier une amélioration éventuelle de la protection du passage à niveau.

Le projet de règlement sur les passages à niveau éliminerait l’obligation de soumettre ces derniers à des évaluations de sécurité; cependant, la communication de renseignements détaillés qui serait exigée entre les chemins de fer et les autorités routières dans les 5 ans de la date d’entrée en vigueur du règlement pourrait conduire à des évaluations volontaires de la sécurité. Toutefois, si les passages à niveau ne sont pas soumis régulièrement à des évaluations détaillées, on ne connaîtra pas les changements dans leurs conditions d’exploitation (p. ex. des volumes de trafic en augmentation) qui pourraient justifier l’amélioration de la protection des passages à niveau; il en résultera un risque accru d’accident à ces passages.

Dispositif d’enregistrement de la performance du véhicule sur les niveleuses

Les composants électroniques ne comportaient aucun dispositif d’enregistrement de la performance du véhicule doté d’une mémoire rémanente. L’information sur la performance des véhicules peut aider aux enquêtes sur les accidents.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L’accident s’est produit quand le train L51141 23 est entré en collision avec la niveleuse stationnaire qui occupait le passage à niveau public au point milliaire 33,70 de la subdivision Blackfoot.
  2. Comme le conducteur de la niveleuse concentrait probablement son attention sur le réglage des lames de sa machine en vue d’activités de déneigement dans le voisinage du passage à niveau, il n’a pas détecté le train qui approchait de l’ouest.
  3. La locomotive étant conduite capot long en tête, avec son klaxon placé au milieu dans un renfoncement, la propagation de la pression sonore vers l’avant s’est trouvée réduite.
  4. Le niveau sonore à l’intérieur de la cabine fermée de la niveleuse (c. à d. provenant du moteur et du ventilateur) a réduit davantage l’efficacité du klaxon de la locomotive, ce qui a entraîné un avertissement audible de moins de 2 secondes.

Faits établis quant aux risques

  1. Si les conducteurs ne subissent pas de conséquences négatives quand ils sont exposés à des risques, leur conscience de la situation aux passages à niveau peut passer, avec le temps, d’un état de grande vigilance à un état plus insouciant, ce qui augmente le risque d’accident à ces endroits.
  2. Si l’orientation et la position du klaxon de la locomotive ne sont pas optimisées de façon à procurer une propagation maximale de la pression sonore vers l’avant, l’efficacité du klaxon comme avertissement auditif peut s’en trouver réduite, augmentant ainsi le risque d’un accident au passage à niveau.
  3. Cependant, si les passages à niveau ne sont pas soumis régulièrement à des évaluations détaillées, on ne connaîtra pas les changements dans leurs conditions d’exploitation (p. ex. des volumes de trafic en augmentation) qui pourraient justifier d’améliorer la protection des passages à niveau; il en résultera un risque accru d’accident à ces passages.
  4. Si on ne prend aucune mesure pour assurer la protection complète des interventions municipales d’entretien près de voies ferrées en activité, il y a un risque accru que des collisions surviennent aux passages à niveau au cours de telles interventions.

Autres faits établis

  1. Les composants électroniques de la niveleuse ne comportaient aucun dispositif d’enregistrement de la performance du véhicule doté d’une mémoire rémanente.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Le 21 novembre 2013, le BST a émis l’Avis de sécurité ferroviaire AS 14/13 relatif à l’efficacité réduite du klaxon de locomotive quand celle ci est conduite capot long en tête (c. à d. en configuration inversée).

Dans sa réponse à cet avis, Transports Canada indiquait avoir demandé au Centre de développement des transports d’entreprendre une recherche sur l’audibilité des klaxons pour analyser leur efficacité quand le capot long de la locomotive est en tête. TC a reconnu l’importance de cet aspect pour la sécurité ferroviaire au Canada et fait savoir que le projet de recherche recevrait une priorité élevée au cours du prochain exercice financier.

Le présent rapport met fin à l’enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le Il est paru officiellement le