Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A24W0066

Panne d’alimentation carburant et collision avec le terrain
Rocking Star Adventures Ltd.
Cessna U206G, C-GRSA
Aérodrome de Haines Junction (CYHT) (Yukon)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu. Les pronoms et les titres de poste masculins peuvent être utilisés pour désigner tous les genres afin de respecter la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (L.C. 1989, ch. 3).

Table des matières

    Résumé

    Le 10 juin 2024, à 12 h 20, heure normale des Rocheuses, l’aéronef Cessna U206G (immatriculation C-GRSA, numéro de série U20606586) exploité par Rocking Star Adventures Ltd. a décollé de l’aérodrome de Haines Junction (CYHT) (Yukon) pour effectuer un vol touristique local selon les règles de vol à vue à destination du parc national et réserve de parc national Kluane (Yukon), avec le pilote et 5 passagers à bord. À 13 h 51, pendant l’étape vent arrière de droite d’une approche à vue pour atterrir sur la piste 23 à CYHT, le moteur de l’aéronef a subi une perte totale de puissance. Le pilote a alors amorcé un virage serré à droite pour aligner l’aéronef sur la piste 23. L’aéronef a ensuite amorcé un décrochage aérodynamique accéléré, a percuté le terrain sur l’entrepiste de l’aérodrome dans une assiette légèrement inclinée à droite selon un angle de tangage nul et s’est immobilisé à l’envers. Le pilote et 4 passagers ont été grièvement blessés; 1 passager a été mortellement blessé. L’aéronef a été lourdement endommagé.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Déroulement du vol

    Le 10 juin 2024 à 12 h 20Les heures sont exprimées en heure normale des Rocheuses (temps universel coordonné moins 7 heures)., l’aéronef Cessna U206G exploité par Rocking Star Adventures Ltd. (RSA) a décollé de l’aérodrome de Haines Junction (CYHT)Tous les lieux mentionnés dans le présent rapport sont situés dans le territoire du Yukon, sauf indication contraire. pour effectuer un vol touristique local selon les règles de vol à vue (VFR) à destination du parc national et réserve de parc national Kluane, avec le pilote et 5 passagers à bord. Le vol devait consister à faire le circuit standard des champs de glace de Kluane et du mont Logan d’une durée de 1,5 heure proposé par la compagnie. Cependant, en raison de la présence de nuages dans le parc, l’itinéraire a été modifié pour rester à l’écart des nuages. L’aéronef a décollé avec environ 42 gallons américains de carburant à bord : 24,5 dans le réservoir de carburant droit et 17,5 dans le réservoir gauche. Le réservoir droit avait été sélectionné pour le départ et l’intention était de sélectionner le réservoir gauche pour le retour à CYHT, quand l’aéronef serait au-dessus du lac Lowell (figure 1).  

    Figure 1. Trajectoire de vol de l’aéronef à l’étude d’après les données du système de positionnement mondial Garmin à bord (Source : NAV CANADA, avec annotations du BST)
    Image

    À 12 h 44, l’aéronef est monté au-delà de 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) afin d’offrir aux passagers une meilleure vue des alentours. L’aéronef a atteint son altitude de croisière maximale de 12 950 pieds ASL à 13 h 08 et est redescendu au-dessous de 10 000 pieds ASL à 13 h 24 et y est resté.

    Après avoir suivi le glacier Lowell jusqu’au lac Lowell, l’aéronef a viré vers le nord pour suivre la rivière Alsek jusqu’à CYHT en vue de l’atterrissage. À ce moment-là, l’aéronef utilisait le réservoir de carburant droit depuis 1 heure et 16 minutes et il restait environ 4 gallons américains de carburant dans ce réservoirLes calculs se basent sur une consommation moyenne de carburant depuis le point de départ jusqu’au point où la panne d’alimentation carburant est survenue.. L’aéronef a commencé à rencontrer des turbulences pendant qu’il descendait dans la vallée de la rivière Lowell, si bien que le pilote a fait un nouvel exposé aux passagers pour leur demander de serrer leur ceinture de sécurité. Le pilote a remarqué que l’aéronef se trouvait par un vent arrière d’environ 20 nœuds tandis qu’il faisait cap vers l’est. À 13 h 49, l’aéronef s’est établi en approche finale directe de 5 milles marins (NM) pour la piste 05. Les volets étaient réglés à 10°.

    Lorsque l’aéronef s’est retrouvé à ¾ NM du seuil de la piste 05, à une hauteur de 300 pieds au-dessus du sol (AGL), le pilote a remarqué que la manche à air de l’aérodrome indiquait que les vents favorisaient un atterrissage sur la piste 23 et a commencé à manœuvrer pour rejoindre l’étape vent arrière de droite vers la piste 23. L’aéronef est monté à une hauteur maximale de 400 pieds AGL pendant qu’il était à l’étape vent arrière. À 13 h 51 min 13 s, le moteur de l’aéronef a cessé de produire de la puissance. Le pilote a tourné l’aéronef en direction de la piste et a tenté, en vain, de redémarrer le moteur en sélectionnant le réservoir de carburant gauche. Quinze secondes plus tard, à une distance horizontale de 600 pieds de l’axe de piste et à une hauteur de 300 pieds AGL, le pilote a tenté un virage de 180° pour atterrir face au vent sur la piste 23. Le klaxon de l’avertisseur de décrochage a commencé à retentir immédiatement pendant la manœuvre et a retenti jusqu’à la fin du vol. L’aéronef s’est incliné à un maximum de 54° pendant la manœuvre. Il a amorcé un décrochage aérodynamique accéléré et, à 13 h 51 min 38 s, a percuté le terrain sur l’entrepiste de l’aérodrome, dans une assiette légèrement inclinée à droite selon un angle de tangage nul (figure 2).

    Figure 2. Trajectoire de vol de l’aéronef de l’événement à l’étude d’après les données du système de positionnement mondial Garmin à bord (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
    Image

    L’aéronef s’est immobilisé à l’envers. Des témoins oculaires et les premiers intervenants sont arrivés immédiatement sur les lieux. Ils ont commencé à extraire les passagers et le pilote de l’aéronef et à administrer la réanimation cardiopulmonaire (RCP) à l’un des passagers. Le pilote et 4 passagers ont été grièvement blessés, et 1 passager a subi des blessures mortelles. L’aéronef a été lourdement endommagé par les forces d’impact et le renversement. Il n’y a pas eu d’incendie après l’impact.

    1.2 Personnes blessées

    Le pilote et 5 passagers étaient à bord. Le tableau 1 donne un aperçu de la gravité des blessures.

    Tableau 1. Personnes blessées

    Gravité des blessures

    Membres d’équipage

    Passagers

    Personnes ne se trouvant pas à bord de l’aéronef

    Total selon la gravité des blessures

    Mortelles

    0

    1

    1

    Graves

    1

    4

    5

    Légères

    0

    0

    0

    Total des personnes blessées

    1

    5

    6

    1.3 Dommages à l’aéronef

    L’aéronef a été lourdement endommagé par les forces d’impact puis le renversement.

    1.4 Autres dommages

    Il n’y a pas eu d’autres dommages.

    1.5 Renseignements sur le personnel

    Tableau 2. Renseignements sur le personnel

    Licence de pilote

    Licence de pilote professionnel (CPL) - avion

    Date d’expiration du certificat médical

    1er mai 2025

    Heures totales de vol

    2220,5

    Heures de vol sur type

    214,5

    Heures de vol au cours des 24 heures précédant l’événement

    3,2

    Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement

    10,6

    Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement

    53,3

    Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement

    91,9

    Heures de vol sur type au cours des 90 jours précédant l’événement

    46,2

    Heures de service avant l’événement

    4,5

    Heures hors service avant la période de travail

    40

    Le pilote a terminé sa formation de pilote professionnel au Yukon et a obtenu sa licence de pilote professionnel en 2014. Il s’est joint à RSA en 2015. Au moment de l’événement, il volait pour RSA à forfait depuis 9 ans, principalement pendant la saison touristique estivale. Il était l’un des pilotes avec le plus d’ancienneté de la compagnie et était pilote instructeur sur le Cessna 172 et sur le Cessna U206.

    Le pilote avait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur.

    1.6 Renseignements sur l’aéronef

    Le Cessna U206G est un aéronef non pressurisé, conçu et fabriqué par la Cessna Aircraft Company. Il a une masse maximale au décollage de 1636 kg (3600 livres) et peut accueillir 5 passagers.

    Tableau 3. Renseignements sur l’aéronef

    Constructeur

    Cessna Aircraft Company

    Type, modèle et immatriculation

    U206G, C-GRSA

    Année de construction

    1982

    Numéro de série

    U20606586

    Date d’émission du certificat de navigabilité

    21 mai 2010

    Total d’heures de vol cellule

    9407,3 heures

    Type de moteur (nombre)

    Teledyne Continental IO-520F (1)

    Type d’hélice (nombre d’hélices)

    Hartzell PHC-J3YF-1RF (1)

    Masse maximale autorisée au décollage

    3600 lb (1633 kg)

    Types de carburant recommandés

    100LL, 100

    Type de carburant utilisé

    100LL

    Aucune défectuosité non corrigée n’était consignée au moment de l’événement. Rien n’indique que la défaillance d’un composant ou d’un système a joué un rôle dans l’événement à l’étude. La masse et le centre de gravité se trouvaient dans les limites prescrites.

    1.6.1 Circuit carburant

    Les composants du circuit carburant de l’aéronef pertinents dans cet événement consistent en 2 réservoirs de carburant structuraux avec mise à l’air libre (1 réservoir dans chaque aile), 1 robinet sélecteur de réservoir de carburant, 1 pompe carburant auxiliaire et 1 pompe carburant entraînée par le moteur (figure 3).

    Figure 3. Schéma du circuit carburant du Cessna U206G (Source : Cessna Aircraft Company, Pilot’s Operating Handbook and FAA Approved Airplane Flight Manual– 1982 Model U206G, traduction du BST)
    Image

    Chaque réservoir de carburant d’aile peut contenir un maximum de 46 gallons américains, dont 44 sont utilisables et 2 sont inutilisables.

    Le carburant s’écoule par gravité des réservoirs d’ailes vers les réservoirs collecteurs de carburant adjacents, puis vers le robinet sélecteur de carburant. Le carburant ne peut pas provenir des 2 réservoirs d’ailes en même temps. Le carburant s’écoule ensuite à travers une soupape de dérivation dans la pompe carburant auxiliaire (lorsque la pompe n’est pas en fonction), à travers un filtre à carburant et dans la pompe carburant entraînée par le moteur. La pompe carburant entraînée par le moteur envoie le carburant au régulateur carburant-air, qui règle le débit du carburant et l’envoie à son tour au collecteur de carburant, puis aux cylindres. L’excès de carburant est renvoyé via le robinet sélecteur de carburant jusque dans les réservoirs collecteurs de carburant et le réservoir d’aile utilisé.

    La quantité de carburant est mesurée par 2 transmetteurs de quantité de carburant à flotteur (1 dans chaque réservoir de carburant) et indiquée par 2 jauges de carburant électriques, qui, sur l’aéronef à l’étude, étaient situées immédiatement au-dessus du robinet sélecteur de carburant. Après l’événement, les réservoirs de carburant de l’aéronef ont été vidangés et le carburant a été mesuré. Le réservoir de gauche contenait environ 17,5 gallons américains de carburant et le réservoir de droite, environ 0,5 gallon américain.

    1.6.1.1 Poignée du sélecteur de carburant

    La poignée du sélecteur de carburant active un robinet situé au sol entre les sièges avant et qui comprend 3 réglages : LEFT ON (gauche ouvert), OFF (fermé) et RIGHT ON (droit ouvert). Lorsque la poignée est réglée sur LEFT ON ou RIGHT ON, le carburant s’écoule du réservoir de carburant respectif par le robinet sélecteur de carburant jusque dans la soupape de dérivation de la pompe carburant auxiliaire ou dans la pompe carburant auxiliaire si cette dernière est à la position ON (ouvert).

    Ni le constructeur de l’aéronef ni RSA ne donnent d’indications aux pilotes sur le moment où ils doivent changer de réservoir de carburant pendant le vol, et la réglementation ne l’exige pas. Le constructeur et RSA fournissent uniquement de l’information s’appliquant avant le décollageCessna Aircraft Company, Pilot’s Operating Handbook and FAA Approved Airplane Flight Manual – 1982 Model U206G (3 septembre 1981), section 4 : Normal Procedures, Before Takeoff, p. 4-9. et avant l’atterrissageIbid., Before Landing, p. 4-10. et indiquent que la poignée du sélecteur de carburant doit être placée sur le réservoir de carburant contenant le plus de carburant pour le décollage et l’atterrissage. Le sélecteur de carburant de l’aéronef porte également l’inscription TAKEOFF AND LAND ON FULLER TANK (réservoir le plus plein pour le décollage et l’atterrissage) et WHEN SWITCHING FROM DRY TANK TURN AUX FUEL PUMP ON MOMENTARILY (en passant du réservoir à sec au réservoir plein, démarrez momentanément la pompe carburant auxiliaire).

    La poignée du sélecteur de carburant de l’aéronef de l’événement était dans la position LEFT ON (figure 4).

    Figure 4. Poignée du sélecteur de carburant de l’aéronef de l’événement à l’étude, retrouvée en position LEFT ON après l’événement (Source : BST)
    Image
    1.6.1.2 Pompe carburant auxiliaire

    Le commutateur de la pompe carburant auxiliaire, qui porte l’inscription AUX FUEL PUMP, consiste en un commutateur double à bascule jaune et rouge situé dans le coin inférieur gauche du tableau de bord.

    La moitié droite du commutateur est jaune et porte l’inscription START (démarrage), et sa position supérieure porte l’inscription ON (marche). Cette moitié du commutateur est utilisée pour les démarrages normaux (amorçage du moteur), la purge de petites quantités de vapeurs et le fonctionnement ininterrompu du moteur en cas de panne de la pompe carburant entraînée par le moteur. Dans la position ON, la pompe fonctionne à 2 réglages différents en fonction de la position de la manette des gaz. Lorsque la manette des gaz correspond à un régime de croisière, la pompe carburant auxiliaire alimente le moteur en carburant même en cas de panne de la pompe carburant entraînée par le moteur. Lorsque la manette des gaz est déplacée vers la position fermée, le débit de transfert est automatiquement réduit pour éviter un mélange trop riche.

    [Traduction] La moitié gauche du commutateur est rouge et porte l’inscription EMERG [URGENCE], et sa position supérieure qui porte l’inscription HI [FORT] est utilisée en cas de panne de la pompe carburant entraînée par le moteur pendant le décollage ou le fonctionnement à régime élevé. La position HI [FORT] peut également être utilisée pour purger des quantités importantes de vapeur. Le débit de carburant maximal est obtenu lorsque la moitié gauche du commutateur, qui est soumise à l’action d’un ressort, est maintenue en position HI [FORT]. Dans cette position, un verrouillage entre les 2 moitiés du commutateur entraîne l’enclenchement automatique de la moitié droite sur la position ON [MARCHE]. Lorsque la moitié gauche soumise à l’action d’un ressort du commutateur est déclenchée, la moitié droite restera enclenchée à la position ON [MARCHE] jusqu’à ce qu’elle soit manuellement replacée dans la position ferméeIbid., section 7 : Airplane & Systems Descriptions, p. 7-25 et 7-26..

    Lorsqu’une panne d’alimentation carburant se produit parce que le réservoir de carburant sélectionné est à sec, la pompe carburant auxiliaire est nécessaire pour faciliter la remise en route du moteur une fois que le réservoir de carburant opposé contenant encore du carburant est sélectionnéVoir la section 1.6.2.2.2 : Panne moteur en vol (procédure de redémarrage) du présent rapport pour plus d’information..

    Les 2 moitiés du commutateur de la pompe carburant auxiliaire de l’aéronef de l’événement à l’étude étaient basculées vers le bas. Le commutateur MASTER ON a été placé en position arrêt par le personnel de la compagnie après l’événement pour des raisons de sécurité (figure 5).

    Figure 5. Commutateurs MASTER ON et AUX FUEL PUMP de l’aéronef à l’étude tels qu’ils ont été trouvés après l’événement (Source : BST)
    Image

    1.6.2 Procédures relatives à l’aéronef

    Le constructeur de l’aéronef fournit aux pilotes du Cessna U206G les procédures normales et anormales dans le manuel d’utilisation du pilote. La section 3 du manuel est consacrée aux procédures d’urgence et la section 4, aux procédures normales. Ces 2 sections sont divisées en 2 sous-sections : les listes de vérifications et les procédures détaillées. Les sections de listes de vérifications pour les procédures normales et les procédures d’urgence se trouvent également dans un manuel de référence rapide plastifié fourni par la compagnie (RSA). Le pilote de l’événement à l’étude ne s’est référé à aucune liste de vérifications pendant le vol de l’événement à l’étude et a plutôt exécuté les procédures de mémoire. La liste de vérifications était rangée dans la poche de la porte de l’aéronef adjacente au siège du pilote et a été retrouvée à cet endroit après l’événement à l’étude.

    1.6.2.1 Liste de vérifications avant atterrissage

    La liste de vérifications avant atterrissage est généralement exécutée à l’étape vent arrièreTransports Canada, TP 1102F, Manuel de pilotage – Avion, 4e édition (révisé en 2004), Exercice dix-sept : Le circuit, p. 118. d’une approche et normalement avant que l’aéronef n’atteigne l’étape de baseFederal Aviation Administration (FAA), FAA-H-8083-3C, Airplane Flying Handbook (2021), chapitre 9 : Approaches and Landings, Base Leg, p. 9-2.. La liste de vérifications avant atterrissage du constructeur comprend les 7 éléments suivants [traduction] :

    AVANT ATTERRISSAGE

    1. Sièges FIXÉS, ceintures abdominales et ceintures-baudriers ATTACHÉES
    2. Commutateur pompe carburant auxiliaire – OFF [ARRÊT]
    3. Robinet sélecteur de carburant – FULLER TANK [RÉSERVOIR LE PLUS PLEIN]
    4. Mélange – RICH [RICHE] (au-dessous de 3000 pieds)
    5. Hélice – HIGH RPM [RÉGIME ÉLEVÉ]
    6. Autopilote (si disponible) – OFF [ARRÊT]
    7. Radar (si disponible) – OFF [ARRÊT]Cessna Aircraft Company, Pilot’s Operating Handbook and FAA Approved Airplane Flight Manual – 1982 Model U206G (3 septembre 1981), section 4 : Normal Procedures, Before Landing, p. 4-10 et 4-11..
    1.6.2.2 Panne moteur

    Le constructeur de l’aéronef prévoit plusieurs procédures en cas de panne moteur en vol, dont 2 sont pertinentes pour le vol à l’étude. Les procédures varient en fonction de la hauteur au-dessus du sol ou du temps disponible pour évaluer l’urgence et exécuter la procédure. La 1re page de la section 3 du manuel d’utilisation du pilote contient la note suivante [traduction] : « Les procédures en gras figurant dans la sous-section Listes de vérifications pour l’exploitation de la présente section sont à exécuter immédiatement et devraient être mémoriséesIbid., section 3 : Emergency Procedures, Operational Checklists, p. 3-3.. »

    1.6.2.2.1 Panne moteur immédiatement après le décollage

    Même si la panne moteur de l’événement à l’étude s’est produite pendant l’atterrissage, la procédure en cas de panne moteur immédiatement après le décollage est pertinente à l’événement. En effet, lors de la panne moteur, l’état de faible énergieLa discussion des niveaux d’énergie des aéronefs du chapitre 4 : Energy Management : Mastering Altitude and Airspeed Control du manuel FAA-H-8083-3C, Airplane Flying Handbook [2021] de la Federal Aviation Administration (FAA) pourrait être résumée comme suit : L’énergie totale d’un aéronef peut être dérivée de la somme de son énergie potentielle et cinétique. Si l’aéronef évolue à basse vitesse et à basse altitude, il est dans un état d’énergie plus faible que s’il évolue à haute vitesse et à haute altitude. À l’atterrissage et au décollage, l’aéronef se trouve dans un état d’énergie relativement faible par rapport à l’état dans lequel il se trouve à une vitesse et une altitude de croisière., la configuration et la hauteur au-dessus du sol de l’aéronef étaient similaires à ceux d’un aéronef immédiatement après le décollage.

    Selon le Manuel de pilotage de Transports Canada (TC), si une panne moteur survient à une altitude qui ne lui donnerait pas le temps d’effectuer une procédure de redémarrage du moteur, le pilote devrait couper les gaz, abaisser rapidement le nez pour maintenir la vitesse de finesse maximale adaptée à la configuration de l’aéronef, choisir une trajectoire d’atterrissage et se concentrer sur la bonne exécution de l’atterrissageTransports Canada, TP 1102F, Manuel de pilotage – Avion, 4e édition (révisé en août 2004), Exercice vingt-deux : Atterrissage forcé, Panne moteur à basse altitude, p. 149.. L’aire d’atterrissage choisie devrait être droit devant et ne nécessiter que de petits changements de direction pour éviter les obstacles. Le pilote devrait exécuter la liste de vérifications suivante prévue par le constructeur de l’aéronef [traduction] :

    PANNE MOTEUR IMMÉDIATEMENT APRÈS LE DÉCOLLAGE

    1. Vitesse – 80 KIAS [vitesse indiquée en nœuds]. [gras dans l’original]
    2. Mélange – IDLE CUT-OFF [ÉTOUFFOIR].
    3. Robinet sélecteur de carburant – OFF [ARRÊT].
    4. Interrupteur d’allumage – OFF [ARRÊT].
    5. Volets– AU BESOIN (recommandé : 40°).
    6. Interrupteur principal – OFF [ARRÊT]Cessna Aircraft Company, Pilot’s Operating Handbook and FAA Approved Airplane Flight Manual – 1982 Model U206G (3 septembre 1981), section 3 : Emergency Procedures, p. 3-4..
    1.6.2.2.2 Panne moteur en vol (procédure de redémarrage)

    Lorsque le temps et l’altitude le permettent, les procédures suivantes de panne moteur en vol ou de redémarrage fournies par le constructeur de l’aéronef doivent être suivies [traduction] :

    PANNE MOTEUR EN VOL (PROCÉDURE DE REDÉMARRAGE)

    1. Vitesse – 75 KIAS [vitesse indiquée en nœuds]. [gras dans l’original]
    2. Robinet sélecteur de carburant –RÉSERVOIR OPPOSÉ (s’il contient du carburant). [gras dans l’original]
    3. Pompe carburant auxiliaire – ON [MARCHE]. [gras dans l’original]
    4. Manette des gaz – MI-COURSE.
    5. Commutateur pompe carburant auxiliaire – OFF [ARRÊT].
                NOTE
      Si l’indication de débit de carburant tombe immédiatement à zéro, ce qui indique une panne de la pompe carburant entraînée par le moteur, remettre le commutateur de la pompe carburant auxiliaire à ON [MARCHE].
    6. Mélange – LEAN [PAUVRE] à partir de plein riche jusqu’au redémarrage.
                NOTE
      Si l’hélice est entraînée par le vent relatif, le moteur redémarrera automatiquement en quelques secondes. Si l’hélice s’est arrêtée (ce qui est possible à basse vitesse), mettre l’interrupteur d’allumage à START [DÉMARRAGE], avancer lentement la manette des gaz à partir du ralenti et (à des altitudes plus élevées) appauvrir le mélange à partir de plein riche.
    7. Mélange – AJUSTER au besoin une fois que le moteur a redémarré.
    8. Manette des gaz – AJUSTER la puissance au besoin.
    9. Robinet sélecteur de carburant – AU BESOIN une fois que le débit de carburant est stableIbid..

    1.6.3 Caractéristiques de décrochage et avertisseur de décrochage du Cessna U206G

    Le constructeur de l’aéronef décrit les caractéristiques de décrochage du Cessna U206G comme étant conventionnellesIbid., section 4 : Normal Procedures, p. 4-21..

    L’aéronef à l’étude était équipé d’un avertisseur de décrochage à palette monté sur le bord d’attaque de l’aile gauche. La palette détecte le changement d’écoulement de l’air sur l’aile et déclenche un klaxon d’avertissement à des vitesses de 5 à 10 nœuds supérieures à la vitesse de décrochage dans toutes les configurations. Il est indiqué dans le manuel de vol de l’aéronef que [traduction] « la perte d’altitude lors d’une sortie de décrochage peut aller jusqu’à 360 piedsIbid., section 5 : Performance, p. 5-10.. » Pendant le vol à l’étude, l’avertisseur de décrochage s’est déclenché au début du virage depuis l’étape vent arrière et a continué de retentir jusqu’à l’impact.

    1.7 Renseignements météorologiques

    Il n’y a pas d’observations météorologiques régulières à CYHT. L’observation météorologique la plus proche provenait de l’aérodrome de Burwash Landing (CYDB), situé à 54 NM au nord-ouest de CYHT. Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome émis à 14 h pour CYDB faisait état des conditions suivantes :

    • vents soufflant du 090° vrai (V) à 9 nœuds, variant de 060° V à 140° V;
    • visibilité de 15 milles terrestres;
    • quelques nuages à 4500 pieds AGL et nuages épars à 17 000 pieds AGL;
    • température de 17 °C et point de rosée de 0 °C;
    • calage altimétrique de 29,64 pouces de mercure.

    Un pilote de la compagnie qui a observé l’approche de l’aéronef à l’étude et la manche à air à CYHT a indiqué que les vents soufflaient de l’ouest et qu’ils étaient assez forts au moment de l’accident.

    1.8 Aides à la navigation

    Sans objet.

    1.9 Communications

    Sans objet.

    1.10 Renseignements sur l’aérodrome

    CYHT est situé à environ 2 NM au nord-ouest du village de Haines Junction et à une altitude topographique de 2150 pieds ASL. Il dispose d’une seule piste, qui est en gravier, mesure 5002 pieds de longueur et est orientée nord-est sud-ouest. Étant donné la proximité de la chaîne de montagnes St. Elias et des champs de glace de Kluane, des vents glaciaires peuvent se canaliser dans les vallées en générant des vents et turbulences imprévisiblesNAV CANADA, Le Temps au Yukon, Dans les Territoires du Nord-Ouest et dans l’Ouest du Nunavut, Prévision de zone graphique 35 (2000), chapitre 4, p. 111.. Aucun service aérien régulier ne dessert cet aérodrome et aucun avis météorologique n’est disponible pour les pilotes à CYHT.

    1.11 Enregistreurs de bord

    L’aéronef n’était pas équipé d’un enregistreur de données de vol ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage. La réglementation en vigueur n’exigeait ni l’un ni l’autre.

    L’aéronef était toutefois équipé d’un GPS [système de positionnement mondial] Garmin 296, d’un appareil électronique portatif (une tablette) et d’un dispositif de suivi des vols par satellite Spidertracks. Ces dispositifs ont fourni des renseignements importants aux enquêteurs sur la trajectoire de vol de l’événement.

    1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    L’aéronef a percuté le terrain selon un angle de tangage nul et dans une assiette légèrement inclinée à droite. Au moment de l’impact, le train d’atterrissage principal droit s’est affaissé, et le hauban de l’aile droite s’est rompu. Le train avant et l’amortisseur oléopneumatique se sont comprimés dans le fuselage et se sont détachés de l’aéronef. Les deux battants de la porte de soute ont été arrachés au niveau des charnières. L’aéronef a capoté et s’est immobilisé à l’envers, le moteur détaché.

    L’espace habitable est demeuré relativement inchangé. Cependant, tous les sièges présentaient des signes de déformation indiquant des forces verticales élevées au moment de l’impact.

    L’accident a été filmé par l’un des passagers à l’intérieur de l’aéronef et par une personne au sol à CYHT. Les vidéos ont été analysées et il a été déterminé que, même si l’hélice tournait au moment de l’impact, elle tournait à une vitesse correspondant à celle d’une hélice entraînée par le vent relatif et non à celle d’une hélice entraînée par le moteur.

    Un examen minutieux du moteur et de ses accessoires effectué dans les installations du BST à Edmonton (Alberta) n’a pas révélé d’anomalies mécaniques qui auraient pu exister avant l’impact.

    1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

    Rien n’indique que des facteurs médicaux ou que la fatigue ont nui à la performance du pilote. Les effets possibles de l’hypoxie sont traités dans la section 1.18.4 : Hypoxie du présent rapport.

    1.14 Incendie

    Rien n’indique la présence d’un incendie avant ou après l’événement.

    1.15 Questions relatives à la survie des occupants

    Tous les occupants à bord de l’aéronef portaient leur ceinture sous-abdominale, et le passager avant et le pilote portaient leur ceinture-baudrier au moment de l’impactLes 4 sièges passagers arrière n’étaient pas équipés de ceintures-baudriers.. Une fois l’aéronef immobilisé à l’envers, le pilote et les passagers étaient suspendus à l’envers dans leurs sièges. Les premiers intervenants sont arrivés sur les lieux immédiatement après l’accident et ont aidé à détacher les ceintures de sécurité et à extraire tout le monde de l’aéronef. Tous les occupants ont souffert de fractures du dos, les passagers assis du côté droit de l’aéronef ayant subi de plus graves blessures que ceux assis du côté gauche.

    Le passager qui a été mortellement blessé était assis dans la rangée arrière, du côté droit, et a subi une fracture par compression de la vertèbre C4 causée par l’écrasement du plafond de l’aéronef sur sa tête, ce qui lui a fracturé la moelle épinière sous-jacente.

    Dans le cadre d’autres enquêtes menées à la suite d’accidents mortels au cours desquels les aéronefs avaient capotéRapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A20P0071 du BST; National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis, Aviation Investigation Final Report ERA14FA327; Air Accidents Investigation Branch du Royaume-Uni, AAIB Bulletin AAIB-29545., les rapports des médecins légistes ont révélé que la mort des occupants avait été causée par les blessures à la colonne vertébrale entre les vertèbres C1 à C7 provoquées quand la tête des occupants avait percuté le plafond de l’aéronef pendant le capotage. 

    1.16 Essais et recherche

    1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • LP102/2024 – NVM Data Recovery – Various [Récupération des données de la mémoire non volatile – Divers]

    1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

    1.17.1 Rocking Star Adventures Ltd.

    RSA a été fondée en 2009. Au moment de l’accident, l’entreprise exploitait 4 aéronefs et comptait 7 employés. RSA est basée à Burwash Landing et détient un certificat d’exploitation aérienne pour les opérations effectuées en vertu des sous-parties 702 (Opérations de travail aérien) et 703 (Exploitation d’un taxi aérien) du Règlement de l’aviation canadien (RAC). RSA n’a pas de système de gestion de la sécurité et la réglementation n’en exige pasTransports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, article 107.01 : Application.. Ses activités sont menées à partir de CYHT et de CYDB.

    En application de son certificat d’exploitation aérienne délivré en vertu de la sous-partie 703 du RAC, RSA offre des vols touristiques survolant les champs de glace du parc national et de réserve de parc national Kluane. À partir de CYHT, en plus de vols d’affrètement, la compagnie propose 4 circuits touristiques standards d’une durée variant de 45 minutes à 2 heures.

    1.17.2 Exigences en matière de formation

    1.17.2.1 Formation pour les opérations de taxi aérien
    1.17.2.1.1 Généralités

    Le RAC stipule que tout exploitant de taxi aérien « doit établir et maintenir un programme de formation au sol et en volIbid., paragraphe 703.98(1) : Programme de formation.. » L’article 723.98 des Normes de service aérien commercial (NSAC) pour les avions précise que « [l]es plans de chacun des programmes de formation doivent préciser le temps alloué à chacun des sujets traités ainsi que la matière qui sera couverteTransports Canada, Normes de service aérien commercial (NSAC), Norme 723 : Exploitation d’un taxi aérien : Avions, article 723.98 : Programme de formation.. » La formation initiale pour les avions monomoteurs comme le Cessna U206 exige que les pilotes suivent 5,5 heures de formation au sol et 3 heures de formation en volIbid., paragraphe 723.98(27) : Tableau I.. Par ailleurs, la formation périodique annuelle exige qu’ils suivent 2,5 heures de formation au sol et 1 heure de formation en volIbid., Tableau II.. La réglementation exige également que la compétence des pilotes soit évaluée au moyen d’une vérification de compétence pilote (VCP)Ibid., paragraphe 723.88(2) : Vérification de compétence..

    Le programme de formation d’un exploitant aérien est décrit dans son manuel d’exploitation de la compagnie (MEC), qui est approuvé par TC. Le programme de formation approuvé est considéré comme adéquat à condition que la formation soit dispensée aux pilotes conformément au manuel. Afin d’évaluer la conformité et de s’assurer que toute la formation applicable a été suivie, TC peut vérifier les formulaires de formation des pilotes pendant ses activités de surveillance.

    1.17.2.1.2 Formation en vol

    Le secteur du taxi aérien regroupe une grande variété d’exploitants aériens, d’environnements d’exploitation et de types, de configurations et de classes d’aéronefs. Les exigences de formation en vol de TC pour ce secteur diversifié ne comprennent pas beaucoup d’éléments propres à un type ou à une classe d’aéronef en particulier. Il incombe donc à chaque exploitant aérien de déterminer la façon d’aborder la formation qui pourrait être exigée pour ses types et classes d’aéronefs particuliers, ainsi que pour son type d’exploitation.

    De nombreux exploitants de taxi aérien au Canada utilisent des aéronefs pour lesquels il n’existe aucun simulateur de vol en mesure de reproduire les performances de l’aéronef dans des conditions réalistes. De ce fait, la formation doit avoir lieu en vol.

    Le paragraphe 723.98(10) des NSAC qui énonce les exigences relatives aux programmes de formation de vol sur avion commence par l’énoncé suivant : « Toutes les pannes simulées des systèmes de l’avion ne doivent se dérouler que dans des conditions d’utilisation qui ne compromettent pas la sécurité du volIbid., paragraphe 723.98(10) : Programme de formation de vol sur avion seulement.. »

    Trois des exercices exigés par les NSAC sont pertinents à l’événement à l’étude :

    a) La formation relative aux procédures d’utilisation normalisées des systèmes et du matériel de bord, dans les situations normales, anormales et d’urgence doit porter sur les sujets suivants :[…]

         (vi) simulation d’incendie et de panne moteur; […]

         (xvii) manœuvre d’approche de décrochage et procédure de sortie de décrochage lorsque le contact avec le sol est imminent, et lorsqu’il est improbable (en configurations lisse, de décollage et d’atterrissage);

        (xviii) approche de la limite de tremblement, virages serrés (inclinaison de 45 degrés), et autres caractéristiques de vol comme une assiette anormale (uniquement celles qui s’appliquent à la formation initiale et à la formation d’avancement);[…]Ibid.

    Les exigences de formation en vol pour les exploitants de taxi aérien stipulent qu’une approche de décrochage doit être effectuée en configuration lisse, de décollage et d’atterrissage. Il est également nécessaire de simuler un de ces décrochages quand le « contact avec le sol est imminent » (pour reprendre la terminologie des NSAC), et ce, en attribuant une altitude qui représente le niveau du solIbid.. Il n’est pas requis que l’aéronef soit en décrochage complet pendant la formation en vol, et TC a suggéré que, pendant les vols de vérification et de contrôle de compétence, les pilotes devraient être évalués sur la sortie du décrochage au 1er signe de décrochage imminent même si ce signe est sonore, visuel ou tactileTransports Canada, Circulaire d’information (CI) 700-031 : Prévention et sortie du décrochage d’un avion, (Édition 01 : 8 novembre 2013), section 6.4.4(3), à https://tc.canada.ca/fr/aviation/centre-reference/circulaires-information/circulaire-information-ci-no-700-031 (dernière consultation le 8 octobre 2025)..

    TC ne précise pas comment ces manœuvres doivent être démontrées par un pilote instructeur ou exécutées par le pilote en cours de formation, que ce soit pendant la formation initiale ou la formation périodique. Les exploitants aériens peuvent trouver des instructions spécifiques pour de nombreuses manœuvres de formation dans le manuel de vol applicable à l’aéronef. Des instructions génériques se trouvent dans le Guide de l’instructeur de vol de TCTransports Canada, TP 975F, Guide de l’instructeur de vol (révisé en septembre 2004), à https://tc.canada.ca/sites/default/files/migrated/tp975f.pdf (dernière consultation le 10 octobre 2025)..

    1.17.2.2 Vérification de compétence pilote

    Dans le cas d’un vol VFR de jour à bord d’un avion monomoteur, les qualifications du pilote doivent être évaluées chaque année par le biais d’une VCP en même temps que la formation périodique exigée en vertu du RACTransports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, alinéa 703.98(2)c).. Le paragraphe 723.88(2) des NSAC stipule que pour les pilotes d’avions monomoteurs qui volent uniquement en VFR de jour, comme c’est le cas des pilotes de RSA, « le pilote en chef, ou son délégué, doit assumer la responsabilité de leur formation et il doit attester de la compétence de chaque pilote sur l’avion monomoteur le plus complexe que chacun devra piloterTransports Canada, Normes de service aérien commercial (NSAC), Norme 723 : Exploitation d’un taxi aérien : Avions, paragraphe 723.88(2) : Vérification de compétence (b)(ii).. » Dans le cas d’un pilote faisant l’objet d’une VCP, « l’attestation de la compétence […] doit être fondée sur les éléments du contrôle de compétence pilote qui se trouvent à l’annexe IIbid., paragraphe 723.88(2) : Vérification de compétence (c). » des NSAC qui s’appliquent à l’avion et à son exploitation. L’exigence d’effectuer au moins 2 simulations de pannes moteur pendant la vérification est pertinente à l’événement à l’étude.

    Les critères d'exécution s’appliquant à ces éléments sont indiqués dans la publication de TC intitulée Vérification de compétence pilote et qualification de type d’aéronef – Guide de test en vol (Avions). Pour les pannes moteur, l’information suivante est fournie :

    Le pilote démontrera son aptitude à conserver la maîtrise de l’aéronef et à composer en toute sécurité avec les problèmes de fonctionnement pendant au moins deux pannes moteur simulées à n’importe quel moment pendant la vérification.[…]

    1. démontrer une connaissance suffisante des caractéristiques de vol, des procédures d’approche et d’atterrissage forcé (d’urgence) et des procédures connexes à utiliser en cas de panne de l’installation motrice (selon ce qui est pertinent à l’avion);
    2. maintenir une bonne maîtrise de l’aéronef tout au long de la manœuvre;
    3. établir et maintenir la meilleure vitesse de plané recommandée à ±10 nœuds ainsi que la meilleure configuration pendant une panne simulée de l’installation motrice;
    4. choisir un aéroport ou une aire d’atterrissage convenable se trouvant dans les capacités de l’avion, compte tenu de ses performances;
    5. établir un bon circuit de vol vers l’aéroport ou l’aire d’atterrissage choisie, compte tenu de l’altitude, du vent, du relief, des obstacles et de tout autre facteur opérationnel pertinent;
    6. suivre les éléments de la liste de vérifications appropriée à l’avion;
    7. déterminer la cause de la panne simulée de l’installation motrice (si l’altitude le permet) et si un redémarrage est une option viable;
    8. utiliser les dispositifs jouant sur la configuration, comme le train d’atterrissage et les volets, de la manière recommandée par le constructeurTransports Canada, TP 14727F, Vérification de compétence pilote et qualification de type d’aéronef – Guide de test en vol (Avions), Première édition, révision 1 (juin 2017), Exercice 22 : Panne moteur, p. 50 et 51..

    Parmi les éléments énumérés à l’annexe I des NSAC, seul le décollage interrompu, lorsqu’il n’est pas effectué dans un simulateur, doit être expliqué par le candidat avant le vol de contrôle/vérification de la compétence pilote au lieu d’être effectué à bord d’un avion en volTransports Canada, Normes de service aérien commercial (NSAC), Norme 723 : Exploitation d’un taxi aérien : Avions, Annexe I, Item (2)c)(v).. Selon TC, lorsqu’il n’est pas spécifiquement mentionné qu’un exercice doit être expliqué ou faire l’objet d’un exposé, il doit être exécuté.

    1.17.2.3 Pilote instructeur

    La réglementation pour les vols VFR de jour seulement exige qu’un pilote instructeur soit « titulaire d'une licence de pilote professionnel valide conforme à la classe d’avionsIbid., paragraphe 723.98(3) : Formation et qualifications des instructeurs, sous-division b)(i)(C)(I).. » Dans le cas des avions monomoteurs autres que ceux à hautes performances, comme le Cessna U206G, rien n’exige qu’un pilote instructeur ait de l’expérience sur le type d’avion précis étant donné que la qualification de type général délivrée avec une licence de pilote couvre « tous les avions dont l’équipage de conduite exigé est d’un seul pilote, autres que ceux à hautes performancesIbid., Norme 421 : Permis, licences et qualifications des membres d’équipage de conduite, paragraphe 421.40(1) : Qualification de type général; a) les avions.. »

    1.17.3 Formation à Rocking Star Adventures Ltd.

    1.17.3.1 Pilote de l’événement

    La formation périodique des pilotes de RSA sur le Cessna U206G exige un minimum de 1 heure de vol sur typeRocking Star Adventures Ltd., Company Operations Manual – Aerial Work & Air Taxi Operations – Day VFR Modification 6 (16 janvier 2023), section 10.5.3 : Flight Training Program (Aircraft only), p. 98.. Les dossiers de formation du pilote de l’événement à l’étude indiquaient qu’il avait effectué 2 heures de vol pour sa formation périodique et sa VCP les plus récentes, qui avaient toutes deux eu lieu le 14 mai 2024.

    La formation suivie par les pilotes de RSA est consignée dans le Flight Training Form [formulaire de formation en vol] de la compagnie, qui doit être rempli par le pilote instructeur et signé par ce dernier et le pilote. [Traduction] « Les signatures ci-dessous confirment que la formation ci-dessus a été suivie et que le candidat a satisfait aux exigences de sa VCP annuelleIbid., section 12.6 : Flight Training Form, p. 109.. »Pour les divers exercices, le formulaire fournit des notes d’évaluation allant de 1 (« nécessite une formation de recyclage ») à 4 (« excellent »), ou l’annotation B pour « briefed », dans le cas où l’exercice ne fait l’objet que d’un exposé, n’est pas exécuté et donc pas notéIbid..

    Sur le Flight Training Form le plus récent du pilote de l’événement à l’étude, toutes les procédures d’urgence étaient marquées comme ayant fait l’objet d’un exposé à l’exception des décrochages, qui avaient une note. D’après ce que l’exploitant aérien avait compris, l’annotation B devait être indiquée pour toute procédure d’urgence simulée demandée pendant le vol d’entraînement où le candidat décrivait les mesures qu’il prenait pendant qu’il démontrait les mesures requises pour résoudre l’urgence simulée. L’exploitant aérien pensait également que des notes de 1 à 4 étaient attribuées si le candidat effectuait physiquement les procédures requises sans les expliquer.

    L’exploitant aérien avait par ailleurs compris que l’exigence de simuler 2 pannes moteur ne s’appliquait pas aux aéronefs monomoteurs. L’enquête n’a pas permis de déterminer à combien de pannes moteur, le cas échéant, le pilote de l’événement à l’étude s’était exercé pendant sa formation annuelle périodique.

    1.17.3.2 Pilote instructeur

    Le pilote instructeur était un nouvel employé de la compagnie et il occupait un poste de pilote professionnel pour la 1re fois. Au moment de la formation et de la VCP du pilote de l’événement à l’étude, il avait accumulé environ 260 heures de vol, dont 0,4 heure sur le Cessna U206G. L’examen des dossiers de formation du pilote instructeur a révélé que ce temps de vol sur le Cessna U206G avait été effectué plus tôt le jour même où il avait fait la VCP du pilote de l’événement à l’étude. Le pilote en chef avait fait un exposé au pilote instructeur sur ses fonctions conformément au MEC, qui indique que les éléments suivants doivent être couverts [traduction] :

    • les objectifs et les normes du programme de formation de la compagnie;
    • l’utilisation efficace des dispositifs de formation utilisés dans le programme;
    • les instructions pour remplir les formulaires de formation;
    • la sécurité dans l’environnement de formation;
    • les clauses du Règlement de l’aviation canadien, des Normes de service aérien commercial et/ou d’autres règlements connexes applicablesIbid., section 10.2.1 : Instructor and Training Pilot Briefings, p. 88..

    L’enquête n’a trouvé aucun dossier relatif à cet exposé. Même si le pilote instructeur répondait à la fois aux exigences stipulées dans le MEC et le RAC, la compréhension qu’il avait de ses responsabilités différait de celle du pilote en chef : le pilote instructeur ne savait pas qu’il donnait de la formation ou qu’il signait la VCP du pilote de l’événement à l’étude au moment de la formation. Le pilote instructeur n’a pas donné de notes ni rempli le formulaire de formation, mais il a signé le formulaire, ce qui indiquait que la formation avait été suivie et que le candidat avait satisfait aux exigences annuelles de sa VCP.

    1.18 Renseignements supplémentaires

    1.18.1 Vérifications et listes de vérifications de l’aéronef

    Les listes de vérifications de l’aéronef comprennent un ensemble de tâches qu’un pilote doit effectuer afin de configurer un aéronef pour certaines macro-tâches, telles que le démarrage du moteur, la circulation au sol et le décollage. Chacune de ces macro-tâches comprend une série d’éléments à accomplir.

    Les listes de vérifications sont utilisées pendant toutes les phases de vol, mais en particulier lors des phases critiques (décollage, approche et atterrissage). Elles aident le pilote à se rappeler comment configurer l’aéronef et lui fournissent une base de référence pour vérifier cette configuration. Les listes fournissent aussi au pilote un ordre pratique à suivre pour les mouvements moteurs et la fixation oculaire et un cadre séquentiel pour répondre aux exigences opérationnelles à l’intérieur et à l’extérieur du poste de pilotageA. Degani, et E. L. Wiener, Human factors of flight-deck checklists: The normal checklist, National Aeronautics and Space Administration (NASA) Contractor Report 177549, 1er mai 1991.. Ainsi, les listes de vérifications améliorent la sécurité dans le poste de pilotage :

    1. en réduisant la probabilité d’omettre un élément d’une macro-tâche, car elles rappellent au pilote chaque étape requise dans l’ordre requis;
    2. en augmentant la probabilité de détecter d’éventuelles omissions, car lorsque les étapes sont lues, le pilote peut repérer les omissions.

    Bien qu’il existe plusieurs façons d’utiliser une liste de vérifications, 2 des principales méthodes consistent à « lire-exécuter » ou « exécuter-vérifier ». Quand un pilote suit la méthode « lire-exécuter », il lit un élément de la liste de vérifications, puis prend les mesures requises avant de passer à l’élément suivant. En suivant la méthode « exécuter-vérifier », le pilote exécute la séquenceLa Federal Aviation Administration (FAA) affirme dans Advisory Circular (AC) 120-71B – Standard Operating Procedures and Pilot Monitoring Duties for Flight Deck Crewmembers (1er octobre 2017), section 5.1.2 : Type of List and Manner of Execution, p. 5-1 : [Traduction] « Pour la plupart des procédures normales dans le poste de pilotage, une “séquence” est effectuée sous la forme d’une série d’actions exécutées de mémoire pour configurer l’aéronef et ses systèmes. La séquence donne lieu ensuite à l’exécution d’une liste de vérifications contenant un sous-ensemble d’éléments de la séquence qui peuvent être les plus critiques de cette séquence et ceux qui confirment que la séquence a été effectuée correctement. » d’actions sur la liste, puis vérifie qu’elles ont toutes été exécutées comme prévu. Le principal inconvénient de la méthode « lire-exécuter » est qu’elle oblige le pilote à accomplir de nombreuses tâches simultanément (lire la liste de vérifications, mettre à exécution l’élément et piloter) et ainsi à diviser son attention entre les tâches. La méthode « exécuter-vérifier », en revanche, permet au pilote de régler la configuration de l’aéronef, puis de vérifier cette configuration en se référant à une liste de vérifications écrite quand sa charge de travail le permet. Cette méthode prévoit ainsi un certain degré de redondance et moins de temps passé la « tête baissée » dans le poste de pilotage.

    L’enquête a révélé que le pilote de l’événement à l’étude effectuait régulièrement des processus opérationnels de mémoire sans utiliser de listes de vérifications physiques dans le cadre de ses fonctions quotidiennes de pilote.

    1.18.2 Approches forcées

    Une approche forcée est une approche et un atterrissage effectués sans puissance moteur. Les directives pour effectuer une approche forcée fournies par TC dans son manuel de pilotage dépendent de l’altitude disponible au moment de la perte de puissance. Plus la hauteur au-dessus du sol à laquelle se produit la perte de puissance est élevée, plus le pilote a de temps pour résoudre le problème, sélectionner une aire d’atterrissage appropriée et configurer correctement l’aéronef.

    Lorsque la perte de puissance se produit avant d’avoir atteint la hauteur du circuit (généralement 1000 pieds AGL), TC suggère que le pilote devrait avoir suffisamment de temps pour, à la fois, évaluer la situation et prendre les mesures suivantes :

    a)    couper les gaz;

    b)    abaisser le nez de l’aéronef pour garder la vitesse de vol plané;

    c)    atterrir droit vers l’avant, ou modifier la trajectoire légèrement pour éviter les obstacles;

    d)    si le temps le permet :

    •    effectuer la vérification des causesDans ce contexte, une vérification des causes est une vérification des causes courantes de perte de puissance moteur que le pilote peut contrôler, comme la position du sélecteur de carburant, la quantité de carburant, les pompes carburant, le mélange et les commutateurs.;

    •    lancer l’appel « MAYDAY »;

    •    aviser les passagers;

    •    compléter l’arrêt du moteur;

    e)    compléter l’atterrissage forcé.
    On compte de nombreux exemples de blessures ou de mortalités dans les accidents résultant d’un demi-tour pour se poser sur la piste de l’aérodrome après une panne de moteur suivant le décollage. Comme l’altitude est critique, on a alors tendance à essayer de garder le nez de l’aéronef relevé pendant le virage sans tenir compte de la vitesse et du facteur de charge. Ces mesures ressemblent étrangement à celles qui mènent à une vrille. Un demi-tour vers la piste ou l’aérodrome peut être couronné de succès dans certaines conditions. L’expérience et la prise en considération réfléchie des facteurs suivants sont essentielles pour réussir alors un demi-tour :

    1. l’altitude;
    2. la finesse du vol plané de l’aéronef;
    3. la longueur de la piste;
    4. la force du vent ou la vitesse sol;
    5. l’expérience du pilote;
    6. l’expérience du pilote sur le type d’avion dont il s’agitTransports Canada, TP 1102F, Manuel de pilotage - Avion, 4e édition (révisé en 2004), Exercice vingt-deux : Atterrissage forcé, Panne moteur à une altitude inférieure à l’altitude du circuit, p. 149 et 150..

    La trajectoire de descente estiméeLa trajectoire de descente estimée a été déterminée en fonction du taux de descente et de la vitesse sol moyens de l’aéronef une fois stabilisés à la suite de la perte de puissance moteur. de l’aéronef à l’étude pour atterrir droit devant à partir du point où le virage à 180° a été amorcé est illustrée à la figure 6.

    Figure 6. Trajectoire de vol réelle de l’aéronef de l’événement à l’étude selon les données extraites du Garmin 296 comparée à une trajectoire de descente droit devant à partir du point d’amorce du virage (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
    Image
    1.18.2.1 Dangers psychologiques au cours d’une approche forcée

    La Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a recensé certains des dangers psychologiques qui peuvent être présents lors d’une approche forcée. Ces dangers (indiqués ci-après) peuvent nuire à la capacité du pilote d’agir rapidement et correctement en cas d’urgence. [Traduction]

    1. Réticence à accepter la situation d’urgence – un pilote qui laisse son esprit se paralyser à l’idée que l’avion sera au sol dans très peu temps, quels que soient les actions ou les espoirs du pilote, est fortement désavantagé pour gérer l’urgence. Un désir inconscient de retarder le moment redouté peut conduire à des erreurs telles que : ne pas abaisser le nez de l’avion pour maintenir la vitesse de vol, retarder le choix du lieu d’atterrissage le plus approprié pouvant être atteint et ne pas pouvoir prendre de décision en général. Les tentatives désespérées de corriger ce qui n’a pas fonctionné au détriment du contrôle de l’avion tombent dans la même catégorie. […]
    2. Volonté de sauver l’avion – le pilote qui a été conditionné pendant sa formation à s’attendre à trouver un lieu d’atterrissage relativement sûr chaque fois que l’instructeur de vol a fermé les gaz pour simuler une situation d’atterrissage forcé peut ne pas prêter attention à toutes les règles de base de la discipline aéronautique pour éviter un atterrissage sur un terrain où les dommages à l’avion sont inévitables. Ainsi, les conséquences typiques consisteront à : effectuer un virage à 180° vers la piste lorsque l’altitude disponible est insuffisante; étirer le vol plané sans tenir compte de la vitesse minimale de contrôle afin d’atteindre un terrain plus attrayant; accepter une situation d’approche et d’atterrissage qui ne laisse aucune marge d’erreur. La volonté de sauver l’avion, quels que soient les risques encourus, peut être influencée par deux autres facteurs : l’intérêt financier du pilote dans l’avion et la certitude qu’un avion non endommagé se traduit par l’absence de blessures pour les occupants. Cependant, un pilote devrait plutôt parfois être prêt à sacrifier l’avion pour que les occupants s’en sortent indemnesFederal Aviation Administration (FAA), FAA-H-8083-3C, Airplane Flying Handbook (2021), chapitre 18 : Emergency Procedures, p. 18-1 et 18-2..

    1.18.3 Décrochage aérodynamique

    Afin de maintenir le vol, l’aile d’un aéronef doit créer la quantité de portance nécessaire. La portance est en partie liée à la vitesse de l’aéronef et à l’angle d’attaque de l’aile par rapport à l’écoulement d’air relatif. Si la vitesse est réduite, comme lors d’une montée abrupte, l’angle d’attaque doit être augmenté pour générer la portance nécessaire. Un décrochage aérodynamique survient lorsque l’angle d’attaque de l’aile excède l’angle critique auquel l’écoulement de l’air commence à se décoller de l’aile. Il y a décrochage de l’aile lorsque l’écoulement de l’air se décolle de l’extrados et que la portance produite devient inférieure à celle nécessaire pour supporter l’aéronef.

    La vitesse à laquelle se produit un décrochage peut aussi varier en fonction du facteur de charge de la manœuvre en cours d’exécution. Le facteur de charge correspond au rapport entre la force aérodynamique agissant sur les ailes et la masse brute de l’aéronef et représente une mesure des contraintes (ou de la charge) exercées sur la structure de l’aéronef. Par convention, on exprime le facteur de charge en g en raison de l’accélération gravitationnelle ressentie par un occupant de l’aéronef.

    Quand un aéronef est en vol rectiligne en palier, la portance est égale au poids et le facteur de charge est de 1g. Toutefois, quand l’aéronef exécute un virage incliné en palier, davantage de portance est requise. Pour ce faire, on peut, entre autres, augmenter l’angle d’attaque (en tirant sur la commande de profondeur), ce qui augmente le facteur de charge. À mesure que le facteur de charge augmente avec l’angle d’inclinaison, la vitesse à laquelle un décrochage se produit augmente également. Par conséquent, la manœuvre est souvent accomplie en augmentant la puissance moteur afin de maintenir la vitesse anémométrique. Un décrochage qui survient en raison d’un facteur de charge élevé découlant, par exemple, d’un angle d’inclinaison supérieur à 30°, est appelé un décrochage accéléré.

    Les décrochages accélérés se produisent à une vitesse anémométrique supérieure en raison du facteur de charge accru auquel est soumise l’aile; en outre, ils sont généralement plus graves que les décrochages non accélérés et sont souvent inattendus. Par exemple, un décrochage provoqué par une inclinaison de 60° ou 70° entraînera une perte soudaine de maîtrise de l’aéronef suivie d’une perte rapide d’altitude.

    Pour la plupart des avions de l’aviation générale, le constructeur publie une vitesse de décrochage correspondant à l’angle d’attaque critique lorsque l’avion est en vol coordonné en palier, sans moteur, et avec un centre de gravité à la limite avant. Cessna fournit des vitesses de décrochage pour le Cessna U206G pour un centre de gravité à l’intérieur des limites avant et arrière.

    Le tableau 4 illustre l’effet de l’angle d’inclinaison sur le facteur de charge et la vitesse de décrochage corrigée pour le Cessna U206G dans une configuration de volets à 10°Les vitesses de décrochage avec les volets à 10° ne proviennent pas du constructeur. Ces chiffres ont été obtenus par interpolation à partir des vitesses de décrochage avec les volets rentrés et les volets à 20°., en vol coordonné en palier, avec un centre de gravité à la limite arrière. La ligne en caractères gras indique l’angle d’inclinaison maximal atteint par l’aéronef de l’événement à l’étude au cours de la manœuvre de retour.

    Tableau 4. Effet de l’angle d’inclinaison sur le facteur de charge et la vitesse de décrochage corrigée pour le Cessna U206G dans une configuration de volets à 10°, en vol coordonné en palier, avec un centre de gravité à la limite arrière (Source : TSB)

    Angle d’inclinaison (degrés)

    Facteur de charge (g)

    Augmentation de la vitesse de décrochage

    Vitesse de décrochage corrigée (KCAS)*

    0

    1

    1,0x

    60

    15

    1,04

    1,02x

    61

    30

    1,15

    1,07x

    64

    45

    1,4

    1,18x

    71

    54

    1,7

    1,30x

    78

    60

    2

    1,41x

    85

    * Vitesse corrigée exprimée en nœuds

    L’aéronef de l’événement à l’étude n’était pas en palier immédiatement avant l’accident. Cependant, l’enquête n’a pas permis de déterminer s’il avait maintenu un vol coordonnéSKYbrary, Coordinated Flight, à l’adresse https://skybrary.aero/articles/coordinated-flight (dernière consultation le 10 octobre 2025) défini le vol coordonné comme étant [Traduction] : « Le vol coordonné est une condition de vol souhaitée dans laquelle il n’y a ni glissement ni dérapage. Pour maintenir un vol coordonné, le réglage combiné des ailerons, de la gouverne de direction et de la gouverne de profondeur est nécessaire à l’entrée et à la sortie des virages. » tout au long de sa tentative de retour pour atterrir à l’aérodrome. D’après les données télémétriques récupérées des unités satellitaires de bord et les séquences vidéo de l’accident, l’enquête a déterminé que l’aéronef avait décroché à un moment coïncidant avec le point où l’angle d’inclinaison maximal avait été atteint pendant la manœuvre d’atterrissage.

    1.18.4 Hypoxie

    Comme l’explique la publication Ernsting’s Aviation and Space Medicine, [traduction] :

    la normoxie [italique dans l’original] est l’état dans lequel les tissus ont un apport physiologiquement adéquat d’oxygène, en quantité ou en concentration moléculaire. Lorsque le niveau d’oxygène disponible est inférieur à ce niveau requis, on dit que l’organisme est en état d’hypoxie[italique dans l’original]D. P. Gradwell et D. J. Rainford, Ernsting’s Aviation and Space Medicine, 5e édition (CRC Press, 22 janvier 2016), chapitre 4 : Hypoxia and hyperventilation, p. 49..

    Il existe différents types d’hypoxie, qui sont tous associés à différents mécanismes de privation d’oxygène. L’hypoxie hypoxique est le type le plus courant en vol. Elle peut survenir au-dessus de certaines altitudes, puisque [traduction] « lorsque la pression barométrique chute, respirer l’air ambiant aura pour effet de baisser la pression partielle d’oxygène et, par conséquent, sa concentration moléculaire dans les poumonsIbid. p. 50.. » Se produit alors [traduction] « une réduction de la tension en oxygène dans le gaz inspiréIbid. », ce qui finit par avoir un effet délétère sur la performance.

    Cependant, la gravité et l’apparition de l’hypoxieAux fins du présent rapport, l’information sur l’hypoxie se limite à l’hypoxie hypoxique. varient en fonction d’une multitude de facteurs. L’altitude et la vitesse d’apparition ont une incidence sur l’hypoxie. Par exemple, une montée lente à 13 000 pieds peut faire que les symptômes se manifestent lentement, alors qu’une décompression rapide à 30 000 pieds peut causer la mort en quelques minutes. Les effets de l’hypoxie varient aussi en fonction, par exemple, de l’état de santé, de la condition physique, de la consommation de médicaments ou d’alcool, ainsi que de l’activité ou de la ou les tâches en cours et leur incidence sur la fréquence respiratoire.

    Diverses études scientifiques ont fait ressortir les symptômes types de l’hypoxie, mais les résultats varient selon les caractéristiques des participants, l’environnement dans lequel l’essai a lieu et l’essai lui-même. Étant donné la variabilité des résultats de recherche, ainsi que les facteurs décrits ci-dessus, il est impossible de prévoir avec exactitude les effets à une altitude précise. Toutefois, une ascension de 7000 pieds à 15 000 pieds sans apport d’oxygène d’appoint comprend les effets typiques suivants sur la physiologie et les performances humaines :

    • Réactions physiologiques. Chez une personne au repos [traduction], « l’ascension à une altitude de 10 000 pieds [au-dessus du niveau de la mer] produit une chute de la pression partielle d’oxygène dans les alvéoles pulmonaires, mais seulement une légère baisse de la saturation en oxygène de l’hémoglobineR. D. Campbell et M. Bagshaw, Human Performance and Limitations in Aviation, 3e édition, (Blackwell Publishing, 22 février 2002), chapitre 2, section 2.2 : The respiratory and circulation systems, p. 19. ». Par contre, au-dessus de 10 000 pieds, « la saturation en oxygène de l’hémoglobine baisse rapidementIbid. ». Par conséquent, au départ, le corps peut compenser pendant un certain temps le changement de pression d’oxygène à cette altitude. Toutefois, le rythme cardiaque augmente immédiatement d’un petit pourcentage lorsqu’on respire à une altitude supérieure à 6000 pieds ASL et jusqu’à 8000 pieds ASL. À 15 000 pieds, cette augmentation est de 10 à 15 % et elle est accompagnée d’une hausse de la tension artérielle systolique et d’une redistribution du sang, qui délaisse notamment la peau pour se concentrer sur le cœur et le cerveauD. P. Gradwell et D. J. Rainford, Ernsting’s Aviation and Space Medicine, 5e édition (CRC Press, 22 janvier 2016), chapitre 4 : Hypoxia and hyperventilation, p. 56..
    • Dégradation de la performance. Le cerveau consomme normalement une quantité considérable d’oxygène, ce qui fait qu’il est très sensible aux baisses de pression d’oxygène. À mesure que l’altitude augmente, il se produit une dégradation progressive de la capacité de réflexion, de la mémoire, du jugement, de la coordination musculaire et du temps de réactionR. D. Campbell et M. Bagshaw, Human Performance and Limitations in Aviation, 3e édition, (Blackwell Publishing, 22 février 2002), chapitre 2, section 2,2 : The respiratory and circulation systems, p. 23 et 24.. L’ouïe baisse et la vision périphérique se rétrécit au fur et à mesure que le champ visuel s’assombrit. Plus précisément, les tâches inhabituelles sont les plus difficiles à effectuer, mais même les tâches assimilées et répétées deviennent plus laborieusesD. P. Gradwell et D. J. Rainford, Ernsting’s Aviation and Space Medicine, 5e édition (CRC Press, 22 janvier 2016), chapitre 4 : Hypoxia and hyperventilation, p. 59..
    • Difficulté à détecter les symptômes d’hypoxie. Bien que certains effets de l’hypoxie soient plus évidents que d’autres au fur et à mesure que l’altitude de l’aéronef augmente, les changements de la conscience de soi, de la motivation, de la volonté et du bien-être du pilote qui s’opèrent au même moment font qu’il est dans l’incapacité de déceler la dégradation de ses performances. En fait, l’hypoxie peut même rendre le pilote euphorique. Même les effets sur les sens, comme l’assombrissement du champ visuel, pourraient ne devenir détectables qu’une fois que l’individu revient à la normale (après avoir commencé à utiliser de l’oxygène ou être descendu à une altitude moindre)Ibid., p. 59 et 61..

    Tout comme la variabilité des effets de l’hypoxie chez les individus, le temps de récupération peut également être très variable, la normalisation complète des indices physiologiques nécessitant jusqu’à 2 à 4 heures pour revenir aux niveaux d’avant l’exposition hypoxiqueD. M. Shaw, P. M. Bloomfield, A. Benfell, et al. « Recovery from acute hypoxia: A systematic review of cognitive and physiological responses during the ’hypoxia hangover’ », dans PlOS One, Vol. 18 (no 8) (16 août 2023), à https://doi.org/10.1371/journal.pone.0289716 (dernière consultation le 16 octobre 2025)..

    La région du parc national et de réserve de parc national Kluane, dans laquelle RSA offre ses circuits touristiques, abrite les plus hauts sommets du Canada. Plusieurs de ces circuits exigent que l’aéronef monte au-dessus des 10 000 pieds ASL pendant une courte durée. L’altitude exacte requise est dictée quotidiennement par la météo et le circuit à effectuer. Le Cessna U206 étant un aéronef non pressurisé, l’altitude pression à l’intérieur de la cabine est la même que l’altitude pression à laquelle l’aéronef évolue.

    Le MEC de RSA ne fournit aucune directive aux pilotes évoluant au-dessus de 10 000 pieds ASL, et la compagnie ne dispense pas non plus de formation pour les vols à haute altitude à ses pilotes. La réglementationTransports Canada, Normes de service aérien commercial, Norme 723 : Exploitation d’un taxi aérien : Avions, paragraphe 723.98(23) : Formation au vol à haute altitude. n’exige ni directive ni formation pour les opérations effectuées à une altitude inférieure à 13 000 pieds ASL à bord d’aéronefs non pressurisés.

    Cependant, le RAC stipule que :

    605.32 (1) Lorsqu’un aéronef est utilisé à une altitude-pression de cabine supérieure à 10 000 pieds ASL sans dépasser 13 000 pieds ASL, chaque membre d’équipage doit porter un masque à oxygène et utiliser de l’oxygène d’appoint au cours de toute partie du vol effectuée à ces altitudes qui dure plus de 30 minutes.

    (2) Lorsqu’un aéronef est utilisé à une altitude-pression de cabine supérieure à 13 000 pieds ASL, chaque personne à bord doit porter un masque à oxygène et utiliser de l’oxygène d’appoint au cours de la durée du vol à ces altitudesTransports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, paragraphes 605.32(1) et (2)..

    Au cours du vol à l’étude, l’aéronef a volé au-dessus de 10 000 pieds ASL pendant environ 40 minutes. Il est arrivé au lac Lowell à environ 7000 pieds ASL, 11 minutes après avoir franchi 10 000 pieds ASL. Au cours des 30 jours précédant le vol de l’accident, le pilote de l’événement à l’étude avait volé 6 fois à plus de 10 000 pieds ASL pendant plus de 30 minutes à chaque fois et avait dépassé les 13 000 pieds ASL à 2 reprises. L’aéronef n’était pas équipé d’oxygène d’appoint pour ces vols ni pour le vol de l’événement à l’étude.

    2.0 Analyse

    Le pilote de l’événement à l’étude était titulaire de la licence et des qualifications appropriées pour le vol conformément à la réglementation en vigueur, et rien n’indique que la fatigue a nui à sa performance. En outre, rien n’indique qu’un problème mécanique ou qu’une défaillance d’un système a joué un rôle dans l’événement. De plus, les conditions météorologiques n’ont pas été considérées comme un facteur. Par conséquent, l’analyse portera sur les facteurs humains et opérationnels relatifs à l’hypoxie, sur la perte de puissance moteur de l’aéronef, sur le virage à 180° en vue de l’atterrissage et enfin sur la formation.

    2.1 Hypoxie

    La région du parc national et de réserve de parc national Kluane abrite les plus hautes montagnes du pays et connaît des conditions météorologiques pouvant être imprévisibles. Les pilotes de vols touristiques dans cette région doivent ainsi être en mesure d’adapter à la fois leurs trajectoires de vol et l’altitude auxquelles ils effectuent le vol, devant souvent voler à plus de 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL).

    Les effets de l’hypoxie sont par nature insidieux et difficiles à détecter, en particulier lorsque l’hypoxie n’est pas ressentie dans un environnement contrôlé comme une chambre hypobare. La réglementation n’exige pas que les pilotes d’aéronefs non pressurisés utilisés à une altitude inférieure à 13 000 pieds ASL suivent une formation à haute altitude de quelque type que ce soit, dans la mesure où ils sont autorisés à voler à une altitude comprise entre 10 000 et 13 000 pieds ASL pendant un maximum de 30 minutes sans utiliser d’oxygène d’appoint. Les effets de l’hypoxie ne sont pas universels et dépendent de nombreux facteurs, notamment la santé de l’individu, l’altitude et le temps passé à une pression relativement basse. Lors du vol à l’étude, l’aéronef avait volé au-dessus de 10 000 pieds ASL pendant environ 40 minutes et entre 7000 et 10 000 pieds ASL pendant 11 minutes avant d’arriver au lac Lowell.

    Comme le pilote volait fréquemment à des altitudes supérieures à 10 000 pieds ASL pendant de longues périodes sans conséquence, sa perception des risques associés à l’hypoxie était probablement minimisée. Les effets de l’hypoxie sont non seulement variables d’un individu à l’autre, mais ils dépendent également de l’état d’un individu un jour donné. Cette variabilité est également vraie en ce qui concerne la récupération des effets de l’hypoxie. Il est possible que le pilote de ce vol ait souffert, à son insu, des effets de l’hypoxie. Bien qu’il soit difficile d’établir une corrélation causale dans cet événement entre le temps passé au-dessus d’une altitude pression de 10 000 pieds et l’omission de sélectionner le réservoir contenant le plus de carburant au lac Lowell comme prévu à l’origine, il a été démontré que les effets d’un temps prolongé passé en altitude sans oxygène supplémentaire sont préjudiciables à la réflexion, à la mémoire, au jugement, à la coordination musculaire et au temps de réaction. Il est possible que ces effets aient dégradé les capacités cognitives du pilote à son insu au point où il a manqué ses signaux lui indiquant de passer au réservoir de carburant plus plein. Cependant, l’enquête n’a pas trouvé de preuves en la matière.

    Fait établi quant aux risques

    Les pilotes qui utilisent un aéronef non pressurisé au-dessus de 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer au-delà des limites de temps établies dans la réglementation s’exposent à un risque accru de dégradation de leurs fonctions cognitives liée à l’hypoxie, ce qui peut nuire à l’utilisation sécuritaire de l’aéronef.

    2.2 Perte de puissance moteur

    Ni l’exploitant aérien ni le pilote de l’événement à l’étude n’avaient établi de procédure pour déterminer quand changer de réservoir de carburant. Lors du vol à l’étude, le pilote avait décidé de changer de réservoir au-dessus d’un point de repère connu (le lac Lowell), mais pendant la descente de l’altitude de croisière, le sélecteur de réservoir de carburant n’a pas été modifié. Étant donné que l’aéronef a été alimenté par un seul réservoir pendant toute la durée du vol, la liste de vérifications avant atterrissage constituait le dernier rappel officiel de passer au réservoir le plus plein, liste qui aurait été exécutée une fois en approche de la piste.

    Le pilote effectuait régulièrement des processus opérationnels de mémoire plutôt qu’en consultant des listes de vérifications physiques dans le cadre de ses fonctions quotidiennes de pilote, et il comptait sur l’exécution d’une séquence d’actions de mémoire pour accomplir les tâches requises pour piloter. L’un des principaux moyens de défense contre l’omission d’une procédure est l’utilisation d’une liste de vérifications. La liste de vérifications avant atterrissage de l’aéronef indique de passer au réservoir de carburant contenant le plus de carburant avant l’atterrissage. Pour des raisons inconnues, le pilote n’a ni exécuté de mémoire une liste de vérifications avant atterrissage ni utilisé la liste de vérifications physique disponible à bord de l’aéronef à l’étude. Par conséquent, le sélecteur de carburant est resté sur le réservoir vide, ce qui a mené à la perte de puissance moteur en raison de la panne d’alimentation carburant.

    Selon l’analyse de la séquence vidéo filmée par un observateur au sol, l’hélice de l’aéronef était entraînée par le vent relatif pendant les dernières secondes du vol, ce qui indique que le moteur ne produisait pas de puissance pendant la séquence de l’accident. Le moteur de l’aéronef a été examiné par le BST après l’événement à l’étude, et aucune défectuosité antérieure à l’impact n’a été observée. Le carburant a été vidangé des 2 réservoirs de carburant d’aile, et le réservoir de carburant droit contenait moins de carburant que la quantité utilisable restante publiée.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le pilote s’est fié à l’exécution des procédures de mémoire plutôt qu’à l’utilisation d’une liste de vérifications. Ainsi, l’étape de la liste de vérifications avant atterrissage consistant à mettre le robinet sélecteur de carburant sur le réservoir le plus plein a été omise, ce qui a entraîné une perte de puissance moteur en raison de la panne d’alimentation carburant.

    Après la perte de puissance moteur, la pompe carburant auxiliaire n’a pas été mise en marche. Bien que le sélecteur de carburant ait été réglé sur le réservoir contenant le plus de carburant après la perte de puissance moteur, sans l’activation de la pompe carburant auxiliaire, la possibilité d’un redémarrage réussi a été retardée. Lorsqu’une panne d’alimentation carburant se produit parce que le réservoir de carburant sélectionné est à sec, la pompe carburant auxiliaire est essentielle pour redémarrer le moteur une fois que le réservoir opposé contenant encore du carburant est sélectionné.

    En raison des différences existant dans les dossiers de formation, l’enquête n’a pas pu déterminer si le pilote s’était exercé aux procédures de redémarrage pendant sa formation périodique annuelle. Il a toutefois été déterminé que les mesures prises en réponse à la perte de puissance n’avaient pas suivi la procédure de Cessna pour le redémarrage d’un moteur en vol, ce qui a fait échouer la tentative de redémarrage du moteur.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Les mesures prises en réponse à la perte de puissance moteur n’ont pas suivi la procédure du constructeur de l’aéronef pour le redémarrage d’un moteur en vol et, par conséquent, le moteur n’a pas redémarré une fois que le réservoir contenant le plus de carburant a été sélectionné.

    2.3 Virage à 180° en vue de l’atterrissage

    Bien que l’aéronef ait d’abord rencontré un fort vent arrière à l’approche, le pilote s’attendait à ce que le vent diminue tandis que l’aéronef descendait. Une fois qu’il a été décidé que le vent arrière serait trop fort pour atterrir sur la piste en direction est, le plan d’effectuer un circuit à basse altitude pour la piste opposée a été exécuté. L’aéronef est demeuré sous les 500 pieds au-dessus du sol (AGL) pendant l’étape vent arrière. Au cours de cette étape pour un atterrissage sur la piste 23, le moteur de l’aéronef a cessé de produire de la puissance en raison d’une panne d’alimentation carburant.

    Si une urgence survient lorsqu’un aéronef évolue à une hauteur basse et à une vitesse faible, le pilote n’a pas beaucoup de temps et doit décider immédiatement de la marche à suivre. Lorsque le moteur a perdu de la puissance, le pilote de l’événement à l’étude n’a pas réenvisagé d’atterrir droit devant par vent arrière. Il a poursuivi son nouveau plan d’atterrir face au vent, en supposant que le vent arrière serait trop fort pour atterrir droit devant. À ce moment-là, lorsque le moteur s’est arrêté, l’état de faible énergie, la configuration et la hauteur de l’aéronef étaient semblables à ceux d’un aéronef immédiatement après le décollage. Le désir de sauver l’aéronef en atterrissant sur une surface préparée a probablement influencé la décision du pilote de tenter un virage à 180° pour atterrir plutôt que de risquer une sortie en bout de piste et d’endommager l’aéronef en atterrissant droit devant par vent arrière.

    Pendant que le pilote suivait la procédure de redémarrage du moteur, il a opté pour le maintien de l’aéronef à une altitude relativement constante au détriment du maintien de la vitesse avant. Lorsque le pilote a amorcé le virage à 180° pour atterrir, l’aéronef n’avait pas suffisamment de hauteur ni de vitesse pour effectuer le virage.

    L’aéronef a amorcé le virage à 180° en vue de l’atterrissage quand il était à une distance horizontale de 600 pieds de l’axe de piste et d’où il aurait nécessité un angle d’inclinaison prononcé pour effectuer le virage et s’aligner sur l’axe de piste. Lorsque l’angle d’inclinaison de l’aéronef a augmenté, la portance nécessaire a également augmentée, et l’aéronef a commencé à perdre de l’altitude pour compenser le manque de portance requis. Le klaxon de l’avertisseur de décrochage de l’aéronef s’est mis à retentir dès l’amorce du virage et a continué de retentir pendant le reste du vol. Lorsque l’aéronef a atteint son angle d’inclinaison maximal dans le virage, il a montré des signes caractéristiques d’une situation où l’aile a dépassé son angle d’attaque critique. L’aéronef a décroché à une hauteur et dans une assiette à partir desquelles une récupération était impossible.

    Fait établi quant aux causes et facteurs contributifs

    Après la perte de puissance, le pilote a amorcé un virage à 180° vers la piste souhaitée qui nécessitait un angle d’inclinaison prononcé. Ce virage serré a entraîné un décrochage aérodynamique accéléré à une hauteur trop basse pour permettre une récupération, si bien que l’aéronef a percuté le terrain.

    2.4 Pilote instructeur

    Le Règlement de l’aviation canadien (RAC) et les normes connexes définissent les exigences minimales en matière de formation. La réglementation n’exige pas que les pilotes dispensant de la formation aient de l’expérience sur le type d’aéronef en question, dans la mesure où le type d’aéronef est couvert par une qualification de type général. Il est peu probable qu’un nouveau pilote désigné comme pilote instructeur qui n’a pas d’expérience sur le type d’aéronef utilisé pour la formation d’un pilote soit conscient des particularités du type d’aéronef en question ou de ses performances en cas d’urgence. De plus, il est possible qu’un nouveau pilote désigné comme pilote instructeur qui n’a pas d’expérience opérationnelle ou d’expérience de l’instruction ne couvre pas tous les exercices requis pour la réussite d’une vérification de compétence pilote (VCP).

    Il a été déterminé que le pilote qui avait dispensé la formation au pilote de l’événement à l’étude avait fait son premier vol à bord d’un Cessna U206G plus tôt le jour même où il a effectué la VCP du pilote de l’événement à l’étude. Le Flight Training Form [formulaire de formation en vol] du pilote de l’événement a été rempli après le vol, et de nombreux exercices obligatoires ont été marqués comme ayant uniquement fait l’objet d’un exposé.

    Faits établis quant aux risques

    Lorsqu’un nouveau pilote ou un pilote non formé se voit confier des tâches de pilote instructeur alors qu’il n’a aucune expérience sur le type d’aéronef et aucune expérience de la formation, il y a un risque que des éléments essentiels de formation ne soient pas enseignés à un niveau acceptable.

    La disponibilité de simulateurs certifiés pour les petits aéronefs exploités en vertu de la sous-partie 703 du RAC est limitée, et la formation à bord d’un aéronef en vol rend difficiles la représentation et l’exécution exactes des simulations d’urgences de manière sûre et réaliste. Les urgences qui ne peuvent pas être simulées en toute sécurité (comme les décollages interrompus) font l’objet d’un exposé au lieu d’être exécutées. Dans ce cas, le pilote instructeur interroge le candidat sur une urgence, écoute sa réponse, puis marque cet élément comme ayant fait l’objet d’un exposé sur le formulaire de formation. S’il n’exécute pas physiquement les procédures d’urgence, le candidat perd l’occasion de s’exercer à exécuter cette procédure et d’améliorer sa mémoire musculaire pour savoir réagir en cas d’urgence réelle.

    Transports Canada (TC) exige que, pendant une VCP, à l’exception des décollages interrompus qui peuvent faire l’objet d’un exposé, tous les éléments de l’annexe I de la Norme de service aérien commercial 723 doivent être exécutés de façon à démontrer la compétence de pilotage du pilote. De plus, au moins 2 pannes moteur doivent être simulées au cours du vol. L’exploitant aérien de l’événement à l’étude avait compris que l’exigence de simulation de 2 pannes moteur ne s’appliquait pas aux aéronefs monomoteurs.

    L’enquête a révélé qu’il y avait un décalage entre ce qui avait été consigné sur le formulaire de formation, ce que le pilote de l’événement se souvenait avoir fait pendant sa formation et ce que le pilote instructeur croyait qui avait été effectué. Selon le formulaire de formation du pilote de l’événement à l’étude, les décrochages étaient les seules urgences qui avaient été exécutées. Toutes les autres urgences, y compris les approches forcées, avaient fait l’objet d’un exposé. Cependant, l’enquête n’a pas pu déterminer si des simulations de pannes moteur avaient été exécutées lors de la VCP du pilote de l’événement à l’étude en raison de ce décalage et de l’absence de données cohérentes. L’enquête n’a pas non plus réussi à déterminer quand le pilote avait, pour la dernière fois, effectué une simulation d’approche forcée ou une procédure de redémarrage du moteur en vol.

    Fait établi quant aux risques

    Si les exploitants aériens comptent uniquement sur la tenue d’exposés au sol pour la formation relative aux urgences, il y a un risque que des procédures soient mal exécutées ou oubliées au cours d’une urgence.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des facteurs qui ont causé l’événement ou qui y ont contribué.

    1. Le pilote s’est fié à l’exécution des procédures de mémoire plutôt qu’à l’utilisation d’une liste de vérifications. Ainsi, l’étape de la liste de vérifications avant atterrissage consistant à mettre le robinet sélecteur de carburant sur le réservoir le plus plein a été omise, ce qui a entraîné une perte de puissance moteur en raison de la panne d’alimentation carburant.
    2. Les mesures prises en réponse à la perte de puissance moteur n’ont pas suivi la procédure du constructeur de l’aéronef pour le redémarrage d’un moteur en vol et, par conséquent, le moteur n’a pas redémarré une fois que le réservoir contenant le plus de carburant a été sélectionné.
    3. Après la perte de puissance, le pilote a amorcé un virage à 180° vers la piste souhaitée qui nécessitait un angle d’inclinaison prononcé. Ce virage serré a entraîné un décrochage aérodynamique accéléré à une hauteur trop basse pour permettre une récupération, si bien que l’aéronef a percuté le terrain.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des facteurs dans l’événement qui présentent un risque pour le système de transport. Ces facteurs peuvent, ou non, avoir causé l’événement ou y avoir contribué, mais ils pourraient présenter un risque dans le futur.

    1. Les pilotes qui utilisent un aéronef non pressurisé au-dessus de 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer au-delà des limites de temps établies dans la réglementation s’exposent à un risque accru de dégradation de leurs fonctions cognitives liée à l’hypoxie, ce qui peut nuire à l’utilisation sécuritaire de l’aéronef.
    2. Lorsqu’un nouveau pilote ou un pilote non formé se voit confier des tâches de pilote instructeur alors qu’il n’a aucune expérience sur le type d’aéronef et aucune expérience de la formation, il y a un risque que des éléments essentiels de formation ne soient pas enseignés à un niveau acceptable.
    3. Si les exploitants aériens comptent uniquement sur la tenue d’exposés au sol pour la formation relative aux urgences, il y a un risque que des procédures soient mal exécutées ou oubliées au cours d’une urgence.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Rocking Star Adventures Ltd.

    À la suite de l’accident, Rocking Star Adventures Ltd. (RSA) a suspendu tous ses vols jusqu’à ce qu’un examen interne de l’événement soit fait. La compagnie a effectué sa propre enquête de sécurité interne, qui a mis à jour plusieurs processus et procédures pouvant être améliorés, et a alors mis en place les mesures suivantes :

    • Avant la reprise des vols, un instructeur de vol certifié possédant de l’expérience de vol sur le type d’aéronef et dans la région du parc national et de réserve de parc national Kluane a donné de la formation supplémentaire à tous les pilotes.
    • Les simulations d’urgences sont dorénavant assorties d’une note d’évaluation sur le Flight Training Form [formulaire de formation en vol].
    • Les listes de vérifications de l’aéronef ont été ajoutées à l’organiseur électronique de poste de pilotage (EFB).
    • Une formation sur le vol à haute altitude a été ajoutée au programme de formation annuelle.
    • Les pilotes doivent dorénavant isoler l’interphone de bord quand l’aéronef se trouve dans un rayon de 5 milles marins (NM) autour de l’aérodrome pour éviter les distractions en vol.
    • Les pilotes ne sont plus autorisés à effectuer des approches directes en vue de l’atterrissage.
    • L’avionique de bord a été réglée pour rappeler aux pilotes toutes les 30 minutes de vérifier le carburant.
    • Le contrôle de la masse et du centrage a été modifié et comprend à présent la masse réelle des passagers.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 8 octobre 2025. Le rapport a été officiellement publié le 30 octobre 2025.